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Date : 20020314

Dossier : IMM-1467-01

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2002

En présence de Madame le jugeSimpson

ENTRE :

                                           LASZLO NAGY et ILONA NAGYNE PELCZ

                                                                                                                                                  Demandeurs

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                                     ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire déposée par les demandeurs à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 26 février 2001;

APRÈS avoir entendu les plaidoiries des avocats des deux parties à Toronto le 26 février 2002;

APRÈS avoir été informée qu'il n'y avait aucune question à certifier;


LA COUR ORDONNE que pour les motifs exposés aujourd'hui, la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

             « Sandra J. Simpson »          

JUGE

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


Date : 20020314

Dossier : IMM-1467-01

Référence neutre : 2002 CFPI 281

ENTRE :

LASZLO NAGY ET ILONA NAGYNE PELCZ

Demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

[1]                 La Cour doit se prononcer sur une demande de contrôle judiciaire déposée à l'encontre d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue en date du 26 février 2001, dans laquelle la Commission conclut que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


Les faits

[2]                 Les demandeurs sont des citoyens de la Hongrie. Ils se sont mariés en 1990. Le demandeur est arrivé au Canada en septembre 1999 tandis que son épouse (la demanderesse) est venue le rejoindre en juin 2000. L'audition de la revendication du statut de réfugié des demandeurs a eu lieu le 26 janvier 2001. Le demandeur fonde sa revendication sur son appartenance à l'ethnie des Roms. Pour sa part, la demanderesse fonde sa revendication sur son appartenance à un groupe social particulier, qu'elle définit comme les « épouses de Roms » .

[3]                 Le demandeur est né à Budapest en 1951. Alors qu'il étudiait à l'école primaire d'Ujpest et d'Angyafold, ses camarades l'ont exclu et ridiculisé à cause de ses origines « tziganes » . En 1969, il a obtenu un diplôme de l'école d'hôtellerie et a été engagé comme serveur dans un hôtel. Il était chargé de laver la vaisselle et d'accomplir d'autres tâches de cette nature; il recevait le salaire minimum.

[4]                 De 1971 à 1973, le demandeur a servi dans l'armée. Ensuite, il a travaillé dans un bar à Erd sans éprouver aucun problème, jusqu'au jour où son superviseur a découvert l'origine ethnique du demandeur. Il a alors accusé le demandeur de vol, même si tous les soirs, ce dernier comptait l'argent de la caisse en compagnie du superviseur. Le superviseur a menacé de porter plainte à la police et il a congédié le demandeur.

[5]                 Ce soir-là, le demandeur a été battu par un groupe de personnes dont un client régulier du bar. Ils l'ont traité de « sale voleur tzigane » et l'ont menacé de le battre davantage si jamais il s'approchait du bar. Ce passage à tabac lui a laissé des dents cassées, une fracture du nez et une coupure à l'arcade sourcilière. Lorsqu'il a signalé l'incident à la police locale, on lui a demandé de nommer ses agresseurs et de produire des témoins, ce que le demandeur a été incapable de faire.

[6]                 Le demandeur a quitté Erd et déménagé dans le village de Saskut, où il a rencontré sa future épouse et trouvé un emploi. Cependant, son superviseur a fini par lui dire de se chercher un autre emploi parce qu'il ne pourrait pas le défendre si quelqu'un s'en prenait à lui. Le demandeur se retrouva donc de nouveau sans emploi.

[7]                 À l'automne 1992, la police s'est rendue chez les demandeurs pour leur demander de partir et a procédé à une fouille de leur maison. Les policiers n'ont rien trouvé mais ils ont laissé la maison sans dessus dessous, endommagé les meubles et emmené le demandeur au poste pour l'interroger. Ils l'ont ensuite poussé hors de la voiture de police et menacé de représailles si jamais il parlait de cet incident.


[8]                 Le demandeur et son épouse ont déménagé à Pest, où le frère du demandeur et son épouse leur ont offert provisoirement un emploi de vendeur de sous-vêtements dans un marché la fin de semaine. Ils ont été attaqués par un groupe de Skinheads armés de bâtons de baseball. Le demandeur a eu des côtes fracturées et des blessures à la tête. Sa belle-soeur, qui était enceinte, a été sauvagement agressée et elle a perdu son bébé. Les demandeurs ont signalé l'incident à la police mais celle-ci n'a pas donné suite. Une deuxième agression commise par des Skinheads a eu lieu au printemps de 1999 à la suite de laquelle le demandeur a du être hospitalisé pour soigner une commotion cérébrale alors que son épouse a subi un choc nerveux.

La décision

[9]                 La Commission n'a pas reconnu les origines roms du demandeur parce que celui-ci a été incapable de produire un document établissant son appartenance ethnique, et ce, malgré le fait qu'il a reconnu être au courant de l'existence de tels documents. À mon avis, la Commission était autorisée à tirer cette conclusion. Toutefois, la preuve démontre que la Commission a erronément conclu que le demandeur n'était pas perçu comme un Rom. Même si sa stature, son apparence et son accent ne laissent pas deviner immédiatement qu'il est Rom, l'avocat du défendeur a reconnu que le demandeur pouvait être perçu comme tel puisqu'il se désignait lui-même comme un Rom et qu'il était ouvertement associé au peuple rom.


[10]            La Commission a également conclu qu'il n'existait aucun fondement objectif à la crainte de persécution du demandeur et que les Roms étaient victimes de discrimination en Hongrie mais non de persécution. Même si cette conclusion peut être exacte en ce qui a trait aux études, au logement et aux services sociaux, les documents semblent indiquer que la crainte de persécution du demandeur de la part de la police est objectivement fondée. Toutefois, la Cour n'a pas à trancher cette question puisque pour déterminer si la protection de l'État existe ou non, elle présumera que la police est un agent de persécution.

La question en litige

[11]            En l'espèce, la Cour doit déterminer si la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur n'avait pas fourni de preuve claire et convaincante établissant que la Hongrie était incapable d'offrir aux demandeurs la protection de l'État.

[12]            La Commission ne remet pas en cause les tentatives du demandeur de chercher protection auprès de la police. Elle conclut cependant que celui-ci aurait du, avant de revendiquer le statut de réfugié, réclamer la protection du commissaire parlementaire responsable de la protection des droits des minorités nationales et visibles, appelé « l'ombudsman des minorités » ou encore, qu'il aurait du porter plainte contre la police auprès du bureau d'enquête du procureur, qui est habilité à déposer des poursuites contre des policiers en vertu du code pénal. La Commission a conclu que la protection de l'État existait puisque ces institutions étaient en mesure de protéger les citoyens roms.


[13]            Par ailleurs, le demandeur a prétendu qu'il n'était pas raisonnable d'exiger de lui qu'il s'adresse à des institutions de si haut niveau. Cependant, la preuve documentaire indique clairement que les Roms portent plainte, à tout le moins auprès de l'ombudsman. La pièce R-1, point 3.7, déposée à l'audience est une Réponse à une demande d'information portant la date du 28 avril 1998. On peut y lire ce qui suit :

[Traduction] Depuis la création du bureau du commissaire parlementaire chargé de protéger les droits des minorités nationales et ethniques - selon les données du rapport déposé au Parlement en 1997 - parmi les 432 plaintes reçues entre le 1er septembre 1995 et le 31 décembre 1996, 51 visaient des policiers. (Les membres de la minorité tzigane ont déposé 68 % des plaintes.)

[14]            La Réponse à la demande d'information du 29 février 2000, point 4.1 de la pièce R-1, précise ce qui suit, à la page 17 :

[Traduction] Le nombre de plaintes déposées auprès du bureau de l'ombudsman s'est accru d'environ 15 % en 1998, après deux années de stabilité. Les Roms ont déposé environ 70 % des plaintes, comme pour les années précédentes.

[15]            Compte tenu de ces éléments de preuve, je conclus que même si le demandeur avait une crainte fondée de persécution, la Commission n'a pas commis d'erreur en décidant qu'il pouvait obtenir la protection de l'État.


Conclusion

[16]            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

   

             « Sandra J. Simpson »           

JUGE

  

Ottawa (Ontario)

14 mars 2002

   

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                               IMM-1467-01

INTITULÉ :                              Laszlo Nagy et Ilona Nagyne Pelcz c. Le ministre de la Citoyenneté

et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MADAME LE JUGE SIMPSON

DATE :                                      14 mars 2002

COMPARUTIONS :

George J. Kubes                                                                                         Pour les demandeurs

John Loncar                                                                                                 Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

George J. Kubes                                                                                         Pour les demandeurs

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                                        Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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