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     Date: 19980401

     Dossier: T-195-94

Entre:

     VISX INCORPORATED,

     demanderesse,

     - et -

     NIDEK CO., LTD.,

     707284 ONTARIO INC. faisant affaires sous le nom

     d'INSTRUMED CANADA, DR HOWARD GIMBEL et DR DONALD JOHNSON,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience le lundi 30 mars 1998,

à Toronto (Ontario), et révisés)

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      Je suis saisi de l'appel d'une ordonnance rendue le 6 mars 1998 par le protonotaire adjoint Giles, par laquelle il rejetait la requête présentée par la défenderesse Nidek pour être relevée de la règle de l'engagement tacite. Cette règle interdit d'utiliser les documents obtenus au cours du processus de communication à des fins autres que celles de l'instance pour laquelle ils ont été communiqués. Nidek veut être relevée de cette obligation afin de transmettre certains de ces documents aux avocats de Nidek au Royaume-Uni pour les fins d'une action intentée dans ce pays entre les mêmes parties et concernant des questions similaires.

[2]      Le juge des requête appelé à statuer sur l'appel formé contre une décision discrétionnaire du protonotaire ne doit intervenir que si la décision est entachée d'erreur flagrante découlant de l'application d'un principe erroné ou d'une mauvaise appréciation des faits (ou si elle a une influence déterminante sur l'issue de l'affaire, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce) (voir Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), à la p. 463; 1 C.T.C. 186, à la p. 207).

[3]      Il faut d'abord déterminer si le protonotaire a appliqué un principe erroné. Les principes applicables en matière d'exemption de la règle de l'engagement tacite sont énoncés dans l'arrêt Goodman c. Rossi (1995), 24 O.R. (3d) 359 (C.A.), à la p. 377, sous la plume du juge en chef adjoint Morden :

     [TRADUCTION]         
         Les critères à appliquer pour statuer sur l'exemption de la règle de l'engagement tacite constituent un élément important de la règle elle-même. Dans la décision Crest Homes plc v. Marks, [1987] 2 All E.R. 1074, lord Oliver, s'exprimant au nom de la chambre des lords, a expliqué que la jurisprudence relative à cette question [TRADUCTION] "se borne à établir le principe général suivant, savoir que les tribunaux n'accepteront de relever une partie de l'engagement tacite découlant de la communication ou de modifier cet engagement que dans des circonstances particulières et lorsque l'exemption ou la modification ne causera aucune injustice à la partie qui procède à la communication".         

À la page 378, lord Oliver ajoute :

     [TRADUCTION]         
         Pour les fins de la présente espèce, j'incline à considérer que le critère applicable est plus large que l'énoncé qui en est fait dans la décision Crest Homes et qu'il tolère l'infliction d'une certaine injustice à la partie qui procède à la communication lorsque celle qui résulterait, pour la partie à qui la communication est faite, de l'impossibilité d'utiliser les documents communiqués serait plus grande encore.         

Voici, en résumé, les facteurs à prendre en considération :

     1.      l'existence de circonstances particulières;
     2.      la pondération de l'injustice que subirait chaque partie par suite de l'octroi ou du refus de l'exemption.

Dans son ordonnance, le protonotaire adjoint Giles a dit, à la p. 2 :

     [TRADUCTION]         
         Si, devant les tribunaux anglais, il est possible d'exiger les documents des sources auprès desquelles ils ont été obtenus au Canada, il n'est pas nécessaire d'accorder une exemption de la règle de l'engagement tacite applicable ici. Si les documents ne sont pas exigibles en Angleterre, je ne vois aucune circonstance particulière autorisant la Cour à accorder ici l'exemption.         

[4]      Le protonotaire a tenu compte de l'exigence des circonstances particulières et a conclu à l'absence de circonstances justifiant de relever Nidek de l'engagement tacite. L'avocat de Nidek a prétendu que la similitude ou la similarité des parties et des questions en cause en l'espèce et dans la poursuite intentée au Royaume-Uni constitue une circonstance particulière. Il a soutenu également que les documents provenaient des États-Unis, où il n'existe pas de règle relative à l'engagement tacite, et qu'ils sont déposés comme documents publics dans ce pays. Toutefois, la question de savoir si ces éléments constituent des circonstances particulières relève de l'appréciation discrétionnaire du protonotaire, et il n'appartient pas au juge des requêtes d'intervenir dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Le protonotaire, ayant examiné s'il existait des circonstances particulières, n'a pas fondé sa décision sur un principe erroné.

[5]      Le protonotaire, puisqu'il avait conclu à l'absence de circonstances particulières, n'avait pas à examiner la question de l'injustice subie par chaque partie. Il a toutefois pris en considération qu'il existe une procédure de communication de documents au Royaume-Uni. La Cour disposait d'éléments de preuve établissant que les défendeurs s'étaient prévalus de certains éléments de cette procédure. Du point de vue de la pondération de l'injustice causée à chaque partie, il appert donc que Nidek ne subira aucun préjudice manifeste si elle n'est pas relevée de l'engagement tacite.

[6]      Il n'appert pas non plus que le protonotaire ait mal apprécié les faits. Les documents en cause proviennent des États-Unis; Nidek soutient qu'ils ont été déposés dans une action en revendication de brevet. Comme je l'ai déjà mentionné, Nidek affirme qu'il n'existe pas de règle relative à l'engagement tacite aux États-Unis. Les avocats de la demanderesse ne croient pas que les documents ont été déposés dans le cadre de la poursuite intentée aux États-Unis. Lorsque cette question a fait l'objet d'un débat, ils ont tenté de vérifier, mais ont été incapables d'obtenir des renseignements précis au sujet des documents déposés aux États-Unis. Nidek soutient qu'elle a tenté d'obtenir les documents du bureau des brevets américain, mais qu'elle n'y est pas parvenue. Elle reconnaît que ce peut être parce qu'ils n'ont jamais été déposés. Le protonotaire n'a pas mentionné expressément la source des documents et n'a pas indiqué non plus s'il croyait ou non qu'ils avaient été déposés au bureau américain des brevets. Toutefois, s'ils ont bien été déposés au bureau américain des brevets et si aucune règle relative à l'engagement tacite ne s'applique aux États-Unis, les avocats de Nidek au Royaume-Uni pourraient les obtenir directement de cette source. Par ailleurs, s'ils n'ont pas été déposés, ils ne sont donc pas publics aux États-Unis, et le fait qu'il n'existe pas de règle relative à l'engagement tacite dans ce pays n'est pas pertinent.

[7]      Je conclus que le protonotaire n'a pas fondé sa décision sur une mauvaise appréciation des faits ou sur un principe erroné.

[8]      L'appel est rejeté.

                             "Marshall Rothstein"                                      Juge

Toronto (Ontario)

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-195-94
INTITULÉ :                      VISX INCORPORATED,

                         -et-

                         NIDEK CO., LTD. et
                         707284 ONTARIO INC. faisant affaires sous le nom d'INSTRUMED CANADA, DR HOWARD GIMBEL et DR DONALD JOHNSON,
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 30 MARS 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU 1ER AVRIL 1998

COMPARUTIONS :

M. Gregory A. Piasetzki      pour la demanderesse

M. Chan

M. Arthur B. Renaud      pour les défendeurs

     - 2 -

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Piasetzki & Nenniger

120, rue Adelaide Ouest

Pièce 2308

Toronto (Ontario)

M5H 1T1      pour la demanderesse

Sim, Hughes, Ashton & McKay

330, avenue University, 6e étage

Toronto (Ontario)

M5G 1R7      pour les défendeurs

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