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Date : 20200327


Dossier : IMM-2554-19

Référence : 2020 CF 451

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2020

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

LINUS GOMES

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Contexte

[1]  Linus Gomes, le demandeur, demande le contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, de la décision rendue le 29 mars 2019 par un agent des visas [l’agent], dans laquelle ce dernier a rejeté sa demande de visa de résident temporaire [VRT]. Il sollicite une ordonnance de certiorari annulant le rejet, une ordonnance renvoyant l’affaire à un autre agent aux Émirats arabes unis pour nouvel examen – avec la possibilité de présenter des observations supplémentaires – et toute autre réparation que la Cour peut accorder.

[2]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[3]  Le demandeur est un citoyen du Pakistan. Bien qu’il ait demandé plusieurs VRT au fil des années, toutes les demandes ont été rejetées. La présente demande sous-jacente a elle-même été rejetée en 2018; cependant, les parties ont convenu de renvoyer l’affaire pour nouvel examen après que le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision. Le demandeur a été autorisé à présenter des documents supplémentaires.

[4]  Le dossier certifié du tribunal montre que l’agent disposait d’un nombre important de documents, notamment des formulaires de demande, divers documents financiers, des documents d’identité, des documents de location, une lettre d’invitation de sa sœur et des billets de retour au Canada pour juin 2019.

[5]  L’agent a rejeté la plus récente demande de VRT du demandeur. Dans une lettre datée du 29 mars 2019, l’agent déclare qu’il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour, tel qu’exigé. La lettre comprend plusieurs cases pour indiquer que l’agent a tenu compte de plusieurs facteurs, dont les liens familiaux du demandeur dans les deux pays, les perspectives d’emploi limitées dans le pays de résidence du demandeur, la situation d’emploi actuelle du demandeur, et les actifs et la situation financière actuels du demandeur.

[6]  Les notes de l’agent indiquent que le demandeur n’a pas d’autres parents au Pakistan, qu’il possède une entreprise rapportant des revenus [traduction] « modestes », qu’il a accès à un compte d’entreprise d’environ 1 500 $ CA et qu’il a accès à un compte personnel d’environ 95 000 $ CA dont il est cotitulaire avec sa mère [traduction] « et des membres de la famille ». L’agent a déclaré qu’il n’était pas clair dans quelle proportion les fonds détenus dans le compte de 95 000 $ CA appartenaient véritablement au demandeur.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[7]  Le demandeur allègue que la décision était déraisonnable en raison de la conclusion de l’agent selon laquelle il était peu probable que le demandeur quitte le Canada en raison de liens familiaux étroits au Canada et de l’absence de tels liens au Pakistan. Il allègue également qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale parce que l’agent ne lui a pas permis de répondre à ses préoccupations au sujet de ses fonds personnels.

[8]  Le défendeur nie ces deux allégations.

[9]  Les questions en litige sont les suivantes : A) la décision de l’agent était-elle raisonnable; et B) le demandeur a-t-il été privé de son droit à l’équité procédurale?

[10]  Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême a mis à jour le droit concernant la norme de contrôle.

[11]  La norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer, sauf dans les cas où une question d’équité procédurale est soulevée; cependant, cette présomption peut être réfutée dans certains cas (Vavilov, aux paragraphes 23, et 33 à 72), dont aucun ne s’applique en l’espèce. Par conséquent, j’apprécie le caractère raisonnable de la décision dans son ensemble selon la norme de la décision raisonnable, et j’examine la question de l’équité procédurale selon la norme de la décision correcte. De nombreux motifs permettent de conclure qu’une décision est déraisonnable (Vavilov, au paragraphe 101).

IV.  Positions des parties

A.  La décision de l’agent était-elle raisonnable?

(1)  Position du demandeur

[12]  Le demandeur soutient que l’agent a conclu de façon déraisonnable qu’il était peu probable qu’il quitte le Canada. Il prétend que l’agent n’a pas expliqué cette conclusion de façon raisonnable ou intelligible. Le demandeur prétend qu’il n’est pas approprié de simplement réitérer les faits relatifs aux liens familiaux et que cela ne peut pas être considéré comme des motifs. Il demande également à la Cour de conclure que les liens familiaux sont [traduction] « au mieux, un facteur neutre », semblable à la façon dont les antécédents de voyage sont considérés (p. ex., Dhanoa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 729, au paragraphe 12).

(2)  Position du défendeur

[13]  Le défendeur n’est pas d’accord et cite la décision Doret c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 447, au paragraphe 24, pour soutenir que l’agent pouvait raisonnablement tenir compte des liens familiaux du demandeur au Canada et dans son pays d’origine. Par conséquent, il soutient que l’agent n’a commis aucune erreur en considérant le fait que le demandeur n’a aucun parent au Pakistan et qu’il a beaucoup de famille au Canada comme un facteur important.

B.  Le demandeur a-t-il été privé de son droit à l’équité procédurale?

(1)  Position du demandeur

[14]  Le demandeur allègue d’abord que l’agent a manqué à l’équité procédurale parce qu’il ne lui a pas donné une véritable possibilité de répondre à ses préoccupations. Ces préoccupations portaient sur la propriété incertaine des fonds que le demandeur affirme détenir dans un compte bancaire conjoint.

[15]  Le demandeur invoque des passages du document du Canada intitulé « Instructions et lignes directrices opérationnelles » comme des exigences obligatoires d’équité procédurale, notamment qu’« il faut tout de même que le demandeur soit informé de l’essentiel des préoccupations du décideur ». Le demandeur cite également la décision Krishnamoorthy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1342 [Krishnamoorthy] à l’appui de cet argument. Étant donné que l’agent n’a pas donné au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations concernant la propriété des fonds que le demandeur affirme détenir, le demandeur allègue que l’agent a manqué à cette obligation.

(2)  Position du défendeur

[16]  Citant l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Patel, 2002 CAF 55, au paragraphe 10, le défendeur fait remarquer que les exigences d’équité procédurale que doit respecter un agent se situent à l’extrémité inférieure du registre. Le défendeur fait remarquer que les documents cités par le demandeur ne s’appliquent que dans les cas où l’agent se fonde sur des éléments de preuve extrinsèques pour rendre une décision, ainsi que seulement dans les cas où des droits importants sont déterminés, comme la résidence permanente.

V.  Analyse

A.  La décision de l’agent était-elle raisonnable?

[17]  En ce qui concerne la première affirmation du demandeur, selon laquelle l’agent n’a pas fourni un raisonnement intelligible ou transparent concernant la façon dont il a tenu compte des liens familiaux du demandeur, je ne suis pas convaincu que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle. Il est difficile de comprendre comment des motifs supplémentaires pourraient être fournis pour indiquer clairement que le demandeur n’a pratiquement aucun parent au Pakistan et que la plupart des membres de sa famille sont au Canada. Ces faits se passent de commentaires. Le raisonnement de l’agent est clair : les liens familiaux principalement canadiens du demandeur, combinés aux autres préoccupations de l’agent, militaient en faveur du rejet de la demande. Il s’agissait de l’un des nombreux facteurs.

[18]  Je refuse l’invitation du demandeur à conclure que les [traduction] « nombreux liens familiaux au Canada » constituent, au mieux, un facteur neutre. Comme l’a récemment affirmé la juge McVeigh dans la décision Anand c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 372, au paragraphe 30, un agent ne commet pas d’erreur lorsqu’il tient compte de la solidité des liens familiaux avec le Canada comme un motif pour lequel un demandeur pourrait demeurer au Canada.

B.  Le demandeur a-t-il été privé de son droit à l’équité procédurale?

[19]  Je suis d’accord avec la position du défendeur selon laquelle la décision Krishnamoorthy et les « Instructions et lignes directrices opérationnelles » ne font qu’étayer la thèse selon laquelle un agent ne peut pas se fonder sur des éléments de preuve extrinsèques influents sans donner au demandeur une possibilité raisonnable de répondre.

[20]  En l’espèce, l’agent n’avait pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’expliquer ses documents financiers. « [L]orsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre » (Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24).

[21]  En l’espèce, les préoccupations de l’agent étaient directement liées aux exigences de la loi ou du règlement, à savoir l’alinéa 179b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, qui exige qu’un agent soit convaincu qu’un demandeur quittera le Canada à la fin de son séjour. Le fait que le défendeur se fonde sur la décision Toor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 573, au paragraphe 16, pour appuyer l’argument selon lequel les agents peuvent tenir compte des moyens financiers des demandeurs pour déterminer s’ils quitteront le Canada à l’expiration de leur visa me convainc.

[22]  Par conséquent, l’agent n’a pas manqué à l’équité procédurale en l’espèce.

VI.  Conclusion

[23]  Je conclus que l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[24]  Aucuns dépens ne sont adjugés.

[25]  Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et, à mon avis, l’affaire n’en soulève aucune. 


JUGEMENT dans le dossier IMM-2554-19

LA COUR STATUE que :

  1. la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. il n’y a aucune question à certifier;

  3. aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de mai 2020.

Isabelle Mathieu, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-2554-19

 

INTITULÉ :

LINUS GOMES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 janvier 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

Le 27 mars 2020

COMPARUTIONS :

Me Brian Koh

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Laoura Christodoulides

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Niren & Associates

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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