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Date : 20200313

Dossier : T-377-16

Référence : 2020 CF 379

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 mars 2020

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

BIOFERT MANUFACTURING INC.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

AGRISOL MANUFACTURING INC. ET BIOFERT NA MANUFACTURING INC., FAISANT AFFAIRE COLLECTIVEMENT SOUS LE NOM DE BIOFERT, TAHIR MAHMOOD, AMARAN TYAB, SAIF MAHMOOD, ET FARRAH MAHMOOD

défendeurs/

demandeurs reconventionnels

 

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction  3

II. Contexte  4

A. Les parties  4

B. Les actes de procédure  6

C. Représentation juridique  8

III. Questions préliminaires  9

A. Aveux des défendeurs  9

B. Nouveaux éléments de preuve de M. Tahir  11

C. Utilisation de la transcription de la Cour suprême de la Colombie-Britannique (« CSCB ») pour mettre en doute la crédibilité de témoins opposés  13

D. Témoignage de M. Yasir Syed  15

IV. Questions en litige  18

V. Preuve  19

A. Témoins  19

(1) Témoins de la demanderesse  19

(2) Témoins des défendeurs  23

B. Brève chronologie des événements  24

(1) Création de l’ancienne société BioFert  24

(2) La faillite de l’ancienne société BioFert et le transfert des actifs  27

(3) Activités commerciales des défendeurs à la fin de l’année 2015 et au début de l’année 2016  29

(4) Foire agricole du Pacifique de 2016  32

(5) Les effets des activités d’Agrisol  34

VI. Analyse  35

A. Les défendeurs ont-ils violé un ou plusieurs articles de la Loi sur les marques de commerce?  35

(1) Le droit relatif à l’usurpation de marques de commerce  35

(2) Arguments relatifs à l’usurpation de marques de commerce  37

(3) Analyse de l’usurpation de marques de commerce  40

(4) Violations alléguées qui n’ont pas été prouvées selon la prépondérance des probabilités  61

B. Les défendeurs ont-ils violé le droit d’auteur de la demanderesse, contrairement aux articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur?  63

(1) Propriété du logo  65

(2) Propriété de la page [traduction] « À notre sujet »  68

(3) Les défendeurs ont reproduit sans autorisation les deux œuvres protégées par le droit d’auteur. 69

C. Les deux sociétés défenderesses doivent-ils être tenues solidairement responsables?  70

D. L’un des quatre défendeurs individuels est-il personnellement responsable du comportement illicite des sociétés défenderesses?  71

(1) M. Tahir  72

(2) Mme Farrah  74

(3) M. Saif  76

(4) M. Amaran  78

E. Demande reconventionnelle : la marque 894 devrait-elle être déclarée invalide parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des produits vendus par la demanderesse?  80

VII. Dommages-intérêts et réparations  82

A. Dommages-intérêts compensatoires  83

(1) Première méthode proposée par la demanderesse  85

(2) Deuxième méthode proposée par la demanderesse  99

(3) Montant des dommages-intérêts compensatoires  100

B. Dommages-intérêts préétablis pour violation de la Loi sur le droit d’auteur  106

C. Dommages-intérêts punitifs et exemplaires  108

D. Jugement déclaratoire et injonction  116

VIII. Dépens  117

I.  Introduction

[1]  La demanderesse, BioFert Manufacturing Inc., a intenté la présente action pour violation du droit d’auteur et usurpation de marques de commerce contre deux sociétés et quatre personnes ayant joué un rôle dans les sociétés. Le différend est survenu après la faillite, en 2015, d’une société remplacée appelée BioFert Manufacturing et la vente par le syndic de ses actifs à la demanderesse.

[2]  L’une des âmes dirigeantes de l’ancienne société BioFert, M. Tahir Mahmood, faisait partie d’un groupe qui a déposé une offre pour les actifs de la société en faillite. Lorsque l’offre de son groupe a été refusée, lui et d’autres personnes ont constitué deux nouvelles sociétés d’engrais : Agrisol Manufacturing Inc. (Agrisol) et BioFert NA Manufacturing Inc. (BNA). Il est allégué qu’Agrisol, BNA et les quatre défendeurs individuels ont fait passer leur entreprise pour celle de la demanderesse et ont usurpé des marques de commerce et des œuvres protégées par le droit d’auteur appartenant à la demanderesse.

II.  Contexte

A.  Les parties

[3]  Étant donné que trois défendeurs individuels portent le même nom de famille, Mahmood, et que plusieurs sociétés portant le nom « BioFert » sont mentionnées, il est utile de fournir une brève description des parties.

[4]  La demanderesse, BioFert Manufacturing Inc. (la « nouvelle société BioFert » ou la « demanderesse »), est une société de la Colombie-Britannique. Il s’agit d’une filiale d’une plus grande société agricole appelée « Terralink Horticulture Inc. » (« Terralink »). Terralink a son siège social à Abbotsford, ainsi que des bureaux à Delta, à Chilliwack et à Calgary (Stan Loewen, page 180; toutes les références aux numéros de page renvoient à la transcription du procès, sauf indication contraire).

[5]  Terralink a constitué sa nouvelle filiale en juin 2015 afin d’acquérir les actifs de sa concurrente en faillite, BioFert Manufacturing Inc. (l’« ancienne société BioFert »), du séquestre de l’ancienne société BioFert. Après l’acquisition par Terralink des actifs de l’ancienne société BioFert au milieu de l’année 2015, l’ancienne société BioFert a modifié son nom pour « 6703551 CANADA INC. ». L’ancienne société BioFert n’est pas partie à la présente affaire.

[6]  La société défenderesse, Agrisol, est une société de la Colombie-Britannique qui a été constituée en société le 15 juillet 2015.

[7]  L’autre BioFert – la société défenderesse BioFert NA Manufacturing –, dont les défendeurs individuels sont actionnaires, sera appelée « BNA ». BNA est une société de la Colombie-Britannique ayant les mêmes actionnaires qu’Agrisol. BNA a été constituée en société le 26 août 2015. Cependant, en 2016, elle a mis fin à ses activités et son nom a été modifié pour « 1047090 B.C. Ltd. ». Il existe d’autres sociétés BioFert dans d’autres pays et, lorsqu’on y fait référence, ces autres sociétés seront explicitement décrites par le pays figurant dans le registre de leur société.

[8]  Ensemble, Agrisol et BNA seront appelés les « sociétés défenderesses ».

[9]  Le président-directeur général (PDG) des sociétés défenderesses est M. Tahir Mahmood. Son épouse, Mme Farrah Mahmood, était directrice et actionnaire à 50 % de chacune des sociétés défenderesses. M. Saif Mahmood est plus tard devenu directeur général, et il détenait 20 % des actions de chaque société. M. Saif n’a aucun lien de parenté avec Mme Farrah ou M. Tahir. Le troisième directeur, M. Amaran Tyab, détient les 30 % restants des actions des deux sociétés défenderesses depuis octobre 2015.

[10]  Par souci de clarté et de simplicité – sans vouloir manquer de respect aux défendeurs individuels –, les prénoms de M. Saif Mahmood, de Mme Farrah Mahmood et de M. Amaran Tyab seront utilisés dans les présents motifs. Afin d’éviter toute confusion, il convient de souligner qu’il y a eu un témoignage au sujet de M. Saif, qui était le collègue des défendeurs chez l’ancienne société BioFert. M. Saif n’est pas partie à la présente action. De plus, il y a un deuxième M. Mahmood. M. Tariq Mahmood a participé aux activités de la société et est parfois appelé M. Mahmood. M. Tariq Mahmood est le frère de M. Tahir Mahmood. Pour maintenir une certaine clarté, dans les présents motifs, M. Tahir Mahmood sera appelé « M. Tahir » et on appellera M. Tariq Mahmood par son nom complet.

B.  Les actes de procédure

[11]  La demanderesse est la propriétaire de la marque de commerce canadienne no LMC 854 894 (la « marque 894 »). La demanderesse affirme que, en 2015, lors de l’achat d’actifs du séquestre de l’ancienne société BioFert, elle a acquis l’ensemble de la propriété intellectuelle, y compris : la marque 894; le droit d’auteur à l’égard du logo; le droit d’auteur à l’égard de la section [traduction« À propos de nous » sur le site Web de l’ancienne société BioFert; les marques de commerce des produits; le nom « BioFert »; et tous les noms de domaine et les adresses courriel connexes.

[12]  La demanderesse affirme que ses droits sur sa marque de commerce et son droit d’auteur ont été violés par les défendeurs lorsque les défendeurs individuels ont constitué BNA en société et ont commencé à employer le nom et les marques de commerce de BioFert en liaison avec les activités d’Agrisol. La demanderesse souligne le fait que les défendeurs ont utilisé le nom de domaine « BioFert.net », qui a dû être récupéré dans le cadre d’instances distinctes, ainsi que des déclarations faites dans des documents publicitaires qui ont causé de la confusion. Selon la demanderesse, ces activités étaient contraires à la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13, à la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42, et à la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34. Elle a demandé des déclarations, des injonctions, des dépens et des dommages-intérêts, y compris des dommages-intérêts préétablis aux termes de la Loi sur le droit d’auteur et des dommages-intérêts punitifs pour remédier à la situation.

[13]  Au procès, la demanderesse a laissé tomber son argument concernant l’alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce, qui se rapporte à la substitution de produits commandés ou demandés. La demanderesse a également laissé tomber son allégation fondée sur la Loi sur la concurrence, qui portait sur des déclarations trompeuses sur le marché. Il reste donc cinq allégations que la Cour doit examiner : usurpation de marques de commerce (article 20 de la Loi sur les marques de commerce), commercialisation trompeuse (alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce), description trompeuse de produits (alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce), dépréciation de l’achalandage (article 22 de la Loi sur les marques de commerce) et violation du droit d’auteur (articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur).

[14]  Les défendeurs nient l’usurpation de la marque de commerce et la violation du droit d’auteur, et, plus particulièrement, nient avoir jamais eu le contrôle du nom de domaine « BioFert.net » après son expiration. Ils affirment aussi que, dès qu’ils ont reçu la mise en demeure, ils ont mis fin à toutes les activités mentionnées dans celle-ci avant que la Foire agricole du Pacifique ne soit ouverte au public, le lendemain. Ils soutiennent par ailleurs que la demanderesse ne jouit pas d’un achalandage attaché aux marques de commerce, que la demanderesse n’est pas la propriétaire des œuvres protégées par le droit d’auteur, que BNA n’a jamais réalisé de ventes et que la demanderesse n’a subi aucune perte. Les défendeurs ont présenté une demande reconventionnelle contre la demanderesse, alléguant que la marque déposée devrait être radiée parce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse des produits de la demanderesse.

[15]  Une ordonnance de confidentialité a été rendue le 2 juin 2017, mais les parties ont convenu au début de l’audience qu’elle n’était plus nécessaire (pages 24 et 25).

C.  Représentation juridique

[16]  Chacun des défendeurs s’est fondé sur la nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée déposée par leurs avocats initiaux. Cependant, après une série de changements d’avocat, en 2018, les quatre défendeurs individuels ont déclaré qu’ils agiraient désormais pour leur propre compte. Les sociétés défenderesses étaient toujours représentées par Usman Ghani.

[17]  Un mois avant le procès, M. Saif a présenté une requête en autorisation de représenter les deux sociétés défenderesses en vertu de l’article 120 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »). Sa requête a été rejetée notamment parce que M. Saif n’a pas démontré de façon claire et non équivoque que les sociétés ne pouvaient pas se permettre de payer un avocat, comme l’exige la jurisprudence (El Mocambo Rocks Inc c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), 2012 CAF 98, par. 4), ou qu’il avait l’autorisation de prendre des décisions pour les sociétés.

[18]  Le premier jour du procès, l’avocat des deux sociétés défenderesses a demandé d’être retiré des avocats inscrits au dossier. Il n’a présenté aucune requête formelle même s’il était au courant de la décision rendue un mois plus tôt dans laquelle on a refusé à M. Saif de représenter les sociétés. L’avocat a soulevé deux facteurs : le non-paiement d’honoraires et l’absence d’instructions claires de la part du client. Étant donné qu’aucune requête formelle n’a été présentée en vertu de l’article 120 des Règles afin de retirer l’avocat et qu’aucun avis de changement d’avocat n’a été déposé en vertu de l’article 124 des Règles – et c’était le premier jour du procès de quatre semaines –, je n’ai pas conclu que le non-paiement d’honoraires ou des instructions vagues de la part du client étaient des motifs suffisants pour retirer l’avocat à la toute dernière minute. C’est pourquoi Usman Ghani est demeuré l’avocat inscrit au dossier pour les sociétés défenderesses pendant tout le procès. Après ma décision, il m’a informée qu’il ne comparaîtrait pas pendant le reste du procès, et il ne l’a effectivement pas fait. Les sociétés n’ont pas été représentées.

III.  Questions préliminaires

[19]  Malgré plusieurs conférences de gestion de l’instance avec un protonotaire responsable de la gestion de l’instance, cinq requêtes, une conférence préparatoire au procès et une conférence de gestion de l’instruction, plusieurs questions importantes de procédure et de logistique ainsi que d’innombrables oppositions ont été soulevées au procès.

A.  Aveux des défendeurs

[20]  En prévision du procès, la demanderesse a signifié à chacun des défendeurs qui agissent pour leur propre compte des demandes de reconnaissance des faits. Aucun des défendeurs n’a répondu à ces demandes dans le délai de 20 jours dans lequel une réponse doit être fournie pour éviter d’être réputé avoir reconnu des faits en vertu de l’article 256 des Règles. Au début du procès, les défendeurs ont ensuite tenté de rétracter les aveux, car ils ne connaissaient pas la loi.

[21]  Les défendeurs n’ont pas expliqué pourquoi ils n’ont pas répondu aux demandes de reconnaissance des faits, qui étaient appropriées du point de vue de la forme, et ont mentionné qu’un défaut de réponse entraînerait des aveux présumés. Les défendeurs n’ont jamais laissé entendre qu’une rétraction était nécessaire pour soulever un point jugeable ou qu’il serait autrement dans l’intérêt de la justice de rétracter les aveux (Morin c Canada, 2002 CFPI 1312, par. 109). Par exemple, M. Amaran et Mme Farrah ont affirmé qu’ils n’étaient aucunement au courant de certains faits, mais ils n’ont fourni aucun motif plus profond pour lequel les aveux présumés devaient être rétractés. Bien entendu, il est reconnu qu’aucun des défendeurs n’a reçu une formation juridique.

[22]  Le consentement de la partie adverse ou l’autorisation de la Cour est nécessaire pour rétracter les aveux de faits (Apotex Inc c Astrazeneca Canada Inc, 2012 CF 559, par. 20 à 22 [Astrazeneca]). Bien que le consentement de la demanderesse et l’accord de la Cour aient permis à M. Amaran et à M. Saif de rétracter quelques aveux (aveux 11, 81, 85, et 178 à 184), la demanderesse et la Cour n’ont pas consenti à rétracter le reste des aveux présumés. La Cour n’a pas accepté la rétraction des autres aveux présumés. La demanderesse a soumis une liste révisée des aveux présumés après ces rétractions, qui ont supprimé tous les aveux qui étaient encore contestés, même si certains des aveux supprimés n’ont jamais été officiellement rétractés.

[23]  Quoi qu’il en soit, plus le procès avançait, plus il était évident que la décision de ne pas autoriser la rétraction des aveux ne portait pas préjudice aux défendeurs. Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits, qui tenait compte de la plupart des aveux. Tout autre aveu présumé n’était pas pertinent quant aux questions fondamentales ou avait été confirmé par des témoins au procès. Tout cela a confirmé que, en agissant pour leur propre compte et en ne répondant pas, les défendeurs n’ont, en fin de compte, subi aucun préjudice.

B.  Nouveaux éléments de preuve de M. Tahir

[24]  Dans une lettre datée de dix jours avant le début du procès, M. Tahir a informé la Cour qu’il souhaitait déposer de nouveaux éléments de preuve concernant les ventes de la demanderesse. Ensuite, le troisième jour du procès, M. Tahir a annoncé qu’il souhaitait présenter trois séries de documents qui n’avaient pas encore été divulgués. J’ai autorisé M. Tahir à présenter les deux premières séries de documents, qui contenaient des renseignements sur les importations et les exportations de la nouvelle BioFert au Pakistan et qui semblaient ne faire que quelques pages.

[25]  J’ai statué que cette série de documents pouvait être utilisée au procès, même s’ils n’avaient été produits que maintenant. J’ai autorisé ces documents, car :

  • · M. Tahir essayait depuis longtemps de trouver et d’obtenir ces données auprès d’un tiers étranger et il n’a reçu le document que le 10 novembre 2019, soit deux semaines avant le procès;

  • · lorsqu’il a obtenu les documents, il a écrit à la Cour au sujet de la production tardive;

  • · en tant que partie agissant pour son propre compte, il ne comprend pas les règles et le processus judiciaire;

  • · la demanderesse serait en mesure de contre-interroger un ou plusieurs défendeurs au sujet des documents afin d’atténuer tout préjudice qui aurait pu résulter de la production tardive.

[26]  J’ai informé M. Tahir que je ne statuais pas que les documents étaient admissibles, mais seulement qu’il serait autorisé à les utiliser au moment de présenter sa cause (page 734).

[27]  En fin de compte, au procès, il n’a pas invoqué ces deux séries de documents pour appuyer son argumentation, car, apparemment, comme il l’a montré dans son exposé final, il avait oublié de se pencher sur eux et de les déposer en preuve.

[28]  La troisième série de nouveaux documents n’a pas été autorisée, car elle concernait des accusations criminelles au Pakistan et allait être utilisée pour contester la crédibilité ou le caractère d’un témoin. J’ai indiqué à M. Tahir que les documents n’étaient pas en anglais et qu’il serait difficile de les traduire et de les authentifier à ce stade tardif. Un autre motif justifiant de ne pas les autoriser était qu’aucune excuse n’avait été fournie pour expliquer la divulgation tardive, puisque ces documents étaient disponibles depuis longtemps et n’avaient pas encore été produits (pages 734 et 735).

C.  Utilisation de la transcription de la Cour suprême de la Colombie-Britannique (« CSCB ») pour mettre en doute la crédibilité de témoins opposés

[29]  La demanderesse a demandé à présenter les transcriptions de l’interrogatoire préalable de Kamal Bahga et d’Imran Ahmad, tirées de l’instance en cours devant la CSCB dans BioFert Manufacturing Inc c Agrisol Manufacturing Inc, BioFert NA Manufacturing Inc, Tahir Mahmood, Imran Ahmed et Kamal Preet Singh Bahga. Elle a également demandé la possibilité de traiter M. Kamal et M. Imran comme des témoins opposés. Le motif de cette demande était que tous deux étaient des employés de l’ancienne société BioFert qui travaillaient maintenant pour Agrisol, en étroite collaboration avec M. Tahir. De plus, la demanderesse a fait part de ses préoccupations au sujet de la crédibilité des deux témoins.

[30]  La demanderesse a fourni à la Cour une jurisprudence étayant sa position selon laquelle des règles sur les témoins opposés prévues par des lois provinciales peuvent être appliquées à la Cour fédérale, puisqu’il n’existe aucune règle semblable. Elle a notamment renvoyé à l’analyse du juge Rothstein dans Anderson c Canada (Procureur général), [1997] ACF no 270 (CF 1re inst.). Ces témoins ont été assignés; par conséquent, le paragraphe 12-5(22) des Supreme Court Civil Rules, B.C. Reg. 168/2009, de la Colombie-Britannique leur aurait permis d’être traités comme des témoins opposés dans une affaire en Colombie-Britannique.

[31]  La demanderesse a déposé une ordonnance rendue par la CSCB le 1er novembre 2019 accordant à la demanderesse une exemption à l’engagement implicite de confidentialité pour utiliser la transcription de l’interrogatoire de la C.-B. [traduction« afin de mettre en doute la crédibilité dans le cadre de l’action T-377-16 intentée devant la Cour fédérale ».

[32]  M. Tahir n’a pas approuvé la demande de la demanderesse de mettre en doute la crédibilité de ses propres témoins :

[traduction] Votre honneur, tout d’abord, je n’ai aucune idée de quoi elle parle parce que je le dis de mémoire, mais une chose que je comprends parce que ces deux hommes, ils participent à une affaire devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Ils n’ont rien à voir avec l’affaire de la Cour fédérale, qui concerne l’usurpation d’une marque de commerce, de toute façon.

[33]  Bien que M. Tahir ait déclaré que M. Kamal Bahga et M. Imran Ahmad n’avaient rien à voir avec l’action intentée devant la Cour fédérale, ils figuraient sur la liste des témoins de la demanderesse dans le cadre de la présente action. Les défendeurs ont affirmé qu’ils ne savaient pas qu’ils auraient pu consulter à l’avance les transcriptions des audiences devant la CSCB (ou, d’ailleurs, les transcriptions de l’interrogatoire préalable dans le cadre de la présente action), et ils ont demandé d’avoir le temps de lire les transcriptions avant que M. Kamal et M. Imran ne témoignent. Il faut reconnaître que les avocats de la demanderesse ont fourni utilement aux défendeurs les coordonnées du sténographe judiciaire qui pourrait leur fournir les transcriptions de ces interrogatoires préalables.

[34]  J’ai donné aux défendeurs le temps d’examiner ces transcriptions de la CSCB avant que M. Kamal et M. Imran ne témoignent, et j’ai ensuite accordé à la demanderesse la permission de les traiter comme des témoins opposés et d’utiliser les transcriptions de la CSCB. Cela visait simplement à mettre en doute la crédibilité des témoins et M. Tahir a indiqué qu’il le comprenait. La demanderesse a ensuite déposé la transcription complète de l’interrogatoire préalable de M. Kamal Bahga en tant que pièce P36.

D.  Témoignage de M. Yasir Syed

[35]  M. Yasir Syed avait été présenté par la demanderesse comme étant le bon représentant de la nouvelle société BioFert et a été interrogé par l’avocat des défendeurs lors d’un interrogatoire préalable en 2017. Il a travaillé pour l’ancienne société BioFert avec M. Tahir, avant que les deux partenaires d’affaires n’aient un désaccord et que BioFert fasse faillite en 2015. M. Syed a ensuite travaillé pour la nouvelle société BioFert de la demanderesse jusqu’à ce qu’il quitte la demanderesse en mauvais termes, en novembre 2018. Au début du procès, M. Yasir Syed figurait sur la liste des témoins des défendeurs.

[36]  La demanderesse s’est inquiétée que M. Syed dévoile des renseignements protégés s’il était autorisé à témoigner. Elle soupçonnait que M. Syed avait été en contact avec M. Saif et qu’il avait révélé des renseignements protégés peu avant le procès. Après avoir communiqué avec M. Syed et n’avoir reçu qu’une réponse vague, la demanderesse a demandé aux défendeurs pourquoi ils voulaient interroger M. Syed. Elle espérait qu’on pourrait empêcher M. Syed de parler de renseignements protégés. Les réponses des défendeurs ont été générales et insatisfaisantes (par exemple, ils voulaient poser des questions sur « BioFert Canada » ainsi qu’une [traduction] « question découlant de son interrogatoire préalable »), de sorte que la demanderesse a présenté une requête, entendue le 4 décembre, dans laquelle elle demandait qu’on interdise à M. Syed de témoigner. La demanderesse a cité Miele c Humber River Regional Hospital, 2007 CanLII 27757 (CS Ont), conf. par 2009 ONCA 350 [Miele], mais a reconnu qu’il y avait [traduction« peu de décisions » en ce qui concerne les faits particuliers de l’espèce.

[37]  Le 5 décembre, j’ai rejeté la requête et autorisé la comparution de M. Syed en tant que témoin. Dans l’affaire Miele, précitée, pendant le litige, une infirmière et ancienne employée à l’hôpital défendeur a fourni un rapport d’expert à la demanderesse. La Cour a retiré l’avocat de la demanderesse du dossier, concluant qu’on pouvait inférer que l’infirmière avait transmis des renseignements protégés à la demanderesse, ce qui ne pouvait être corrigé qu’avec le retrait de l’avocat. La demanderesse a fait valoir que le fait de permettre à M. Syed de témoigner constituerait à une renonciation au secret professionnel de l’avocat, qui est le privilège le plus fondamental reconnu par la loi et auquel on ne devrait pas renoncer dans de telles circonstances.

[38]  Cependant, les faits de l’espèce sont très différents de ceux dans Miele. Étant donné que les défendeurs agissent pour leur propre compte, aucun avocat ne peut être retiré, et on m’a plutôt demandé d’écarter le témoin [traduction« corrompu ». Celui-ci avait déjà été interrogé dans le cadre de la présente action lorsqu’il était le représentant de la demanderesse. J’ai conclu que le fait de permettre à M. Syed de témoigner ne constituait pas en soi une atteinte au secret professionnel de l’avocat, puisque M. Syed serait prévenu de l’existence du privilège et que la demanderesse pourrait s’opposer à toute question qui exigerait que M. Syed révèle des renseignements protégés.

[39]  On ne peut pas s’approprier un témoin, et la demanderesse avait initialement l’intention d’appeler M. Syed comme témoin, à savoir avant qu’il quitte la société. Les défendeurs avaient déjà déposé la pièce D3, présentant un extrait de la transcription de l’interrogatoire de M. Syed, effectué lorsqu’il était le représentant de la demanderesse. Avec la transcription complète en preuve, la Cour allait déjà entendre la version des événements de M. Syed. Après avoir mis tout cela en balance avec la nécessité d’essayer d’établir la vérité de l’affaire et la pertinence évidente du témoin pour les questions soulevées, j’ai rejeté la requête de la demanderesse. Comme garde‑fous, la Cour a limité les sujets sur lesquels les défendeurs lui avaient précédemment demandé de témoigner : les ventes de l’ancienne société BioFert, les ventes de la nouvelle société BioFert, la Foire agricole du Pacifique de 2016 et les activités de BioFert au Pakistan.

[40]  Un nouveau différend à ce sujet a été soulevé lorsque M. Saif a mentionné qu’il avait récemment été en contact avec M. Syed, mais j’ai quand même permis à M. Syed de témoigner, tout en mettant des garde-fous. M. Syed avait déjà été en contact avec M. Saif pour tenter de régler l’affaire en 2017, et tous, y compris les avocats, savaient bien que des réunions en vue d’un règlement avaient été tenues entre les deux parties (voir les pages 273 et 274 de la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Yasir Syed).

[41]  Parmi les garde-fous mis en place, il a été interdit à toutes les parties de communiquer dorénavant avec M. Syed avant son témoignage, en raison de la crainte que des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat puissent être partagés. J’ai également accordé à la demanderesse la permission de rappeler son PDG, Stan Loewen, en tant que témoin afin d’indiquer le calendrier et la nature des renseignements protégés dont M. Syed aurait pris connaissance pendant son emploi chez la demanderesse.

[42]  Dès que j’ai statué que M. Syed allait témoigner, M. Saif lui a signifié un subpoena. Lorsqu’il est arrivé à la Cour, j’ai fait prêter serment à M. Syed pour qu’il soit sous serment et qu’il avise les parties qu’aucune des parties ne serait en mesure de discuter de la présente affaire avec lui ou même de communiquer avec lui jusqu’à ce que son témoignage soit terminé (page 1236). Lors de son témoignage, on a avisé M. Syed de ne pas répondre aux questions avant que la demanderesse ne décide s’il y avait lieu de s’y opposer à la question et que je statue sur l’opposition, afin qu’aucun renseignement protégé ne soit révélé.

[43]  Lorsque M. Syed a témoigné, la demanderesse s’est opposée à plusieurs questions qui portaient sur le temps que M. Syed a passé chez la nouvelle société BioFert, et certaines oppositions ont été accueillies. La demanderesse a ensuite contre-interrogé M. Syed, puis a appelé deux autres témoins en contre‑preuve pour préciser ou contredire certaines affirmations de M. Syed. Ces mesures ont permis aux défendeurs de présenter une défense pleine et entière concernant les allégations présentées par la demanderesse, tout en assurant l’équité du procès.

IV.  Questions en litige

  • A. Les défendeurs ont-ils violé un ou plusieurs articles de la Loi sur les marques de commerce?

  • Les défendeurs ont-ils violé le droit d’auteur de la demanderesse, contrairement aux articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur?

  • Les deux sociétés défenderesses doivent-elles être tenues responsables?

  • L’un des quatre défendeurs individuels est-il personnellement responsable de la violation commise par les sociétés défenderesses?

  • Demande reconventionnelle : la marque 894 devrait-elle être déclarée invalide parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des produits vendus par la demanderesse?

V.  Preuve

A.  Témoins

(1)  Témoins de la demanderesse

[44]  La demanderesse a appelé les 13 témoins dans l’ordre suivant :

  • a) Amy Jobson (25 novembre, à partir de la page 101) : parajuriste chez Norton Rose Fulbright qui a imprimé les documents du site Web et les a mis dans le recueil de documents de la demanderesse. Les défendeurs ne l’ont pas contre-interrogée.

  • b) Stan Loewen (26 novembre, page 138) : PDG de Terralink et de la demanderesse. M. Loewen travaille pour Terralink depuis 1979. Il connaissait l’ancienne société BioFert parce qu’ils étaient concurrents dans l’industrie des engrais avant sa faillite. Son témoignage portait sur : les activités de Terralink; les ventes de produits de l’ancienne société BioFert par Terralink avant que l’offre d’achat de cette dernière à l’égard de l’ancienne société BioFert ne soit acceptée; l’acquisition d’actifs de l’ancienne société BioFert auprès du séquestre, le Bowra Group, en 2015; l’achat ultérieur, en novembre 2015, d’actifs et de biens de l’ancienne société BioFert auprès de la Banque de développement du Canada; les mesures prises pour obtenir la dénomination sociale et le nom de domaine; et le kiosque des défendeurs à la Foire agricole du Pacifique. Le 10 décembre M. Loewen a été brièvement rappelé en tant que témoin afin de préparer la Cour aux possibles problèmes de confidentialité qui pourraient survenir dans le cadre du témoignage de M. Yasir Syed.

  • c) Gordon Brown (26 novembre, page 215) : vice-président du Bowra Group, qui était le séquestre nommé par le tribunal. Son témoignage a portét sur la gestion des actifs de l’ancienne société BioFert depuis mai 2015. Il n’était initialement pas autorisé à agir comme syndic, mais il a subséquemment obtenu son permis (page 217). Son rôle était d’administrer les actifs de l’ancienne société BioFert. Il a discuté du processus d’appel d’offres, des offres présentées, de l’offre retenue, des ventes des biens de l’inventaire avant la vente et du transfert d’actifs, y compris le changement de dénomination sociale.

  • d) Julia Schmidt (26 novembre, page 264) : dirigeante principale des finances (DPF) de Terralink et de la nouvelle société BioFert. Elle est une comptable professionnelle agréée qui s’est jointe aux sociétés en septembre 2015. Mme Schmidt a témoigné qu’elle avait obtenu les données de base de l’ancienne société BioFert, puis qu’elle avait créé les feuilles de calcul annuelles fournies dans le recueil de documents de la demanderesse.

  • e) Gurtharan (« Gary ») Tiwana (27 novembre, page 308) : il est un agent immobilier à temps plein et un associé passif d’une ferme appelée « B&B Bradner Farms Limited ». M. Tiwana n’exerce pas véritablement d’activité agricole, mais il a affirmé qu’il s’occupe de la paperasse (page 312). M. Tiwana a témoigné qu’il avait acheté des produits de l’ancienne société BioFert et de Terralink, mais qu’il n’avait commandé aucun produit depuis cinq ou six ans. Il a affirmé qu’on lui a envoyé par la poste en 2015 un dépliant sur lequel on pouvait lire [traduction« les employés de BioFert lancent Agrisol » (pièce P5, onglet 167). M. Tiwana a déclaré qu’il avait contacté M. Shahzad Nazir à Terralink, qui a précisé quelle était la société qui en était responsable.

  • f) Esther Quinlan (27 novembre, page 317) : elle travaille comme représentante interne du bureau de vente chez Terralink. Elle a auparavant travaillé pour l’ancienne société BioFert d’avril 2013 à mai 2015, date où cette dernière a été mise sous séquestre. Chez l’ancienne société BioFert, elle entrait les commandes clients et établissait des rapports à partir du système comptable (Citrix). Elle a ensuite travaillé auprès du Bowra Group de juin à août 2015, soit pendant la période de mise sous séquestre; elle entrait les commandes et effectuait les collectes. Plus tard, elle a intégré Terralink en août 2015 et, alors qu’elle travaillait pour Terralink, elle a établi des rapports pour Mme Julia Schmidt, lesquels montraient les ventes de l’ancienne société BioFert.

  • g) Shahzad Nazir Khan (27 novembre, page 340) : il travaille actuellement au service de vente et de marketing de Terralink. Il est arrivé au Canada en 2006 et a travaillé pour l’ancienne société BioFert de février 2007 jusqu’à la faillite de celle-ci en 2015. Il a ensuite travaillé pour le séquestre, le Bowra Group, pendant environ deux mois, en 2015, puis pour la nouvelle société BioFert. Il a occupé un poste similaire en vente et en marketing dans chaque société. Il a parlé des ventes de chaque société, de la transition vers la nouvelle société BioFert et de la façon dont il devait dissiper la confusion sur le marché et s’occuper des stratégies de vente.

  • h) Naim Mirza (28 novembre, page 422) : il travaille au service de marketing de Terralink. Comme le témoin précédent, M. Mirza a travaillé pour l’ancienne société BioFert de 2007 jusqu’à la faillite de celle-ci en mai 2015; il a alors été embauché par Terralink. Il était le directeur du marketing de l’ancienne société BioFert. Il a parlé des ventes et de la division du travail chez l’ancienne société BioFert ainsi que des efforts de marketing de la société.

  • i) Gurtaj Sandhu (2 décembre, page 610) : il a travaillé pour Terralink de janvier 2013 à mai 2017 en tant que représentant commercial interne, mais il conduit maintenant un camion à benne. Il a déclaré que, chez Terralink, il traitait avec des clients en indiquant qu’en achetant chez Agrisol, ils obtenaient le produit BioStix à un prix inférieur que celui offert par Terralink. Il s’est donc présenté comme un client et a téléphoné à Agrisol, où il a parlé à un homme prénommé Steven pour savoir s’il pouvait acheter le produit.

  • j) Toby Woo (2 décembre, page 620) : graphiste qui était le propriétaire unique d’une entreprise de conception appelée « Blue Bananas » de 2005 à 2012. Il a affirmé que son partenaire, Ryan George, a créé le logo de l’ancienne société BioFert. En 2016, M. Toby Woo a signé une cession rétroactive du droit d’auteur à la nouvelle société BioFert. Selon lui, Blue Bananas n’était pas propriétaire du logo, car son intention avait toujours été que l’ancienne société BioFert détienne ce logo, bien qu’elle n’ait cédé ses droits de propriété intellectuelle qu’en 2016.

  • k) Imran Ahmad (2 et 3 décembre, page 633) : j’ai autorisé la demanderesse à traiter ce témoin comme un témoin opposé (voir ci-dessus). Il a témoigné par l’intermédiaire d’un interprète, car il ne parlait que le pendjabi. Il a déjà été interrogé dans le cadre de l’action distincte devant la CSCB. Il a travaillé au service d’expédition et de réception de l’ancienne société BioFert et travaille maintenant au service de vente d’Agrisol. Par l’intermédiaire d’un interprète, on lui a posé des questions sur les ventes et la stratégie d’Agrisol en prévision de la Foire agricole du Pacifique de 2016.

  • l) Kamalpreet (« Kamal ») Singh Bahga (3 décembre, page 792) : j’ai autorisé la demanderesse à traiter ce témoin comme un témoin opposé. Il a témoigné par l’intermédiaire d’un interprète. Il a été un employé de l’ancienne société BioFert de 2007 à 2015. Il a ensuite été embauché par le Bowra Group pendant la période de mise sous séquestre jusqu’en septembre 2015, date à laquelle un autre syndic a été nommé pour les actifs restants (transcription de l’interrogatoire préalable de Kamal Bahga, page 63). M. Kamal s’est joint à Agrisol en février 2016 (transcription de l’interrogatoire préalable de Kamal Bahga, page 76) et travaille actuellement au service de production d’Agrisol.

  • m) Manjinder Gill (3 et 4 décembre, page 849) : M. Gill a témoigné par l’intermédiaire d’un interprète, car il parle le pendjabi. Il a quitté l’Inde pour venir au Canada en 2011, et il a ensuite travaillé pour l’ancienne société BioFert pendant « cinq ans » au remplissage de sacs d’engrais. Il a ensuite passé deux ans à effectuer du lavage à la pression, avant de se joindre à Agrisol. Il est actuellement employé par Terralink et reçoit un salaire plus élevé. Il a été interrogé au sujet d’une déclaration qu’il avait faite à titre d’employé d’Agrisol avant son embauche par Terralink et qui semblerait avoir été obtenue en vue de l’action intentée devant la CSCB. Il a témoigné que M. Kamal d’Agrisol lui avait ordonné de rétracter la déclaration et qu’il avait entendu M. Tahir indiquer à d’autres témoins ce qu’il fallait dire pendant leurs interrogatoires préalables (pages 879 et 880); il a également témoigné au sujet d’autres événements qui, selon lui, avaient eu lieu.

(2)  Témoins des défendeurs

[45]  Les défendeurs individuels ont chacun témoigné en leur propre nom sans l’aide d’un avocat. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, conformément au paragraphe 274(2) des Règles, j’ai déterminé l’ordre dans lequel les défendeurs témoigneraient. J’ai alors expliqué qu’il serait dans l’intérêt de la justice que chaque défendeur indique d’abord la question qu’il poserait, puis qu’il y réponde (page 1073). Cette approche était nécessaire dans l’éventualité où on s’opposerait à la question, afin que je puisse trancher l’opposition avant qu’on ne réponde à la question (page 1080). Cette méthode a rendu le témoignage plus ordonné et a permis aux défendeurs de fournir des témoignages plus précis, plutôt que de devoir fournir simplement un long discours à la barre. Les défendeurs ont été autorisés à poser leurs questions à la barre des témoins, mais pas à fournir les réponses. Après l’interrogatoire principal, les défendeurs ont pu, dans le même ordre qu’ils ont témoigné, se contre-interroger avant que la demanderesse procède à leur contre-interrogatoire (page 1072).

[46]  Le seul autre témoin appelé par l’un des défendeurs était M. Yasir Syed, qui a été appelé par M. Saif (voir la section D des « Questions préliminaires » ci‑dessus, aux paragraphes 35 à 43 des présents motifs). Ce témoin avait travaillé avec M. Tahir à Grotek Manufacturing avant de devenir associé dans l’ancienne société BioFert. Après la faillite de l’ancienne société BioFert, M. Yasir a été embauché par Stan Loewen et est devenu le PDG de la nouvelle société BioFert. Comme je l’ai mentionné précédemment, il avait été le représentant de la demanderesse pendant les interrogatoires préalables et il a été contre-interrogé par l’avocat des sociétés défenderesses à l’époque. Plus tard, en novembre 2018, il a quitté son emploi chez la demanderesse. L’interrogatoire préalable de M. Yasir Syed a été lu dans son intégralité par M. Tahir. Il a été interrogé par les défendeurs, puis contre-interrogé par la demanderesse.

B.  Brève chronologie des événements

(1)  Création de l’ancienne société BioFert

[47]  M. Tahir a témoigné qu’il a travaillé chez Grotek Manufacturing comme directeur de la recherche et du développement de 2001 à 2006. M. Tahir a déclaré que lui et M. Yasir Syed avaient quitté Grotek en 2006 pour créer l’ancienne société BioFert, dont les activités ont commencé au début de l’année 2007 (page 1262). L’ancienne société BioFert a commencé à vendre principalement des engrais liquides, mais a ensuite commencé à vendre une plus grande variété de produits (page 1268). M. Tahir estime que 40 % à 50 % des ventes de l’ancienne société BioFert sont des ventes à l’étranger, à savoir au Pakistan (page 1268). Grâce au travail de M. Tahir et M. Yasir, l’ancienne société BioFert a augmenté ses ventes d’année en année de 2009 à 2012 (pièce P4, onglet 54).

[48]  Le 10 juillet 2013, l’ancienne société BioFert a enregistré la marque 894.

« Figure 1 »

[49]  La demande d’enregistrement de la marque 894 indiquait le 1er janvier 2007 comme date à laquelle la société a commencé à employer la marque (pièce P2, onglet 14).

[50]  M. Tahir a témoigné qu’il y avait eu des problèmes de production et que des clients avaient exprimé des préoccupations à partir de 2012, ce qui a entraîné une baisse des ventes (page 1292). De 2012 à 2013, les ventes ont chuté de plus d’un million de dollars (pièce P4, onglet 54). À la fin de l’année 2014, il y avait des problèmes internes entre les associés de l’ancienne société BioFert, que Mme Farrah a qualifiés de [traduction] « guerre froide » (page 1096).

[51]  Pendant son interrogatoire préalable, M. Yasir Syed a confirmé que de sérieuses inquiétudes ont été soulevées concernant la qualité des produits, affirmant que cela a porté atteinte à la réputation de l’ancienne société BioFert en 2013 et que sa réputation a encore diminué en 2014 (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, pages 99 à 101). Ces problèmes de qualité ont été confirmés par M. Stan Loewen, qui a affirmé qu’il avait [traduction« entendu des choses étranges sur le marché » au sujet des produits de l’ancienne société BioFert (page 187).

[52]   M. Yasir a indiqué que M. Tahir et lui étaient [traduction« brouillés » en octobre 2014 et que la relation entre les services de vente et de production s’était rompue (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, pages 77 et 101). M. Yasir Syed était le représentant de la demanderesse pendant les interrogatoires préalables et a expliqué la rupture de sa relation avec M. Tahir (page 175) :

[traduction] J’ai essayé à maintes reprises de résoudre cela. Mais je ne voulais pas revenir au statu quo. Ma seule exigence était que les choses doivent être mises noir sur blanc [...] il faut répondre aux exigences du système, et les choses doivent être visibles dans le système. Je n’accepterai pas de diriger l’entreprise ou de faire partie de l’entreprise si une personne dans son esprit et dans son agenda dirige une entreprise de 7 millions de dollars spécialisée dans les engrais comme un ghetto ou un atelier clandestin. Je n’étais pas prêt à faire ça. Cela aurait été en totale contradiction avec mes valeurs fondamentales, ma formation et ma philosophie en ce qui concerne l’avenir de l’entreprise.

[53]  M. Yasir a contacté les créanciers de l’ancienne société BioFert, la Banque HSBC Canada (anciennement la Hongkong et la Shanghai Banking Corporation) et la BDC (Banque de développement du Canada) pour les aviser de ce qu’il considérait comme des irrégularités financières. Les banques se sont donné beaucoup de mal pour aider l’ancienne société BioFert à résoudre les problèmes et à régler les différends internes. Cela s’est poursuivi pendant quatre à cinq mois, à compter de novembre ou décembre 2014 (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, pages 172 à 174). Enfin, il a été déterminé que les problèmes ne pouvaient être résolus et les banques ont demandé le remboursement des prêts à vue, qui s’élevaient de 1 à 1,5 million de dollars, ce qui a finalement conduit à la faillite de l’ancienne société BioFert (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 174).

(2)  La faillite de l’ancienne société BioFert et le transfert des actifs

[54]  Au début de l’année 2015, l’ancienne société BioFert n’était pas en mesure de s’acquitter de ses obligations financières (exposé conjoint des faits, par. 10). Le Bowra Group a été nommé à titre de séquestre en mai 2015 (pièce P3, à l’onglet 35). L’ancienne société BioFert a déclaré faillite le 9 juin 2015 (exposé conjoint des faits, au paragraphe 10).

[55]  Le 15 juin 2015, le Bowra Group a envoyé une demande d’offres d’achat (pièce P2, onglet 1). M. Tahir a rencontré M. Saif et M. Liaqat Ali Khan pour discuter de la possibilité de présenter une offre en juin 2015 (M. Tahir, pages 1359 et 1360). Le 15 juillet 2015, M. Tahir a constitué Agrisol Manufacturing Inc. en société, avec M. Saif, Mme Farrah et M. Liaqat comme actionnaires (exposé conjoint des faits, par. 14).

[56]  Étant donné que M. Tahir et son groupe préparaient une offre pour les actifs, le concurrent de l’ancienne société BioFert, Terralink, a constitué TL Acquisition Corp. en société en vue d’acheter les actifs de l’ancienne société BioFert (Stan Loewen, pages 142 et 143). Terralink vend [traduction« des engrais, des produits chimiques comme des pesticides ou des produits connexes, et des semences, ainsi que des plastiques et d’autres choses que les cultivateurs utilisent » (Stan Loewen, page 181). Terralink n’est pas partie à la présente action et ses états financiers n’ont pas été déposés en preuve.

[57]  TL Acquisition Corp. a présenté une offre officielle le 18 juillet 2015 (pièce P2, onglet 3). Après avoir reçu l’ordre d’officialiser leur déclaration d’intérêt, M. Tahir, M. Liaqat et M. Saif ont déposé leur propre offre formelle en juillet. Par la suite, M. Saif a rencontré le séquestre Gordon Brown avec le chèque de dépôt à l’entreprise Asian Rugs de M. Saif (M. Saif, pages 1185 et 1186; voir aussi Gordon Brown, pages 223 et 224). Le chèque de dépôt de M. Saif satisfaisait aux exigences des demandes d’offres d’achat et du groupe. M. Saif a également rencontré M. Gordon Brown à la tour Bentall à une autre occasion (page 1186). Cependant, le 22 juillet 2015, M. Liaqat a déclaré à M. Gordon Brown que leur offre était retirée (recueil d’extraits, page 216; M. Tahir, page 1485).

[58]  À la fin de juillet 2015, il était clair que l’offre de TL Acquisition Corp. avait été retenue. Le 21 juillet 2015, M. Gordon Brown a demandé à M. Tahir de modifier le nom de l’ancienne société BioFert (pièce P3, onglet 40). Étant donné que M. Tahir n’a pas consenti à la modification du nom, la demanderesse n’a pas pu acquérir le nom et le prix d’achat a été réduit de 600 000 $ à 575 000 $ (pièce P2, onglet 7).

[59]  Le 31 juillet 2015, le contrat d’achat-vente, ainsi qu’une cession de propriété intellectuelle et de marque de commerce, a été signé (pièce P2, onglets 4, 8 et 9). Cela signifie que la totalité de la propriété intellectuelle de l’ancienne société BioFert a été transférée à la demanderesse. Cependant, comme l’ancienne société BioFert a continué de conserver son ancien nom, la demanderesse a dû choisir un autre nom et est devenue BioFert Manufacturing Canada Inc. le 4 août 2015 (pièce P2, onglet 11).

[60]  À la suite d’une ordonnance de la CSCB, rendue le 27 août 2015, ordonnant la modification du nom de l’ancienne société BioFert, le nom de cette dernière a été modifié par un nom de société à numéro le 1er septembre 2015 (pièce P3, onglets 43 et 44). Ensuite, le 17 septembre 2015, la demanderesse a modifié son nom pour sa forme actuelle : BioFert Manufacturing Inc. (pièce P2, onglet 12).

[61]  Le 26 novembre 2015, Terralink a acquis tous les autres actifs de l’ancienne société BioFert auprès de la BDC, en particulier les locaux et l’équipement de production (pièce P2, onglet 13).

(3)  Activités commerciales des défendeurs à la fin de l’année 2015 et au début de l’année 2016

[62]  Après l’échec de l’offre du groupe de M. Tahir, ce dernier est néanmoins allé de l’avant avec son plan de réintégrer l’industrie des engrais. Agrisol avait déjà été constituée en société et, le 26 août 2015, il a demandé à M. Saif de constituer une deuxième société appelée « BioFert NA Manufacturing Inc. ». M. Tahir était le PDG et BNA avait les mêmes actionnaires et administrateurs qu’Agrisol : Mme Farrah, M. Saif et M. Liaqat (exposé conjoint des faits, par. 15; voir également la pièce P51).

[63]  Selon la preuve, d’août à octobre 2015, M. Tahir a commencé à planifier les activités d’Agrisol à partir de la résidence de M. Saif, qui, semble‑t‑il, n’a aucun lien de parenté avec M. Tahir et M. Saif Mahmood (Imran Ahmad, page 652). En septembre ou octobre 2015, M. Tahir et M. Saif ont rencontré M. Imran Ahmad et M. Kamal Bahga dans un restaurant de Surrey (Colombie-Britannique) (M. Tahir, pages 1387 et 1388; Imran Ahmad, page 643). Agrisol a présenté des demandes pour les marques de commerce de produits Earth Boost et Assist le 10 septembre 2015, à la demande de M. Tahir (pièces P52 et P53). Au 30 septembre 2015, M. Tahir a confirmé qu’Agrisol avait établi sa liste des noms de produits et que ceux-ci étaient similaires aux noms utilisés par l’ancienne société BioFert (pièce P62; voir aussi M. Tahir, page 1464).

[64]  En septembre ou octobre 2015, M. Saif a présenté M. Amaran à M. Tahir et ils ont discuté de la possibilité que M. Amaran devienne un partenaire commercial dans les deux sociétés défenderesses (M. Amaran, page 1625; M. Tahir, page 1365). Le 20 octobre 2015, M. Amaran a remplacé M. Liaqat Khan en tant que directeur et actionnaire des deux sociétés. M. Amaran s’est ensuite rendu en Chine et au Pakistan avec M. Tahir pour rencontrer des fournisseurs et acquérir de l’équipement en novembre ou décembre 2015 (M. Amaran, page 1626).

[65]  Les rencontres entre les défendeurs se sont poursuivies tout au long d’octobre et de novembre 2015 (Imran Ahmad, pages 657 et 658). Selon la preuve présentée par Imran Ahmad, en novembre 2015, des réunions ont été tenues une à trois fois par semaine entre M. Tahir, M. Saif et M. Kamal (Imran Ahmad, page 653). Les témoins ont confirmé que Mme Farrah et M. Amaran étaient présents au moins une fois à ces réunions (Imran Ahmad, page 727; Mme Farrah, pages 1120 à 1122). Mme Farrah a indiqué que les réunions tenues pendant de cette période visaient principalement à déterminer [traduction« les produits qui seront lancés » (recueil d’extraits, pages 111 et 112).

[66]  Au moment où les défendeurs se préparaient à lancer Agrisol, ils ont eu du mal à trouver une installation de production. Ils ont tenté de présenter une offre pour les installations de production de l’ancienne société BioFert, mais, comme je l’ai indiqué ci-dessus, la demanderesse a acquis ces installations en novembre 2015. M. Amaran a témoigné qu’en essayant de trouver des installations pour leur nouvelle entreprise, ils ont été confrontés à de grandes difficultés et [traduction] « [qu’]il y a eu quelques refus » (page 1619). En fin de compte, en janvier 2016, ils ont acquis l’édifice d’Agrisol, mais ils ont eu quelques difficultés à obtenir des permis d’exploitation.

[67]  À un certain moment, M. Amaran et M. Saif ont chacun dit à M. Tahir que c’était une mauvaise idée d’utiliser le nom de BNA, mais ils sont tout de même allés de l’avant (M. Tahir, page 1387; recueil d’extraits, page 189). En novembre 2015, Agrisol a fait ses premières communications au public en mentionnant BioFert. Le 22 novembre 2015, en réponse à un courriel d’un client appelé Van Manh qui tentait de rejoindre M. Yasir Syed, M. Tahir a répondu en utilisant une adresse courriel BioFert.net, disant que [traduction« M. Yasir ne fait plus partie du groupe BioFert » (pièce P61). M. Tahir a reconnu que d’autres clients ont également reçu un courriel, mais aucun de ces courriels n’a été produit (M. Tahir, page 1437). Les employés d’Agrisol ont par la suite envoyé des dépliants physiques à leurs clients en leur indiquant que les [traduction] « employés de BioFert » lançaient Agrisol (pièce P5, onglet 167; voir aussi l’exposé conjoint des faits, par. 19). Les défendeurs ont également préparé des documents publicitaires pour la prochaine Foire agricole du Pacifique.

[68]  Le 20 janvier 2016, M. Imran Ahmad a envoyé des courriels à des clients en faisant la promotion de la nouvelle entreprise (pièce P18). M. Imran a affirmé que M. Tahir lui avait dit de [traduction« [c]ommencer à contacter les personnes à qui nous pouvons vendre le produit » et qu’il [traduction« les avai[t] donc contactés » (page 690). M. Imran a envoyé d’autres courriels de masse le 26 janvier 2016, indiquant que [traduction« [n]ous serons heureux de vous servir comme avant chez BioFert » (Imran Ahmad, page 698; pièces P19 à P21). M. Imran a confirmé qu’il avait [traduction] « tenté de contacter ou de communiquer avec un certain nombre de serres à Surrey et à Abbotsford » en envoyant un message similaire (page 694).

(4)  Foire agricole du Pacifique de 2016

[69]  Le 27 janvier 2016 a été la journée de préparation de la Foire agricole du Pacifique à Abbotsford (Colombie-Britannique). À ce moment-là, la demanderesse était au courant de la conduite des défendeurs après avoir reçu le courriel de masse du 20 janvier par l’intermédiaire de sa cliente, Mme Barb Swash d’Otter Co-op, qui a affirmé qu’elle se demandait comment les défendeurs pouvaient être à la fois Agrisol et BioFert. Le litige est survenu lorsque la demanderesse a vu que les défendeurs installaient un kiosque employant le nom « BioFert » et qu’ils avaient des documents publicitaires arborant le logo « BioFert ». M. Stan Loewen a témoigné [traduction« [qu’]ils installaient leurs présentoirs et nous avons vu tout de suite que la marque de commerce « BioFert » était affichée bien en vue sur le kiosque » (page 161).

[70]  La demanderesse a réagi en remettant une mise en demeure à M. Tahir (pièce P2, onglet 24) à la Foire agricole du Pacifique le jour où il s’installait, avant l’ouverture au public. La mise en demeure exigeait que le domaine « BioFert.net » figurant sur les documents publicitaires des défendeurs soit remis à la demanderesse, et que les défendeurs cessent de se présenter sous le nom « BioFert ». M. Amaran a témoigné qu’il était avec M. Tahir lorsqu’on lui a signifié la mise en demeure, qu’il a examiné le document et qu’il a dit à M. Tahir qu’ils devraient se conformer à toutes les exigences (pages 1617 et 1632).

[71]  La Foire agricole du Pacifique a commencé le lendemain (le 28 janvier 2016), à 9 h. À ce moment-là, les présentoirs avaient été retirés et le logo « BioFert » n’était plus visible sur la scène ou ailleurs (Stan Loewen, page 166). Les témoins de la demanderesse ont confirmé que tous les documents, y compris les catalogues, les brochures et les cartes de visite, arborant le logo de BNA n’étaient plus à la Foire lorsqu’elle a été ouverte au public. Ces éléments de preuve écrasants contredisent l’aveu présumé 171, qui semble indiquer par inadvertance que la bannière incluse à l’onglet 22 de la pièce P2 avait été [traduction] « exposée en public ». J’exercerai donc mon pouvoir discrétionnaire afin de rétracter l’aveu présumé 171 en raison [traduction« [d]’éléments de preuve écrasants » selon lesquels la bannière a été dissimulée au public (comme cela a été fait dans CR c PR, 2014 ONSC 5383, par. 19 à 25; voir aussi Astrazeneca, par. 20).

[72]  M. Tahir et M. Amaran ont tous deux envoyé un courriel à la demanderesse dans lesquels ils ont dit qu’ils voulaient éviter un conflit et qu’ils se conformaient immédiatement à la mise en demeure (pièce P2, onglets 25 et 27). M. Tahir a témoigné qu’il avait coordonné l’impression de nouveaux catalogues et cartes de visite qui n’arboraient pas le logo « BioFert », et qu’ils ont reçu ces documents lors du premier jour de la Foire (M. Tahir, page 1409).

[73]  Le 29 janvier 2016, l’avocat des défendeurs à l’époque a écrit à la demanderesse pour lui dire qu’ils avaient cessé d’employer le nom et le logo « BioFert » et que le site Web appartenait [traduction« à une entité étrangère ». L’avocat des défendeurs a déclaré : [traduction« M. Mahmood a contacté cette entité étrangère et l’a informée de la position de votre client. Nous croyons que l’entité étrangère est en train de modifier son site Web » (pièce P2, onglet 28).

[74]  Plus tard, le 31 janvier 2016, les avocats de la demanderesse ont répondu que le domaine « BioFert.net » échappait toujours au contrôle de la demanderesse et qu’ils avaient encore des préoccupations au sujet des marques de commerce employées par les défendeurs en liaison avec les produits (pièce P2, onglet 29).

[75]  En février 2016, Agrisol fonctionnait pleinement et a réalisé ses premières ventes (M. Tahir, page 1486). La demanderesse a intenté la présente action devant la Cour fédérale le 1er mars 2016.

(5)  Les effets des activités d’Agrisol

[76]  M. Shahzad Nazir Khan a témoigné au sujet des efforts de marketing qu’il a dû déployer pour dissiper la confusion sur le marché (pages 349 et 350). Par exemple, il affirme que M. Gary Tiwana et Mme Barb Swash lui ont fait part de leur confusion et qu’il les a rencontrés personnellement pour expliquer la situation et préciser qui était BioFert (pages 349 et 350). Il a également déclaré que M. Ripudaman Singh Gill avait communiqué avec lui pour lui faire part de sa confusion, mais celui-ci avait refusé de témoigner (pages 358 et 359).

[77]  Mme Esther Quinlan et Mme Julia Schmidt ont fourni des éléments de preuve sur les ventes de l’ancienne société BioFert, qu’elles avaient obtenus ensemble du système comptable (pièce P4, onglet 54), ainsi que sur les ventes de la nouvelle société BioFert en 2015 et en 2016 (pièce P4, onglet 75). En 2014, l’ancienne société BioFert a vendu un peu plus de 5 millions de dollars en produits arborant la marque « BioFert » (pièce P4, onglet 54). Aucune donnée n’était disponible pour la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2015. Le séquestre, le Bowra Group, était responsable de la gestion de l’inventaire de BioFert de mai à juillet 2015. Au cours de la période du 31 juillet 2015 au 31 juillet 2016, la demanderesse a réalisé des ventes d’environ 2,7 millions de dollars (pièce P4, onglet 75). En ce qui concerne les ventes d’Agrisol, cette dernière a commencé à vendre des produits en février 2016 et a vendu environ 1,6 million de dollars en produits en 2016 (pièce P2, onglet 34). Ces chiffres serviront à quantifier les pertes de la demanderesse dans la section « Dommages-intérêts et réparations » ci-dessous.

VI.  Analyse

A.  Les défendeurs ont-ils violé un ou plusieurs articles de la Loi sur les marques de commerce?

(1)  Le droit relatif à l’usurpation de marques de commerce

[78]  L’article 19 de la Loi sur les marques de commerce prévoit que le propriétaire d’une marque déposée a le droit exclusif d’employer la marque (voir l’annexe A pour le texte intégral des dispositions pertinentes). Aux termes du paragraphe 20(1), une marque est usurpée si une personne « vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion ». Pour démontrer une violation du paragraphe 20(1), la demanderesse doit établir l’existence d’une marque de commerce déposée et l’emploi d’une marque de commerce créant de la confusion par un contrefacteur non admissible et non autorisé (United Airlines, Inc c Cooperstock, 2017 CF 616, le juge Phelan, par. 30 [United Airlines]). Il n’est pas nécessaire d’établir l’existence d’une confusion réelle, mais cela peut être utile (United Airlines, par. 59).

[79]  L’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce codifie le délit de commercialisation trompeuse (Cheung c Target Event Production Ltd, 2010 CAF 255, par. 20). Cet alinéa prévoit que « [n]ul ne peut [...] appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre ».

[80]  L’alinéa 7b) exige que la demanderesse établisse l’existence d’un achalandage attaché à la marque de commerce ou au nom commercial, la déception du public due à la représentation trompeuse et des dommages actuels ou possibles pour la demanderesse (Kirkbi AG c Gestion Ritvik Inc, 2005 CSC 65, par. 66, citant Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120). On peut conclure à des dommages possibles lorsque « deux entreprises se livrent à la même activité commerciale avec des produits très semblables » (Alliance Laundry Systems LLC c Whirlpool Canada LP, 2019 CF 724, la juge Gagné, par. 58 à 60).

[81]  La demanderesse s’appuie également sur l’alinéa 7d), qui interdit d’employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est « fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde : (i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition, (ii) soit leur origine géographique, (iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution ».

[82]  Enfin, le paragraphe 22(1) prévoit que « [n]ul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce ». L’article 22 exige que la demanderesse établisse que la marque de commerce déposée a été employée en liaison avec des produits et des services, qu’elle est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable, qu’elle a été employée d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage, et que cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage (Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, le juge Binnie, par. 46 [Veuve Clicquot]). L’achalandage s’entend de « l’association positive qui attire les consommateurs vers les marchandises ou services du propriétaire de la marque plutôt que vers ceux de ses concurrents » (Veuve Cliquot, par. 50).

(2)  Arguments relatifs à l’usurpation de marques de commerce

[83]  La demanderesse soutient que les quatre dispositions de la Loi sur les marques de commerce résumées ci-dessus ont été violées. En ce qui concerne l’article 20, elle fait valoir qu’aucune vente n’est nécessaire pour que l’article 20 soit violé, car cet article vise également la publicité. La demanderesse souligne la publicité arborant le nom et le logo « BioFert » en liaison avec ses produits.

[84]  En ce qui concerne l’alinéa 7b), la demanderesse soutient que, en constituant BNA en société – laquelle portait un nom similaire au point de créer de la confusion – et en se présentant comme étant [traduction] « les employés de BioFert », les défendeurs ont usurpé le nom et la marque de commerce de la demanderesse. Concernant le premier volet du critère de l’alinéa 7b), la demanderesse soutient qu’il y avait un achalandage attaché au nom « BioFert », à la marque de commerce et aux marques de commerce des produits. Concernant le deuxième volet – la tromperie du public –, la demanderesse souligne l’adoption d’une dénomination sociale créant de la confusion et l’emploi de « BioFert » dans les documents publicitaires, y compris le site Web « BioFert.net », qui dirigeait les clients vers Agrisol. La demanderesse affirme que ces mentions de « BioFert » visaient à tromper le public et à l’induire en erreur, et qu’elles ont effectivement trompé le public et l’ont induit en erreur. La demanderesse cite des éléments de preuve présentés par M. Gary Tiwana et de Mme Barb Swash témoignant de la confusion réelle créée ainsi que la preuve par ouï-dire de M. Shahzad Nazir concernant la confusion d’autres clients. En ce qui concerne le troisième volet – dommages causé à la demanderesse –, la demanderesse soutient qu’elle a perdu des ventes par rapport à l’ancienne société BioFert et qu’il y a eu confusion sur le marché, laquelle devait être dissipée par des visites de M. Nazir chez les clients.

[85]  La demanderesse soutient également que l’alinéa 7d) a été violé, en ce sens que [traduction] « les défendeurs ont employé et continuent d’employer, en liaison avec des produits, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques et la qualité de ces produits, et le mode de fabrication et de production de ces produits ». Elle ajoute que [traduction] « les défendeurs ont tenté de promouvoir leurs produits et leurs entreprises en induisant le public en erreur et en affirmant que leurs produits étaient les mêmes que ceux qui étaient fabriqués par la même société qu’auparavant, c’est-à-dire l’ancienne société BioFert ».

[86]  En ce qui concerne l’article 22, la demanderesse affirme que les défendeurs ont érodé le prestige, la force et l’intégrité de la marque « BioFert », car le public associe maintenant la marque à BioFert et à Agrisol, ou simplement à Agrisol. Elle soutient que BioFert a acquis un achalandage appréciable et que les défendeurs l’ont déprécié. Elle souligne la confusion des clients dont a parlé M. Nazir et demande à la Cour de conclure que d’autres clients qui n’ont pas appelé M. Nazir auraient également été confus.

[87]  Les défendeurs ne soutiennent pas qu’ils n’ont pas employé une marque de commerce qui crée de la confusion en se présentant comme étant BNA et en utilisant le nom « BioFert ». En fait, M. Tahir soutient que la marque de commerce « BioFert » est [traduction« invalide ». Cet argument sera abordé à la section « Demande reconventionnelle » ci-dessous (par. 181 à 186).

[88]  Le principal argument de M. Tahir contre la commercialisation trompeuse est qu’aucun achalandage ni aucune réputation n’a été attaché au nom de l’ancienne société BioFert. Il souligne les éléments de preuve présentés par M. Yasir Syed concernant les problèmes de contrôle de la qualité et les préoccupations des clients (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 99) ainsi que les poursuites judiciaires, la faillite et le fait que la demanderesse n’a pas poursuivi certains clients de l’ancienne société BioFert. M. Tahir fait également valoir que les clients ne sont loyaux à aucune entreprise et que tous les agriculteurs cherchent un bon prix, mais, même si cela s’avérait véridique, cela ne constitue pas une défense justifiant la commercialisation trompeuse de produits, de sorte que cet argument ne peut pas être retenu.

[89]  La position de M. Tahir est également qu’aucun achalandage n’était attaché à la marque de commerce « BioFert » de la demanderesse et [traduction] « [qu’]Agrisol et ses employés n’ont créé aucune confusion sur le marché » puisque les clients confus n’ont jamais acheté de produits auprès d’Agrisol.

(3)  Analyse de l’usurpation de marques de commerce

[90]  J’estime que les éléments nécessaires pour conclure à une usurpation, exposés à la section « Le droit relatif à l’usurpation de marques de commerce » ci-dessus, ont été réunis pour les motifs suivants.

a)  Achalandage

[91]  Malgré les arguments formulés par les défendeurs (par. 87 à 89 ci‑dessus), j’accepte qu’il y eût eu un achalandage attaché au nom et au logo « BioFert ». La société mère de la demanderesse, Terralink, a observé la valeur de la marque « BioFert », et M. Stan Loewen a qualifié l’ancienne société BioFert de [traduction] « concurrente sérieuse » et de [traduction] « force à ne pas négliger » (page 187). Les efforts de commercialisation visant à acquérir un achalandage à l’égard de la marque « BioFert » ont été abordés par plusieurs témoins, notamment Mme Julia Schmidt, qui a indiqué que l’ancienne société BioFert dépensait environ 40 000 $ par année en publicité et en promotions, en plus d’employer un directeur du marketing à temps plein (pages 283 à 285), et M. Naim Mirza, qui a décrit les milliers de documents publicitaires distribués (pages 434 à 436). M. Yasir Syed a estimé que l’ancienne société BioFert avait participé à cinq ou six foires commerciales par année, voire plus (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 158). Il y a également eu de la publicité à la radio pendjabi (Naim Mirza, page 553), et un article dans le Vancouver Sun en 2010 montre aussi la réputation que la marque « BioFert » a acquise sur le marché (pièce P5, onglet 138). De plus, comme M. Gordon Brown l’a affirmé, il y avait une demande pour les produits BioFert du séquestre, même si peu de rabais étaient offerts, comme c’est le cas dans les situations de liquidation.

b)  Dénomination sociale, noms commerciaux et marque de commerce déposée

[92]  Dans l’exposé conjoint des faits, les parties conviennent que l’ancienne société BioFert a exercé ses activités sous la dénomination sociale « BioFert Manufacturing Inc. » et qu’elle a employé les noms commerciaux « BioFert » et « BioFert Manufacturing ».

[93]  Le Bowra Group n’a pas obtenu la dénomination sociale lorsqu’elle était syndic. La preuve présentée par M. Stan Loewen est la suivante (page 147) :

[traduction]

Q  Et pourquoi le prix d’achat a-t-il été modifié?

R  L’achat a été modifié parce que nous, TerraLink Acquisition, n’avons pas obtenu le nom que nous devions avoir, le nom « BioFert Manufacturing », et c’était un facteur clé pour nous, et donc, nos avocats ont négocié avec le séquestre pour la réduction du prix.

« Figure 2 »

[94]  Le prix d’achat a chuté de 25 000 $ pour tenir compte de l’inaccessibilité à la dénomination sociale. L’obstacle qui les empêchait d’employer la dénomination était que M. Yasir Syed l’avait approuvé, mais tant son consentement que celui de M. Tahir étaient nécessaires pour apporter ce changement, car il exigeait une résolution spéciale. M. Tahir a refusé de consentir et cela a obligé la demanderesse à adopter la dénomination sociale « BioFert Manufacturing Canada Inc. » le 4 août 2015 et à faire affaire sous ce nom (pièce P2, onglet 11). La demanderesse a ensuite dû obtenir une ordonnance judiciaire datée du 27 août 2015 autorisant le changement de dénomination avec seulement le consentement de M. Yasir (pièce P3, onglet 43). Le 1er septembre 2015, la dénomination de l’ancienne société BioFert a été remplacée par une société à numéro (pièce P3, onglet 44) et la demanderesse a enfin pu employer la dénomination sociale « BioFert Manufacturing Canada Inc. », qu’elle a adoptée le 17 septembre 2015 (pièce P2, onglet 12).

[95]  Pendant que la demanderesse s’efforçait d’obtenir son nom actuel, les défendeurs ont adopté une dénomination sociale qui créait de la confusion, BioFert Manufacturing NA – « NA » désigne l’Amérique du Nord (« North America » en anglais). M. Tahir a demandé à M. Saif d’enregistrer la dénomination de BNA et M. Saif l’a fait en août 2015. Cette dénomination sociale créait beaucoup de confusion, surtout lorsqu’elle était placée sur un logo presque identique au logo de la demanderesse :

« Figure 3 »

La seule différence dans la dénomination sociale

 

« Figure 4 »

La seule différence dans la dénomination sociale

 

La seule différence dans la dénomination sociale

[96]  La dénomination « BioFert Manufacturing Inc. NA » enregistrée par les défendeurs crée de la confusion par rapport au nom utilisé par la nouvelle société BioFert. L’argument selon lequel il y avait de nombreuses autres sociétés appelées BioFert (M. Tahir a parlé de l’existence d’une société constituée aux États-Unis par son cousin, ainsi qu’une autre au Pakistan et dans d’autres pays) ne soustrait pas les défendeurs à la responsabilité des violations liées au nom « BioFert ».

[97]  Les défendeurs ont utilisé les noms commerciaux « BioFert » et « BioFert Manufacturing » de novembre 2016 à janvier 2016, mais ils n’ont pas été utilisés après la signification de la mise en demeure.

[98]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, Agrisol a envoyé des dépliants promotionnels à la fin de l’année 2015 ou au début de l’année 2016. M. Tahir a estimé que de 60 à 70 dépliants ont été livrés en main propre et que 10 à 25 autres dépliants ont été envoyés par la poste à des agriculteurs (recueil d’extraits, page 221). Un courriel de M. Imran Ahmad accompagné d’une ébauche de dépliant, qui a été envoyé en pièce jointe à plusieurs employés d’Agrisol en fin d’année 2015, est daté du 11 décembre 2015. Les deux premiers paragraphes du dépliant sont reproduits ci-dessous (cercle rouge ajouté) :

[traduction]

Chers clients,

Votre confiance

fait notre fierté!

Nous, les employés de BioFert, lançons une nouvelle entreprise : Agrisol Manufacturing Inc.

Vous servant depuis 2007 et connaissant bien votre industrie, nous vous assurons que nous sommes le seul groupe qui peut bien répondre à vos besoins et vous offrir une solution économique à vos besoins en engrais. La formule d’Agrisol Manufacturing Inc. est le fruit de plusieurs années de travail acharné de notre département de recherche et développement, qui est composé de titulaires de doctorats et de maîtrises en sciences ayant une vaste expérience dans le développement de produits.

Depuis 2007, nous offrons aux agriculteurs une gamme diversifiée d’engrais qui sont efficaces, économiques et écologiques. Le nombre croissant de nos clients et le développement constant de notre entreprise reflètent votre confiance dans nos produits, leur qualité et notre service à la clientèle exceptionnel. Pour remplir notre engagement à vous offrir les meilleurs produits, notre entreprise travaille sans relâche à développer de nouveaux produits plus efficaces qui répondent aux conditions climatiques changeantes et à vos besoins, et qui ont des effets environnementaux minimes. La qualité de nos produits est reconnue dans divers forums et nos produits sont utilisés par des chefs de file de l’industrie agricole partout au Canada et à l’étranger.

[99]  Ensuite, le 20 janvier 2016, M. Imran Ahmad, à la demande de M. Tahir, a envoyé des courriels publicitaires de masse à des agriculteurs la semaine précédant la Foire agricole du Pacifique (page 686). Ces dépliants indiquaient de façon équivoque que les employés de Biofert Manufacturing Inc. avaient créé Agrisol, ce qui est établi par un courriel envoyé à Mme Barb, d’Otter Co-op, lequel a été reproduit ci-dessous. M. Imran ne connaissait pas Mme Barb Swash quand il a envoyé les courriels, et même au procès, il ne savait pas si « Barb » était un homme ou une femme (page 690) :

[TRADUCTION]

Nous, les employés de BioFert Manufacturing Inc. avons a lancé Agrisol Manufacturing Inc., en plus de Manufacturing Inc. NA, et nous offrons actuellement un prix spécial pour les engrais granulés, particulièrement l’urée 46-0-0. Nous serons heureux de servir Otter Coop comme avant. [Caractères gras ajoutés.]

[100]  Sur les conseils de M. Tahir (page 691), le 26 janvier 2016, M. Imram a envoyé d’autres courriels publicitaires aux clients de serres avec l’étiquette et la bannière d’Agrisol, offrant une liste de prix et indiquant que [traduction] « [n]ous serons heureux de vous servir comme avant chez BioFert » (caractères gras ajoutés) (pièces P19 à P21). M. Imran a confirmé qu’il avait envoyé ces courriels à [traduction] « pas mal de serres à Surrey et à Abbotsford », mais il ne se souvient pas du nombre exact de clients auxquels il les avait envoyés (pages 694 et 695).

[101]  Je n’accepte pas l’argument de M. Tahir concernant la déclaration [traduction] « nous, les employés de BioFert » était en fait qu’un simple malentendu linguistique, puisqu’il s’agissait d’anciens employés de Biofert, étant donné que M. Imran [traduction] « comprenait mal l’anglais » (exposé final de M. Tahir, page 4; Imran Ahmad, page 759). Le courriel envoyé à Mme Barb mentionne qu’on servira Otter Co-op [traduction] « comme avant », tandis que les dépliants indiquent que [traduction] « [n]ous servons les agriculteurs depuis 2007 ». Agrisol n’avait commencé ses activités qu’en 2015 et n’avait réalisé aucune vente à ce moment‑là; il n’y avait donc aucun moyen pour l’un ou l’autre de ces commentaires d’être véridique et il ne s’agit pas d’une erreur linguistique.

[102]  Même si j’estime qu’il ne s’agissait pas de courriels ciblant les clients de l’ancienne société BioFert et visant à voler des clients de la nouvelle société BioFert, mais simplement de publicités aux agriculteurs et aux serres se trouvant dans le territoire de vente, ces courriels et ces dépliants constituaient des violations. La façon dont Agrisol a laissé entendre que les défendeurs étaient toujours BioFert crée de la confusion – point à la ligne.

[103]  La preuve a révélé une certaine confusion, y compris pour Mme Barb Swash d’Otter Co-Op, qui a transféré le courriel à M. Shahzad Nazir Khan à Terralink, en lui indiquant : [traduction] « Je suis curieuse de savoir comment ça se fait qu’ils s’appellent Biofert et Agrisol en même temps » (pièce P5, onglet 161). M. Shahzad a ensuite transféré le courriel de Mme Barb à M. Stan Loewen et à d’autres personnes chez Terralink, se disant inquiet quant à la confusion auprès des clients. Mme Barb savait parfaitement que la demanderesse était la véritable BioFert, vu le texte de son courriel, le fait qu’elle a choisi de communiquer avec M. Shahzad et la réponse des défendeurs à un engagement, selon laquelle [traduction] « [p]ersonne chez Agrisol n’a reçu de courriel de Barb d’Otter Co-op de décembre 2015 à février 2016 » (réponse à l’engagement 66, recueil d’extraits, page 206). De même, M. Gary Tiwana a témoigné qu’il avait vu le dépliant promotionnel et qu’il [traduction] « pensai[t] que BioFert changeait de nom. Je n’en étais pas certain. J’ai donc appelé Shahzad Khan pour m’en informer » (page 310). M. Shahzad a expliqué à M. Tiwana la confusion qui règne au sujet des sociétés (page 311).

[104]  Même si la demanderesse n’a pas besoin de prouver l’existence d’une confusion réelle, elle me demande d’accepter les éléments de preuve par ouï-dire de M. Shahzad Nazir selon lesquels d’autres agriculteurs inconnus, comme M. Ripudaman Singh Gill, l’ont également contactée en lui indiquant qu’ils étaient confus. Cependant, il existe déjà des éléments de preuve convaincants et plus fiables concernant la confusion réelle de Mme Barb Swash et de M. Gary Tiwana, et il est clair que d’autres clients auraient probablement été confus et induits en erreur par les activités des défendeurs. J’estime que les dépliants et les courriels constituaient une commercialisation trompeuse, car Agrisol se présentait comme étant BioFert ou, du moins, le mot « BioFert » était employé d’une façon qui créait de la confusion.

[105]  La dénomination sociale et les noms commerciaux ont également été affichés sur le site Web « BioFert.net » (voir ci-dessous), qui a été mis en ligne en janvier 2016 (exposé conjoint des faits, par. 20; Stan Loewen, page 159). Il est établi que, dans la mise en demeure signifiée le 27 janvier 2016, on a demandé aux défendeurs de retirer immédiatement le site Web. M. Stan Loewen a confirmé que le site Web avait été retiré à la fin de janvier 2016 (page 168), mais qu’il avait peut-être été retiré plus tôt, car la demanderesse n’avait pas consulté le site Web quotidiennement.

[106]  Les défendeurs ont déclaré que seule Agrisol, et non BNA, a continué ses activités après la mise en demeure de janvier 2016. BNA existe toujours en tant que société, bien que la demanderesse n’ait pas démontré qu’elle ait été exploitée de quelque manière que ce soit depuis janvier 2016, et elle a modifié sa dénomination pour une société à numéro en août 2016.

[107]  En plus d’être la propriétaire légitime du nom « BioFert », la demanderesse a acquis la marque déposée pour le mot « BioFert » (illustrée à la figure 1) de l’ancienne société BioFert le 31 juillet 2015, conformément à une cession de propriété intellectuelle (pièce P4, onglet 52, page 376). Toutefois, elle n’a officiellement effectué le transfert de la marque déposée auprès l’Office de la propriété intellectuelle du Canada que le 22 mars 2016 (pièce P4, onglet 53, page 386). Cependant, il ne fait aucun doute que M. Tahir n’était pas en droit d’employer la marque. L’emploi de la désignation de BNA et du nom commercial « BioFert » par les défendeurs dans les documents publicitaires mentionnés ci-dessus constituait une usurpation de la marque de commerce déposée illustrée à la figure 1.

[108]  Dans le cadre de la demande reconventionnelle, M. Tahir a tenté de me convaincre que cette marque déposée devrait être jugée invalide. Cet argument n’a pas été retenu et les arguments de M. Tahir quant à la validité seront traités dans la section « Demande reconventionnelle » ci-dessous.

c)  Logo

[109]  Dans l’exposé conjoint des faits, les parties conviennent que l’ancienne société BioFert a exercé ses activités en employant le logo illustré à la figure 3 (voir l’analyse relative au droit d’auteur ci-dessous pour obtenir de plus amples renseignements sur la création du logo). Le logo utilisé par les défendeurs, illustré à la figure 4, est presque identique.

[110]  Le logo contrefait a été employé dans les catalogues et les dépliants, ainsi que sur une scène et une bannière dans la configuration décidée avant la Foire agricole du Pacifique en janvier 2016. Les défendeurs avaient demandé les scènes en décembre 2015 (pièce P8). Le logo illustré à la figure 4 a ensuite été employé sur le site Web, mais seulement pendant une brève période en janvier 2016, comme je l’ai indiqué ci-dessus. Le logo figurait sur les étiquettes de produits, comme je l’indique à la section « Marques de commerce des produits » ci-dessous.

[111]  En outre, le logo a été imprimé sur des cartes de visite recto verso en prévision la Foire agricole du Pacifique de 2016 comme l’ont confirmé tous les témoins (Imran Ahmad, page 706; M. Tahir, page 1421; voir également les pièces P24 à P26, P58 et P59). Parmi les renseignements y figurant, l’un des côtés arborait un logo d’Agisol, et l’autre, le logo de BNA. Les cartes de visite ont été détruites après la réception de la mise en demeure et, selon la preuve présentée, ces cartes n’ont jamais été utilisées (Imran Ahmad, page 707). Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les défendeurs ont remplacé les cartes par de nouvelles cartes de visite au cours de la première journée de la Foire. M. Imran Ahmad estime avoir reçu les nouvelles cartes d’achat entre 12 h et 14 h 30, tandis que M. Tahir estime qu’il les a obtenues entre 13 h et 14 h (Imran Ahmad, page 709; M. Tahir, page 1409). J’accepte que ces cartes ont été remplacées par des cartes non contrefaisantes le premier après-midi de la Foire.

d)  Marques de commerce des produits

[112]  Dans l’exposé conjoint des faits, les parties ont convenu que l’ancienne société BioFert employait les marques de commerce suivantes en liaison avec ses produits : GreenUp 0-0-15, Earth Boost, Heavy Weight +0-0-25, Frost Guard, Nitro Fish 6-3-5, Sea Bloom, Sea Gro, Assist +0-24-25, Crop Conditioner+, Root Conditioning, et Cal-O+ 0-0-6Ca. Dans leurs actes de procédure, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si certaines de ces marques avaient également été employées par d’autres sociétés de la Colombie-Britannique, et la demanderesse a demandé aux défendeurs établissent qu’elles étaient employées par d’autres sociétés, et a soutenu subsidiairement que s’il y avait eu emploi par eux, il avait été mineur et n’avait pas déprécié l’achalandage. Au procès, les parties n’ont présenté aucun élément de preuve au sujet de l’emploi par d’autres personnes. Selon la preuve non contredite, il s’agissait de marques de commerce de produits de l’ancienne société BioFert, et je conclus que l’emploi de ces marques de produits non enregistrées par les défendeurs, alors qu’ils faisaient des affaires sous le nom de BNA, a contribué à la commercialisation trompeuse.

[113]  Avant la Foire agricole du Pacifique, ces marques de commerce de produits étaient employées dans les catalogues de produits (pièce P27), les dépliants (pièces P15 et P16) et les photographies (pièce P5, onglets 163 et 164). Cependant, ces documents où figuraient les marques de commerce de produits n’ont pas été utilisés à la Foire, de sorte que ces violations avaient pris fin le 27 janvier 2016.

[114]  En outre, le site Web « BioFert.net » offrait un grand nombre de ces produits à la vente pendant le mois de janvier 2016, mais, comme je l’ai indiqué ci-dessus, le site Web a été retiré peu après la mise en demeure (pièce P4, onglets 76 à 86; voir également l’exposé conjoint des faits, par. 20).

[115]  La preuve indiquait aussi que M. Tahir a présenté une demande d’enregistrement de marques de commerce pour les produits Earth Boost et Assist le 10 septembre 2015 (exposé conjoint des faits, au paragraphe 16; pièces P52 et P53). Plus tard, le 14 juin 2016, il a écrit à l’OPIC pour lui indiquer qu’il abandonnait ces demandes (pièces P52 et P53). Ces marques de commerce avaient été transférées à la demanderesse dans le cadre de la cession de propriété intellectuelle au moment de la vente des biens (pièce P2, onglets 4 et 8), et je conclus que l’emploi de ces marques de commerce de produit par les défendeurs a accru la confusion et qu’il s’agissait d’un autre cas de commercialisation trompeuse.

e)  Site Web « BioFert.net »

[116]  Dans l’exposé conjoint des faits, les parties ont convenu que l’ancienne société BioFert gérait un site Web associé au nom de domaine « Biofert.net ». Le site Web décrivait les activités de BioFert et employait la marque 894, le logo « BioFert » et les marques de commerce des produits énumérées au paragraphe 112 ci-dessus.

[117]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, le contenu contrefait a été affiché sur le site Web « BioFert.net » pendant une brève période en janvier 2016. La question de la possession du nom de domaine « BioFert.net » est tranchée ci-dessous. Je mets de côté pour l’instant cette question distincte sur la façon dont les défendeurs sont parvenus à afficher du contenu sous le nom de domaine « BioFert.net ». On pouvait trouver dans le site Web « BioFert.net » un certain nombre de violations, notamment relativement au nom BNA, au nom commercial « BioFert », au logo, aux marques de commerce de produits et aux œuvres protégées par le droit d’auteur. Le site Web « BioFert.net » figurait sur les cartes de visite et la bannière qui ont été préparées en vue de la Foire, mais ni les cartes ni la bannière n’ont été utilisées.

[118]  Ces violations en ligne ont pris fin en janvier 2016, comme l’a confirmé M. Stan Loewen (pages 167 et 168) et l’indique le courriel de la demanderesse envoyé le 31 janvier, lequel fait état des [traduction« premières révisions » apportées à BioFert.net [traduction« très rapidement après réception de notre lettre » (pièce P2, onglet 29). Le site Web a été mis en mode « entretien », en indiquant [traduction« Nous nous excusons du contretemps. Notre site Web fait actuellement l’objet d’un entretien de routine. Merci de votre compréhension » (pièce P4, onglet 87). Il contenait aussi un bouton [traduction« S’abonner ». Aucune preuve convaincante n’expliquait vers quelle page le bouton [traduction« S’abonner » redirigeait les utilisateurs.

[119]  Le nom de domaine où le site Web était hébergé a été transféré à la demanderesse conformément à la décision de novembre 2017 concernant la plainte relative aux Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, qui avait été déposée par la demanderesse. Maintenant, si on tente de consulter le site Web « BioFert.net », on est redirigé vers le site Web de la demanderesse, « BioFert.ca » (Naim Mirza, page 568).

f)  Adresses courriel « BioFert.net »

[120]  Les défendeurs ont également commencé à utiliser des adresses courriel associées à « BioFert.net » dans des courriels avec des clients potentiels à compter d’un courriel envoyé le 22 novembre 2015 par M. Tahir à M. Van Manh. M. Van Manh a envoyé un courriel à l’adresse Syed@Biofert.net pour demander pourquoi le site Web « BioFert.net » ne peut plus être consulté. M. Tahir a répondu ce qui suit : [traduction] « Bonjour M. Manh, Pour votre information, M. Yasir ne fait plus partie du groupe BioFert. Pour toute demande, [on] doi[t] me contacter. Merci et meilleures salutations » (pièce P61; aveu présumé 189). Lors du contre-interrogatoire, M. Tahir a confirmé qu’il avait pu envoyer et recevoir des courriels à l’aide de l’adresse « BioFert.net » (pages 1436 et 1437). L’utilisation d’adresses courriel contenant le mot « BioFert » montre en outre que les défendeurs se présentaient comme étant BioFert en associant leurs activités au mot « BioFert » de manière trompeuse.

g)  Nom de domaine

[121]  Dans la mise en demeure de janvier 2016 susmentionnée, la demanderesse a demandé aux défendeurs de retirer le site Web « BioFert.net » et de lui transférer le contrôle du nom de domaine « BioFert.net ». Le contenu du site Web a été supprimé à la suite de cette demande. Bien qu’il soit clair que les défendeurs étaient capables dans une certaine mesure de diriger l’affichage du contenu sur le site Web, M. Tahir conteste avoir le contrôle du nom de domaine. Lors de son interrogatoire préalable, M. Mahmood a affirmé que c’était un développeur Web indépendant du nom de Muhammad Shabir qui avait en fait mis le contenu en ligne (extraits du témoignage de M. Tahir, réponse à l’engagement 78, page 207).

[122]  La demanderesse a déposé un rapport de DomainTools montrant l’historique du nom de domaine « BioFert.net » et l’adresse courriel inscrite pour le nom de domaine à différents moments (Naim Mirza, pages 501 et 502). La période s’étant écoulée entre les rapports varie. L’ancienne société BioFert avait utilisé le nom de domaine « BioFert.net » de 2007 à 2015, et même si elle détenait d’autres noms de domaine, M. Naim Mirza a affirmé que tous les autres noms de domaine redirigeaient vers « BioFert.net » (page 533).

[123]  Depuis 2007, le [traduction« dossier de WhoIs » dans le rapport de DomainTools indique que M. Naim Mirza a inscrit son nom comme [traduction« nom du technicien » (pièce P5, onglet 166, page 870). M. Naim Mirza a indiqué que son nom était inscrit parce que [traduction« j’ai participé à l’hébergement mais aussi un peu à la conception et au contenu du site Web » (page 503). Entre-temps, l’adresse courriel de l’administrateur était « Mahmood@BioFert.net », et M. Naim Mirza a affirmé que l’adresse appartenait à M. Mahmood (page 503). Les mêmes coordonnées apparaissaient dans les rapports subséquents, et ce, jusqu’au 29 novembre 2014, date à laquelle l’adresse courriel inscrite a été modifiée pour « webmaster@BioFert.net » (pièce P5, onglet 166, page 820). M. Naim Mirza a indiqué que [traduction] « [l]’administrateur du site Web était un alias qui est venu à mon courriel » (page 504). À ce moment-là, la date d’expiration de l’enregistrement inscrite était le 24 juillet 2015 (pièce P5, onglet 166, page 820).

[124]  Le nom de domaine faisait partie des actifs transférés au séquestre, le Bowra Group. M. Naim Mirza a indiqué qu’il avait remis le mot de passe au séquestre, le Bowra Group, en mai 2015 (page 562). Il est intéressant de noter que, dans le rapport du 22 juillet 2015, les renseignements de WhoIs montraient que « ahmad@biofert.net » était l’adresse courriel inscrite, plutôt que celle de M. Naim Mirza, qui figurait habituellement à la ligne de la personne inscrite (pièce P5, onglet 166, page 818). M. Naim Mirza a affirmé qu’il ne connaissait pas cette adresse courriel et qu’il n’était pas responsable de sa création (pages 505 et 506). La date d’expiration de l’enregistrement inscrite était toujours le 24 juillet 2015, mais une [traduction« date mise à jour » a été inscrite comme étant le 15 juillet 2015, ce qui laisse croire que la modification de l’adresse courriel a été apportée récemment (pièce P5, onglet 166, page 818).

[125]  Quelques jours plus tard, le rapport subséquent de DomainTools, daté du 25 juillet 2015, montrait que la personne inscrite était « contact@privacyprotect.org » et qu’elle était inscrite comme un service de la protection des renseignements personnels appelé « PrivacyProtect.org » dans le Queensland, en Australie (pièce P5, onglet 166, page 816).

[126]  Une autre modification apportée concernait la date d’expiration de l’enregistrement, qui est maintenant inscrite comme étant le 24 juillet 2016 (pièce P5, onglet 166, page 816). C’était exactement un an après la date d’expiration précédemment inscrite. M. Naim Mirza a affirmé que la raison pour laquelle il s’agirait de la même date que l’année précédente est que le domaine a été renouvelé avant qu’il ne soit autorisé à expirer (page 515). M. Naim Mirza a en outre témoigné que, lorsqu’un domaine expire, [traduction« il passe par un processus d’expiration et jouit d’une certaine période de grâce pour permettre à la personne initialement inscrite de le renouveler avant qu’il ne soit supprimé » (pages 512 et 513). Si le propriétaire initial veut le renouveler pendant la période de grâce, il peut le faire; sinon, il y a un processus d’expiration de 30 à 40 jours avant que quelqu’un d’autre puisse l’enregistrer (page 513). Il a ensuite indiqué qu’il parlait de la propriété du domaine en soi, et non seulement de l’hébergement sur le domaine (page 566). Par conséquent, la preuve était compatible avec le fait que le nom de domaine a été transféré, puis renouvelé, et non expiré.

[127]  M. Stan Loewen a témoigné qu’en juillet 2015, [traduction] « [ils se sont] rendu compte que la date d’expiration du domaine approchait et [ont] donc parlé à Gordon Brown du Bowra Group pour [s’]assurer qu’il était renouvelé et qu’il n’expirerait pas [...] il n’a pas réussi et le domaine est passé aux mains d’une autre partie à ce moment-là » (à la page 156). Les témoins de la demanderesse ont confirmé que M. Gordon Brown n’avait pas réussi à demander le domaine au gestionnaire du registre de noms de domaine, PublicDomainRegistry.com, qui avait le contrôle du nom de domaine, car il y avait un bouclier de protection de renseignements personnels (Stan Loewen, pages 196 et 197; Gordon Brown, pages 233, 249 et 250; Naim Mirza, pages 507 et 508). M. Gordon Brown a confirmé qu’il n’y avait aucun renseignement disponible pour prendre d’autres mesures pour contacter le propriétaire du domaine, de sorte qu’aucun autre effort n’a été déployé pour récupérer le domaine (page 263).

[128]  M. Tahir nie être responsable du transfert du nom de domaine. Il affirme que son beau-père, M. Javed Aziz, qui se trouvait au Pakistan, a contacté une personne au Pakistan nommée Adnan Ahmed, qui possédait le nom de domaine « BioFert.net » (pages 1426 et 1494). M. Tahir affirme que le nom d’Adnan a été découvert dans les renseignements de WhoIs aux alentours d’août, de septembre ou d’octobre 2015 (pages 1428 et 1429). Son témoignage concernant la façon dont il a découvert qu’Adnan Ahmad possédait le nom de domaine n’était pas clair, car les renseignements de WhoIs ne révélaient que l’adresse courriel « Ahmad@biofert.net ». Lors de son interrogatoire préalable, M. Tahir a dit que son beau-père avait déclaré [traduction] « [qu’]il s’agissait d’une personne nommée Hassan Ahmad, un fournisseur de services de TI dans une entreprise de textile où M. Aziz est le directeur général, qui avait obtenu les coordonnées de M. Adnan » en août ou septembre 2015 (recueil d’extraits, page 208, réponse à l’engagement 81).

[129]  Lors de l’interrogatoire préalable, M. Tahir a expliqué que son beau-père avait payé 250 000 roupies (environ 3 000 $CAN) pour obtenir le nom de domaine « BioFert.net » et les adresses courriel associées au nom de domaine (recueil d’extraits, encadré à la page 249; les détails du taux de change sont indiqués au-dessus de l’extrait et sont mentionnés ici à titre de mise en contexte). M. Tahir a affirmé que ce nom de domaine serait utilisé [traduction] « pour héberger le domaine de BioFert Manufacturing Private Limited » au Pakistan (recueil d’extraits, pages 248 et 249). Cependant, lors du contre-interrogatoire, M. Tahir a reconnu qu’il avait prévu utiliser « BioFert.net » comme adresse en ligne pour les sociétés défenderesses, et non pour la société pakistanaise, et il a admis qu’il avait préparé des documents publicitaires, sur lesquels figurait « BioFert.net », à l’intention des sociétés défenderesses (pages 1429 et 1430). M. Tahir a témoigné qu’il avait pris le contrôle du compte courriel « Mahmood@BioFert.net », car son beau-père [traduction« [lui] en avait donné l’accès » (page 1494). Il a affirmé que, une fois qu’il a eu accès aux courriels de BioFert.net, tous les courriels envoyés à des adresses courriel se terminant par « BioFert.net » ont été reçus dans son compte « Mahmood@BioFert.net », et il a admis qu’il aurait vu tous les courriels envoyés à l’adresse en janvier 2016 (recueil d’extraits, pages 242 et 243).

[130]  Comme je l’ai déjà fait remarquer quelques fois, les parties conviennent qu’un site Web est devenu actif sous le domaine « BioFert.net » vers la fin janvier 2016 (exposé conjoint des faits, par. 20; voir aussi Stan Loewen, page 159). Les parties, encore une fois, ne s’entendaient pas sur qui était responsable du contenu de ce site Web. D’un côté, la demanderesse affirme que ce sont les défendeurs. D’un autre côté, M. Tahir affirme qu’il n’avait en fait jamais vu le site avant que lui soit signifiée la mise en demeure, même si le site arborait l’adresse et le numéro de téléphone d’Agrisol et ne mentionnait pas la société BioFert au Pakistan (pages 1430 et 1431).

[131]  M. Tahir a déclaré qu’il ne se souvenait pas exactement de ce qui s’était passé après avoir reçu la mise en demeure. Au début, il a témoigné qu’il avait dit à ses partenaires d’affaires que cela avait été fait par [traduction« les gars au Pakistan », mais quand on lui a montré la transcription de son interrogatoire préalable, il a confirmé qu’il n’avait en fait jamais dit cela à ses partenaires d’affaires (page 1433). Quoi qu’il en soit, le site Web a été retiré à la fin janvier 2016, mais le nom de domaine est resté hors de portée pour la demanderesse.

[132]  Les renseignements relatifs à la protection des renseignements personnels ont continué de figurer dans les inscriptions de WhoIs du 25 au 26 juillet 2016 (pièce P5, onglet 166, pages 780 à 817). Par la suite, le 16 septembre 2016, le rapport de WhoIs ne faisait plus l’objet d’une protection quant aux renseignements personnels (pièce P5, onglet 166, page 778). En fait, il y était indiqué que la personne inscrite était Muhammad Adnan, dont l’adresse était à Lahore, au Pakistan, et dont l’adresse courriel était « biofertpk@gmail.com » (pièce P5, onglet 166, page 778). Les mêmes renseignements sont répétés ci-dessous pour le [traduction« nom d’administrateur » et le [traduction« nom du technicien ». M. Naim Mirza a affirmé que ces détails apparaissaient [traduction« probablement parce qu’ils ne sont plus cachés derrière une protection des renseignements personnels » (page 509). Cette révélation a amené la demanderesse à ajouter Muhammad Adnan comme défendeur en octobre 2017.

[133]  Étant donné que le site Web « BioFert.net » était inaccessible, la demanderesse a dû modifier son plan de commercialisation. M. Naim Mirza a indiqué que, [traduction« parce qu’il avait été utilisé sur le marché pendant si longtemps et que tous les documents publicitaires arboraient l’adresse de ce site Web », ils auraient aimé utiliser « BioFert.net » (page 442). La demanderesse a plutôt choisi d’utiliser « BioFert.ca » (Naim Mirza, page 499). La demanderesse a dû entamer une procédure distincte pour récupérer le contrôle du nom de domaine « Biofert.net » en novembre 2017 (exposé conjoint des faits, par. 27). La demanderesse n’a jamais localisé M. Muhammad Adnan; ce dernier a donc été révoqué à titre de défendeur en octobre 2019. À ce jour, la demanderesse utilise « BioFert.ca », et « BioFert.net » redirige simplement vers « BioFert.ca » (Naim Mirza, page 534).

[134]  En raison de la présence du bouclier de protection de renseignements personnels, je ne peux pas conclure selon la prépondérance des probabilités que M. Tahir a « volé » le nom de domaine « BioFert.net » à la demanderesse. On ne sait pas trop qui a transféré le contrôle du nom de domaine et l’a ensuite renouvelé pour empêcher la demanderesse d’en prendre possession. Cependant, M. Tahir a reconnu avoir reçu des courriels envoyés à des comptes « BioFert.net » en utilisant son compte « Mahmood@BioFert.net » après que son beau-père lui en a donné l’accès. Me fondant sur les faits suivants, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que M. Tahir a contrôlé les documents affichés sur le site Web en janvier 2016 :

  • M. Tahir a admis qu’à la fin de 2015, il prévoyait utiliser l’adresse « BioFert.net » comme adresse en ligne des sociétés défenderesses (page 1429);

  • les cartes de visite, la scène, les brochures et les documents préparés pour la Foire de janvier 2016 arboraient le nom de domaine « BioFert.net », confirmant ainsi l’intention d’utiliser ce nom de domaine dans le cadre des activités des sociétés défenderesses (pages 1429 et 1430);

  • M. Tahir reconnaît que tous les courriels envoyés au nom de domaine « BioFert.net » ont été reçus à son compte « Mahmood@BioFert.net », ce qui tend aussi à indiquer que les sociétés défenderesses avaient l’intention d’utiliser « BioFert.net » comme site Web (recueil d’extraits, pages 242 et 243);

  • l’adresse, le numéro de téléphone et le numéro de télécopieur inscrits dans la section des coordonnées appartenaient à Agrisol, à Aldergrove (Colombie-Britannique), et non pas à une société pakistanaise (page 1431; voir aussi la pièce P4, onglet 83, page 435);

  • le site a été retiré peu après la mise en demeure, ce qui tend à indiquer que les défendeurs avaient au moins un certain contrôle sur le contenu;

  • le témoignage de M. Tahir au sujet de ses actes après la mise en demeure était vague et peu utile, M. Tahir n’a pas produit les courriels échangés entre lui et M. Irfan Ali au sujet de « BioFert.net », ce que la demanderesse avait demandé (pages 1393 et 1394);

  • en ce qui concerne l’autre site Web, M. Tahir exploitait le nom de domaine « Agrisolinc.com ». Selon le témoignage de M. Tahir, [traduction« Irfan s’occupait de ce site Web », mais M. Tahir le [traduction] « gérait » (page 1496). En ce qui concerne d’autres modifications aux documents publicitaires, M. Tahir a demandé à M. Irfan Ali, au Pakistan, d’apporter les modifications (Imran Ahmad, page 714).

[135]  Ces faits permettent à la Cour de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que M. Tahir a envoyé et reçu des courriels de son compte « Mahmood@BioFert.net » et qu’il a contrôlé l’affichage du contenu sur le site Web « BioFert.net », qui contenait des violations.

(4)  Violations alléguées qui n’ont pas été prouvées selon la prépondérance des probabilités

[136]  La demanderesse a fait état d’autres activités qui pourraient également constituer une usurpation de marques de commerce, mais elle n’a pas réussi à prouver la violation selon la prépondérance des probabilités :

  • La demanderesse a allégué que quelqu’un au téléphone chez Agrisol – Steven –, n’avait pas corrigé M. Gurtaj Sandhu lorsqu’il s’est présenté comme client et a demandé du « BioStix », qui était maintenant un produit de la nouvelle société BioFert, mais était un produit de l’ancienne société BioFert. Agrisol vend de l’Agri Stix, qui est un produit similaire. M. Gurtaj Sandhu a affirmé que Steven lui a dit qu’Agrisol vendait le même BioStix que Terralink (page 614). Cependant, M. Tahir a affirmé que les employés d’Agrisol n’ont pas abordé le sujet de l’ancienne société BioFert et, lorsqu’on leur a demandé s’il s’agissait de BioFert, on leur a dit de répondre ceci : [traduction« non, c’est Agrisol, comment pouvons-nous vous aider » (recueil d’extraits, page 208, réponse à l’engagement 85). La demanderesse n’a pas démontré que des violations avaient été commises au téléphone ou qu’une personne prénommée Steven travaillait effectivement pour Agrisol ou BNA.

  • Agrisol a enregistré les numéros de téléphone et de télécopieur utilisés par l’ancienne société BioFert depuis deux ans à Aldergrove. Le numéro de téléphone était le 604‑607‑1344 (Imran Ahmad, pages 753 et 754; Kamal Bahga, pages 819 et 820; M. Tahir, pages 1390 et 1391). Cependant, cela a été fait cinq mois après que la nouvelle société BioFert eut pris le contrôle de tous les actifs de l’ancienne société BioFert, et le séquestre et la nouvelle société BioFert n’ont rien fait pour assurer le contrôle de ces numéros. En outre, M. Stan Loewen a confirmé qu’il n’avait pas vérifié si cet indicatif régional pouvait effectivement être utilisé par Terralink dans les installations d’Abbotsford, et M. Tahir a laissé entendre que l’emplacement physique aurait pu être un obstacle pour la demanderesse en utilisant l’indicatif régional avec ce numéro de téléphone (Stan Loewen, page 194; M. Tahir, page 1481). Quoi qu’il en soit, M. Tahir a soutenu qu’il était rare que les clients passent des commandes par téléphone : [traduction« ils n’ont jamais appelé la plupart du temps. Ce n’étaient que des entreprises, nos vendeurs, ils ont appelé [...] Les clients, ils appelaient le numéro de cellulaire la plupart du temps. Ce sont les vendeurs; ils appellent ces numéros d’où nous achetons tout le matériel » (recueil d’extraits, page 194). M. Tahir a ajouté que [traduction« Agrisol reçoit très peu de télécopies, peut-être une ou deux par saison ou moins, et personne à Agrisol ne se souvient d’avoir reçu une télécopie de la part d’un client » (recueil d’extraits, page 209, réponse à l’engagement 89). La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il s’agissait d’une violation.

  • La demanderesse m’a demandé de conclure que les catalogues contrefaits n’avaient pas été modifiés comme M. Tahir l’avait prétendu pour la Foire, mais la demanderesse ne m’a pas convaincue et n’a fourni aucune preuve que des catalogues contrefaits avaient été distribués ou utilisés au Canada après la mise en demeure. Les défendeurs m’ont convaincue qu’il aurait été possible d’apporter ces modifications dans un court laps de temps, ce que M. Tahir semble avoir coordonné avec M. Irfan Ali au Pakistan.

  • Il a été rapporté qu’un catalogue de BioFert a été trouvé au Pakistan en septembre 2017 (témoignage de M. Syed, pages 1594 à 1600), mais la demanderesse n’a pas fourni suffisamment de renseignements à ce sujet pour me permettre de conclure qu’il faisait partie des violations.

  • Il y avait aussi des allégations selon lesquelles M. Kamal Bahga aurait volé des mélangeurs de l’ancienne société BioFert pour les utiliser chez Agrisol, mais elles n’ont pas été prouvées selon la prépondérance des probabilités et sont probablement liées à l’action intentée devant la CSCB, et non pas à la présente action.

[137]  Toutefois, même si elle n’a pas prouvé ces allégations, selon l’analyse effectuée aux paragraphes 92 à 135 des présents motifs, la demanderesse a démontré qu’il y avait eu usurpation de marques de commerce. Les activités des défendeurs constituaient une usurpation de marques de commerce, une commercialisation trompeuse et une fausse désignation de leurs produits. Je conclus également que les défendeurs ont usurpé la marque déposée de la demanderesse d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage, puisque les clients auraient associé la marque 894 déposée aux entreprises de la demanderesse et des défendeurs.

[138]  Je conclus que les défendeurs ont violé les alinéas 7b) et 7d) ainsi que les articles 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce.

B.  Les défendeurs ont-ils violé le droit d’auteur de la demanderesse, contrairement aux articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur?

[139]  Le paragraphe 3(1) de la Loi sur le droit d’auteur définit le droit d’auteur comme étant « le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque » et comprenant le droit exclusif « d’autoriser ces actes ».

[140]  Une fois que le droit d’auteur a été établi, la question est de savoir si l’œuvre protégée par ce droit a été reproduite d’une manière contraire au paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur. Le paragraphe 27(1) définit simplement la violation du droit d’auteur comme suit : « Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir ».

[141]  La demanderesse a soutenu qu’elle détenait le droit d’auteur sur le logo « BioFert » (figure 3) et la section [traduction] « À notre sujet » du site Web « BioFert.ca », et que les défendeurs ont usurpé les deux.

[142]  La demanderesse a présenté une cession du droit d’auteur à l’égard du logo datée du 28 février 2016 et signée par M. Toby Woo de la société maintenant dissoute Blue Bananas, cédant ainsi le droit d’auteur à la nouvelle société BioFert (pièce P5, onglet 160). La demanderesse soutenait que cela [traduction] « confirme, de façon rétroactive, l’intention des parties d’accorder la propriété du droit d’auteur du logo BioFert à l’ancienne société BioFert à compter de la date de la création de l’œuvre, dont les biens – y compris toute la propriété intellectuelle – ont ensuite été transférés à la demanderesse ».

[143]  Dans la défense et demande reconventionnelle modifiée, les défendeurs ont fait valoir que la demanderesse ne possède pas le logo et la page [traduction« À notre sujet » (par. 16). Ils allèguent que le concepteur du logo illustré à la figure 3 n’a pas cédé la propriété du logo à la nouvelle société BioFert. M. Tahir affirme qu’étant donné qu’aucune preuve documentaire n’a été présentée par la demanderesse au sujet de la création du logo ou de la facturation par Blue Bananas pour la création du logo, la cession n’est pas authentique.

[144]  Je n’accepte pas cet argument et je conclus que les défendeurs ont contrefait les deux œuvres protégées par le droit d’auteur détenues par la demanderesse sans sa permission ou son autorisation.

(1)  Propriété du logo

[145]  Pour commencer par la première œuvre protégée par le droit d’auteur, le logo « BioFert », des éléments de preuve contradictoires ont été présentés concernant la question de savoir qui était le créateur originel du logo de l’ancienne société BioFert. M. Toby Woo a déclaré que son partenaire chez Blue Bananas, M. Ryan George, avait conçu ce logo (à la page 622). Blue Bananas a existé de 2005 à 2012, date à laquelle elle a cessé ses activités. Aucun élément de preuve documentaire, y compris des ébauches de logos, des courriels ou des factures, n’a été présenté par l’une ou l’autre partie concernant la propriété. De plus, M. Woo a affirmé qu’il ne savait pas que l’ancienne société BioFert avait fait faillite lorsqu’il a signé la cession.

[146]  Contrairement la preuve présentée par M. Woo, les témoignages de M. Yasir Syed et de M. Tahir indiquent tous deux qu’une graphiste prénommée Tanya, et non Blue Bananas, a conçu le logo (M. Tahir, page 1263). Mme Tanya a un nom de famille russe inconnu – peut‑être Sultana – et a travaillé avec M. Tahir et M. Yasir à Grotek avant qu’ils créent l’ancienne société BioFert (M. Tahir, page 1263; extraits de l’interrogatoire préalable de M. Yasir Syed, page 17). Selon la preuve, bien qu’elle ait travaillé à Grotek, elle a travaillé à son compte chez elle alors qu’on lui avait diagnostiqué un cancer (M. Tahir, page 1263). Pendant l’interrogatoire préalable, M. Yasir a également laissé entendre que M. Ryan George aurait créé deux ou trois ébauches du logo, puis que Mme Tanya a amélioré le logo et que la version de Mme Tanya a été employée lorsque Blue Bananas a créé le site Web et, peut-être, conçu les cartes de visite (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, pages 58 à 62, et 144 à 146).

[147]  Il n’y a toutefois pas de preuve contradictoire en ce qui concerne le fait que Blue Bananas a conçu des œuvres d’art pour l’ancienne société BioFert de 2005 à 2007 (Toby Woo, page 623) et n’a jamais travaillé pour la nouvelle société BioFert (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 150). De plus, il n’a pas été contesté que, si Blue Bananas a effectivement conçu le logo, celui-ci devait appartenir à l’ancienne société BioFert, et non à l’artiste (Toby Woo, page 623). Il n’a pas été contesté que l’ancienne société BioFert et Blue Bananas n’ont signé aucune cession. Enfin, nul ne conteste non plus qu’un document intitulé [traduction« cession du droit d’auteur » a été déposé en preuve, lequel a été signé par M. Toby Woo au nom de Blue Bananas le 28 février 2016, soit deux jours avant que la demanderesse ne dépose sa déclaration (pièce P5, onglet 160).

[148]  Je m’appuierai sur la preuve présentée par M. Yasir Syed à cet égard parce qu’il était responsable de la commercialisation lorsque l’ancienne société BioFert a été constituée et qu’il serait la personne qui en aurait le meilleur souvenir. Comme M. Syed l’a indiqué, le logo a été créé par Mme Tanya et M. Ryan George en vue d’être employé par l’ancienne société BioFert.

[149]  En fin de compte, je ne relève aucune question concernant le fait que le logo « BioFert » appartenait à l’ancienne société BioFert. Que l’auteur final de l’œuvre soit Mme Tanya ou M. Ryan George, le fait est qu’ils ont transféré ces droits à l’ancienne société BioFert.

[150]  Comme je l’ai mentionné ci-dessus, la propriété intellectuelle en cause a été saisie par le Bowra Group lorsqu’elle a été nommée à titre de séquestre, après la faillite de l’ancienne société BioFert. Cette propriété faisait partie de la vente à la nouvelle société BioFert. Deux jours avant que la déclaration déposée dans le présent litige soit publiée le 1er mars 2016, la nouvelle société BioFert a demandé à Blue Bananas de signer la cession (le 28 février 2016 – année bissextile). Je n’accorderai aucun poids à la cession rétroactive, car elle n’a pas été étayée par des éléments de preuve sous-jacents de la création et, dans ces circonstances, n’a aucune valeur probante, puisqu’elle a été exécutée longtemps après que le Bowra Group eut déjà été saisi ou que l’ancienne société BioFert devait légalement céder toute la propriété intellectuelle aux séquestres. L’ancienne BioFert n’était donc plus propriétaire de ce bien depuis sa faillite (voir Planet Earth Productions Inc c Rowlands (1990), 73 OR (2d) 505, par. 35 et 36 (CS Ont); et 746278 Ontario Ltd c Courtot, [1987] ACF no 1136 (dans le contexte d’une injonction)).

[151]  Le 31 juillet 2015, le Bowra Group a cédé toute la propriété intellectuelle à TL Acquisition Corp., qui est maintenant la demanderesse, la nouvelle société BioFert (exposé conjoint des faits, par. 11). Bien que je remarque qu’il n’y a eu aucune mention précise du logo dans la cession, le Bowra Group vendait [traduction] « toute la propriété intellectuelle détenue par BioFert Manufacturing Inc. » et ne limitait pas le transfert à la propriété intellectuelle énumérée seulement. Cela signifie que le logo est la propriété légale de la demanderesse depuis 31 juillet 2015.

(2)  Propriété de la page [traduction] « À notre sujet »

[152]  En ce qui concerne la deuxième œuvre protégée par le droit d’auteur, soit la page [traduction] « À notre sujet », , les parties ont convenu au paragraphe 9 de l’exposé conjoint des faits que l’ancienne société BioFert possédait du contenu protégé par le droit d’auteur sur le site Web associé au nom de domaine « BioFert.net ». De plus, M. Naim Mirza, qui a travaillé pour l’ancienne société BioFert et qui est maintenant un employé de la société mère de la nouvelle société BioFert, Terralink, a présenté une preuve à ce sujet. Il a affirmé qu’il avait créé la page [traduction« À notre sujet » à l’ancienne société BioFert avec d’autres collègues (page 498; voir également l’exposé conjoint des faits, par. 7).

[153]  Cette page [traduction« À notre sujet » de l’ancienne société BioFert était presque identique à la page [traduction« Profil » qui a plus tard figuré sur le site Web de la demanderesse, en janvier 2016 (pièce P5, onglet 112; pages 499 et 500). La propriété intellectuelle de l’ancienne société BioFert, y compris la partie [traduction] À notre sujet » du site Web, a plus tard été transférée de l’ancienne société BioFert au Bowra Group lors de la faillite. Comme pour le logo, la page [traduction« À notre sujet » a été transférée du Bowra Group à la demanderesse lorsque cette dernière a acquis tous les actifs de l’ancienne société BioFert, puisqu’elle était couverte par le terme [traduction] « propriété intellectuelle » (voir aussi l’aveu présumé 20).

(3)  Les défendeurs ont reproduit sans autorisation les deux œuvres protégées par le droit d’auteur.

[154]  Il a été prouvé que le logo contrefait (illustré à la figure 4 ci-dessus) a été employé sur le site Web « BioFert.net » en janvier 2016 et à la Foire agricole du Pacifique sur du matériel d’étalage, comme des scènes, des cartes de visite, des brochures et un catalogue. Le logo contrefait, qui était essentiellement similaire au logo de la demanderesse (voir les figures 3 et 4 ci-dessus), a été produit à la demande des défendeurs et a été reproduit sans l’autorisation de son propriétaire. Je conclus que le logo protégé par le droit d’auteur de la demanderesse a été contrefait aux termes de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur.

[155]  Quant à la page [traduction« À notre sujet », lorsqu’on lui a demandé de comparer le site Web de l’ancienne société BioFert et ce qui se trouvait sur le site Web « BioFert.net » des défendeurs en janvier 2016, M. Naim Mirza a constaté qu’ils étaient presque identiques (pages 499 et 500; voir aussi la pièce P4, onglet 84; pièce P5, onglets 111 et 112). La preuve se trouvant à l’onglet 111 de la pièce P5 montre le site Web de l’ancienne société BioFert en date du 24 avril 2015, et la preuve se trouvant à l’onglet 112 de la pièce P5 montre le site Web « BioFert.ca » de la demanderesse en date du 27 janvier 2016. De son côté, l’onglet 84 de la pièce P4 montre le site Web des défendeurs, « BioFert.net », tel qu’il apparaissait le 27 janvier 2016, à 11 h 30, et tel qu’il a été imprimé par la parajuriste de la demanderesse, Mme Amy Jobson (Naim Mirza, pages 497 et 498).

[156]  Je conclus que les défendeurs ont reproduit en grande partie la page [traduction« À notre sujet » protégée par le droit d’auteur. Les légères différences dans le titre des pages – [traduction« À notre sujet » et [traduction« Profil » – et les différences mineures dans le libellé des sections n’ont aucune incidence sur la conclusion de violation du droit d’auteur. Aucun des défendeurs individuels n’a nécessairement produit la page [traduction« À notre sujet », mais comme je l’ai conclu ci-dessus, M. Tahir a ordonné la création de la page Web, puis il l’a examinée avant qu’elle ne soit présentée au public, ce qui est suffisant pour conclure à une violation aux termes du paragraphe 3(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

[157]  Rien n’indiquait que la demanderesse avait autorisé les défendeurs à utiliser ces œuvres, qui appartenaient à la nouvelle société BioFert, ce qui signifie que les reproductions réalisées par les défendeurs étaient non autorisées.

[158]  Compte tenu de l’analyse ci-dessus, j’ai conclu que les défendeurs avaient violé les articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur.

C.  Les deux sociétés défenderesses doivent-ils être tenues solidairement responsables?

[159]  Avant d’évaluer la responsabilité de chaque défendeur individuel, je conclus que les deux sociétés défenderesses doivent être tenues solidairement responsables de toutes les violations. La Cour a déclaré que deux sociétés peuvent être solidairement responsables de violations lorsqu’une société en contrôle une autre (Weatherford Canada Ltd c Corlac Inc, 2010 CF 602, par. 211 à 214).

[160]  J’estime que c’est le cas en l’espèce. Premièrement, les défendeurs individuels derrière Agrisol et BNA sont les mêmes. Deuxièmement, BNA a été constituée en société le 26 août 2015, après que Agrisol eut été exploitée pendant plus d’un mois. Troisièmement, M. Saif a témoigné que BNA n’avait jamais été exploitée, qu’elle n’avait jamais possédé de comptes bancaires distincts ni de numéros de TPS, et qu’elle est maintenant une société à numéro qui n’est plus exploitée (pages 1170 et 1171; pièce P2, onglet 32, page 203). Quatrièmement, de nombreux cas d’usurpation de marques de commerce ont été relevés sur des documents qui contenaient à la fois le logo d’Agrisol et celui de BNA, ce qui inclut les cartes de visite recto verso et les catalogues d’Agrisol. Il serait difficile d’attribuer la responsabilité de ces actes à une seule entreprise. Cinquièmement, les défendeurs individuels n’ont fait aucune distinction dans leur témoignage ou dans leurs observations finales entre leurs activités au nom d’Agrisol et leurs activités au nom de BNA, ce qui laisse entendre qu’ils considéraient en fait leurs activités comme étant les mêmes. Mme Farrah a même confirmé qu’elle ne pensait pas à quelle société réalisait chaque activité (recueil d’extraits, page 112). Sixièmement, avant qu’ils ne soient abandonnés par leur avocat la première journée du procès, les deux sociétés donnaient des instructions au même avocat, qui avait présenté des documents à la Cour au nom des deux sociétés. Les documents ne faisaient pas de distinction entre la responsabilité de chaque société. Ces six raisons militent en faveur de la responsabilité solidaire des deux sociétés défenderesses.

D.  L’un des quatre défendeurs individuels est-il personnellement responsable du comportement illicite des sociétés défenderesses?

[161]  L’arrêt de principe sur la responsabilité personnelle de violations commises par une société est Mentmore Manufacturing Co c National Merchandise Manufacturing Co (1978), 40 CPR (2d) 164 (CAF) [Mentmore]. Le juge Le Dain a fait remarquer qu’il existe une « règle générale » selon laquelle les dirigeants, les administrateurs et les actionnaires « jouissent [...] du bénéfice de la responsabilité limitée qu’offre la constitution en société » (Mentmore, page 171). D’un autre côté, il existe une « règle selon laquelle chacun doit répondre de ses actes délictueux ». Il s’agit d’un exercice d’équilibre propre à un cas, lorsqu’« [i]l convient de pouvoir dans chaque cas apprécier toutes les circonstances pour déterminer si celles-ci entraînent la responsabilité personnelle ». Le juge Le Dain résume le critère de la façon suivante (à la page 174) :

À mon avis, il existe toutefois certainement des circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l’administrateur ou le dirigeant n’était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle-ci, mais plutôt la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon.

[162]  Le critère établi dans Mentmore a été constamment appliqué par la Cour pour examiner les faits et déterminer s’ils satisfont au seuil de la responsabilité personnelle, et a également été adopté par la Cour suprême du Canada (Cinar Corporation c Robinson, 2013 CSC 73, par. 60). Lorsqu’il y avait plusieurs personnes derrière un voile corporatif, la Cour a parfois appliqué ce critère pour conclure que certaines personnes sont personnellement responsables et que d’autres ne le sont pas (1429539 Ontario Limited c Café Mirage Inc, 2011 CF 1290, par. 139 et 140 [Café Mirage]; Driving Alternative Inc c Keyz Thankz Inc, 2014 CF 559, par. 38 à 45).

(1)  M. Tahir

[163]  Des quatre défendeurs individuels, M. Tahir est celui qui a le plus participé aux activités d’Agrisol et de BNA. M. Tahir était au courant des droits sur la marque de commerce de la demanderesse parce qu’il était une âme dirigeante de l’ancienne société BioFert et qu’il avait tenté sans succès de présenter une offre sur les actifs de l’ancienne société BioFert lorsque celle-ci a fait faillite. La demande d’offres d’achat des actifs de l’ancienne société BioFert indiquait explicitement que la marque « BioFert » était visée par la propriété intellectuelle de l’ancienne société BioFert (pièce P2, onglet 1; et pièce P3, onglets 38 et 39). Après que son offre eut été refusée, en tant que PDG d’Agrisol et de BNA, il a pris plusieurs décisions commerciales qui reflétaient soit la connaissance d’une usurpation de la marque de la demanderesse, soit l’indifférence à l’égard des droits de la demanderesse :

  • M. Tahir a ordonné à BNA d’utiliser le nom « BioFert » et a demandé à M. Saif de constituer BNA en société (exposé conjoint des faits, par. 15; M. Saif, page 1205; recueil d’extraits, page 183);

  • en septembre 2015, M. Tahir a fait en sorte que Agrisol demande des marques de commerce pour les produits Earth Boost et Assist, qui étaient la propriété de la demanderesse (exposé conjoint des faits, par. 16; M. Tahir, pages 1385 et 1386);

  • M. Tahir a choisi les noms des produits pour la nouvelle société (M. Tahir, page 1406);

  • M. Tahir a répondu à un courriel à partir de son adresse courriel « mahmood@BioFert.net » le 22 novembre 2015, en indiquant au client que M. Yasir Syed [traduction« ne fait plus partie du groupe BioFert », même si M. Yasir travaillait pour la nouvelle société BioFert de la demanderesse (exposé conjoint des faits, par. 18; pièce P61);

  • quatre collègues ont exprimé des préoccupations au sujet de l’emploi du nom « BioFert » et de la confusion qu’il causerait, mais M. Tahir les a ignorées (M. Tahir, page 1387; Imran Ahmad, pages 648 et 649; recueil d’extraits, pages 126 et 127 pour l’avertissement de Mme Farrah à M. Tahir, et pages 189 et 190 pour l’avertissement de M. Saif à M. Tahir);

  • lorsqu’il a reçu une mise en demeure, M. Tahir a répondu aux avocats de la demanderesse (pièce P2, onglet 25; Stan Loewen, page 164) et a demandé à ce que des modifications soient apportées au catalogue (Imran Ahmad, page 714; M. Tahir, pages 1407 et 1408).

[164]  Je conclus que M. Mahmood était l’âme dirigeante des sociétés défenderesses. Il s’est livré à une conduite consciente ou imprudente susceptible de constituer une atteinte au droit d’auteur de la demanderesse et à ses droits sur sa marque de commerce. Pour ces motifs, il est solidairement responsable de la conduite des sociétés.

(2)  Mme Farrah

[165]  La demanderesse a fait valoir que, puisque la preuve démontrait que Mme Farrah avait tenu des réunions avec M. Tahir, M. Saif et M. Amaran en vue de la Foire agricole du Pacifique, la Cour devrait la juger personnellement responsable des violations. La demanderesse affirme que la Cour devrait conclure que ces réunions n’auraient pu porter que sur la commercialisation en raison du manque de connaissances techniques ou agricoles de Mme Farrah, de M. Saif et de M. Amaran.

[166]  Mme Farrah a confirmé qu’elle était actionnaire d’Agrisol et de BNA. Elle est l’épouse de M. Tahir et la mère de leurs enfants. Elle a investi dans la société, a garanti un prêt et a participé à l’offre refusée pour la propriété et l’équipement de l’ancienne société BioFert (M. Tahir, pages 1378 et 1476). Elle a assisté à des réunions régulières avec M. Tahir, M. Saif et M. Amaran. L’ampleur de sa participation à ces réunions et aux activités des sociétés n’était pas claire. Il ressort de la preuve que Mme Farrah a suivi des cours de comptabilité et qu’elle s’était parfois rendue aux bureaux d’Agrisol, bien que sa participation semblait limitée à aider à la comptabilité (Kamal Bahga, pages 798, 803 et 835; M. Saif, page 1168). Elle a allégué qu’elle n’est jamais occupée des ventes, de la création des documents publicitaires ou des visites aux clients (Mme Farrah, pages 1083, 1084 et 1114).

[167]  En contre-interrogatoire, elle a confirmé qu’on lui avait montré le logo contrefait de BNA (figure 4) avant la Foire agricole du Pacifique de 2016 (Mme Farrah, pages 1105 et 1106). Mme Farrah a également indiqué qu’elle avait vu la demande d’offres d’achat du Bowra Group (pages 1100 à 1103). Elle connaissait l’ancienne société BioFert, gérée par son mari, et elle a confirmé qu’elle visitait [traduction] « souvent » l’ancienne société BioFert (page 1096). Elle a aussi convenu qu’elle avait discuté du nombre de sociétés BioFert dans le monde après avoir fait des recherches sur Internet [traduction] « pour s’amuser » (page 1091). Mme Farrah a indiqué qu’elle avait dit à M. Tahir qu’elle préférait le nom « Agrisol » à celui de BNA, mais elle pensait que le nom de BNA serait acceptable parce qu’il était différent du nom de la demanderesse (BioFert Manufacturing Inc.) et elle a donc accepté ce que M. Tahir avait suggéré (recueil d’extraits, pages 97 à 99, 126 et 127 pour les réponses de Mme Farrah; et recueil d’extraits, pages 190 et 191 pour les réponses de M. Tahir).

[168]  La demanderesse soutient que la preuve montre que Mme Farrah était consciente de la conduite qui a conduit à la violation. Elle ajoute que M. Tahir a intentionnellement [traduction« port[é] le blâme » pour son épouse et les autres défendeurs, même s’ils étaient tous au courant des droits de la demanderesse sur sa marque de commerce et qu’ils n’ont rien fait pour mettre fin aux violations. La demanderesse affirme qu’elle aurait dû tenter d’arrêter ou de réorienter la société pour l’éloigner du nom « BioFert », mais qu’elle ne s’est pas opposée à ce nom.

[169]  Même si Mme Farrah n’a pas empêché son mari d’adopter délibérément une conduite qui contrefaisait la propriété intellectuelle de la demanderesse, la demanderesse avait le fardeau d’établir les faits qui entraînent une responsabilité personnelle, ce qu’elle n’a pas fait. Étant donné que la principale participation de Mme Farrah semble être à titre d’actionnaire des sociétés défenderesses qui était quelque peu tenue à l’écart des activités et des décisions commerciales, je conclus que la conduite de Mme Farrah ne répondait pas au critère de la responsabilité personnelle.

(3)  M. Saif

[170]  M. Saif a fini par devenir directeur général d’Agrisol, où il [traduction] « travaillai[t] comme une sorte de comptable pour gérer le bureau » après la fermeture de son entreprise, Asian Rugs and Art (Saif, page 1154). Il a investi de l’argent, rencontré le Bowra Group lorsqu’il a essayé d’acheter l’ancienne société BioFert, rencontré fréquemment ses partenaires d’Agrisol, et fréquenté les installations d’Agrisol. Il a personnellement loué un camion pour Agrisol (page 1190), s’est occupé des expéditions à Agrisol et a coordonné l’électricité et le gaz d’Agrisol (recueil d’extraits, page 6). Il a également envoyé des factures aux acheteurs (recueil d’extraits, page 11).

[171]  M. Saif s’est joint à la nouvelle société avec une expérience commerciale, ayant travaillé comme vendeur chez Asian Rugs and Art (page 1182). C’est lui qui a amené M. Amaran dans les sociétés pour acquérir le 30 % d’actions de M. Liaqat Ali Khan. M. Saif était au courant des documents imprimés pour la Foire agricole du Pacifique de 2016. Il reconnaît avoir participé à la Foire. Il n’a toutefois fait aucune suggestion au sujet des produits, ou des brochures, étiquettes, dépliants ou bannières contrefaits arborant le nom « BioFert » (M. Tahir, page 1485). Rien n’indique que M. Saif était au courant du site Web ou qu’il était autrement impliqué dans les violations.

[172]  Ces faits ne suffisent pas à justifier une responsabilité personnelle. Le seul élément de preuve susceptible d’entraîner la responsabilité de M. Saif est le fait que M. Saif est d’accord pour dire que, à la demande de M. Tahir, il a constitué BNA en société en Colombie-Britannique (exposé conjoint des faits, par. 15). Plus précisément, il a déposé une demande d’enregistrement pour BNA au registre de la Colombie-Britannique et, lorsqu’il a reçu la confirmation qu’il pouvait enregistrer le nom et après avoir transmis cette confirmation à ses partenaires, il a enregistré le nom (M. Saif, page 1211; voir également les pièces P49 à P51).

[173]  Dans Pick c 1180475 Alberta Ltd (The Queen of Tarts), 2011 CF 1008, par. 46, une administratrice a ignoré les résultats de ses recherches ou négligé d’effectuer des recherches préliminaires sur la dénomination sociale. Elle a été tenue personnellement responsable d’avoir délibérément, ou en faisant preuve d’indifférence, contrefait une marque de commerce.

[174]  Toutefois, en l’espèce, M. Saif a effectué la recherche et obtenu l’approbation du nom du registre de la Colombie-Britannique. De plus, il n’avait pas participé aux activités de l’ancienne société BioFert, contrairement à M. Tahir, et ne connaissait rien des produits de l’industrie des engrais. C’est M. Tahir qui a dit à M. Saif de présenter la demande de nom. M. Saif a affirmé qu’il [traduction] « ne savai[t] rien de BioFert » à ce moment-là (M. Tahir, page 1369; recueil d’extraits, page 28), mais qu’il savait que M. Tahir essayait de conserver le nom « BioFert » pour pouvoir l’employer à l’avenir (recueil d’extraits, pages 27, 28, 43 et 44).

[175]  La conduite de M. Saif en tant que directeur général n’a en fin de compte pas atteint le seuil de « la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon » établi dans Mentmore. Outre l’action administrative d’enregistrer le nom à la demande de M. Tahir, la conduite de M. Saif était autrement celle d’un directeur ordinaire agissant dans le cadre des activités de son entreprise. Il n’est pas personnellement responsable.

(4)  M. Amaran

[176]  M. Amaran a investi environ 680 000 $ et garanti des prêts pour Agrisol (page 1623). Il a décrit son rôle comme étant celui [traduction« [d’]un investisseur ayant une participation très limitée » (page 1617).

[177]  M. Amaran a rencontré à plusieurs reprises les autres partenaires en vue de la Foire agricole du Pacifique (Mme Farrah, page 1120). Il a parfois visité les installations d’Agrisol (Kamal Bahga, pages 801 et 802; Manjinder Gill, pages 897 à 899; M. Saif, page 1167). De plus, il a aidé M. Tahir à louer l’espace de travail d’Agrisol (M. Tahir, page 1389). Il n’avait aucune formation en agriculture (M. Saif, page 1182) et les défendeurs affirment qu’il n’a jamais effectué de vente ou de commercialisation (M. Saif, page 1168; M. Tahir, page 1485; M. Amaran, page 1624).

[178]  M. Amaran s’est cependant rendu en Chine et au Pakistan avec M. Tahir pour rencontrer des fournisseurs en novembre ou en décembre 2015 (M. Amaran, page 1626). Il a ensuite assisté à la Foire agricole du Pacifique de 2016 (pièce P60). Pendant la Foire, il a transmis la mise en demeure à l’avocat des défendeurs, puis il a donné son [traduction« attestation de conformité » après que les défendeurs eurent retiré les documents contrefaits (pièce P2, onglets 26 et 27; Stan Loewen, page 165). M. Amaran a ensuite constitué en société une nouvelle entité appelée « Agrisol Solutions Inc. » avec son épouse, Monica, en tant qu’actionnaire unique pour aider à fournir du financement et du crédit à la société Agrisol (pages 1638 et 1639). Chacun de ces agissements laisse semble indiquer qu’il a un certain degré de contrôle et de participation dans les sociétés des défendeurs.

[179]  En novembre ou décembre 2015, M. Amaran a dit à M. Tahir que l’emploi du nom « BioFert » était une mauvaise idée (M. Tahir, page 1387). Il affirme qu’il était confus quant à la raison pour laquelle BNA a été constituée en société : [traduction] « Je me demandais pourquoi nous exploitions deux sociétés différentes, mais j’ai présumé que nous avions une société portant ce nom, il n’y avait rien de mal à ça » (pages 1623 et 1624). Après la réception de la mise en demeure, il a immédiatement dit à M. Tahir de retirer tout le matériel et de supprimer le site Web sur‑le‑champ (M. Tahir, page 1497).

[180]  Bien que M. Amaran ait certainement participé à certaines décisions commerciales, la preuve est insuffisante pour conclure que ses activités allaient au-delà de l’activité ordinaire des sociétés. Il n’a pas orienté Agrisol et BNA vers la conduite qui a mené à la violation, et a en fait exprimé son opposition à l’emploi de la marque « BioFert ». Je ne crois pas que M. Amaran soit personnellement responsable.

[181]  Par conséquent, j’ai conclu que M. Tahir était personnellement responsable, mais je rejette les allégations contre Mme Farrah, M. Saif et M. Amaran en leur qualité personnelle, sans dépens pour les parties.

E.  Demande reconventionnelle : la marque 894 devrait-elle être déclarée invalide parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des produits vendus par la demanderesse?

[182]  Les défendeurs ont reproché à la demanderesse d’avoir déclaré que la marque 894 déposée (voir la figure 1) [traduction] « donnait une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des produits en liaison avec lesquels elle était présumément employée à la date de l’enregistrement ». Un de ces motifs pourrait rendre la marque « non enregistrable » à la date de l’enregistrement. Pour ces motifs, les défendeurs ont demandé un jugement déclaratoire portant que la marque 894 est invalide, la radiation de la marque déposée et des dépens. Toutefois, je n’accorde aux défendeurs aucune des réparations qu’ils ont demandées dans le cadre de la demande reconventionnelle.

[183]  Pour qu’une marque soit radiée au motif qu’elle donne une description claire, la Cour doit tenir compte « du point de vue du détaillant, du consommateur ou de l’utilisateur quotidien moyen du type de produits ou de services » (American Express Marketing & Development Corp c Black Card LLC, 2018 CF 362, par. 60). Pour que les mots « forgés » donnent une description claire, un sens descriptif doit « se dégager aisément de la combinaison » et « il faut prendre en considération l’impression que donne l’ensemble de la marque de commerce et ne pas la disséquer » (Gordon c Canada (Registraire des marques de commerce) (1985), 5 CPR (3d) 252 (CF 1re inst)).

[184]  La défense de la demanderesse contre la demande reconventionnelle indique que « BioFert » est simplement un terme forgé sans signification en français ou en anglais, car « bio » a de nombreuses connotations différentes (par. 7). M. Tahir a demandé à M. Shahzad Nazir son impression au sujet du terme « BioFert », et ce dernier a répondu : [traduction« “Bio” est un terme large – c’est un terme très large. Il inclut tout. Il inclut tout ce qui entre dans l’écosystème de la biodiversité. Tout ce qui fait partie de la vie biologique. C’est donc une société qui vend des engrais vivants. Vivants, plantes, cultures » (pages 386 et 387). Les défendeurs n’ont présenté aucun élément de preuve convaincant ni aucun argument tendant à indiquer que « Bio » et « Fert », lorsqu’ils sont placés ensemble, donne une description claire des engrais mis en vente. Les défendeurs n’ont pas démontré que la marque déposée donnait une description claire.

[185]  Subsidiairement, les défendeurs ont allégué que la marque déposée donnait une description fausse et trompeuse. Une marque de commerce pourrait être fausse et trompeuse si un article est [traduction] « mis en vente en affichant qu’il contient certaines composantes qui, en fait, ne s’y trouvent pas » (Canada (Sous-procureur général) c Biggs Laboratories (Canada) Ltd (1964), 42 CPR 129, page 130 (CF 1re inst)). Toutefois, pour qu’une marque soit radiée au motif qu’elle est fausse et trompeuse, elle doit d’abord donner une description de quelque chose (Molson Companies Ltd c Brasseries Carling O’Keefe du Canada Ltd (1981), 55 CPR (2d) 15, page 20 (CF 1re inst)).

[186]  Les défendeurs ont déposé très peu d’éléments de preuve concernant ce que le terme « BioFert » décrit et la manière dont cette description est trompeuse. M. Tahir a indiqué que le nom a été choisi parce qu’il répondait aux besoins des serres et des marchés organiques (page 1262) et que la nouvelle société BioFert a vendu plus que de simples produits organiques, mais cela ne suffit pas à indiquer que le nom est trompeur.

[187]  Par conséquent, je rejette la demande reconventionnelle, sans dépens pour les parties.

VII.  Dommages-intérêts et réparations

[188]  La demanderesse soutenait que les violations commises par Agrisol, BNA et les défendeurs individuels ont entraîné une perte de ventes pour la nouvelle société BioFert au cours de la période allant du 31 juillet 2015 au 31 juillet 2016, soit la première année d’exploitation de la nouvelle société BioFert. Elle a quantifié les dommages-intérêts qu’elle cherche à obtenir en s’appuyant sur les ventes de l’ancienne société BioFert, qui a été active de 2007 à mai 2015.

[189]  La demanderesse sollicite quatre formes de réparation. Premièrement, elle demande un montant de 942 330 $ en dommages-intérêts compensatoires pour les violations de la Loi sur les marques de commerce, selon une comparaison des ventes de l’ancienne société BioFert et celles de la nouvelle société BioFert. Deuxièmement, elle sollicite des dommages-intérêts préétablis en vertu de la Loi sur le droit d’auteur d’un maximum de 20 000 $ pour chacune des deux violations du droit d’auteur examinées ci‑dessus (la page [traduction« À notre sujet » et le logo « BioFert »). Troisièmement, elle demande à la Cour d’accorder des dommages-intérêts punitifs et exemplaires. Elle sollicite 100 000 $ en dommages-intérêts punitifs si elle obtient des dommages-intérêts compensatoires correspondant au montant qu’elle demande, ou 200 000 $ en dommages-intérêts punitifs si le montant demandé en dommages-intérêts compensatoires n’est pas accordé. Quatrièmement, la demanderesse sollicite divers jugements déclaratoires et injonctions.

[190]  De leur côté, les défendeurs soutiennent que la demanderesse n’a droit à aucuns dommages-intérêts. M. Tahir et Mme Farrah ont demandé une indemnisation pour les [traduction« trois années de la vie de M. Mahmood qu’il a perdu en raison de cette poursuite », les effets sur la santé, la perte d’investissements dans Agrisol, l’anxiété et la dépression subies, ainsi que la perte de réputation. M. Amaran a réclamé des dommages-intérêts pour [traduction« les pertes subies, les dépenses et frais juridiques engagés et le temps qui a été requis en raison de cette poursuite ». M. Saif a réclamé des dommages-intérêts pour [traduction« les pertes, les dépenses et les frais juridiques encourus dans cette affaire ».

A.  Dommages-intérêts compensatoires

[191]  La demanderesse soutient que les dommages-intérêts compensatoires devraient refléter non seulement la perte réelle des ventes, mais aussi la dépréciation de l’achalandage découlant indirectement de la conduite répréhensible. Elle s’appuie sur des données de la période allant du 31 juillet 2015 au 31 juillet 2016 pour soutenir que les ventes de la nouvelle société BioFert au cours de sa première année d’exploitation étaient très inférieures à ce qu’elles auraient pu être n’eût été la confusion créée par les violations. Subsidiairement, elle mentionne les ventes d’Agrisol en 2016 et affirme qu’un montant similaire devrait être accordé, car ces ventes ont peut-être été liées à la confusion.

[192]  La position des défendeurs est qu’aucune de ces méthodes ne reflète le montant réel des pertes subies en l’espèce. M. Tahir affirme que, lorsque la nouvelle société BioFert a repris le nom et la marque « BioFert », les problèmes de faillite et de qualité de produits se traduisaient par un achalandage limité attaché au nom « BioFert ». Il souligne que la nouvelle société BioFert a effectué des ventes auprès de clients différents de ceux de l’ancienne société BioFert, que rien ne prouve qu’une confusion réelle a été créée chez les clients, et que la nouvelle société BioFert n’a pas continué à vendre certains produits de l’ancienne société BioFert. M. Tahir ajoute que [traduction« BioFert ne vend que des produits organiques, puisque BioFert est une filiale biologique de Terralink » (exposé final de M. Tahir, page 18).

[193]  En ce qui concerne le témoignage de certains témoins, M. Tahir fait des commentaires comme [traduction« toute cette histoire a été préparée », [traduction« il ne sait pas de quoi il parle » et [traduction« ce témoin est un exemple classique de ce que les incitatifs et la menace peuvent faire pour créer des témoins opposés aux parties ». Je n’ai pas trouvé ces commentaires utiles ou je ne leur ai accordé aucun poids.

[194]  Après que les défendeurs eurent présenté leurs observations finales et relevé quelques erreurs de calcul commises par la demanderesse. Cette dernière a corrigé ses calculs et réduit le montant des dommages-intérêts qu’elle demande.

(1)  Première méthode proposée par la demanderesse

[195]  La première méthode proposée consiste à examiner les profits annuels de l’ancienne société BioFert de 2009 à 2014. La demanderesse sollicite des dommages-intérêts qui reflètent l’écart entre les profits prévus – calculés en fonction des ventes de l’ancienne société BioFert – et les profits réels de la nouvelle société BioFert pour la période allant du 31 juillet 2015 au 31 juillet 2016. Elle utilise cette période parce qu’elle a pris le contrôle des actifs de l’ancienne société BioFert le 31 juillet 2015, ce qui reflète donc sa première année d’exploitation.

[196]  Les ventes et les profits de l’ancienne société BioFert découlant de produits de marque « BioFert » ont été produits par Mme Esther Quinlan, une employée de Terralink qui connaissait bien le système de comptabilité Citrix qu’utilisait l’ancienne société BioFert. Mme Esther Quinlan a accédé au système et a fourni les données à Mme Julia Schmidt, la DPF de Terralink. Mme Julia Schmidt a ensuite créé des sommaires annuels, qui sont devenus l’onglet 54 de la pièce P4.

[197]  Contrairement aux sommaires Excel créés par Mme Julia Schmidt, les marges de profit provenaient de rapports de mission d’examen préparés pour l’ancienne société BioFert, lesquels se trouvent aux onglets 48, 49 et 50 de la pièce P3. Aucun état financier n’a été produit pour 2009 ou 2014, de sorte qu’il n’y a aucune marge de profit disponible pour ces années. La demanderesse a ensuite combiné ces renseignements et a fourni le tableau suivant dans les corrections apportées aux observations écrites finales, après que les défendeurs eurent signalé certaines erreurs initiales :

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Ventes totales

3 742 554 $

4 807 048 $

6 231 577 $

6 518 199 $

5 357 792 $

5 860 575 $

Ventes totales de produits de marque « BioFert »

3 456 757 $

4 486 210 $

5 946 067 $

6 259 460 $

4 784 862 $

5 043 640 $

Marge de profit

S.O.

43 %

44 %

34 %

42 %

S.O.

« Figure 6 »

[198]  La demanderesse affirme que le tableau ci-dessus montre que les ventes de produits de marque « BioFert » auraient dû être d’environ 5 millions de dollars en 2015 et en 2016. La demanderesse soutient que sa société mère, Terralink, aurait pu contribuer à accroître ses ventes en 2015 et en 2016 en raison de leur équipe de vente combinée et du fait les ventes de produits organiques étaient souvent attribuées à BioFert par Terralink. Pourtant, malgré ces ajustements favorables, les ventes de produits de marque « BioFert » de la nouvelle société BioFert n’ont été que de 2 687 815 $ pour la période allant du 31 juillet 2015 au 31 juillet 2016 (pièce P4, onglet 75; pièce D8).

[199]  Dans ses observations écrites, la demanderesse sollicitait initialement entre 420 000 $ (la baisse approximative entre les profits de l’ancienne société BioFert au début de l’année 2009 et les profits de la nouvelle société BioFert au cours de sa première année d’exploitation, de 2015 à 2016) et 1 260 000 $ (la baisse approximative entre les profits de l’ancienne société BioFert en 2009 et les profits de la nouvelle société BioFert de 2015 à 2016). Subsidiairement, elle a proposé un chiffre d’environ 640 000 $, au paragraphe 473 de son exposé final écrit, pour tenir compte des ventes d’Agrisol en 2016, comme j’en traiterai ci-dessous.

[200]  Pour ajouter à la confusion, au cours des plaidoiries, la demanderesse a révisé ses calculs. Elle demande maintenant à la Cour d’accorder 942 330 $ en utilisant la méthode de comparaison des ventes de l’ancienne société BioFert et celles de la nouvelle société BioFert (page 1960). Ses calculs révisés font état d’une baisse de 2,36 millions de dollars en ventes par rapport à 2014 (l’année de vente la plus récente de l’ancienne société BioFert). En présumant que les profits représentaient 40 % des ventes selon les marges de profit annuelles indiquées à la figure 6, la demanderesse soutient que cela reflète une baisse de 942 330 $ en profits par rapport à 2014 – l’année de vente la plus récente – plutôt que le chiffre de 1 260 000 $ mentionné dans les observations écrites finales. Il ressort clairement de cette confusion qu’aucune des méthodes proposées par la demanderesse n’est compatible avec les faits de l’espèce.

[201]  La première méthode, qui tient compte du fait que les profits réalisés par un demandeur au cours d’années antérieures peuvent être pris en compte dans le calcul des dommages-intérêts contre le défendeur responsable de violations, est étayée par la jurisprudence. Cependant, les chiffres d’affaires des années précédentes étaient en fait ceux de l’ancienne société BioFert, qui était une entité différente de la nouvelle société BioFert. Les dommages-intérêts doivent refléter cette réalité, ainsi que d’autres éventualités. L’effet cumulatif des éléments de preuve présentés au procès ne justifie pas des dommages-intérêts calculés selon la première méthode proposée par la demanderesse. La tentative de la demanderesse de comparer les chiffres d’affaires de l’ancienne société BioFert et ceux de la nouvelle société BioFert présente quelques problèmes. Cette méthode comparait des pommes avec des oranges. Les éventualités qui n’appuient pas la première méthode proposée par la demanderesse sont les suivantes :

  • a) La demanderesse était une nouvelle société : Terralink a acheté une société en faillite pour 575 000 $ et ne pouvait pas s’attendre à continuer à exploiter sans heurt une entreprise rentable en activité. Il est clair que l’ancienne société BioFert ne l’était pas, puisqu’elle a fait faillite. Les données mensuelles sur les ventes (pièce D8) montrent que la demanderesse a tardé à réaliser ses ventes à la fin de 2015, ce qui est à prévoir, étant donné que la faillite a eu lieu en mai 2015 et qu’elle a commencé la nouvelle société BioFert le 31 juillet 2015.

  • b) Les violations ont cessé après la mise en demeure : La demanderesse réclame des dommages-intérêts pour des ventes perdues jusqu’au 31 juillet 2016, mais de février à juillet 2016, il n’est pas évident que les défendeurs se sont présentés comme BioFert de quelque façon que ce soit. Même si l’on tient compte de l’argument de la demanderesse selon lequel certains effets indirects de la violation ont entraîné une perte continue de ventes pour calculer les dommages compensatoires, je ne conclus pas que la baisse d’environ 2,3 millions de dollars des ventes qu’a subie la demanderesse en 2014 peut être attribuée à la courte période d’activités où il y avait des violations.

  • c) La période où les violations ont été commises était courte : La commercialisation trompeuse des défendeurs auprès du public (mis à part l’enregistrement en coulisse du nom BNA et les tentatives d’enregistrement de marques de commerce de produits) n’a commencé que quatre mois après la période dont s’est servie la demanderesse pour calculer les dommages-intérêts. Le 22 novembre 2015, M. Tahir a répondu à un courriel envoyé à l’ancienne adresse courriel « BioFert » de M. Yasir. M. Tahir a ensuite admis avoir répondu à d’autres courriels et avoir en avoir envoyé d’autres à l’aide d’une adresse courriel « BioFert ». Cependant, bien que les défendeurs aient planifié leurs activités d’août à novembre 2015, on ne peut pas affirmer que la nouvelle société BioFert a perdu des ventes du 31 juillet à la mi-novembre 2015 vu la preuve présentée à la Cour. Toutes les violations ont alors pris fin après la Foire agricole du Pacifique.

  • d) Ventes à AG Global et Blackstone : Mme Esther Quinlan a indiqué qu’AG Global est une société ontarienne qui était [traduction] « [le] plus gros client » de l’ancienne société BioFert (page 336). Elle a confirmé que la nouvelle société BioFert n’avait jamais réalisé de ventes auprès d’AG Global, car cette dernière avait fait faillite environ en même temps que l’ancienne société BioFert (page 337). Blackstone Agriculture était une autre entreprise ontarienne qui achetait une grande quantité de produits de l’ancienne société BioFert (Stan Loewen, pages 189 et 190). M. Tahir a affirmé qu’il achetait des produits de l’ancienne société BioFert à des fins de commercialisation en Ontario et aux États-Unis, plus particulièrement des mélanges organiques granulaires et hydrosolubles (page 1295). Selon M. Tahir, ils ont acheté entre 200 000 $ et 300 000 $ en produits en 2012 et en 2013. Cependant, il a affirmé que Blackstone a été déçue de la qualité des produits de l’ancienne société BioFert et a intenté une poursuite civile contre l’ancienne société BioFert (pages 1295 et 1296). La perte de clients importants comme ceux-ci avant l’usurpation de marques de commerce tend à indiquer que la nouvelle société BioFert n’aurait pas pu générer le montant total des ventes que l’ancienne société BioFert avait réalisées sans établir sa propre clientèle et sa propre équipe de vente.

  • e) Ventes à l’étranger : M. Tahir a estimé que 40 % à 50 % des ventes de l’ancienne société BioFert ont été réalisées à l’étranger [traduction] « et le principal client à l’époque était le Pakistan » (M. Tahir, pages 1268 et 1297). De même, M. Yasir Syed estime que 35 % à 40 % des ventes de l’ancienne société BioFert étaient réalisées à l’étranger (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 112). Mme Esther Quinlan a confirmé qu’une commande importante a été envoyée au Pakistan en 2014 (page 338). M. Tahir a précisé que son client le plus important au Pakistan était une société appelée « FMC », qui achetait des engrais liquides appelés « Bumper Cotton » (page 1297). Des ventes de divers produits de l’ancienne société BioFert ont également été réalisées en Inde, en Palestine et en Iran (page 1292). M. Shahzad Nazir Khan a aussi affirmé que l’ancienne société BioFert avait vendu des engrais liquides appelés « Bumper Cot » et « Bumper Cane » au Ali Akbar Group, qui était un client important au Pakistan (Shahzad Khan, page 387). En outre, M. Yasir Syed a confirmé que BioSol en a [traduction] « vendu une assez grande quantité au Pakistan à une ou deux occasions » (à la page 1543). La nouvelle société BioFert a continué de réaliser des ventes au Pakistan (Shahzad Khan, à la page 390), mais dans une moindre mesure. M. Stan Loewen a estimé que les données sur les ventes de la nouvelle société BioFert ne comprenaient que 200 000 $ à 250 000 $ des exportations du 31 juillet 2015 au 31 juillet 2016, lesquelles concernaient du BioFish ou d’autres produits étiquetés pour les ventes à l’exportation (Stan Loewen, pages 184 et 185). M. Shahzad et M. Yasir ont tous deux confirmé que la nouvelle société BioFert n’avait jamais réalisé de ventes au Ali Akbar Group (pages 387 et 1561). M. Yasir ajoute que la nouvelle société BioFert n’a vendu qu’une [traduction« petite quantité » d’acide phosphorique à l’étranger (page 1564). Bien que les chiffres manquent de clarté quant au montant exact de la baisse des ventes à l’étranger de la nouvelle société BioFert, il est évident que l’ancienne société BioFert a réalisé une quantité significative de ventes à l’étranger. La baisse des ventes de la nouvelle société Biofert à l’étranger n’a généralement aucun lien avec les violations commises au Canada.

  • f) L’ancienne société BioFert et la nouvelle société BioFert ont vendu des produits différents : Les deux sociétés vendent non seulement à une clientèle différente, mais elles vendent aussi des produits différents. M. Tahir a déclaré que le soufre granulaire et les produits Bumper Cotton, BioCot, 20-20-20 et Earth Boost étaient les principaux produits qui ont été vendus au Ali Akbar Group (page 1308). Il a estimé que 200 000 $ de 20-20-20 et 160 000 $ de BioCot ont été vendus au Ali Akbar Group au Pakistan en 2014, et il a également montré les ventes importantes de ces produits au cours des années précédentes (pages 1309 à 1314). M. Kamal Bahga a aussi témoigné que l’ancienne société BioFert a vendu des sacs hydrosolubles provenant de Chine à des clients au Pakistan en utilisant le nom et le logo « BioFert » (page 844). En revanche, M. Shahzad a confirmé que la nouvelle société BioFert ne vendait ni du BioCot, ni du BioCane, ni les autres produits d’exportation spécialisés (page 389). M. Naim Mirza a confirmé que la nouvelle société BioFert ne vend aucun produit spécialisé issu du coton, de la canne à sucre ou de pommes de terre, contrairement à l’ancienne société BioFert (pages 558 et 559). Mme Esther Quinlan et M. Yasir ont tous deux laissé entendre que la nouvelle société BioFert n’a vendu aucun pesticide pendant la période pour laquelle des dommages-intérêts sont demandés (pages 334 et 1550). En ce qui concerne les produits hydrosolubles, la nouvelle société BioFert n’a vendu que ce qui restait de l’inventaire (Stan Loewen, page 204; Shahzad Khan, pages 389 et 390; Naim Mirza, page 557).

  • g) Des employés de l’ancienne société Biofert travaillent maintenant pour la nouvelle société BioFert et Agrisol : Lorsque l’ancienne société BioFert a fait faillite, certains employés ont travaillé pour le séquestre, le Bowra Group (Gordon Brown, pages 236 et 243). Dans ses observations finales, la demanderesse a reconnu que [traduction« les vendeurs de l’ancienne société BioFert qui avaient des relations avec les clients de l’ancienne société BioFert s’étaient joints à la nouvelle société BioFert, et Agrisol travaillait avec des vendeurs complètement différents » (page 1823). En soi, cet arrangement aurait également créé de la confusion sur le marché; par exemple, M. Shahzad Khan a réalisé des ventes pour la nouvelle société BioFert et Terralink après avoir travaillé pour l’ancienne société BioFert avec M. Tahir (pages 341 et 342). Des visites sur le terrain ont aussi été effectuées par tous les employés ayant travaillé pour plusieurs des sociétés – à savoir l’ancienne société BioFert, la nouvelle société BioFert et Agrisol. La confusion de M. Gary Tiwana à ce sujet a dû être dissipée – ce qui a été fait –, mais la confusion naturelle quant au fait que des employés de l’ancienne société BioFert se sont joints à Terralink et la nouvelle société BioFert n’est pas la faute des défendeurs.

  • h) La demanderesse n’a pris le contrôle des installations de production de l’ancienne société BioFert que le 26 novembre 2015 : Lorsqu’on lui a demandé quand la demanderesse a commencé à fabriquer des produits à cendre, la DPF de la demanderesse, Mme Julia Schmidt a déclaré que la nouvelle société BioFert n’avait commencé à fabriquer des nouveaux produits à vendre sous la marque de commerce « BioFert » qu’en [traduction] « décembre 2015 ou janvier 2016, lorsque nous avons acquis les locaux » (à la page 286). En fait, la demanderesse a commencé à vendre l’inventaire pour répondre aux commandes de clients le 8 juillet 2015, avant que la vente de l’ancienne société BioFert à la demanderesse ne soit finalisée, mais il n’est pas clair où ces ventes prématurées ont été incluses dans les données sur les ventes. Le sommaire des ventes de l’ancienne société BioFert confirme qu’elle a continué à réaliser des ventes après août 2015; je ne peux que conclure que ces ventes ont été réalisées grâce à un inventaire supplémentaire de l’ancienne société BioFert, puisque la demanderesse n’avait aucune installation de production – juste un entrepôt –, car l’installation de production se trouvait à Chilliwack et qu’elle n’avait pas encore été acquise (pièce D8; extraits de l’interrogatoire préalable de Kamal Bahga, page 54).

  • i) Aucun élément de preuve n’étaye le fait qu’une confusion réelle aurait permis de réaliser des ventes : Même s’il n’est pas nécessaire qu’il y ait confusion réelle, et que Mme Barb Swash et M. Gary Tiwana ont exprimé leur confusion, ils n’ont rien acheté et leur confusion a été dissipée le même jour ou peu de temps après.

  • j) Nom de domaine et désignation sociale : Le prix d’achat des actifs de l’ancienne société BioFert a été modifié à 575 000 $, ce qui représente une réduction de 25 000 $ du prix, car le Bowra Group (le séquestre) n’a pas fourni la désignation sociale et le nom de domaine au moment de l’achat (voir la figure 2 ci-dessus). Lorsque la demanderesse a pris le contrôle des actifs de l’ancienne société BioFert, elle a également bénéficié de la réduction du prix. Bien qu’il s’agisse d’une éventualité, un montant restera alloué pour ces violations (voir la section sur les violations, ci-dessus).

  • k) Agriculteurs et serres : Bien qu’il y ait eu des éléments de preuves à l’appui du fait que l’ancienne société BioFert et Agrisol ont vendu aux mêmes clients (174 clients, soit près de 70 % des clients d’Agrisol au cours de la première année d’exploitation), M. Tahir a soutenu que les clients ne sont pas fidèles à un seul fournisseur (déclaration préliminaire, page 90). M. Gary Tiwana a confirmé ce fait : il achète la majorité de son produit de Terralink, mais a aussi d’autres sociétés (315). Lorsqu’on lui a demandé si les clients n’achetaient qu’auprès d’Agrisol, M. Imran Ahmad a affirmé qu’ils font probablement des achats auprès de [traduction] « beaucoup d’autres » fournisseurs, expliquant : [traduction« nous ne pouvons pas leur fournir tout ce dont ils ont besoin [...] d’autres produits dont vous pourriez avoir besoin [...] vous pouvez acheter ailleurs » (page 762). Les parties n’ont cessé de souligner l’importance des foires commerciales pour vendre des engrais, ce qui confirme aussi le manque de loyauté à long terme envers un seul producteur (Stan Loewen, page 160; Imran Ahmad, page 790). Bien que la demanderesse indique que les ventes d’Agrisol aux mêmes agriculteurs et aux mêmes serres ne peuvent être attribuées à des visites aléatoires aux exploitations agricoles, j’accepte que les agriculteurs ont fait des achats auprès de plusieurs distributeurs pour veiller à leurs propres intérêts et en raison de la nature des industries agricole et serricole.

  • l) Irrégularités dans les données sur les ventes de l’ancienne société BioFert : Les données sur les ventes de l’ancienne société BioFert n’ont pas été suivies avec la même attention aux détails que les données sur les ventes de la nouvelle société BioFert. M. Yasir Syed était le représentant de la demanderesse lors des interrogatoires préalables. Il a indiqué qu’il manquait entre 30 000 $ et 40 000 $ en dépenses de commercialisation et de publicité en 2013 (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 65). Il manquait des montants similaires dans les données sur les dépenses de 2011 et de 2012 (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 67). M. Yasir Syed a également soutenu que 500 000 $ ont été facturés pour des ventes que l’ancienne société BioFert n’a jamais réalisées (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 170; également confirmé par la demanderesse dans son exposé final, page 1965). Il a affirmé que les comptes de l’ancienne société BioFert, [traduction« dès le départ, manquaient énormément de clarté » et qu’il fallait accorder [traduction« très peu de crédibilité aux chiffres de ma propre société » (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, pages 66 et 67). M. Yasir a également fait remarquer qu’il avait communiqué avec la Banque HSBC Canada pour signaler des problèmes dans les activités de l’ancienne société BioFert à la fin de 2014, ce qui a abouti à la nomination d’un séquestre en faillite en mai 2015 (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, pages 172 à 174). M. Yasir affirme que les cabinets comptables professionnels dont il a retenu les services peu de temps avant la faillite ont confirmé que [traduction] « les registres sont forgés » et qu’ils étaient [traduction] « tellement confus et donc [...] peu fiables qu’il n’y a aucun moyen de tirer des conclusions quant à la crédibilité des finances » (extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 174). On n’a pas présenté à la Cour des états financiers d’un comptable pour 2014, ni des états financiers du syndic du Bowra Group ou de la nouvelle société BioFert. De plus, la demanderesse indique que la marge de profit des ventes de Terralink attribuées à BioFert était de 29 % (page 1679), et non pas la marge de profit de 40 % potentiellement gonflée dont il était question dans l’exposé final. Cette absence d’états financiers ou d’un témoin expert pour dégager les éléments de preuve remet en question l’allégation de la demanderesse selon laquelle l’ancienne société BioFert réalisait véritablement près d’un million de dollars par année en profits (en fonction d’environ 2,3 millions de dollars en ventes).

  • m) La nouvelle société BioFert est une filiale de Terralink : L’ancienne société BioFert était une société indépendante, tandis que la nouvelle société BioFert est une filiale de Terralink. Lorsque la marque « BioFert » est devenue associée à Terralink, les représentants commerciaux se sont joints à Terralink et 12 à 15 personnes ont vendu des produits pour la nouvelle société BioFert et Terralink, plutôt que de se consacrer exclusivement aux ventes pour une seule société (Stan Loewen, page 183; extraits de l’interrogatoire préalable de Yasir Syed, page 228). La preuve montre que les ventes ont été attribuées tour à tour à BioFert et à Terralink. M. Stan Loewen a indiqué que, [traduction« si BioFert fabrique un produit organique et que c’est un client de Terralink, ils pourraient passer par Terralink » parce que les deux sociétés vendent des produits organiques (page 181). M. Yasir Syed a supposé que les ventes se déplaçaient [traduction« constamment » entre la nouvelle société et Terralink (pages 1581 et 1582). Mme Julia Schmidt a expliqué que, selon [traduction] « la façon dont notre système ERP [de comptabilité] fonctionne, les ventes sont attribuées en fonction de l’installation d’où le produit est expédié. Donc, si un produit BioFert était vendu par un représentant de Terralink à partir d’une installation de Terralink, le système attribuerait automatiquement cette vente à Terralink. Ainsi, afin d’attribuer correctement cette vente à [la nouvelle] BioFert, nous avons, sur une base mensuelle, enregistré une entrée dans le registre pour attribuer ces ventes de façon appropriée et vice-versa » (page 1673). Mme Julia a admis qu’il pouvait être [traduction« difficile de distinguer » à quelle société certaines ventes de produits conventionnels devaient être attribuées (page 1676). Elle a examiné les registres et a déclaré que 164 000 $ en ventes ont été attribués à Terralink par BioFert, comparativement à 764 000 $ en ventes qui ont été attribués à BioFert par Terralink (page 1679). La demanderesse soutenait que cela signifiait que la relation entre la société mère et la filiale avait permis d’augmenter les ventes de la nouvelle société BioFert pour la période de 2015 à 2016 d’environ 600 000 $ (550 000 $ avec des rajustements) (exposé final, page 1817). Cependant, j’estime que, en soi, ces attributions et l’ambiguïté qui les entoure montrent les problèmes qui surgissent lorsqu’on compare l’ancienne société BioFert et la nouvelle société BioFert.

  • n) Représentants commerciaux : Au cours de la période pour laquelle la demanderesse sollicite des dommages-intérêts compensatoires, il y avait entre 60 à 70 représentants commerciaux dans le groupe de sociétés de Terralink, mais M. Yasir était la seule personne employée exclusivement par la nouvelle société BioFert (Stan Loewen, pages 182 et 183). L’ancienne société BioFert comptait trois employés supplémentaires dans son service de vente et de marketing, lesquels travaillaient sous la direction de M. Yasir (pièce P5, onglet 95). Bien que la demanderesse tente de me convaincre que les représentants commerciaux partagés avec Terralink auraient pu aider à augmenter les chiffres d’affaires de la nouvelle société BioFert, je conclus que, durant cette première année d’exploitation, ces représentants commerciaux ne se sont pas consacrés exclusivement à la nouvelle société BioFert, contrairement à l’équipe de vente de l’ancienne société BioFert.

[202]  Compte tenu de ces éventualités, il serait déroutant que j’accorde à la demanderesse un montant reflétant la baisse approximative par rapport aux profits déclarés par l’ancienne société Biofert en 2014 (942 330 $) ou aux profits d’Agrisol en 2016 (640 000 $), sans qu’un témoin expert explique comment ces éventualités pourraient être prises en compte dans l’équation. Bien que les données financières de la nouvelle société BioFert fournissent un point de référence utile et montrent une baisse des ventes par rapport celles de l’ancienne société BioFert en 2014, le montant de 942 330 $ sollicité par la demanderesse – calculé en fonction d’une marge de profit de 40 % et de ventes de 2,3 millions de dollars – n’est pas justifié compte tenu de toutes ces éventualités. Je ne peux pas m’appuyer sur la différence avec les ventes annuelles des dernières années de l’ancienne société BioFert pour accorder des dommages-intérêts à la nouvelle société BioFert.

[203]  En ce qui concerne les arguments des défendeurs, l’allégation de M. Tahir selon laquelle la nouvelle société BioFert vend [traduction« seulement » des produits organiques ne peut pas être retenue. Au cours de la période pour laquelle la demanderesse sollicite des dommages-intérêts, soit de 2015 à 2016, M. Yasir Syed a confirmé que les ventes de la nouvelle société Biofert n’étaient pas limitées à des produits organiques (page 1580). M. Shahzad Nazir a fait remarquer qu’il s’agissait d’une décision commerciale prise en 2017, aux termes de laquelle la nouvelle société BioFert ne vendrait que des engrais organiques, et non des engrais chimiques (pages 353 et 399). Bien entendu, d’autres problèmes subsistent encore concernant les dommages-intérêts quant aux tentatives de la demanderesse de quantifier les pertes (voir la liste des éventualités au paragraphe 201 des présents motifs).

[204]  M. Tahir a également soutenu que la demanderesse ne comprenait pas la différence entre les engrais organiques et les engrais d’origine organique. Cela aurait pu être pertinent si la demanderesse avait cessé de vendre un certain type de produit que l’ancienne société BioFert avait déjà vendu. Cependant, il ressort de l’examen de la preuve que la demanderesse a compris cette distinction et que M. Stan Loewen a confirmé que la nouvelle société BioFert continue de vendre des engrais organiques et d’origine organique (page 182).

(2)  Deuxième méthode proposée par la demanderesse

[205]  La demanderesse fait subsidiairement valoir que la Cour peut s’appuyer sur les ventes réelles des défendeurs pour évaluer les dommages-intérêts en cas d’usurpation d’une marque de commerce parce que les deux sociétés sont de nature similaire. La demanderesse affirme [traduction« [qu]’il est raisonnable de présumer que la majorité, voire la totalité, des ventes des défendeurs au cours de cette première année, qui ont toutes été réalisées par Agrisol, auraient été réalisées par BioFert si ce n’était de l’usurpation de la marque de commerce, de la commercialisation trompeuse et du fait que le public a été induit en erreur par les défendeurs ». La demanderesse appuie cette allégation en affirmant que près de 70 % des clients d’Agrisol avaient déjà acheté des produits de l’ancienne société BioFert, ce qui laisse supposer une perte de clients de l’ancienne société BioFert qui, autrement, aurait acheté auprès de la demanderesse » (page 1823).

[206]  Les ventes d’Agrisol en 2016 se sont élevées à 1 579 761 $ (pièce P2, onglet 34). La demanderesse souligne qu’Agrisol n’a commencé à vendre des produits que quelques mois après le début de l’année 2016, ce qui laisse entendre que le chiffre de 1 579 761 $ serait une [traduction« estimation prudente » des ventes découlant des violations. En présumant la même marge de profit de 40 % susmentionnée, cela équivaudrait à environ 640 000 $ en profits bruts pour Agrisol en 2016. La demanderesse demande à la Cour d’accorder un montant similaire en dommages-intérêts compensatoires. Elle prétend même que les [traduction« pertes réelles » qu’elle a subies équivalent environ à ce montant, et non au montant de 942 330 $ mentionné précédemment (page 1824).

[207]  Cette méthode est également inappropriée. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, rien ne montre qu’Agrisol a employé le logo, le nom ou la marque de commerce « BioFert » après le premier mois de 2016, et peu d’éléments de preuve étayent les autres violations. La Foire s’est déroulée le 27 janvier 2016 et le site Web a été retiré à la fin du mois de janvier. On ne peut pas affirmer que toutes les ventes réalisées par Agrisol au cours des 11 mois suivants étaient imputables à la conduite trompeuse adoptée à la fin de l’année 2015 et en janvier 2016, même si certaines ventes ont été réalisées. De plus, comme je l’ai déjà mentionné, les clients peuvent acheter des produits auprès de plusieurs fournisseurs, de sorte que les ventes d’Agrisol ne reflètent pas les dommages-intérêts à accorder.

(3)  Montant des dommages-intérêts compensatoires

[208]  Je conclus que les faits ne permettent pas de quantifier les pertes. Comme l’a fait remarquer le juge Hughes dans Patterned Concrete Industries Inc c Horta, 2014 CF 359, au paragraphe 4, « [l]’existence du préjudice donnant lieu à des dommages‑intérêts doit être prouvée, il ne suffit pas de faire des généralisations ».

[209]  La Cour fédérale et la Cour d’appel ont indiqué que, dans des affaires de violations où l’existence d’un préjudice n’est pas étayée par la preuve, deux approches peuvent être adoptées (voir les catégories 1 et 2 à l’annexe B, où un tableau montre les deux principales approches). Premièrement, la Cour a approuvé l’attribution d’une valeur arbitraire pour indemniser le demandeur. C’est souvent le cas dans les jugements par défaut ou lorsqu’aucun portrait financier complet n’est fourni à la Cour. Deuxièmement, la Cour peut tenter d’effectuer un calcul mathématique fondé sur le nombre de cas de violation, ce qui est souvent le cas dans les affaires de contrefaçon.

[210]  Je propose d’adopter une approche hybride similaire à celle adoptée dans Stork Market Inc c 1736735 Ontario Inc (Hello Pink Lawn Cards Inc), 2017 CF 779; Café Mirage; et Driving Alternative Inc c Keyz Pleezz, 2012 CF 1430 (voir la catégorie 3 à l’annexe B pour cette approche hybride). Ces affaires ont utilisé des données incomplètes ou erronées sur les pertes comme point de référence pour estimer ensuite le montant global des dommages-intérêts compensatoires à accorder pour la période où les violations ont été commises, tout en gardant à l’esprit un type de calcul fondé sur le nombre de cas de violation.

[211]  J’adopte cette approche et accorde des dommages-intérêts à partir du premier cas de violation, soit l’enregistrement de la société défenderesse BNA en août 2015. Les violations se sont poursuivies jusqu’à la fin du mois de janvier 2016. J’accorde également des dommages-intérêts compensatoires pour février 2016 en raison de la possible incidence à court terme des violations commises en janvier sur les chiffres d’affaires de février.

[212]  Les données financières de la nouvelle société BioFert confirment qu’environ 21 % des ventes ont été réalisées d’août à février. Selon les registres de ventes de la nouvelle société BioFert, du 31 juillet 2015 au 31 juillet 2016, la nouvelle société BioFert a réalisé des ventes d’à peine 625 357 $ sur les ventes totales de 2 920 764 $. Il ne s’agit que de 21 % des ventes annuelles réalisées au cours de ces sept mois.

[213]  Cet écart saisonnier dans les ventes de la nouvelle société BioFert reflète les ventes de l’ancienne société BioFert de 2008 à 2014, où 20 % à 30 % des ventes annuelles étaient généralement réalisées d’août à février (aveux présumés concernant l’authenticité de documents, document 540). Cette comparaison des ventes mensuelles confirme que les mois d’août à février, où les défendeurs ont tiré profit des activités constituant des infractions, n’ont pas coïncidé avec la principale saison de croissance dans les basses-terres continentales de la Colombie-Britannique.

[214]  M. Stan Loewen a témoigné que la Foire agricole du Pacifique est le [traduction« salon le plus important » qui [traduction« a lieu chaque année à la fin du mois de janvier » et qui permet aux entreprises de promouvoir leurs produits auprès du public et d’autres entreprises (page 160). M. Imran Ahmad a confirmé que les mois d’avril à juillet sont les mois de vente importants et que la Foire agricole du Pacifique est importante pour la saison de croissance [traduction« à venir » (Imran Ahmad, pages 781, 789 et 790). Ces tendances saisonnières ont été confirmées par la demanderesse et M. Tahir (exposé final, pages 1820 et 1909).

[215]  J’accorde les dommages compensatoires suivants en adoptant l’approche hybride :

Mois

Activités constituant des violations

Montant des dommages-intérêts

Août 2015

Les défendeurs ont enregistré le nom trompeur BNA (créant de la confusion avec le nom de l’ancienne société BioFert). M. Tahir refuse de changer le nom de l’ancienne société BioFert, ce qui signifie que la demanderesse doit employer un nom différent.

10 000 $

Septembre 2015

Les défendeurs continuent d’employer le nom trompeur BNA. M. Tahir demande l’enregistrement des marques de commerce des produits Earth Boost et Assist. Les défendeurs décident d’employer les noms de produits de l’ancienne société BioFert pour désigner certains produits d’Agrisol. Cependant, à l’issue d’une ordonnance d’un tribunal de la Colombie-Britannique, le nom de l’ancienne société BioFert est modifié par une société à numéro, et la demanderesse peut enfin employer le nom « BioFert Manufacturing Inc. ».

10 000 $

Octobre 2015

Les défendeurs continuent d’employer le nom trompeur BNA et se préparent à lancer la société.

8 000 $

Novembre 2015

Les défendeurs continuent d’employer le nom trompeur BNA. M. Tahir utilisait une adresse courriel « BioFert.net », qui usurpait le nom commercial « BioFert », et faisait une commercialisation trompeuse.

10 000 $

Décembre 2015

Les défendeurs continuent d’employer le nom trompeur BNA et des adresses courriel « BioFert.net », qui usurpent le nom commercial « BioFert ». Les documents préparés en vue de la Foire agricole du Pacifique ont été préparés par M. Imran et M. Tahir. M. Imran commande une scène arborant le logo « BioFert ». À la fin de l’année 2015 ou au début de l’année 2016, des dépliants promotionnels arborant le nom commercial « BioFert » et indiquant que [traduction] « les employés de BioFert » lancent Agrisol ont été envoyés, ce qui constitue une commercialisation trompeuse.

15 000 $

Janvier 2016

Les défendeurs continuent d’employer le nom trompeur BNA. Le site Web « BioFert.net » est mis en ligne à la fin de janvier avec le nom, le logo et les marques de commerce de produits BioFert. Agrisol envoie des dépliants et des courriels publicitaires à des clients, ce qui constitue une commercialisation trompeuse de la société en tant BioFert.

Des catalogues sont finalisés et commandés en vue de la Foire. Les défendeurs montent un kiosque à l’occasion d’un salon et apposent le logo contrefait sur des catalogues, des dépliants, des cartes de visite, une scène et une bannière. Les catalogues et les dépliants arboraient aussi des marques de commerce de produits qui appartenaient à la demanderesse.

À la Foire, on leur a signifié une mise en demeure. Tous les documents contrefaisants sont retirés avant le début de la Foire et que le public ne visite la Foire. Le site Web « BioFert.net » est retiré à la fin de janvier.

20 000 $

Février 2016

Le nom trompeur BNA figure toujours dans le registre des sociétés, mais n’est pas employé par les défendeurs. Sinon, il n’y a aucune contrefaçon et le site Web est en mode « entretien ». La mise en demeure a été respectée en grande partie, à l’exception de ce qui est du nom de domaine, qui est demeuré en possession d’un tiers. La confusion créée par les efforts de commercialisation de novembre à janvier a peut-être eu une incidence sur les chiffres d’affaires depuis février.

8 000 $

« Figure 7 »

[Caratères gras ajoutés pour mettre l’accent sur les violations.]

[216]  Si l’on additionne les chiffres mensuels, on obtient des dommages-intérêts compensatoires de 81 000 $. L’approche mensuelle suit les affaires susmentionnées dans lesquelles un calcul hybride a été retenu, où la Cour a utilisé les données financières qui lui avaient été fournies. Ce montant est justifiable en tant que dommages-intérêts fondés sur le nombre de cas, dont fait état le tableau et les affaires hybrides, ou en tant que montant global de dommages-intérêts compensatoires.

[217]  En tant que montant global de dommages-intérêts compensatoires, les chiffres figurant sur ce tableau reflètent de manière réaliste les pertes de ventes pour la période d’août 2015 à février 2016. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, 20 % à 30 % des ventes de l’ancienne société BioFert et de la nouvelle société BioFert sont généralement réalisées au cours de ces mois, ce qui est conforme aux témoignages des témoins, qui ont déclaré que la saison la plus lucrative est le printemps. En examinant le tableau ci-dessus, à la figure 6, montrant que les ventes de l’ancienne société BioFert s’élevaient à environ 5 millions de dollars par année en 2013 et en 2014, on ne pouvait pas s’attendre, comme j’ai déjà conclu, à ce que la nouvelle société BioFert vende ses produits au même rythme que l’ancienne société BioFert en raison de la faillite et d’autres éventualités (par. 121 des présents motifs). Si l’on avait présumé que la nouvelle société BioFert réaliserait au contraire des ventes d’environ 2 millions de dollars au cours de sa première année d’existence après la faillite, avec une marge de profit d’environ 20 % – ce qui reflète la marge approximative des ventes transférées entre Terralink et la nouvelle société BioFert (page 1679) –, cela signifierait qu’on se serait attendu à ce que la nouvelle société BioFert réalise des profits de 400 000 $ pendant sa première année d’existence. En outre, en présumant que 21 % de ces profits auraient été réalisés au cours des mois d’août à février, cela se serait traduit par des profits de 84 000 $ au cours de la période où les violations ont été commises.

[218]  De même, Agrisol a réalisé des ventes de 1 579 761 $ tout au long de 2016 (pièce P2, onglet 34). Avec la marge de profit de 20 % attribué ci-dessus, cela générerait des profits de 315 952 $. En présumant que 21 % des profits seraient réalisés en janvier et en février, ainsi qu’en août et en décembre de cette même année, il y aurait des profits de 66 349,96 $ pendant la période où les violations ont été commises.

[219]  Compte tenu de l’absence de portrait financier complet, il s’agit d’estimations approximatives, mais cela confirme que l’approche hybride mensuelle adoptée dans le tableau ci‑dessus propose un montant approprié de dommages-intérêts compensatoires pour l’usurpation de marques de commerce commise pendant la période visée.

[220]  Le montant total des dommages-intérêts compensatoires que les sociétés défenderesses et M. Tahir sont solidairement condamnés à verser à la demanderesse s’élève à 81 000 $.

B.  Dommages-intérêts préétablis pour violation de la Loi sur le droit d’auteur

[221]  La demanderesse choisit des dommages-intérêts préétablis pour les violations du droit d’auteur à l’égard de la page [traduction« À notre sujet » et du logo « BioFert ». La demanderesse a droit à des réparations distinctes pour les violations de Loi sur les marques de commerce et de la Loi sur le droit d’auteur (Popsockets LLC c Case World Enterprises Ltd, 2019 CF 1154, par 39 [Popsockets]).

[222]  L’alinéa 38.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur prévoit des dommages-intérêts préétablis de 500 $ à 20 000 $ par violation relative à une œuvre « à des fins commerciales ». La demanderesse indique que la mauvaise foi, la conduite des parties avant et pendant l’instance, et la nécessité de créer un effet dissuasif sont trois facteurs qui appuient l’octroi de dommages-intérêts [traduction« au haut de la fourchette ». Elle met principalement l’accent sur le fait que les défendeurs ont fait preuve de mauvaise foi dans leurs activités, car ils ont utilisé le logo dans des documents publicitaires et sur la page [traduction« À notre sujet » en ligne, et ce, dans le but de se vendre au public sous le nom « BioFert ». Elle ajoute que cette mauvaise foi justifie le montant maximal de 20 000 $ en dommages-intérêts préétablis pour chacune des deux œuvres, pour un total de 40 000 $.

[223]  La jurisprudence sur la Loi sur le droit d’auteur confirme que la présente affaire justifie l’octroi de dommages‑intérêts préétablis selon le bas de la fourchette. Dans Setanta Sports Canada Limited c 840341 Alberta Ltd (Brew’in Taphouse), 2011 CF 709, au paragraphe 19, les facteurs à l’appui de l’octroi de dommages-intérêts au haut de la fourchette étaient le défaut de répondre aux communications écrites de la partie adverse, la désobéissance à une ordonnance de la Cour, au moins deux violations manifestes des droits d’auteur d’un radiodiffuseur et le besoin d’accorder, à titre de dommages-intérêts, une somme susceptible de décourager toute nouvelle violation. Des facteurs similaires ont été énoncés dans Microsoft Corporation c 9038-3746 Québec Inc, 2006 CF 1509, affaire dans laquelle les défendeurs ont fait preuve de mauvaise foi et ont fait « fi de l’ordre public » (par. 113). Par contre, dans Century 21 Canada Limited Partnership c Rogers Communications Inc, 2011 BCSC 1196 [Century 21], des dommages-intérêts préétablis moins élevés ont été accordés parce que les violations se sont produites sur une période [traduction« relativement courte », qu’il n’était pas nécessaire de créer un effet dissuasif, qu’il n’avait pas été conclu que les défenderesses avaient fait preuve de mauvaise foi et que les pertes réelles n’étaient pas substantielles (par. 421).

[224]  J’estime que la présente affaire se rapproche beaucoup plus de Century 21 que des autres affaires. Les défendeurs ont souligné que le site Web avait été retiré dès la signification de la mise en demeure. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, M. Stan Loewen a confirmé que le site Web avait été retiré [traduction« immédiatement » après la signification de la mise en demeure et qu’il avait été mis en mode « entretien » (page 167). M. Stan Loewen a confirmé que le site Web était en [traduction« mode “entretien” » à la fin du mois de janvier 2016 et qu’il y est resté, et qu’aucune œuvre protégée par le droit d’auteur n’était visible (pages 167 et 168). Le 14 juillet 2016, le site Web est demeuré en mode de maintenance « entretien » et, à toutes fins utiles, n’existait plus (pièce P4, onglet 87). La demanderesse a fait remarquer qu’il y avait un bouton pour s’abonner au bas de la page, mais on n’a présenté à la Cour aucune preuve au sujet de son fonctionnement ou de la page où il redirigeait les utilisateurs. Le témoignage de M. Stan Loewen au sujet de la Foire indiquait que tous les logos de BioFert ont été retirés avant l’ouverture de la Foire, le 28 janvier, à 9 h (pages 166 et 167). Cette courte période de violation du droit d’auteur justifie que je n’accorde pas de dommages-intérêts préétablis à un échelon supérieur de l’échelle.

[225]  Par conséquent, j’accorde 500 $ par violation de chacune des deux œuvres protégées par le droit d’auteur, pour un total de 1 000 $.

C.  Dommages-intérêts punitifs et exemplaires

[226]  Des dommages-intérêts punitifs ne sont accordés que lorsque la conduite est si « malveillante, opprimante et abusive qu’elle choque le sens de la dignité de la cour » (Hill c Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 RCS 1130, par. 196). Les objectifs de ces dommages-intérêts sont le châtiment, la dissuasion et la dénonciation. Des dommages-intérêts punitifs ne peuvent être accordés que si les dommages-intérêts compensatoires ne permettent pas de réaliser ces objectifs (Whiten c Pilot Insurance Co, 2002 CSC 18, par. 94 [Whiten]). On énonce au paragraphe 113 de Whiten plusieurs facteurs qui « peuvent » influer sur la gravité du caractère répréhensible (références omises) :

Le fait que la conduite répréhensible ait été préméditée et délibérée [...]

L’intention et la motivation du défendeur [...]

Le caractère prolongé de la conduite inacceptable du défendeur [...]

Le fait que le défendeur ait caché sa conduite répréhensible ou tenté de la dissimuler [...]

Le fait que le défendeur savait ou non que ses actes étaient fautifs [...]

Le fait que le défendeur ait ou non tiré profit de sa conduite répréhensible [...]

Le fait que le défendeur savait que sa conduite répréhensible portait atteinte à un intérêt auquel le demandeur attachait une grande valeur [...]

[227]  Outre le caractère répréhensible, les dommages-intérêts doivent être proportionnels au degré de vulnérabilité du demandeur, au préjudice infligé au demandeur, au besoin de dissuasion et aux avantages que le défendeur a injustement tirés; ils doivent également être appropriés à la lumière des autres sanctions susceptibles d’être infligées au défendeur pour la même conduite répréhensible (Whiten, par. 114 à 125).

[228]  La demanderesse déclare que les défendeurs étaient au courant de l’offre refusée pour les actifs de l’ancienne société BioFert et qu’ils ont ensuite tenté de priver la demanderesse des avantages que celle-ci tirait de ces biens et d’attirer la clientèle vers Agrisol en utilisant la réputation de BioFert. Dans ses observations finales, la demanderesse a particulièrement souligné ce qui suit :

  • a) chaque défendeur, à l’exception de M. Tahir, a confirmé qu’il pensait qu’ils ne devraient pas employer le nom « BioFert »;

  • b) la demanderesse a été obligée de s’adresser aux tribunaux pour obtenir le transfert de la dénomination sociale et d’entamer une procédure de règlement des litiges relatifs aux noms de domaine afin de reprendre le contrôle du nom de domaine;

  • c) les renseignements de WhoIs sur le nom de domaine faisaient l’objet d’un bouclier de protection de renseignements personnels et les défendeurs ont initialement refusé de reconnaître leur méfait;

  • d) M. Tahir et son cousin ont présenté une demande d’enregistrement d’une société BioFert à New York, laquelle incluait à tort une photo d’un produit de l’ancienne société BioFert pour démontrer son emploi par la société américaine, ainsi que l’adresse courriel « TahirMahmood@Agrisol.com »;

  • e) les demandes d’enregistrement de marques de commerce présentées au Canada pour les produits Earth Boost et Assist – deux marques de commerce de produits contrefaites –, n’ont pas été abandonnées dès la signification de la mise en demeure;

  • f) M. Tahir et Mme Farrah ont transféré leur résidence familiale, dont ils étaient copropriétaires depuis quatre et cinq mois à Mme Farrah en avril 2015 pour 1 $ (pièce P63, page 1473), ce qui, selon la demanderesse, était malhonnête;

  • g) Dans ses observations orales, la demanderesse a déclaré que les employés de M. Tahir et d’Agrisol avaient tenté de manipuler le témoin de la demanderesse, M. Gill, ce qui a étayé l’allégation de mauvaise foi.

[229]  La demanderesse s’est fondée sur le témoignage de M. Manjinder Gill, traduit du pendjabi, ainsi que sur sa déclaration de témoin en anglais, qui, tel qu’il l’a indiqué, lui avait été lue (page 875) et qui était datée du 30 octobre 2017 (pièce P37), à l’appui de sa demande de dommages-intérêts punitifs :

[traduction] M. Manjinder Gill a parlé de la mauvaise foi des défendeurs. M. Gill n’a pas été cité à la barre pour établir que des produits avaient été volés. M. Gill a été cité à la barre pour confirmer qu’il avait fait une déclaration de témoin selon laquelle il y avait eu collusion entre les défendeurs et leurs employés en ce qui concerne leurs témoignages dans le cadre d’une instance connexe, ainsi que concernant la subornation de témoins qui a eu lieu pour essayer d’amener M. Gill à rétracter sa déclaration de témoin. M. Mahmood a utilisé de nombreuses pages de son argumentation pour attaquer M. Gill.

[230]  Compte tenu de cette conduite délibérée, la demanderesse sollicite des dommages-intérêts punitifs de 100 000 $ à 200 000 $, selon que la Cour accorde ou non le montant sollicité par la demanderesse à titre de dommages-intérêts compensatoires.

[231]  Selon M. Tahir, les défendeurs n’ont rien caché et aucune de leurs conduites n’était délibérée. Tous les défendeurs insistent sur le fait qu’après avoir reçu la mise en demeure, ils s’y sont immédiatement conformés. En outre, ils soutiennent dans leur exposé final que les sociétés n’ont pas profité de la conduite répréhensible (page 1919), et M. Saif a déclaré que [traduction] « Agrisol n’a jamais réalisé de profit » (page 1084).

[232]  M. Tahir minimise sa participation en ce qui concerne le nom de domaine en affirmant qu’avant l’accès au nom de domaine « BioFert.net » et le transfert des courriels à son beau-père pour environ 3 000,00 $ CA, il n’avait aucune idée de qui le détenait; il ne pouvait donc pas exercer un contrôle sur ce nom pour le transférer à la nouvelle société BioFert.

[233]  L’explication de M. Tahir concernant de la société BioFert de New York était qu’à ce moment-là, son cousin a lancé la société et a prévu de faire des affaires aux États-Unis (recueil d’extraits, pages 169 et 170). Lorsqu’il a été contre-interrogé par son épouse, cette dernière a demandé à M. Tahir ce qui s’était passé avec la société BioFert de New York, et M. Tahir a répondu [traduction] « [qu’e]lle n’avait jamais été créée. Aucune activité n’a été réalisée sur cette BioFert [sic] » (page 1500).

[234]  En ce qui concerne la résidence familiale, elle a été transférée le 25 avril 2015, avant même la faillite. Je conclus que le transfert de la résidence familiale n’a pas été effectué en lien avec le présent litige (qui a débuté en mars 2016) et que les deux Mahmoods ont été transparents quant au transfert de la résidence (pages 1124 et 1473). Il ne s’agit pas d’une conduite planifiée et délibérée, et elle ne rencontre aucun des autres facteurs à prendre en compte pour accorder des dommages-intérêts punitifs.

[235]  Les défendeurs sont convaincus que la présente affaire ne correspond pas aux [traduction« rares » cas extrêmes où des dommages-intérêts punitifs doivent être accordés. M. Tahir et M. Saif ont tous deux déclaré que la conduite n’était ni planifiée ni délibérée, car ils n’ont jamais commis de faute intentionnelle et n’ont jamais tenté de dissimuler quoi que ce soit (pages 1918 et 1945). Dès qu’on leur a signifié la mise en demeure, ils se sont conformés à toutes les demandes qu’ils étaient en mesure de respecter et cela ne devrait pas influer sur leur nouvelle société, Agrisol, puisqu’ils ne vendaient même pas de produits avant la Foire et qu’ils avaient cessé toute violation présumée avant même le début de la Foire. M. Tahir a fait remarquer que c’est M. Adnan, au Pakistan, qui conservait le contrôle du nom de domaine, mais qu’autrement, ils ont tout mis en œuvre pour se conformer à la mise en demeure (page 1920).

[236]  Lorsque l’on examine les facteurs énoncés dans Whiten, le seul facteur qui est évident est que, quelques heures après la signification de la mise en demeure, on s’y était presque entièrement conformé. Les seules questions encore en litige sont le retrait du site Web, qui, selon la preuve, a également été effectué au moment de la signification de la mise en demeure, car le site était hors ligne à la fin du mois de janvier 2016. Les défendeurs et leur avocat ont immédiatement communiqué avec les avocats de la demanderesse et se sont efforcés de se conformer aux demandes formulées dans la mise en demeure qu’il leur était possible de respecter.

[237]  La subornation de témoins est une allégation sérieuse qui ne devrait pas être soulevée à la légère. M. Gill a travaillé pendant cinq ans pour l’ancienne société BioFert comme travailleur dans l’entrepôt, mais il n’était pas en mesure de se souvenir des dates d’emploi (page 884) ou du nom de famille de M. Tahir (à la page 882). Étant donné qu’il ne sait pas parler, lire ou écrire l’anglais, on lui avait demandé, à l’aide de couleurs d’étiquettes, de mettre certains engrais dans des sacs. Après la faillite de l’ancienne société BioFert, il a lavé des camions à la pression. Il s’est ensuite joint à Agrisol en tant que travailleur, mais encore une fois, il ne se souvient pas des dates d’emploi. Il ressort du témoignage de M. Kamal Bahga que M. Gill a commencé à travailler pour Agrisol en mars ou en avril 2016 (pièce P36, page 75). M. Bahga a discuté du rôle limité de M. Gill chez Agrisol en tant que travailleur mélangeant les engrais (pages 813 et 814; pièce P36, pages 40 à 42). Chez Agrisol, son travail s’effectuait uniquement dans l’entrepôt et il n’a visité les bureaux que pour manger son dîner dans une installation séparée pour les travailleurs. Il travaille maintenant pour Terralink, depuis environ deux ans, où il empile des sacs d’engrais et ne fait aucun mélange (pages 886 et 887).

[238]  Lors du contre-interrogatoire, le manque de connaissances de M. Gill est devenu évident. Il n’aurait pas été possible pour M. Gill d’avoir entendu des conversations concernant la subornation de témoins, étant donné le lieu de travail de M. Gill dans l’entrepôt et ses heures de travail. Je n’accorde aucun poids à la déclaration écrite de M. Gill ni à son témoignage oral.

[239]  En ce qui concerne la conversation qu’il y aurait eue avec M. Kamal Bahga, au cours de laquelle on lui aurait demandé de rétracter sa déclaration de témoin, je préfère retenir le témoignage de M. Bahga, était un témoin opposé appelé par la demanderesse. Après son contre-interrogatoire par l’avocat de la demanderesse, il a nié avoir eu une conversation téléphonique avec M. Gill (page 810). Toutefois, il ne faut pas oublier que M. Gill avait été employé par l’ancienne société BioFert et qu’il est maintenant employé par Terralink. L’allégeance peut changer au fur et à mesure que les souvenirs s’estompent.

[240]  Par conséquent, je ne retiens pas l’allégation selon laquelle il y aurait subornation de témoins ou qu’on aurait fait preuve de mauvaise foi, comme le prétendM. Gill.

[241]  Le facteur qui milite en faveur de l’octroi de dommages-intérêts punitifs est le fait que M. Tahir n’a pas coopéré à la modification de la désignation; aussi l’enregistrement et l’emploi du nom de BNA ne peuvent qu’être considérés comme malhonnêtes. Il est naïf de croire que M. Tahir n’aurait pas su que l’emploi du nom, du logo et d’autres marques de commerce de produits « BioFert » sur les étiquettes et les documents publicitaires porterait atteinte aux droits de la demanderesse. Si les décisions de M. Tahir d’usurper les marques de commerce et de porter atteinte au droit d’auteur n’étaient pas planifiées et délibérées, elles étaient certainement calculées. Cependant, je ne conclus pas que les défendeurs ont profité de la courte période où ils ont commis les violations, et que, s’ils en ont profité, les profits ont été minimes.

[242]  Il y a certainement eu de l’animosité entre M. Tahir d’Agrisol et son ancien partenaire, M. Yasir Syed. M. Tahir était déterminé à assurer le succès de la nouvelle société, étant donné qu’une offre d’achat pour l’ancienne société BioFert n’a pas été acceptée et que M. Yasir Syed faisait partie du groupe acquéreur des actifs de l’ancienne société BioFert. Cependant, je ne dispose d’aucune preuve du fait que les défendeurs ont tenté de dissimuler quoi que ce soit ou qu’ils ont profité de leur conduite répréhensible.

[243]  Il ressort en effet de l’examen de la jurisprudence concernant les situations où des dommages-intérêts punitifs ont été accordés par la Cour que des dommages-intérêts punitifs ont rarement été accordés, et qu’il s’agissait souvent d’affaires de contrefaçon où le défendeur avait tiré profit de l’acte de contrefaçon et tenté de dissimuler sa conduite. Une conclusion selon laquelle des dommages-intérêts punitifs ne sont pas justifiés est conforme à cette jurisprudence, y compris le jugement par défaut rendu dans Popsockets, précitée. Dans Popsockets, le juge Southcott a refusé d’ordonner l’octroi de dommages-intérêts punitifs parce que les violations ont été commises sur une courte période et que rien n’indiquait que la défenderesse avait l’intention de commettre les violations ou qu’elle avait tenté de dissimuler sa conduite répréhensible (par. 50). Dans cette affaire, la violation du droit d’auteur s’est poursuivie après la signification de la mise en demeure, car les produits contrefaits sont demeurés sur les étalages trois mois après la signification de la mise en demeure (par. 23). En l’espèce, les défendeurs se sont immédiatement conformés aux demandes qu’ils avaient été en mesure de respecter, ce qui rend les arguments en faveur de l’octroi de dommages-intérêts punitifs en l’espèce encore moins convaincants que dans Popsockets.

[244]  Je ne suis pas disposée à condamner M. Tahir à payer des dommages-intérêts punitifs, et comme je n’ai pas conclu que les autres défendeurs individuels étaient responsables, je ne les condamne pas non plus à cet égard. Je ne suis pas non plus disposée à condamner les sociétés défenderesses à payer des dommages-intérêts punitifs. Les faits de l’espèce ne satisfont pas au seuil élevé justifiant l’octroi de dommages-intérêts punitifs, qui sont réservés à des cas exceptionnels.

D.  Jugement déclaratoire et injonction

[245]  Dans la déclaration, la demanderesse a sollicité plusieurs jugements déclaratoires ainsi que des injonctions. Elle n’a cependant présenté aucune observation écrite ou orale concernant la nécessité de ces réparations.

[246]  Certains facteurs que les tribunaux ont pris en compte pour décider si ces types de réparation sont nécessaires sont les questions de savoir si les violations avaient clairement cessé et si la réparation aurait un effet réel sur le règlement des questions en litige entre les parties (British Columbia Automobile Assn c O.P.E.I.U., Local 378, 2001 BCSC 156, par. 232). Dans Solosky c La Reine (1979), [1980] 1 RCS 821, page 832, le juge Dickson a fait remarquer qu’« un jugement déclaratoire n’est normalement pas accordé lorsque le litige est passé et est devenu théorique ».

[247]  La preuve en l’espèce montre que le litige est passé et que cette réparation serait théorique étant donné que les défendeurs se sont immédiatement conformés à la mise en demeure. La demanderesse est maintenant en possession du nom de domaine, les défendeurs n’emploient plus le nom BNA, et quatre années se sont écoulées sans preuve de violations.

VIII.  Dépens

[248]  Les parties ont présenté des observations écrites sur les dépens. La demanderesse a sollicité des dépens de 915 945,83 $, y compris les débours.

[249]  Les défendeurs individuels ont également présenté des mémoires de dépens, mais les deux sociétés défenderesses ne l’ont pas fait. M. Tahir demande 79 325 $ dans son mémoire de dépens, M. Saif sollicite des dépens de 114 253,91 $, M. Amaran demande 117 000 $, et Mme Farrah, 67 589 $. De plus, dans leurs observations écrites, M. Tahir et Mme Farrah ont demandé [traduction] « le montant total selon la colonne la plus élevée du tarif ».

[250]  La demanderesse a demandé, et la Cour est d’accord, que, une fois la décision rendue, elle soit autorisée à présenter d’autres observations puisqu’il y a des offres de règlement fondées sur l’article 420 des Règles. La Cour n’a reçu aucune offre de règlement fondée l’article 420 des Règles à ce stade et donnera donc aux parties la possibilité de présenter d’autres observations concernant les dépens, mais uniquement en ce qui a trait aux offres de règlement.

[251]  Je permettrai à la demanderesse de déposer un mémoire de dépens écrit d’un maximum de trois pages pour expliquer l’offre de règlement rejetée et pourquoi on devrait lui accorder le double des dépens prévus par le tarif en raison de l’offre rejetée, conformément au paragraphe 420(1) des Règles. Je demande que ces observations soient déposées et transmises aux défendeurs par courriel dans les 10 jours suivant la date de la présente décision.

[252]  Les sociétés défenderesses et M. Tahir disposeront alors 10 jours pour déposer leurs observations en réponse – comptant un maximum de trois pages – auprès de la Cour et les transmettre à la demanderesse. Cela permettra de compléter les observations relatives aux dépens.


JUGEMENT dans le dossier T‑377‑16

LA COUR STATUE que :

  1. les défenderesses Agrisol Manufacturing Inc. et BioFert NA Manufacturing Inc. [les sociétés défenderesses] et leur président-directeur général, M. Tahir Mahmood, sont réputées avoir porté atteinte au droit exclusif de la demanderesse d’employer la marque de commerce no LMC 854 894 enregistrée au Canada [la marque de commerce de la demanderesse], en violation de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce;

  2. les sociétés défenderesses et M. Tahir Mahmood ont fait passer leurs produits pour ceux de la demanderesse, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;

  3. les sociétés défenderesses et M. Tahir Mahmood ont employé, en liaison avec leurs produits, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde leurs caractéristiques, leur qualité ou leur composition, en violation de l’alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce;

  4. les sociétés défenderesses et M. Tahir Mahmood ont employé la marque de commerce de la demanderesse d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque, en violation de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce;

  5. les sociétés défenderesses et M. Tahir Mahmood ont violé le droit d’auteur sur les deux œuvres protégées par le droit d’auteur et appartenant à la demanderesse, en violation des articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur;

  6. les sociétés défenderesses et M. Tahir Mahmood ont une responsabilité solidaire et sont condamnés à verser à la demanderesse des dommages-intérêts compensatoires de 81 000 $ pour les violations de la marque de commerce;

  7. les sociétés défenderesses et M. Tahir Mahmood ont une responsabilité solidaire et sont condamnés à verser à la demanderesse des dommages-intérêts préétablis de 1 000 $ pour les violations de la Loi sur le droit d’auteur;

  8. les demandes contre les autres défendeurs sont rejetées, sans que des dépens soient adjugés à l’une ou l’autre partie;

  9. la demande de dommages-intérêts punitifs de la demanderesse contre chaque défendeur est rejetée, sans que des dépens soient adjugés à l’une ou l’autre partie;

  10. la demande reconventionnelle est rejetée, sans que des dépens soient adjugés à l’une ou l’autre partie;

  11. les sociétés défenderesses et M. Tahir Mahmood doivent payer les dépens qui seront déterminés après le dépôt d’observations écrites – limitées à trois pages pour la demanderesse et chaque défendeur – concernant uniquement les offres de règlement fondées sur l’article 420 des Règles. La demanderesse doit déposer ses observations et les envoyer par courrier électronique aux défendeurs dans les 10 jours suivant le présent jugement, puis les sociétés défenderesses et M. Tahir Mahmood disposeront de 10 jours pour déposer et envoyer leurs observations par courrier électronique.

« Glennys McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 27e jour de juillet 2020

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe A – Dispositions pertinentes

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13

Trademarks Act, RSC 1985, c T-13

Concurrence déloyale et signes interdits

Unfair Competition and Prohibited Signs

Interdictions

Prohibitions

Nul ne peut :

7 No person shall

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent;

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor;

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

c) faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

(c) pass off other goods or services as and for those ordered or requested; or

d) employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

(d) make use, in association with goods or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

(i) the character, quality, quantity or composition,

(ii) soit leur origine géographique,

(ii) the geographical origin, or

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution.

(iii) the mode of the manufacture, production or performance

 

of the goods or services.

[…]

Marques de commerce enregistrables

Registrable Trademarks

Marque de commerce enregistrable

When trademark registrable

12 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

12 (1) Subject to subsection (2), a trademark is registrable if it is not

[…]

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou de leur lieu d’origine;

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the goods or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

[…]

Quand l’enregistrement est invalide

When registration invalid

18 (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

18 (1) The registration of a trademark is invalid if

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

(a) the trademark was not registrable at the date of registration;

b) la marque de commerce n’est pas distinctive à l’époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement;

(b) the trademark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced;

c) la marque de commerce a été abandonnée;

(c) the trademark has been abandoned;

d) sous réserve de l’article 17, l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement;

(d) subject to section 17, the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration; or

e) la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi.

(e) the application for registration was filed in bad faith.

[…]

Droits conférés par l’enregistrement

Rights conferred by registration

19 Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

19 Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trademark in respect of any goods or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trademark the exclusive right to the use throughout Canada of the trademark in respect of those goods or services.

Violation

Infringement

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trademark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trademark or trade name;

b) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des produits, en vue de leur vente ou de leur distribution et en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(b) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any goods in association with a confusing trademark or trade name, for the purpose of their sale or distribution;

c) soit vend, offre en vente ou distribue des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial alors que :

(c) sells, offers for sale or distributes any label or packaging, in any form, bearing a trademark or trade name, if

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trademark, and

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trademark or trade name; or

d) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial, en vue de leur vente ou de leur distribution ou en vue de la vente, de la distribution ou de l’annonce de produits ou services en liaison avec ceux-ci, alors que :

(d) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any label or packaging, in any form, bearing a trademark or trade name, for the purpose of its sale or distribution or for the purpose of the sale, distribution or advertisement of goods or services in association with it, if

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trademark, and

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trademark or trade name.

[…]

Dépréciation de l’achalandage

Depreciation of goodwill

22 (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

22 (1) No person shall use a trademark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, ch C-42

Copyright Act, RSC 1985, c C-42

Droit d’auteur sur l’œuvre

Copyright in works

3 (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

3 (1) For the purposes of this Act, copyright, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l’œuvre;

(a) to produce, reproduce, perform or publish any translation of the work,

b) s’il s’agit d’une œuvre dramatique, de la transformer en un roman ou en une autre œuvre non dramatique;

(b) in the case of a dramatic work, to convert it into a novel or other non-dramatic work,

c) s’il s’agit d’un roman ou d’une autre œuvre non dramatique, ou d’une œuvre artistique, de transformer cette œuvre en une œuvre dramatique, par voie de représentation publique ou autrement;

(c) in the case of a novel or other non-dramatic work, or of an artistic work, to convert it into a dramatic work, by way of performance in public or otherwise,

d) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique ou musicale, d’en faire un enregistrement sonore, film cinématographique ou autre support, à l’aide desquels l’œuvre peut être reproduite, représentée ou exécutée mécaniquement;

(d) in the case of a literary, dramatic or musical work, to make any sound recording, cinematograph film or other contrivance by means of which the work may be mechanically reproduced or performed,

e) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, de reproduire, d’adapter et de présenter publiquement l’œuvre en tant qu’œuvre cinématographique;

(e) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to reproduce, adapt and publicly present the work as a cinematographic work,

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to communicate the work to the public by telecommunication,

g) de présenter au public lors d’une exposition, à des fins autres que la vente ou la location, une œuvre artistique – autre qu’une carte géographique ou marine, un plan ou un graphique – créée après le 7 juin 1988;

(g) to present at a public exhibition, for a purpose other than sale or hire, an artistic work created after June 7, 1988, other than a map, chart or plan,

h) de louer un programme d’ordinateur qui peut être reproduit dans le cadre normal de son utilisation, sauf la reproduction effectuée pendant son exécution avec un ordinateur ou autre machine ou appareil;

(h) in the case of a computer program that can be reproduced in the ordinary course of its use, other than by a reproduction during its execution in conjunction with a machine, device or computer, to rent out the computer program,

i) s’il s’agit d’une œuvre musicale, d’en louer tout enregistrement sonore;

(i) in the case of a musical work, to rent out a sound recording in which the work is embodied, and

j) s’il s’agit d’une œuvre sous forme d’un objet tangible, d’effectuer le transfert de propriété, notamment par vente, de l’objet, dans la mesure où la propriété de celui-ci n’a jamais été transférée au Canada ou à l’étranger avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur.

(j) in the case of a work that is in the form of a tangible object, to sell or otherwise transfer ownership of the tangible object, as long as that ownership has never previously been transferred in or outside Canada with the authorization of the copyright owner,

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

and to authorize any such acts.

[…]

Règle générale

Infringement generally

27 (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

27 (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

 

 

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

Federal Courts Rules, SOR/98-106

Personne morale, société de personnes ou association

Corporations or unincorporated associations

120 Une personne morale, une société de personnes ou une association sans personnalité morale se fait représenter par un avocat dans toute instance, à moins que la Cour, à cause de circonstances particulières, ne l’autorise à se faire représenter par un de ses dirigeants, associés ou membres, selon le cas.

120 A corporation, partnership or unincorporated association shall be represented by a solicitor in all proceedings, unless the Court in special circumstances grants leave to it to be represented by an officer, partner or member, as the case may be.

[…]

Effet d’une telle demande

Effect of request to admit

256 La partie qui reçoit signification d’une demande de reconnaissance est réputée reconnaître la véracité du fait ou l’authenticité du document qui en fait l’objet, sauf si elle signifie une dénégation établie selon la formule 256, avec motifs à l’appui, dans les 20 jours suivant la signification.

256 A party who is served with a request to admit is deemed to admit a fact or the authenticity of a document set out in the request to admit unless that party serves a response to the request in Form 256 within 20 days after its service and denies the admission, setting out the grounds for the denial.

[…]

Parties multiples

Multiple parties

[274(2) Lorsque la Cour a rendu une ordonnance permettant à plus d’un demandeur de présenter leur cause d’action séparément ou lorsque les défendeurs ne sont pas tous représentés par le même avocat, l’ordre de présentation est fixé par la Cour.

[274(2) Where the Court has made an order permitting two or more plaintiffs to put in separate cases, or where more than one defendant is separately represented, the order of presentation shall be as directed by the Court.

[…]

Extrait des dépositions

Reading in examination at trial

288 Une partie peut, à l’instruction, présenter en preuve tout extrait des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable d’une partie adverse ou d’une personne interrogée pour le compte de celle-ci, que la partie adverse ou cette personne ait déjà témoigné ou non.

288 A party may introduce as its own evidence at trial any part of its examination for discovery of an adverse party or of a person examined on behalf of an adverse party, whether or not the adverse party or person has already testified.

[…]

Conséquences de la non-acceptation de l’offre du demandeur

Consequences of failure to accept plaintiff’s offer

420 (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le demandeur fait au défendeur une offre écrite de règlement, et que le jugement qu’il obtient est aussi avantageux ou plus avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite, au double de ces dépens mais non au double des débours.

420 (1) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a plaintiff makes a written offer to settle and obtains a judgment as favourable or more favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and costs calculated at double that rate, but not double disbursements, after that date.


Annexe B – Tableau des dommages-intérêts en cas de preuve insuffisante concernant les dommages-intérêts

(1) Catégorie 1 : Attribution d’une valeur globale et arbitraire à la violation

 

Affaire

Référence

Juge

Principaux points

Dommages-intérêts compensatoires

1

Patterned Concrete Industries Inc c Horta

2014 CF 359

Le juge Hugues

Jugement par défaut pour commercialisation trompeuse dans l’industrie du béton; la preuve affidavit était conjecturale : « L’existence du préjudice donnant lieu à des dommages‑intérêts doit être prouvée, il ne suffit pas de faire des généralisations. J’accorderai des dommages-intérêts symboliques de 1 000 $ » (par. 4).

1 000 $

2

Decommodification LLC c Burn BC Arts Cooperative

2015 CF 42

Le juge Hugues

Jugement par défaut pour commercialisation trompeuse; la demanderesse a demandé 25 000 $, mais « [i]l n’y a pas d’élément de preuve quant aux profits générés » et des dommages-intérêts symboliques ont donc dû être accordés, lesquels sont « généralement fondés sur une estimation des pertes, notamment un montant suffisant servant à dissuader d’autres qui envisageraient des activités semblables » (par. 14).

10 000 $

3

Black & Decker Corporation c Piranha Abrasives Inc

2015 CF 185

Le juge Manson

Usurpation de deux marques de commerce déposées; quatre années de coexistence des deux marques, mais aucune preuve de confusion réelle chez les clients : « je conclus que les demanderesses n’ont pas droit à une indemnisation pour perte de profits, mais uniquement à des dommages‑intérêts symboliques pour usurpation de marque de commerce » (par. 111).

10 000 $

4

Maxwell Realty Inc c Omax Realty Ltd

2016 CF 1122

La juge McDonald

Commercialisation trompeuse et usurpation d’une marque de commerce dans l’industrie de l’immobilier ayant mené à l’octroi de dommages-intérêts symboliques; la juge McDonald cite Decommodification et Teavana à l’appui de la somme de 10 000 $ (par. 28).

10 000 $

5

Teavana Corp c Teayama Inc

2014 CF 372

La juge Bédard

La demanderesse a demandé 25 000 $, mais aucune preuve de perte de ventes et aucune preuve dépréciation de l’achalandage : « L’évaluation des dommages qu’elle a effectivement subis restera donc conjecturale » et la Cour peut « simplement fixer le montant » ( par. 41).

10 000 $

6

Pick c 1180475 Alberta Ltd (The Queen of Tarts)

2011 CF 1008

Le juge Shore

Jugement par défaut relatif à une violation de l’alinéa 7b) et de l’article 20 de la Loi sur les marques, après que la défenderesse a installé un étal à un marché de producteurs; « fixe » une somme de 10 000 $ ( par. 52).

10 000 $

7

Thoi Bao Inc c 1913075 Ontario Ltd (Vo Media)

2016 CF 1339

La juge McDonald

Affaire en matière de marques de commerce et de droit d’auteur impliquant un ancien employé d’un site vietnamien de nouvelles; la demanderesse demande 22 500 $. La juge McDonald cite Pick et note que le montant de 15 000 $ correspondait à la redevance annuelle minimale que l’entreprise vietnamienne pouvait exiger pour l’emploi de sa marque (au paragraphe 46).

15 000 $

8

Alliance Laundry Systems LLC c Whirlpool Canada LP

2019 CF 724

La juge Gagné

Commercialisation trompeuse dans l’industrie des appareils électroménagers; la Cour conclut que des pertes ont été subies en raison de la commercialisation trompeuse et, par conséquent, « accord[e] des dommages-intérêts symboliques d’un montant de 20 000 $ », même si le volume de ventes des produits en cause était faible au Canada (au paragraphe 62).

20 000 $

9

Trans-High Corporation c Conscious Consumption Inc

2016 CF 949

Le juge Manson

La marque HIGH TIMES dans le « marché de la contre-culture » a été usurpée par la défenderesse; la demanderesse demande un montant entre 150 000 $ et 200 000 $ au titre de « frais de licence », mais il n’y avait « aucun élément de preuve » permettant d’étayer ces demandes et un montant de 25 000 $ a été jugé plus approprié (par. 37 à 40).

25 000 $

(2) Catégorie 2 : Attribution d’un montant approximatif par cas et le multiplier par le nombre de cas (souvent le cas dans les affaires de contrefaçons)

 

Affaire

Référence

Juge

Principaux points

Dommages-intérêts compensatoires

10

Oakley Inc c Untel

2000 CarswellNat 1995 (CF 1re inst.)

Le juge Pelletier

Le paragraphe 3 et la note de bas de page 1 renvoient à une échelle et indiquent qu’elle a été acceptée comme mesure des dommages-intérêts :

3 000 $ par cas aux marchés aux puces;

6 000 $ pour les points de vente au détail conventionnels;

24 000 $ pour les fabricants ou les distributeurs.

 

Au paragraphe 23, on indique que cette échelle représente des « normes arbitraires plutôt que sur la base d’éléments de preuve portant sur les pertes effectivement subies », et que le défendeur peut contester l’octroi des dommages-intérêts et exiger que le demandeur établisse les pertes subies. Des décisions ultérieures ont rajusté cette échelle en fonction de l’inflation (voir ci-dessous).

3 000 $ par cas en 2000

(4 236 $ par cas en 2019)

11

D. & A.’s Pet Food ‘N More Ltd c Severight

2006 CF 175

Le juge Lemieux

Jugement sommaire dans le cadre duquel la défenderesse, qui agissait pour son propre compte, a exploité sa boutique sous le nom PETS N’ MORE et a employé le nom sur son site Web pendant une courte période. Plus tard, elle a modifié l’affichage, mais n’a pas rendu le site Web. Le juge Lemieux cite l’affaire Ragdoll portant sur la contrefaçon de produits et fixe les dommages-intérêts à 6 000 $ parce qu’il s’agit d’un magasin de détail qui a commis une violation (par. 9).

6 000 $ par cas en 2006

(7 495 $ par cas en 2019)

12

Aquasmart Technologies Inc c Klassen

2011 CF 212

Le juge Shore

Jugement par défaut relatif à des entreprises de purification d’eau; le défendeur a copié l’entreprise de la demanderesse. Les violations ont été commises en ligne et en personne, puisque les locaux physiques, les véhicules et les vendeurs faisaient partie des pratiques commerciales et que les activités de l’entreprise se sont poursuivies malgré la connaissance des droits de la demanderesse. Le juge Shore invoque l’échelle énoncée dans Oakley et a ordonné le paiement de 15 597,35 $ (par. 74). Il s’agissait de 12 000 $ en 1997, ce qui correspondrait à deux violations conventionnelles selon l’échelle énoncée dans Oakley.

7 798,68 $ par cas

13

Popsockets LLC c Case World Enterprises Ltd

2019 CF 1154

Le juge Southcott

« Comme dommages‑intérêts pour l’usurpation de sa marque de commerce, la demanderesse souhaite obtenir des dommages‑intérêts compensatoires symboliques ou minimes, d’une somme de 8 000 $ par activité d’usurpation dans un contexte de vente au détail. J’admets que de tels dommages‑intérêts sont appropriés dans des situations comme celle qui nous occupe, où il serait difficile d’évaluer le préjudice réel, et que ce chiffre est conforme à la jurisprudence établie » (par. 42).

8 000 $ par cas

14

Chanel S de RL c Lam Chan Kee Company Ltd

2016 CF 987, conf. par Lam c Chanel S de RL, 2017 CAF 38

Le juge Martineau, conf. par le juge Rennie

Marchandises contrefaites : Le juge Martineau ajuste l’échelle énoncée dans Oakley en fonction de l’inflation et accorde 8 000 $ par activité de contrefaçon. Il multiplie quatre activités par deux demandeurs, ce qui donne 64 000 $ en dommages-intérêts symboliques (par. 39). Des dommages-intérêts symboliques ont été ordonnés en raison de l’absence de documents portant des profits ou des pertes, ce qui a été confirmé par la Cour d’appel fédérale.

8 000 $ par cas

15

Ragdoll Productions (UK) Ltd c Personnes inconnues

2002 CFPI 918

Le juge Pelletier

Violation du droit d’auteur par la vente de porte-clés et d’autres objets contrefaits. « Il n’est pas inopportun d’attribuer des dommages-intérêts symboliques lorsque aucun préjudice réel n’est établi » (par. 18) et, citant l’ouvrage de Fox intitulé Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, on « doit s’en tenir à l’estimation la plus raisonnable » (par. 40). L’absence de registres comptables appropriés du défendeur ne signifie pas nécessairement que l’on doive se limiter à un faible montant « symbolique » comme 1 $; le montant par cas devrait encore être compensatoire (aux paragraphes 45 à 48).

6 000 $ par cas en 2002

(8 063 $ par cas en 2019)

16

Louis Vuitton Malletier SA c Wang

2019 CF 1389

Le juge Roy

Marchandises contrefaites; la quantité et la valeur des articles vendus sont difficiles à établir, mais elles sont importantes (par. 120); le juge Roy explique que l’expression « dommages-intérêts symboliques » devrait toujours être une estimation des dommages-intérêts compensatoires réels. Il critique également la demande de dommages-intérêts de 17 millions de dollars présentée par l’avocat, qui n’était pas raisonnable (par. 127). Calculs expliqués aux par. 174 à 180 : 8 500 $ par cas de contrefaçon attribuable au commerce de détail. Le total des dommages compensatoires était de 476 500 $ en raison des nombreux cas de contrefaçon.

8 500 $ par cas

17

Louis Vuitton Malletier SA c Yang

2007 CF 1179

La juge Snider

La demanderesse a réclamé entre 240 000 $ et 360 000 $ en produits perdus selon le montant estimé du renouvellement des stocks de produits contrefaits (par. 34). La juge Snider a relevé quelques problèmes concernant les calculs, la période des actes réels de contrefaçon et les hypothèses formulées (par. 39). La juge Snider a plutôt multiplié le montant symbolique de 7 250 $ (le montant de 6 000 $ par cas établi dans Oakley pour un commerce de détail, rajusté en fonction de l’inflation) par six cas distincts, puis par deux demanderesses, ce qui s’est élevé à 87 000 $ (par. 41 à 44).

 

7 250 $ par cas en 2007

(8 837 $ par cas en 2019)

(3) Catégorie 3 : Approche hybride utilisant les volumes de ventes, rajustés en fonction des imprévus, tout en tenant compte d’une période d’un mois ou d’une mesure par cas

 

Affaire

Référence

Juge

Principaux points

Dommages-intérêts compensatoires

18

Stork Market Inc c 1736735 Ontario Inc (Hello Pink Lawn Cards Inc)

2017 CF 779

Le juge Southcott

Le juge Southcott a utilisé des chiffres déduits de renseignements qui sont « loin d’être parfait[s] » au sujet des ventes (par. 84) pour estimer le montant des profits que les défendeurs ont générés grâce à la vente de pancartes sur perlouse au cours des mois visés, puis il les a arrondis pour obtenir une estimation prudente (par. 87).

30 000 $

19

1429539 Ontario Limited c Café Mirage Inc

2011 CF 1290

Le juge Mandamin

La défenderesse a indûment exploité un restaurant avec la marque de commerce et le menu de la demanderesse, Symposium Café; la demanderesse a tenté de se fier au montant mensuel de la redevance de franchisage, mais étant donné que la preuve à cet égard variait (par exemple, peut-être un paiement unique de 17 500 $ ou peut-être une redevance mensuelle récurrente), « il convient d’octroyer la somme globale de 30 000 $ » (par. 155); le juge Mandamin n’a pas utilisé les chiffres de la demanderesse et a plutôt évalué les données « varia[bles] » pour fixer une « somme globale » appropriée.

30 000 $

20

Driving Alternative Inc c Keyz Pleezz

2012 CF 1430

Le juge Scott

Affaire relative à l’école de conduite « Keyz Pleez »; la demanderesse a démontré qu’il y avait eu commercialisation trompeuse, usurpation d’une marque de commerce et dépréciation de l’achalandage. La demanderesse a demandé 70 000 $ en se fondant sur des projections de redevances que la défenderesse aurait payées si elle avait, au lieu de cela, légalement ouvert une franchise pour employer la marque de la demanderesse, puis réalisé des ventes hebdomadaires de 5 000 $ au cours de la période visée. Le juge Scott a conclu que la preuve était insuffisante pour conclure que ces chiffres seraient appropriés, et puisque cette estimation était trop élevée, il a fixé à 50 000 $ le montant des dommages-intérêts (par. 39 à 41).

50 000 $

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-377-16

 

INTITULÉ :

BIOFERT MANUFACTURING INC. c AGRISOL MANUFACTURING INC. ET BIOFERT NA MANUFACTURING INC., FAISANT AFFAIRE COLLECTIVEMENT SOUS LE NOM DE BIOFERT, TAHIR MAHMOOD, AMARAN TYAB, SAIF MAHMOOD, ET FARRAH MAHMOOD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

DU 25 AU 29 NOVEMBRE 2019

DU 2 AU 5 DÉCEMBRE 2019

DU 9 AU 11 DÉCEMBRE 2019

LES 8 ET 9 JANVIER 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 13 mars 2020

 

COMPARUTIONS :

Karen MacDonald

Mathew Brechtel

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Tahir Mahmood

Amaran Tyab

Saif Mahmood

Farrah Mahmood

POUR LES DÉFENDEURS,

POUR LEUR PROPRE COMPTE

 

Usman Ghani

POUR LES DÉFENDERESSES,

AGRISOL MANUFACTURING INC. ET BIOFERT NA MANUFACTURING INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

 


 

Ghani Law Corp.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DÉFENDERESSES,

AGRISOL MANUFACTURING INC. ET BIOFERT NA MANUFACTURING INC.

 

 

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