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Date : 20010126

Dossier : IMM-2172-00

OTTAWA (Ontario), le 26 janvier 2001

EN PRÉSENCE DE : M. le juge Rouleau

ENTRE :

                                           FANG CHEN

                                                                               demanderesse

ET

    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                        défendeur

                                        ORDONNANCE

[1] La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

P. ROULEAU                         

    JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010126

Dossier : IMM-2172-00

ENTRE :

                                           FANG CHEN

                                                                               demanderesse

ET

    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                        défendeur

                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]    La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de Carole Courchesne, une agente d'immigration à l'ambassade du Canada à Beijing, République populaire de Chine (ci-après l'agente d'immigration). Dans cette décision datée du 28 mars 2000, l'agente d'immigration rejette la demande de Fang Chen (ci-après la demanderesse) pour obtenir un visa d'étudiant canadien, au motif que la demanderesse ne l'a pas convaincue qu'à la fin des études qu'elle se propose de faire elle a l'intention de revenir en République populaire de Chine, ou qu'elle a personnellement ou peut obtenir de son parrain les sommes nécessaires à défrayer ses dépenses lors de son séjour au Canada.

[2]    En octobre 1999, la demanderesse a présenté une demande d'autorisation d'études pour venir étudier pendant une année dans un collège de Vancouver, en Colombie-Britannique.

[3]    L'agente d'immigration a conclu, au vu des études et des antécédents de travail de la demanderesse, que son projet d'études tel qu'exposé n'était pas raisonnable.

[4]    L'agente d'immigration a aussi conclu que la demanderesse n'avait pas présenté une preuve crédible quant à la disponibilité des sommes nécessaires pour financer ses études. Elle n'était pas non plus convaincue qu'elle pourrait obtenir les sommes en cause durant son séjour d'études au Canada.

[5]    Au vu de la preuve, l'agente d'immigration a aussi déclaré qu'elle n'était pas convaincue que la demanderesse était véritablement un visiteur au Canada.

[6]    La demande présentée par la demanderesse a été rejetée le 14 mars 2000.


[7]                La question que je dois trancher consiste à savoir si l'agente d'immigration a commis une erreur en évaluant le projet d'études de la demanderesse, ainsi que sa situation financière et son intention de revenir en République populaire de Chine.

[8]                La demanderesse soutient que l'agente d'immigration a commis une erreur en interprétant l'article 9(1.2) de la Loi sur l'immigration comme voulant dire qu'une demande de séjour temporaire au Canada peut être rejetée si l'agente d'immigration n'est pas convaincue que la demanderesse n'a pas l'intention d'immigrer au Canada. L'article 9(1.2) ne veut pas dire qu'une intention d'immigrer au Canada est une raison valable de refuser une demande de visa temporaire, mais plutôt que l'intention de demeurer illégalement au Canada à l'expiration du visa temporaire peut être un motif de refus de la demande. L'agente d'immigration n'avait qu'à examiner si la demanderesse avait ou non un objectif valable pour venir au Canada de façon temporaire. Au vu des déclarations et des documents versés au dossier, il était déraisonnable de conclure que la demanderesse resterait illégalement au Canada à l'expiration de son visa d'étudiant.


[9]                La demanderesse soutient de plus que la conclusion de l'agente d'immigration qui porte que son projet d'études n'est pas raisonnable n'est pas fondée sur ses études ou sur ses antécédents d'emploi. Au contraire, le fait qu'elle n'a pas fait d'études supérieures après l'école secondaire et qu'elle n'a jamais détenu de poste prestigieux ou exercé une carrière professionnelle vient appuyer son intention de faire des études au Canada pour obtenir le niveau d'éducation nécessaire à l'exercice d'une profession en Chine, là où elle serait près de ses parents.

[10]            La demanderesse soutient que l'agente d'immigration a commis une erreur en ne l'informant pas des préoccupations qu'elle avait au sujet de sa demande, qui portaient notamment sur son intention de retourner en Chine ou sur sa situation financière, et en ne lui donnant pas l'occasion de la convaincre que ses préoccupations n'étaient pas fondées.

[11]            Le défendeur soutient que la norme de contrôle d'une décision d'un agent d'immigration de ne pas accorder une autorisation d'études est celle de la décision manifestement déraisonnable.


[12]            Le défendeur soutient que la demanderesse n'a pas apporté une preuve crédible qu'elle avait les sommes nécessaires pour financer ses études. Bien qu'une certaine preuve quant aux sommes en cause ait été présentée, il n'y avait pas de preuve crédible quant à leur source. Les renseignements financiers ne démontraient pas que les parents de la demanderesse avaient accumulé les fonds en question au fil des ans. On n'a pu expliquer l'existence de dépôts récents et importants. Rien n'est venu expliquer les dépôts faits en dollars américains. Les états d'intérêts soumis ne portaient pas le cachet de la banque. On n'a pas non plus fourni de traduction anglaise d'un contrat ou de toute autre preuve portant sur la vente de la société de son père. De plus, le revenu déclaré de son père était de 30 000 RMB (approximativement 5 357 $CAN). L'agente d'immigration n'était pas convaincue que la demanderesse aurait les fonds nécessaires pendant toutes ses études au Canada.

[13]            Le défendeur soutient qu'au vu de la preuve présentée, l'agente d'immigration est arrivée aux conclusions de fait raisonnables suivantes :

a) Lors de la présentation de sa demande, la demanderesse avait 22 ans. Elle avait terminé son cours secondaire en 1995, sans faire d'autres études au cours des cinq années qui ont suivi;

b) La demanderesse était acceptée par le Pattison College de Vancouver (C.-B.), dans un programme combiné d'études d'anglais et d'administration des affaires, pour une période initiale d'une année;

c) Elle avait travaillé comme caissière dans une société de produits aquatiques pendant une période de cinq mois en 1995. De février 1996 à janvier 1998, elle était à l'emploi d'une usine d'électronique;


d) Rien n'a été déposé en preuve portant qu'elle avait travaillé ou étudié entre janvier 1998 et mars 1999;

e) De mars 1999 jusqu'au dépôt de sa demande, elle a déclaré qu'elle était vendeuse pour une société immobilière. Toutefois, elle n'a fourni aucune lettre d'emploi et son passeport, établi le 26 juillet 1999, porte que son occupation est celle d' « agricultrice » ;

f) Elle déclare que l'objectif de son séjour au Canada est d'étudier l'anglais comme langue seconde, ainsi que l'administration d'affaires, dans ce qu'elle déclare être un programme d'une année. Son objectif de carrière est d'être directrice des ventes auprès d'une compagnie internationale dans la ville où elle réside.

[14]            Ces conclusions de fait ont amené l'agente d'immigration à conclure que la demanderesse n'était pas vraiment un visiteur au Canada.


[15]            Le défendeur soutient de plus que la demanderesse déclare dans sa demande qu'elle a l'intention de séjourner au Canada pendant une année. Toutefois, la lettre d'acceptation du Pattison College porte sur une période initiale d'une année, ce qui laisse supposer que le programme dure plus qu'une année. Le défendeur soutient que non seulement l'agente d'immigration a bien évalué le cas, mais que la demanderesse n'avait pas dit toute la vérité dans sa demande.

[16]            Le défendeur soutient que la question de l'intention de demeurer au Canada est exprimée directement dans la Loi et les Règlements, dont les demandeurs peuvent prendre connaissance afin d'établir, à la satisfaction d'un agent d'immigration, qu'ils répondent aux critères énoncés et que leur admission au Canada ne serait pas contraire à la Loi. De plus, la trousse de demande explique les exigences qui s'imposent à un demandeur, ainsi que la documentation qui doit être fournie à l'appui d'une demande. Par conséquent, on ne peut parler d'un manque d'équité dans le processus. Aucune preuve extrinsèque n'a été utilisée dans l'évaluation, ce qui fait qu'on peut distinguer les affaires Muliadi et Basco citées par la demanderesse.

[17]            La demanderesse sollicite la délivrance d'un bref de certiorari annulant la décision, ainsi que d'un bref de mandamus exigeant que le défendeur traite la demande d'autorisation d'études de la demanderesse favorablement, ou que l'affaire soit renvoyée à un agent d'immigration différent pour nouvel examen.

[18]            Selon moi, l'intégrité du dossier de l'agente d'immigration est compromise du fait que le défendeur n'a pas fourni de copie certifiée de tout le dossier dont l'agente d'immigration était saisie en l'instance.


[19]            Bien que la demanderesse a présenté l'affidavit de Echo Hu, où l'on trouve en annexe une pièce qui reproduirait la documentation attachée à sa demande, ce que le défendeur ne conteste pas, je suis d'avis que la Cour ne peut être certaine d'être saisie d'un dossier exact et complet.

[20]            Étant donné que le présent contrôle judiciaire porte principalement sur l'évaluation que l'agente d'immigration a fait de la situation financière de la demanderesse, le fait que le défendeur ne peut présenter un dossier certifié complet avec tous les documents dont l'agente d'immigration était saisie oblige la Cour à conclure, comme l'a fait le juge Sharlow dans Hagona c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] J.C.F. no 1378 (QL), qu'il n'y a aucun fondement probatoire pour conclure que la demanderesse, ou son parrain, n'avait pas les ressources nécessaires pour faire face à ses dépenses au Canada.

[21]            Subsidiairement, si j'accepte que la documentation annexée à l'affidavit de Echo Hu est une copie exacte et complète du dossier, j'en arrive à la conclusion qu'il y a beaucoup de preuves que les fonds nécessaires étaient disponibles pour payer les dépenses de la demanderesse au Canada, contrairement à ce que l'agente d'immigration a conclu.


[22]            Au vu de ce qui précède, la demande est accueillie et la question est renvoyée à un agent des visas différent pour nouvel examen.

P. ROULEAU                         

    JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 26 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                              IMM-2172-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Fang Chen c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 16 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                                   26 janvier 2001

ONT COMPARU

M. Rudolf Kischer                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Mme Emilia Pech                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Rudolf Kischer                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (C.-B.)

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DÉFENDEUR

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