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Date : 20200402


Dossier : IMM‑968‑19

Référence : 2020 CF 478

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 avril 2020

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

PEMA SANGMO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La présente affaire concerne la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté l’appel interjeté contre la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), datée du 21 novembre 2016 et portant que la demanderesse n’est ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]  La demanderesse est une Tibétaine née en Inde en 1987. Sa demande d’asile a été rejetée par la SPR au motif qu’elle pouvait obtenir la citoyenneté indienne et qu’elle n’a pas établi que l’accès à cette citoyenneté échappait à son contrôle. La SAR a confirmé la décision de la SPR en appel.

[3]  En janvier 2018, la Cour a infirmé la première décision de la SAR et renvoyé l’affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

[4]  Le 21 janvier 2019, la SAR a de nouveau rejeté l’appel et confirmé la décision de la SPR. La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette seconde décision de la SAR.

[5]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SAR est raisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Les faits

A.  La demanderesse

[6]  Mme Pema Sangmo (la demanderesse), une Tibétaine âgée de 32 ans, est née en Inde le 20 juin 1987. Elle a présenté une demande d’asile au Canada en invoquant sa crainte d’être persécutée par le gouvernement chinois, parce qu’elle est une adepte du Dalaï-lama. Elle a déclaré qu’elle devait renouveler annuellement son certificat d’enregistrement et qu’elle ne peut voyager librement en Inde sans obtenir l’autorisation du bureau d’enregistrement des étrangers.

 

[7]  Aux termes de l’article 3 de la loi sur la citoyenneté indienne, toute personne née en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987 possède la citoyenneté indienne. En 2006, la demanderesse a été informée par un avocat qu’un certificat de naissance était requis pour que la citoyenneté lui soit reconnue aux fins de la délivrance d’un passeport. Cependant, la demanderesse est née à la maison et ses parents n’ont jamais enregistré sa naissance. En 2014, son père s’est de nouveau adressé à un avocat et s’est fait dire qu’il serait difficile d’obtenir la citoyenneté ou un passeport sans certificat de naissance. Ne possédant pas un tel certificat, la demanderesse n’a pas pris d’autres mesures pour demander un passeport ou obtenir la citoyenneté.

[8]  L’audition de la demande d’asile de la demanderesse par la SPR s’est déroulée le 25 mai 2016. Le 21 novembre suivant, la SPR a rejeté la demande au motif que la demanderesse pouvait obtenir la citoyenneté indienne et n’avait pas établi que l’accès à cette citoyenneté échappait à son contrôle.

[9]  La SPR a jugé que la demanderesse n’avait pris aucune mesure pour établir si l’Inde lui reconnaîtrait la qualité de citoyenne sans qu’elle ait à intenter une action en justice. Elle a donc conclu que la demanderesse n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que des obstacles l’empêchaient d’obtenir la citoyenneté de ce pays et que l’accès à cette citoyenneté échappait à son contrôle. La demanderesse a interjeté appel de la décision de la SPR. La SAR a confirmé la décision de la SPR en appel.

[10]  Le 29 janvier 2018, la Cour a annulé la décision de la SAR et renvoyé l’affaire à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle décision (Sangmo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 96 (CanLII)).

[11]  Le 21 janvier 2019, la SAR qui a réexaminé l’affaire a rejeté l’appel et confirmé la décision de la SPR. La demanderesse sollicite à présent le contrôle judiciaire de la seconde décision de la SAR.

B.  La seconde décision de la SAR

[12]  Lors du second appel instruit par la SAR, la demanderesse a soumis une nouvelle preuve au sens du paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) et a réclamé la tenue d’une audience au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR. Elle a soumis les nouveaux éléments de preuve suivants : deux cartables nationaux de documentation (CND), la lettre d’un avocat en Inde et le certificat d’enregistrement de son père délivré en Inde et confirmant qu’il était un résident du Tibet né en Chine.

[13]  Les CND étaient présumés avoir été versés en preuve et il n’a pas été jugé nécessaire de les admettre à titre de nouveaux éléments aux fins de l’appel. La SAR a admis le certificat d’enregistrement en preuve et noté, après avoir examiné la lettre de l’avocat en Inde, qu’elle était datée du 22 janvier 2016 et qu’aucune autre date n’apparaissait sur le document. La demanderesse a déclaré qu’elle avait obtenu l’avis de l’avocat après le rejet de sa demande d’asile devant la SPR. Pour la SAR, la demanderesse pouvait avoir obtenu la lettre juste avant d’interjeter appel devant elle, mais elle n’a pas expliqué pourquoi cette lettre n’avait pas été versée en preuve devant la SPR, à supposer qu’elle ait été délivrée en janvier 2016. En fin de compte, la SAR a conclu que la lettre de l’avocat ne remplissait pas les exigences élémentaires énoncées au paragraphe 110(4) de la LIPR, attendu qu’elle n’était pas survenue après le rejet de la demande d’asile de la demanderesse par la SPR. La SAR a donc rejeté la lettre à titre de nouvelle preuve en appel.

[14]  Les questions déterminantes que devait trancher la SAR étaient de savoir si la demanderesse pourrait obtenir la citoyenneté en Inde et si elle avait déployé des efforts raisonnables pour confirmer sa citoyenneté.

[15]  La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas pris les mesures nécessaires pour déterminer si les documents en sa possession, c’est‑à‑dire la carte d’identité et le certificat d’enregistrement fournis aux fins de sa demande d’asile, suffiraient à établir qu’elle était née en Inde durant la période pertinente pour que la citoyenneté indienne lui soit reconnue. Même si elle soutenait avoir consulté un avocat en 2006 et en 2014 et avoir reçu des avis verbaux, la SPR n’a pas accepté ses explications, attendu que son formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA) ne mentionnait aucun effort visant à obtenir un certificat de naissance ou à s’adresser à un avocat.

[16]  Ayant conclu que la réponse de la demanderesse n’expliquait pas pourquoi elle n’avait rien mentionné dans le FDA concernant la consultation d’un avocat, la SAR a souscrit aux conclusions de la SPR selon lesquelles ses explications étaient déraisonnables et sapaient sa crédibilité.

[17]  La SAR a pris note de la preuve documentaire, selon laquelle la possession d’une carte d’identité électorale [traduction« aider[ait] » les Tibétains à acquérir la citoyenneté indienne. La SAR a estimé que la demanderesse pouvait acquérir une carte électorale pour confirmer sa date de naissance, notant également que la carte Aadhaar était un autre document qu’elle pouvait se procurer pour établir sa date de naissance.

[18]  Après avoir examiné le dossier, la SAR a reconnu que la demanderesse avait une carte d’identité, un visa américain, une note de Citoyenneté et Immigration Canada confirmant des entrées aux États‑Unis, un certificat d’enregistrement ayant été accordé à trois reprises, ainsi qu’un avis de non-opposition au retour en Inde accordé à l’égard de chaque visa de retour. Tous ces documents confirmaient la date de naissance de la demanderesse, et la SAR a déclaré qu’elle [traduction« ne pouvait que présumer » que les autorités gouvernementales concernées avaient effectué des vérifications. La SAR a ainsi conclu que la demanderesse disposait d’un certain nombre de moyens pour établir sa date de naissance et demander un passeport indien afin d’établir sa citoyenneté indienne.

[19]  La SAR a fait remarquer que la demanderesse s’était procuré des papiers d’identité confirmant la date et le lieu de sa naissance. Elle a estimé que cette dernière n’avait avancé aucune preuve établissant qu’elle s’était adressée aux autorités indiennes, en présentant ses documents actuels comme preuve de sa naissance et de sa résidence, dans le but d’établir si l’Inde lui reconnaîtrait la citoyenneté sans qu’elle ait à intenter une action en justice. La SAR a conclu que, même si elle devait accepter la preuve de la demanderesse selon laquelle un avocat lui avait dit qu’elle ne pouvait obtenir la citoyenneté indienne sans certificat de naissance, cette affirmation n’était pas étayée par le dossier.

[20]  La SAR a également conclu que les tentatives de la demanderesse remontaient à de nombreuses années et qu’elles ne reflétaient pas la situation actuelle en Inde : les documents les plus récents confirmaient que la Haute Cour indienne avait enjoint aux autorités de délivrer des passeports aux réfugiés tibétains nés en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987 qui en faisaient la demande.

[21]  En ce qui concerne la situation personnelle de la demanderesse, la SAR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’avait pas établi l’existence d’un obstacle important pouvant raisonnablement être jugé de nature à l’empêcher de se prévaloir de la protection de l’État en Inde au titre de ses droits de citoyenne. La SAR a également conclu que la demanderesse n’avait pas déployé d’efforts raisonnables pour surmonter ces obstacles, et que les efforts en question s’étaient avérés infructueux si bien qu’elle n’avait pas pu obtenir la protection de cet État.

III.  La question à trancher et la norme de contrôle

[22]  La question à trancher dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la décision de la SAR est déraisonnable, et en particulier :

  1. si la SAR a commis une erreur dans son appréciation de la nouvelle preuve;

  2. si la SAR a commis une erreur dans son application du critère dégagé dans l’arrêt Tretsetsang (CAF).

[23]  Avant que la Cour suprême ne rende récemment sa décision dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (CanLII) [Vavilov], la norme de la décision raisonnable s’appliquait généralement au contrôle des décisions de la SAR : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 (CanLII), aux par. 30, 34 et 35; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 (CanLII), au par. 29. Il n’est pas nécessaire de dévier de la norme de contrôle retenue dans la jurisprudence précédente, attendu que l’application du cadre Vavilov aboutit à la même norme de contrôle : celle de la décision raisonnable.

[24]  Comme le faisait remarquer la majorité dans l’arrêt Vavilov, « une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti », (Vavilov, au par. 85). Par ailleurs, « la cour de révision doit être convaincue [que la décision] souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au par. 100).

IV.  Analyse

A.  L’appréciation de la nouvelle preuve

[25]  La demanderesse soutient que la SAR a mal lu la date sur la lettre de l’avocat, et que celle-ci satisfaisait aux critères du paragraphe 110(4) de la LIPR, étant donné qu’elle est survenue après la décision de la SPR et qu’elle abordait l’existence éventuelle de documents, autres que des certificats de naissance, à même de prouver la naissance.

[26]  Cette lettre était rédigée par M. Simanchal Karjee, membre du Barreau de Mohana, Gajapati Odisha et du Conseil de l’ordre des avocats d’Odisha. Me Karjee y affirme que comme la demanderesse n’a pas de certificat de naissance délivré par le gouvernement, de carte d’identité électorale délivrée par la Commission électorale de l’Inde, de carte de rationnement délivrée par le gouvernement d’Odisha, ou de « carte Aadhaar », elle ne dispose d’aucune preuve acceptable à même de prouver qu’elle est née en Inde, ce qui est requis pour obtenir un passeport et la citoyenneté.

[27]  La demanderesse fait valoir que la SAR a mal lu la lettre, car celle‑ci est datée du « 22/12/16 » (22 décembre 2016), et non du « 22 janvier 2016 », comme elle l’a déclaré. Elle fait remarquer que le contenu de la lettre a été clarifié par son affidavit, qui est joint à la lettre.

[28]  La demanderesse invoque la décision Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1979), [1980] 2 CF 302, [1979] ACF no 248 (CA) pour faire valoir que la preuve produite par un demandeur d’asile est présumée véridique. Elle soutient qu’aucune raison valide ne justifie de douter de son affidavit.

[29]  Le défendeur fait valoir que la copie de la lettre fournie dans le dossier de demande n’est pas claire et que même si la demanderesse a déclaré l’avoir reçue par courriel le 22 décembre 2016, cela n’en confirme pas la date.

[30]  Je suis d’accord avec le défendeur. La SAR n’a pas eu tort de rejeter la lettre de l’avocat à titre de nouvel élément de preuve en appel. Cependant, même si elle s’était trompée quant à la date, celle‑ci est sans pertinence et la preuve admise n’aurait rien changé au caractère raisonnable de sa décision. Tout d’abord, comme le fait remarquer le défendeur, la réception de la lettre par courriel le 22 décembre 2016 ne confirme pas que l’avis de l’avocat remonte à la même date. Aussi, la copie de la lettre au dossier n’indique pas de date claire.

[31]  Plus importante, même si la lettre de l’avocat avait été datée du 22 décembre 2016, elle n’est ni décisive ni instructive pour ce qui est d’analyser la question clé de savoir si la demanderesse pouvait obtenir d’autres papiers d’identité afin de se procurer un passeport. L’avocat ne se prononce pas sur la question de savoir si la demanderesse ne pourrait pas se procurer les autres papiers d’identité requis pour faciliter l’obtention d’un passeport.

[32]  La SAR a raisonnablement invoqué la preuve sur la situation dans le pays pour conclure que la demanderesse pouvait obtenir la citoyenneté et un passeport indiens en présentant un certain nombre de papiers d’identité autre qu’un certificat de naissance, estimant par exemple qu’elle pouvait obtenir une carte d’identité électorale ou une carte Aadhaar et s’en servir alors pour obtenir un passeport. Cependant, la demanderesse n’a présenté aucune preuve montrant qu’elle n’avait pas pu obtenir ces autres documents, c’est‑à‑dire la carte électorale ou la carte Aadhaar.

[33]  Le dossier indiquait que la demanderesse avait accès à d’autres documents authentiques, comme sa carte d’identité et son certificat d’enregistrement, sur lesquels figurent la date et le lieu de sa naissance dont elle aurait pu se servir (ou à tout le moins tenter de se servir) pour faciliter l’obtention d’un passeport.

B.  L’application du critère dégagé dans l’arrêt Tretsetsang (CAF)

[34]  La demanderesse note que le critère applicable, tel qu’il a été formulé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tretsetsang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 175 (CanLII) [Tretsetsang], aux par. 72 et 73, est le suivant :

[72]  Par conséquent, le demandeur qui invoque un obstacle à l’exercice de son droit à la citoyenneté dans un pays donné doit établir selon la prépondérance des probabilités :

a)  qu’il existe un obstacle important dont on pourrait raisonnablement croire qu’il l’empêche d’exercer son droit à la protection de l’État que lui confère la citoyenneté dans le pays dont il a la nationalité;

b)  qu’il a fait des efforts raisonnables pour surmonter l’obstacle, mais que ces efforts ont été vains et qu’il n’a pu obtenir la protection de l’État.

[73]  Ce qui constitue des efforts raisonnables pour surmonter un obstacle important (établi par le demandeur) dans une situation donnée ne peut être déterminé qu’au cas par cas. Le demandeur ne sera pas tenu de faire des efforts pour surmonter ces obstacles s’il démontre qu’il serait déraisonnable d’exiger pareils efforts.

[35]  Les précisions supplémentaires ont été apportées dans Namgyal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1060 (CanLII) [Namgyal], décision dans laquelle la Cour a relevé que la question était de savoir s’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne dans la situation de la demanderesse, « revêtant ses attributs particuliers », entreprenne des démarches supplémentaires pour faire reconnaître sa citoyenneté (Namgyal, au par. 36).

[36]  La question déterminante dans l’affaire qui nous occupe est de savoir si la demanderesse a déployé des efforts raisonnables pour obtenir la citoyenneté en Inde.

[37]  Même si la SAR a conclu qu’elle pouvait obtenir d’autres documents – comme une carte d’identité électorale ou une carte Aadhaar – pour établir qu’elle était née en Inde et remplir les exigences requises pour obtenir un passeport, la demanderesse fait valoir que les documents américains et canadiens ne permettent pas d’établir qu’elle est née en Inde et ne figurent pas sur la liste délivrée par le ministère indien des Affaires extérieures.

[38]  La demanderesse ajoute que la SAR a fait fi des conclusions tirées par la Direction des recherches de la CISR dans la « RDI IND105133.EF » (RDI), d’après lesquelles les Tibétains votants sont encore titulaires de certificats d’enregistrement étrangers, même s’ils se sont vus accorder le droit de vote. La demanderesse fait remarquer que pour les Tibétains nés en Inde, le droit de vote ne va pas de pair avec les droits découlant de la citoyenneté.

[39]  La demanderesse prétend que la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte de cette preuve et en rejetant la lettre de l’avocat, qui mentionnait que d’importants obstacles l’empêchaient d’acquérir la citoyenneté.

[40]  D’un autre côté, le défendeur soutient qu’il relevait du contrôle de la demanderesse de faire reconnaître sa citoyenneté indienne, qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’elle prenne de simples mesures pour obtenir l’un des papiers d’identité de rechange et présente ensuite une demande de passeport. Toujours d’après lui, la demanderesse n’a pas expliqué la pertinence de la RDI au regard de ses observations, car la réponse en question ne contredit pas les conclusions de la SAR selon lesquelles aucun obstacle ne l’empêchait d’obtenir la citoyenneté indienne.

[41]  À mon avis, la décision de la SAR est raisonnable. Même si la RDI mentionne le cas de Tibétains votants qui conservent leurs certificats d’enregistrement, cette analyse intéressait des articles rapportant que certains Tibétains ne souhaitaient pas renoncer à leurs certificats d’enregistrement, et la position du ministère indien des Affaires intérieures portant que les Tibétains ne peuvent en même temps avoir le statut de réfugié et jouir de la citoyenneté. La RDI n’abordait pas les obstacles auxquels se heurtent les Tibétains pour obtenir la citoyenneté ou un passeport indien.

[42]  Par ailleurs, la lettre de l’avocat ne faisait pas état d’obstacles importants à l’acquisition de la citoyenneté et exprimait un avis selon lequel il serait difficile à la demanderesse d’obtenir un passeport indien, étant donné qu’elle n’avait pas de certificat de naissance, de carte d’identité électorale, de carte de rationnement ou de carte Aadhaar. Cependant, elle ne contenait aucune opinion quant à sa capacité à obtenir d’autres papiers d’identité, comme une carte d’identité électorale ou une carte Aadhaar, compte tenu de la carte d’identité et du certificat d’enregistrement dont elle est titulaire.

[43]  Je constate que, même si la demanderesse a fait valoir que ses documents américains et canadiens ne lui permettraient pas d’établir qu’elle était née en Inde, elle n’a présenté aucune observation quant à savoir si sa carte d’identité et son certificat d’enregistrement l’aideraient à obtenir d’autres papiers d’identité. Comme la carte d’identité et le certificat d’enregistrement en question indiquent le lieu et la date de sa naissance, ces documents pourraient l’aider à obtenir d’autres papiers d’identité.

[44]  De plus, le dossier indique que la demanderesse a pu se rendre plusieurs fois aux États‑Unis avec un passeport indien, sans rencontrer de problème. Elle a également voyagé avec des visas et un document de facilitation.

[45]  Par conséquent, la SAR a raisonnablement conclu que la demanderesse n’avait pas établi l’existence d’obstacles importants à l’exercice de ses droits de citoyenne. Même s’il y avait eu de tels obstacles, la SAR a raisonnablement conclu dans sa décision que la demanderesse n’avait pas déployé d’efforts raisonnables pour les surmonter. Elle avait reçu des avis juridiques en 2006 et en 2014, ce qui n’équivalait pas à des efforts raisonnables visant à surmonter des obstacles importants.

V.  Question certifiée

[46]  Il a été demandé à l’avocat de chacune des parties si des questions devaient être certifiées. Ils ont chacun déclaré qu’aucune question de ce type ne se posait et je suis du même avis.

VI.  Conclusion

[47]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de la SAR est raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑968‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour d’avril 2020.

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑968‑19

 

INTITULÉ :

PEMA SANGMO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 NOVEMBRE 2019

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 AVRIL 2020

 

COMPARUTIONS :

Richard Wazana

POUR La demanderesse

 

Catherine Hillary Adams

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wazana Law

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR La demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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