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Date : 20200408


Dossier : IMM‑3941‑19

Référence : 2020 CF 504

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2020

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

Seonhee lee alias Younglan LEE, Seonwoo Jung alias Jinwoo LEE et Junpil JUNG

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision en date du 3 juin 2019 [la décision] par laquelle un agent d’immigration [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs.

II.  Contexte

[2]  Les demandeurs, une mère, un père et leur fils, sont tous des citoyens sud‑coréens. La mère, Mme Lee, est née en 1983 en Corée du Nord. À l’âge de 19 ans, elle a fui la Corée du Nord pour la Chine. Entre‑temps, ses parents et trois membres de sa fratrie ont continué de résider en Corée du Nord, où ils demeurent aujourd’hui.

[3]  Mme Lee a été induite en erreur par le passeur qui l’a aidée à quitter la Corée du Nord pour la Chine, et elle a été forcée d’épouser un Chinois. En 2003, elle a donné naissance à une fille, Bing Lee; toutefois, en 2005, elle a décidé de quitter la Chine sans sa fille pour échapper à son mari violent. Elle est entrée clandestinement en Mongolie et s’est ensuite envolée vers la Corée du Sud. Plus tard, Mme Lee n’a pas réussi à faire venir sa fille en Corée du Sud, et celle‑ci est toujours en Chine.

[4]  Mme Lee est arrivée en Corée du Sud en décembre 2005 et est devenue citoyenne de ce pays. Elle a trouvé du travail dans un restaurant, où elle a rencontré son futur époux, M. Jung, qui était le fils des propriétaires du restaurant. Le couple s’est marié en 2007 et, en 2008, le fils du couple, Seonwoo Jung, est né.

[5]  Mme Lee a décrit les mauvais traitements qu’elle a subis de la part de sa belle‑famille (les parents de M. Jung). Les beaux‑parents désapprouvaient leur mariage en raison de ses origines nord‑coréennes. Sa belle‑mère craignait qu’elle soit une espionne nord‑coréenne. Mme Lee a emménagé avec M. Jung et ses parents, et elle devait faire la cuisine et le ménage en plus de travailler sans rémunération au restaurant familial. En 2009, lorsque Mme Lee a finalement dit à sa belle‑mère qu’elle avait eu un enfant en Chine avec un autre homme, elle a été expulsée de la maison.

[6]  Mme Lee avait obtenu un appartement du gouvernement de la Corée du Sud à son arrivée en Corée du Sud et elle est allée y vivre lorsqu’elle a été expulsée de la maison de sa belle‑famille. M. Jung a continué de travailler au restaurant de ses parents et de vivre chez eux, mais il rendait visite à Mme Lee et à leur fils environ une fois par mois.

[7]  Les parents de M. Jung ont fini par retenir les services d’un avocat spécialisé en divorce, et Mme Lee a parlé à des amis nord‑coréens qui lui ont dit qu’elle pourrait peut‑être demander le statut de réfugié au Canada parce qu’elle est nord‑coréenne. Elle a donc décidé de déménager au Canada. Lorsqu’elle a informé M. Jung de son intention d’aller au Canada avec leur enfant, il a accepté d’y aller avec elle plutôt que de perdre sa femme et son enfant.

[8]  Les demandeurs sont arrivés au Canada le 14 décembre 2011, et Mme Lee a présenté une demande d’asile le 3 janvier 2012. Mme Lee a menti au sujet de son identité dans sa demande initiale. Elle n’a pas révélé qu’elle et Seonwoo avaient la double citoyenneté nord‑coréenne et sud‑coréenne et elle n’a pas révélé la véritable identité de son époux, qui n’a pas présenté de demande d’asile.

[9]  La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a accepté cette demande d’asile falsifiée le 1er novembre 2012. Cependant, Mme Lee a admis plus tard sa véritable identité, ce qui a entraîné la révocation de son statut de réfugié.

[10]  Les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire le 22 mai 2018. Mme Lee et M. Jung ont tous deux déposé un affidavit, et le Bureau du droit des réfugiés a formulé des observations sur les facteurs d’ordre humanitaire, notamment l’établissement au Canada, la discrimination dont Mme Lee ferait l’objet à son retour en Corée du Sud et les effets préjudiciables qu’aurait ce retour sur Seonwoo.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[11]  L’agent a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire des demandeurs le 3 juin 2019. L’agent a examiné les antécédents des demandeurs, puis a examiné les facteurs relatifs à l’établissement, à l’intérêt supérieur de l’enfant et aux conditions défavorables en Corée du Sud. Après avoir soupesé ces facteurs, il a rejeté la demande et a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’il était justifié de leur accorder une dispense sur le fondement de considérations d’ordre humanitaire.

A.  Établissement

[12]  L’agent a relevé certains facteurs qui favorisaient l’établissement des demandeurs au Canada, mais il a conclu que ces derniers seraient en mesure de continuer à travailler en Corée du Sud, où les deux parents avaient été employés auparavant dans le secteur de la restauration. L’agent a souligné que Mme Lee n’était pas employée au Canada. M. Jung était employé comme chef cuisinier, mais l’agent a conclu qu’il pouvait trouver un emploi semblable en Corée du Sud. L’agent a accordé [traduction] « un certain poids favorable » à l’adhésion des demandeurs à la World Mission Society de Toronto et a ajouté qu’ils avaient présenté des lettres d’appui d’amis. Toutefois, l’agent a conclu que la [traduction] « preuve [était] insuffisante » pour démontrer qu’ils ne pouvaient pas entretenir les amitiés qu’ils avaient nouées à l’extérieur du Canada par téléphone ou par courriel.

[13]  Les demandeurs sont au Canada depuis 2011; toutefois, l’agent a indiqué qu’ils connaissent la culture sud‑coréenne étant donné que M. Jung a été élevé en Corée du Sud et que Mme Lee y a passé six ans. L’agent a estimé que cela [traduction] « pouvait atténuer toute difficulté initiale » de réinstallation. L’agent a ensuite souligné que Mme Lee avait déménagé en Chine, en Corée du Sud et au Canada et qu’elle avait fait preuve [traduction] « de capacité d’adaptation et de souplesse » dans de nouveaux endroits.

B.  INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L’ENFANT

[14]  Les demandeurs ont fait valoir que leur fils Seonwoo, alors âgé de 10 ans, serait victime d’intimidation dans les écoles sud‑coréennes parce qu’il a une mère d’origine nord‑coréenne. Toutefois, l’agent a estimé que la [traduction] « preuve [était] insuffisante » pour démontrer que les enseignants n’interviendraient pas si cela se produisait. L’agent a cité le site Web du ministère de l’Éducation, qui indique que la Corée du Sud s’occupe des problèmes d’intimidation. Même si Seonwoo fréquente actuellement l’école au Canada et ne peut pas écrire le coréen, l’agent a fait observer qu’il peut parler la langue et qu’il [traduction] « pourra acquérir des compétences écrites après une période d’adaptation ».

[15]  Les demandeurs ont également présenté des éléments de preuve sur des taux élevés de suicide chez les enfants en Corée du Sud en raison de l’intimidation et de la nature très compétitive du système scolaire, mais l’agent a souligné qu’il y avait peu d’indications que Seonwoo avait des [traduction] « idées suicidaires » et que la preuve était insuffisante pour conclure que son intérêt supérieur serait compromis en raison de problèmes d’intimidation. L’agent a conclu que, puisque Seonwoo est jeune et qu’il aura le soutien de ses parents, rien ne prouvait que ses [traduction] « besoins fondamentaux » ne seraient pas comblés en Corée du Sud.

C.  Conditions difficiles dans le pays

[16]  En ce qui concerne les conditions difficiles dans le pays, l’agent a examiné l’argument selon lequel les demandeurs seraient victimes de discrimination parce que Mme Lee est une transfuge nord‑coréenne. L’agent a pris note des articles faisant état des difficultés auxquelles sont confrontés les Nord‑Coréens qui vivent en Corée du Sud; cependant, des rapports décrivent également les efforts déployés par la Corée du Sud pour aider les Nord‑Coréens, notamment en leur fournissant de l’aide financière, du soutien à l’emploi et du soutien à l’éducation. Étant donné ces programmes et la [traduction] « capacité de Mme Lee d’obtenir deux postes en Corée du Sud » par le passé, l’agent n’était pas convaincu qu’elle serait victime de discrimination en tant que transfuge de la Corée du Nord. Comme Mme Lee avait acquis la citoyenneté sud‑coréenne, la preuve montrait qu’elle était moins susceptible d’avoir des problèmes en matière d’emploi ou de services aux citoyens que les Nord‑Coréens n’ayant pas la citoyenneté sud‑coréenne.

[17]  L’agent a également rejeté l’argument selon lequel les espions nord‑coréens représentaient une menace directe pour Mme Lee en tant que transfuge résidant dans le Sud, ou pour sa famille en Corée du Nord. Elle avait vécu en Corée du Sud pendant six ans, sans problème, et rien n’indique que sa famille demeurant en Corée du Nord avait été ciblée.

[18]  Concernant la situation en matière de logement advenant le renvoi des demandeurs en Corée du Sud, l’agent a reconnu l’historique d’hostilité entre Mme Lee et sa belle‑famille et a souligné que les demandeurs ne pourraient sans doute pas vivre avec leur belle‑famille en Corée du Sud. Toutefois, il a fait remarquer que les demandeurs avaient pu déménager au Canada et obtenir un logement, et que rien ne permettait de croire qu’ils ne pourraient pas obtenir un logement convenable s’ils retournaient en Corée du Sud. De plus, comme la mobilité n’est pas limitée par l’État de la Corée du Sud, les demandeurs pourraient choisir de vivre dans une autre ville pour s’éloigner des parents de M. Jung s’ils le souhaitaient.

[19]  Ces facteurs donnent à penser que le retour des demandeurs en Corée du Sud ne causerait pas de difficultés. L’agent a conclu en déclarant : [traduction] « J’ai fait une évaluation globale de tous les facteurs présentés par le[s] demandeur[s] et je conclus que, collectivement, ces facteurs ne justifient pas une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ».

IV.  QuestionS en litige

[20]  Les demandeurs ont soulevé les questions suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il appliqué le mauvais critère pour évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant ou a‑t‑il appliqué le critère de façon déraisonnable?

  2. L’agent a‑t‑il confondu établissement avec capacité d’adaptation et difficultés?

  3. L’agent a‑t‑il minimisé de façon déraisonnable la discrimination dont les demandeurs seraient victimes en Corée du Sud?

  4. L’agent a‑t‑il effectué une évaluation globale déraisonnable?

  5. L’agent a‑t‑il omis d’examiner la demande de permis de séjour temporaire des demandeurs dans l’éventualité où leur demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire serait refusée?

V.  Norme de contrôle

[21]  La présente demande a été débattue après que la Cour suprême a rendu ses récents arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] et Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66. Les observations des parties sur la norme de contrôle ont toutefois été formulées selon le cadre d’analyse de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. L’affaire a été mise en délibéré. Toutefois, étant donné les circonstances de l’espèce et les directives formulées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov au paragraphe 144, notre Cour a estimé qu’il n’était pas nécessaire de demander aux parties de présenter de nouvelles observations sur la norme de contrôle. J’ai appliqué le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov pour mon examen de la demande, lequel ne change ni les normes de contrôle applicables en l’espèce ni mes conclusions.

[22]  Aux paragraphes 23 à 32 de l’arrêt Vavilov, les juges majoritaires ont cherché à simplifier la façon dont les cours choisissent la norme de contrôle applicable aux questions dont elles sont saisies. Les juges majoritaires ont éliminé l’approche contextuelle et catégorique adoptée dans l’arrêt Dunsmuir en faveur de l’instauration d’une présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique. Toutefois, ils ont fait remarquer que cette présomption peut être écartée (1) lorsqu’il existe une intention législative claire de prescrire une autre norme de contrôle (Vavilov, par. 33‑52) et (2) dans certains cas où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte, comme les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, par. 53‑64).

[23]  Rien ne permet de réfuter la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique en l’espèce. L’application de la norme de la décision raisonnable à ces questions est également conforme à la jurisprudence antérieure à l’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada.

[24]  Lorsqu’une décision est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse vise à déterminer « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, par. 99). La norme de la décision raisonnable constitue une norme unique qui varie et « qui s’adapte au contexte » (Vavilov, par. 89, citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Khosa, 2009 CSC 12, par. 59 [Khosa]). Ces contraintes d’ordre contextuel « cernent les limites et les contours de l’espace à l’intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solutions qu’il peut retenir » (Vavilov, par. 90). Autrement dit, pour intervenir, la Cour doit être convaincue que la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, par. 100). La Cour suprême du Canada mentionne deux catégories de lacunes fondamentales qui rendent une décision déraisonnable : (1) le manque de logique interne du raisonnement du décideur et (2) le caractère indéfendable d’une décision « compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision » (Vavilov, par. 101).

[25]  Les parties conviennent que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable pour toutes les questions, sauf pour deux questions pour lesquelles les demandeurs demandent un contrôle selon la norme de la décision correcte.

[26]  Les demandeurs font valoir que la norme de contrôle est celle de la décision correcte pour « l’application du critère juridique » dans l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils invoquent la décision Conka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 985, par. 9 [Conka], dans laquelle la Cour a statué que « [l]a question de savoir si l’agent a appliqué le mauvais critère juridique est une question de droit, qui appelle l’application de la norme de la décision correcte ». La décision Conka n’a pas été suivie dans d’autres affaires fondées sur des considérations d’ordre humanitaire où la question était de savoir si l’agent avait appliqué le bon critère relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant. De plus, la question de savoir si l’agent a mal appliqué le critère relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant ne satisfait à aucune des exceptions énoncées dans l’arrêt Vavilov et, par conséquent, la question relative à l’intérêt supérieur de l’enfant sera examinée selon la norme de la décision raisonnable.

[27]  Quant à la cinquième question en litige – le défaut d’examiner la demande de permis de séjour temporaire –, les demandeurs demandent également un contrôle selon la norme de la décision correcte. Sur cette question, la question est formulée comme suit : l’agent devait‑il examiner la demande de permis de séjour temporaire avant de refuser la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire? Il s’agit d’une question d’équité procédurale. Les tribunaux ont récemment conclu que la norme de contrôle applicable à une allégation de manquement à l’équité procédurale est celle de la « décision correcte » (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, par. 79; Khosa, par. 59 et 61). L’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada ne traite pas de la norme de contrôle applicable aux questions relatives à l’équité procédurale (Vavilov, par. 23). Toutefois, une approche plus juste sur le plan doctrinal consiste à considérer qu’aucune norme de contrôle n’est applicable aux questions d’équité procédurale. Dans l’arrêt Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, par. 74, la Cour suprême du Canada a affirmé que les questions d’équité procédurale :

[…] n’exig[ent] pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier.

VI.  Dispositions législatives

[28]  Le paragraphe 25(1) de la LIPR est rédigé en ces termes :

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25 (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché

25 (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

VII.  Arguments

A.  Demandeurs

[29]  Le demandeur soutient que l’agent a commis des erreurs : (1) en appliquant le mauvais critère relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant et en évaluant l’intérêt supérieur de l’enfant de façon déraisonnable; (2) en confondant établissement avec capacité d’adaptation et difficultés; (3) en minimisant des difficultés découlant de la discrimination; (4) en effectuant une évaluation globale sommaire; (5) en omettant d’examiner la demande de permis de séjour temporaire des demandeurs avant de se prononcer sur le refus fondé sur des motifs d’ordre humanitaire.

(1)  INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L’ENFANT

[30]  Les demandeurs font valoir que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant comportait plusieurs erreurs. Premièrement, ils affirment que l’agent n’a pas déterminé le bon critère juridique. L’agent s’est concentré sur la question de savoir si les « besoins fondamentaux » de l’enfant seraient comblés, mais n’a pas examiné sérieusement le statu quo et ne s’est pas demandé si l’intérêt supérieur pourrait être servi par le statu quo. Les demandeurs affirment que l’agent n’a pas analysé la vie de l’enfant au Canada et, en fait, n’a mentionné que brièvement l’expérience de Seonwoo au Canada.

[31]  Les demandeurs soutiennent que, même si le bon critère juridique a été appliqué, l’analyse était déraisonnable, car l’agent n’était pas réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant. L’agent n’a pas tenu compte de plusieurs difficultés particulières auxquelles Seonwoo serait exposé s’il retournait en Corée du Sud. Premièrement, les demandeurs prétendent que l’agent a rejeté les difficultés auxquelles Seonwoo ferait face en mettant l’accent sur la capacité d’adaptation et la jeunesse de l’enfant. Selon eux, une telle approche rend inutile une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. Deuxièmement, les demandeurs affirment que l’agent a rejeté les observations sur les grands problèmes d’intimidation en Corée du Sud au motif que le gouvernement prend la question au sérieux, ce qui est une façon déraisonnable d’analyser les réalités auxquelles un enfant est exposé. Troisièmement, ils soutiennent que l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve concernant la culture scolaire où la pression est extrêmement forte et la façon dont un enfant d’un parent nord‑coréen serait traité dans ce milieu. Quatrièmement, les demandeurs affirment que l’agent a minimisé les difficultés linguistiques auxquelles Seonwoo serait confronté en Corée du Sud; il avait trois ans lorsqu’il est arrivé au Canada et il avait des connaissances [traduction] « extrêmement limitées » en lecture et en écriture du coréen. Les demandeurs font valoir que chacun de ces facteurs nuirait à la capacité d’adaptation de leur fils dans une école sud‑coréenne. Or, l’agent a omis d’analyser ces difficultés.

(2)  Établissement

[32]  Les demandeurs affirment que l’agent a commis une erreur en minimisant leur établissement et en confondant établissement et capacité d’adaptation. L’agent a souligné que Mme Lee a été capable de s’adapter à la vie au Canada, mais les demandeurs affirment qu’il est déraisonnable de traiter l’établissement au Canada comme une preuve de la capacité d’adaptation. La capacité de s’adapter au Canada devrait jouer en faveur des demandeurs, et non contre eux selon la jurisprudence qu’ils citent. De plus, les demandeurs affirment que l’évaluation de la vie de Mme Lee en Corée du Sud en tant que personne [traduction« occupant un emploi rémunéré dans le secteur de la restauration » était déraisonnable compte tenu de la nature non rémunérée de son emploi et de sa dépendance à l’égard des beaux‑parents abusifs.

[33]  En plus de ces arguments sur la capacité d’adaptation, les demandeurs affirment que l’agent a confondu établissement et difficultés. Ils affirment que l’agent a rejeté les signes positifs d’établissement, comme les amitiés des demandeurs, en soulignant qu’ils pouvaient entretenir leurs amitiés tout en étant à l’étranger et que leur connaissance de la culture coréenne contribuerait à atténuer les difficultés. Les demandeurs affirment que l’établissement est distinct des difficultés qu’ils éprouveraient à leur retour. Or, l’agent a confondu les deux notions.

[34]  De plus, les demandeurs affirment que l’analyse du niveau d’établissement était déraisonnable. Plus précisément, l’agent n’a pas déterminé jusqu’à quel point ils sont établis au Canada et quel poids devrait être accordé à ce facteur. L’agent n’a pas non plus traité le fait que Mme Lee a appris l’anglais par elle‑même et qu’elle parle maintenant couramment cette langue.

(3)  Discrimination

[35]  Les demandeurs contestent également la façon dont l’agent en est venu à accorder peu de poids à la stigmatisation à laquelle sont confrontés les Nord‑Coréens qui résident en Corée du Sud. L’agent a estimé que l’État faisait des efforts pour lutter contre ces problèmes, mais les demandeurs affirment qu’il est erroné de nier les difficultés sur ce fondement sans examiner le [TRADUCTION« caractère adéquat » de ces efforts déployés par le gouvernement. De plus, les demandeurs font valoir que l’agent a trop mis l’accent sur le fait qu’ils sont citoyens de la Corée du Sud, ce qui signifie simplement qu’ils auraient moins de difficultés à avoir accès [TRADUCTION« à un emploi ou aux services offerts aux citoyens ». Les demandeurs affirment que cette lutte ne suffit pas à combattre le niveau de discrimination auquel ils pourraient être exposés à leur retour en Corée du Sud, ce qui est une question plus vaste et distincte. Ils font également référence au commentaire de l’agent selon lequel Mme Lee ne ferait pas l’objet de discrimination, car elle avait trouvé un emploi en Corée du Sud. Ils critiquent ce commentaire parce que Mme Lee a travaillé pour ses beaux‑parents abusifs sans être rémunérée.

(4)  Évaluation générale

[36]  Outre ces erreurs individuelles en ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, l’établissement et la discrimination, les demandeurs affirment que l’agent n’a pas effectué une évaluation globale appropriée. L’agent a donné une réponse passe‑partout et, à part le commentaire selon lequel il a considéré leur adhésion à la World Mission Society comme un [traduction] « facteur favorable », il n’y a eu aucune tentative explicite de soupeser les facteurs. Les demandeurs soutiennent donc que, pour cette raison, la décision est déraisonnable.

(5)  Demande de permis de séjour temporaire

[37]  Enfin, les demandeurs affirment que l’agent n’a pas examiné leur demande claire [traduction] « que des permis de séjour temporaire soient délivrés pour les trois membres de cette famille afin de leur permettre de rester au Canada » (page 15 des observations écrites présentées à l’agent). Les demandeurs citent la décision Shah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1269, et d’autres décisions qui tendent à indiquer que les agents commettent une erreur lorsqu’ils n’examinent pas une demande de séjour temporaire présentée en même temps qu’une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

B.  Défendeur

[38]  Le défendeur soutient que la décision de rejeter la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire était raisonnable.

(1)  INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L’ENFANT

[39]  En ce qui concerne l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, le défendeur soutient que certaines difficultés liées au départ du Canada seront inévitables. Il souligne plusieurs facteurs mentionnés dans l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment une preuve objective insuffisante de l’incidence négative d’un retour en Corée du Sud, la capacité de Seonwoo d’apprendre à écrire en coréen et le manque de preuve que l’enfant sera victime d’intimidation ou qu’il risque de se suicider. Le défendeur affirme qu’il y avait peu d’éléments de preuve de fond quant aux besoins de l’enfant qui ne seraient pas comblés en Corée du Sud et que les demandeurs n’ont pas démontré que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant était déraisonnable.

(2)  Établissement

[40]  Le défendeur soutient que l’analyse relative à l’établissement était raisonnable. L’agent a examiné la preuve et a estimé que l’établissement était un facteur favorable, mais il a également conclu qu’il était insuffisant pour justifier une dispense. Le défendeur fait remarquer que Mme Lee ne travaille pas au Canada et que M. Jung travaille comme chef cuisinier et qu’ils pourraient trouver des postes semblables en Corée du Sud. Le défendeur soutient que l’agent n’a pas jugé leur établissement en leur défaveur, mais a plutôt souligné que leur situation d’emploi au Canada était semblable à leur situation d’emploi antérieure en Corée du Sud.

(3)  Discrimination

[41]  En ce qui concerne la discrimination dont sont victimes les personnes d’origine nord‑coréenne en Corée du Sud, le défendeur affirme que l’agent a reconnu qu’il y avait une certaine discrimination à l’égard des Nord‑Coréens, mais qu’il a ensuite examiné les programmes et les services qui existent pour aider les Nord‑Coréens. Comme Mme Lee avait obtenu un emploi et un logement par le passé, l’agent a conclu que la preuve attestant les difficultés était insuffisante.

(4)  Évaluation globale et demande de permis de séjour temporaire

[42]  Le défendeur n’a présenté aucun argument écrit au sujet de l’évaluation globale ou de la demande de permis de séjour temporaire, mais il admet que l’agent n’a pas traité de la demande de permis de séjour temporaire.

VIII.  Analyse

A.  Introduction

[43]  Les demandeurs expriment de nombreuses craintes subjectives au sujet des conséquences d’un retour en Corée du Sud. De façon générale, bien sûr, la crainte subjective n’est pas suffisante pour établir qu’ils seront exposés à des difficultés ou à de la discrimination à leur retour, et la jurisprudence indique clairement qu’il incombe aux demandeurs d’établir que leurs craintes ont un fondement objectif (Damte c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1212, par. 31).

[44]  De façon générale, la Corée du Sud ne peut pas être automatiquement considérée comme un endroit inacceptable, surtout pour des personnes comme les demandeurs qui y ont passé une bonne partie de leur vie.

[45]  Dans leurs observations écrites et orales, les demandeurs critiquent très sévèrement la décision et estiment que l’agent a fait preuve, dans cette décision, de [TRADUCTION] « mépris » à l’égard de leurs observations. Cette évaluation n’est ni exacte ni juste. En fait, à l’exception d’une question que je traiterai, j’estime que la décision respecte tout à fait les caractéristiques d’une décision raisonnable visées à l’arrêt Vavilov.

B.  INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L’ENFANT

(1)  Critère erroné

[46]  Les demandeurs affirment que l’agent n’a pas appliqué le bon critère relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant et n’a pas réellement déterminé ce qui était dans l’intérêt supérieur de Seonwoo en l’espèce. S’appuyant sur le paragraphe 21 de la décision Conka du juge Martineau, les demandeurs affirment que l’agent n’a pas déterminé ce qui serait dans l’intérêt supérieur de Seonwoo, mais a plutôt évalué si ses besoins fondamentaux seraient comblés en Corée du Sud.

[47]  Il est vrai que l’agent ne dit pas vraiment qu’il serait dans l’intérêt supérieur de Seonwoo que le statu quo soit maintenu et que la famille demeure au Canada. Toutefois, il ne dit pas non plus qu’il est dans l’intérêt supérieur de Seonwoo que la famille retourne en Corée du Sud.

[48]  Je pense qu’on peut supposer que, dans le cas de demandeurs d’asile déboutés, l’intérêt supérieur de tout enfant est mieux servi si la famille reste au Canada. Toutefois, à moins que l’intérêt supérieur de l’enfant ne l’emporte sur tous les autres facteurs – et la jurisprudence indique que ce n’est pas le cas (voir Semana c Canada (Citoyenneté et Immigration)), 2016 CF 1082, par. 28) –, la principale tâche des agents dans la plupart des demandes de résidence permanente fondées sur des considérations d’ordre humanitaire est d’évaluer ce qui se passera si la demande est rejetée. Comme le juge Pentney l’a récemment souligné dans François c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 748, au par. 15 : « [l]’analyse ne doit pas se limiter au statu quo; elle doit tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à la lumière de sa situation […] dans l’hypothèse où sa demande serait rejetée […] ».

[49]  En l’espèce, il me semble évident qu’il est dans l’intérêt supérieur de Seonwoo que la famille reste au Canada. L’agent devait déterminer si l’intérêt supérieur de Seonwoo serait touché négativement si la famille retournait en Corée du Sud et devait présenter une demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada. Les demandeurs ont fait valoir diverses façons dont ils seraient touchés négativement, et l’agent était tenu d’en tenir compte.

[50]  L’agent a estimé que la preuve n’était pas suffisante pour démontrer que [traduction« les besoins fondamentaux de Seonwoo ne seront pas comblés à son départ du Canada ». Toutefois, comme le révèle la décision, l’agent a examiné beaucoup plus que les besoins fondamentaux de Seonwoo et a abordé des sujets de préoccupation précis pour décider si son [traduction] « intérêt supérieur serait compromis […] », si la famille retourne en Corée du Sud. Une telle comparaison n’aurait de sens que si l’agent supposait que l’intérêt supérieur de Seonwoo était de rester avec sa famille au Canada.

[51]  Je pense qu’il est évident, si nous examinons ce que l’agent fait réellement dans la décision, qu’il a supposé qu’il était dans l’intérêt supérieur de Seonwoo que la famille demeure au Canada, mais il a aussi examiné les inconvénients du retour en Corée du Sud qui ont été présentés. Je ne crois pas que l’on puisse dire que l’approche de l’agent à l’égard de l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant reflète un défaut d’appliquer le bon critère de l’intérêt supérieur de l’enfant ou de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, ni d’être réceptif, attentif et sensible à la situation particulière de Seonwoo. Les demandeurs soutiennent que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être examiné d’une manière particulière, en utilisant des mots particuliers, mais c’est le fond de l’analyse qui importe.

(2)  Évaluation déraisonnable de l’incidence du renvoi

[52]  Les demandeurs affirment que l’agent [traduction] « a systématiquement rejeté les difficultés que Seonwoo éprouverait s’il devait retourner en Corée du Sud ». Je ne crois pas que l’agent ait « rejeté » quoi que ce soit. Le rejet est un défaut à prendre en compte. Il est manifeste que l’agent a examiné les facteurs invoqués par les demandeurs dans leurs observations relatives à la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

(a)  Difficultés rejetées et ignorées

[53]  Les demandeurs affirment que l’agent a [TRADUCTION] « rejeté » ou « ignoré » certains facteurs importants liés à l’intérêt supérieur de Seonwoo en mettant l’accent sur sa capacité d’adaptation et sa jeunesse. Toutefois, l’agent n’a pas rejeté l’intérêt supérieur de Seonwoo et a reconnu que le déménagement [TRADUCTION] « causera certaines difficultés » à Seonwoo. L’agent a conclu que [TRADUCTION« la preuve [était] insuffisante » pour établir que ses « besoins fondamentaux » ne seraient pas comblés en Corée du Sud ou que la situation [TRADUCTION« nuirait à son intérêt supérieur ».

(b)  Intimidation

[54]  Les demandeurs affirment notamment en ce qui concerne l’intimidation que [traduction« l’agent a rejeté l’argument relatif au nombre d’actes d’intimidation incroyablement élevé simplement parce que l’intimidation se produit ailleurs et parce qu’il s’agit d’un phénomène que le gouvernement prend au sérieux ».

[55]  Comme l’indique clairement la décision, cet argument n’a pas été rejeté. Les demandeurs ont allégué que Seonwoo serait victime d’intimidation, mais l’agent souligne que l’intimidation est prise au sérieux en Corée du Sud par le gouvernement et par les enseignants. L’agent ne « rejette pas » l’existence de l’intimidation en tant que phénomène en Corée du Sud. Il conclut que, compte tenu des renseignements objectifs, la [traduction] « preuve [était] insuffisante » pour établir qu’une école ou des enseignants n’interviendraient pas pour protéger Seonwoo.

[56]  Autrement dit, il incombait aux demandeurs d’établir, non pas qu’il y a de l’intimidation en Corée du Sud, mais que Seonwoo en serait victime. L’agent a conclu que les demandeurs ne se sont pas acquittés de ce fardeau de preuve. L’agent a estimé que, compte tenu des mesures de protection mises en place dans les écoles sud‑coréennes pour lutter contre l’intimidation, les demandeurs n’avaient pas réussi à établir que Seonwoo serait victime d’intimidation, ce qui ne constitue pas un rejet de la question. Les craintes des demandeurs à l’égard de l’intimidation sont tout à fait compréhensibles, mais ils devaient faire plus qu’établir une crainte subjective pour démontrer que Seonwoo serait probablement victime d’intimidation.

(c)  Fortes pressions dans les écoles

[57]  Les demandeurs affirment que l’agent [traduction] « n’a pas tenu compte des éléments de preuve relatifs à la culture scolaire dans le cadre de laquelle les enfants nord‑coréens subissent de fortes pressions et de la discrimination ». Leurs arguments écrits complets sur ce point sont les suivants :

[traduction]

36. Troisièmement, l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve relatifs à la culture scolaire dans le cadre de laquelle les enfants nord‑coréens subissent de fortes pressions et de la discrimination. L’agent aurait dû tenir compte de la nature du système d’éducation de la Corée du Sud que les demandeurs lui ont présenté, mais il ne l’a jamais fait. Comme l’a expliqué l’avocate dans ses observations :

Comme Younglan l’atteste, selon la preuve documentaire, le système scolaire sud‑coréen est un système très compétitif où les élèves sont soumis à des pressions extrêmes pour se conformer aux normes d’excellence. Les enfants qui prennent du retard sont tournés en ridicule et subissent de l’intimidation. Cette ambiance répressive est un facteur qui contribue aux taux de suicide extrêmement élevés chez les jeunes et au mécontentement généralisé des enfants coréens d’âge scolaire, le suicide étant la principale cause de décès chez les jeunes de 10 à 19 ans en Corée du Sud. [Renvois omis]

37.  Les descriptions des écoles sud‑coréennes étaient appuyées par des éléments de preuve objectifs présentés par les demandeurs. Toutefois, ce facteur n’a jamais été directement pris en compte par l’agent dans l’évaluation de la façon dont un enfant ayant de faibles compétences en coréen s’adapterait en Corée du Sud.

38.  L’agent a également omis de tenir compte de la façon dont l’enfant d’une Nord‑Coréenne serait plus particulièrement traité dans ce milieu, comme l’ont fait valoir les demandeurs. De nombreux éléments de preuve présentés à l’agent indiquent que les Nord‑Coréens et leurs enfants sont victimes de discrimination, souvent sous forme d’intimidation.

39.  Les demandeurs ont présenté de nombreux documents objectifs à l’appui de leur position selon laquelle Seonwoo risque d’être victime d’intimidation en Corée du Sud, et l’agent n’a tenu compte d’aucun de ces documents dans ses motifs. L’agent s’est plutôt appuyé sur des éléments de preuve extrinsèques tirés d’une page Web du gouvernement décrivant en détail les programmes visant à lutter contre l’intimidation et les taux de décrochage. Il a indiqué que si Seonwoo est victime d’intimidation, « cela pourrait être porté à l’attention des responsables scolaires ». Cela contredit la preuve, qui décrivait des situations où l’école n’est pas intervenue, des situations où l’intervention des enseignants aggravait les choses, et même des situations de dissimulation à l’école. Même si l’agent avait le loisir de préférer les éléments de preuve extrinsèques à la preuve des demandeurs, le fait que l’agent ignore des éléments de preuve importants qui contredisent ses conclusions constitue une erreur.

[Notes de bas de page omises.]

[58]  Les observations relatives à la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire formulées par l’avocate et présentées à l’agent mettaient l’accent sur la compétition féroce, la forte pression exercée dans un esprit de conformité et d’excellence, le fait de tourner en ridicule les enfants qui prennent du retard et le risque de suicide.

[59]  L’agent traite expressément de l’intimidation, des capacités en écriture de Seonwoo et du risque de suicide. Mais il conclut en fin de compte que la preuve est insuffisante pour établir que Seonwoo subira des conséquences fâcheuses, à savoir que ses besoins fondamentaux ne seront pas comblés ou que la situation nuira à son intérêt supérieur.

[60]  La preuve sur laquelle l’agent s’est appuyé n’était pas « extrinsèque », et l’agent n’a pas non plus ignoré la preuve importante qui contredit sa conclusion. L’agent ne conclut pas qu’il n’y a pas d’intimidation ou que certaines écoles n’interviennent pas ou ne dissimulent pas le problème. La conclusion de l’agent était que la preuve était insuffisante pour démontrer que les besoins fondamentaux de Seonwoo ne pouvaient pas être comblés en Corée du Sud ou que son intérêt supérieur serait compromis. Les demandeurs peuvent ne pas être d’accord avec l’agent au sujet de l’évaluation de la preuve, mais celle‑ci n’a pas été ignorée.

(d)  Difficultés linguistiques

[61]  Les demandeurs affirment que l’agent a minimisé de façon déraisonnable les difficultés linguistiques que rencontrerait Seonwoo en Corée du Sud et ajoutent :

[traduction]

41.  Enfin, même si Seonwoo pouvait acquérir rapidement les compétences linguistiques, l’agent aurait dû examiner comment ces défis linguistiques auraient pu avoir un effet sur sa capacité de réussir dans un système d’éducation « très compétitif » en tant qu’enfant d’une Nord‑Coréenne. Ces trois facteurs cumulatifs auraient affaibli sa capacité d’adaptation dans une école sud‑coréenne, ce que l’agent n’a pas analysé.

[62]  De nombreuses variables entrent en ligne de compte quant à la façon dont Seonwoo s’en tirera en Corée du Sud. Il incombait aux demandeurs de fournir une preuve suffisante (et non seulement faire part de leurs propres craintes) démontrant que ses besoins fondamentaux ne pouvaient pas être comblés ou que son intérêt supérieur ne serait pas respecté. L’agent a conclu qu’ils n’avaient pas été en mesure de le faire.

(e)  Conclusions sur l’intérêt supérieur de l’enfant

[63]  Dans leurs observations relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant, les demandeurs ont présenté des observations détaillées et ont fourni des éléments de preuve importants sur les difficultés que rencontrerait Seonwoo dans le système scolaire sud‑coréen :

[traduction]

a.  La nature compétitive de l’éducation sud‑coréenne

Comme Younglan l’atteste, selon la preuve documentaire, le système scolaire sud‑coréen est un système très compétitif où les élèves sont soumis à des pressions extrêmes pour se conformer à des normes d’excellence. Les enfants qui prennent du retard sont tournés en ridicule et subissent de l’intimidation. Cette ambiance répressive est un facteur qui contribue aux taux de suicide extrêmement élevés chez les jeunes et au mécontentement généralisé des enfants coréens d’âge scolaire, le suicide étant la principale cause de décès chez les jeunes de 10 à 19 ans en Corée du Sud.

Seonwoo parle un peu le coréen et ne sait ni lire ni écrire sa langue maternelle. Au Canada, il est un élève moyen; en Corée, il entrera à l’école loin derrière les autres élèves, et il est peu probable qu’il rattrape son retard en commençant avec un tel désavantage dans le système très compétitif de la Corée du Sud. Au contraire, il semble presque certain que s’il est renvoyé en Corée du Sud, Seonwoo restera en arrière, ce qui, avec son héritage nord‑coréen, fera de lui une cible de choix pour l’intimidation.

Il n’y aurait pas non plus de possibilité réaliste de retirer Seonwoo du système scolaire public pour atténuer les risques d’échec scolaire et d’intimidation. Cela s’explique par le fait que, bien que la Corée du Sud ait des écoles spéciales pour les enfants nord‑coréens, Seonwoo, qui est né d’un père sud‑coréen, ne sera pas admissible à de telles écoles. Quant aux écoles internationales, Seonwoo ne pourrait les fréquenter, car les parents de Seonwoo n’ont pas les moyens financiers suffisants pour payer les frais de scolarité élevés exigés.

b.  Intimidation dans les écoles sud‑coréennes

Selon la preuve documentaire, l’intimidation des enfants d’âge scolaire est un grave problème dans les écoles de la Corée du Sud, environ 10 % des élèves sud‑coréens déclarant avoir été victimes de diverses formes d’intimidation violente. Le problème est tellement répandu que les compagnies d’assurance de la Corée du Sud ont commencé à offrir des polices contre l’intimidation. Bien que l’intimidation ait parfois été perçue dans le passé comme un aspect ordinaire de l’enfance, ce genre d’attitude donne une fausse idée de la réalité selon laquelle l’intimidation peut avoir des répercussions à long terme, y compris une incidence accrue sur la probabilité que les personnes qui en sont victimes finissent par avoir des troubles de santé mentale. Des études transversales et longitudinales menées dans quatre continents révèlent que l’intimidation est constamment associée à la dépression, à la solitude, à l’anxiété sociale, à la phobie de l’école et à la faible estime de soi. En Corée du Sud, l’intimidation grave a également entraîné un nombre disproportionné de suicides chez les enfants; ces suicides sont généralement passés sous silence dans les écoles où ils surviennent. Même lorsqu’ils sont confrontés à des cas évidents d’intimidation dans les écoles, les enseignants en Corée du Sud ont malheureusement tendance à rester passifs devant le problème, espérant simplement qu’il disparaîtra tout seul.

L’une des raisons pour lesquelles l’intimidation croît en Corée du Sud est que ce pays est une société hautement homogène, où la différence est considérée comme un problème fondamental. En conséquence, les étrangers qui sont fondamentalement différents, et perçus comme tels, sont souvent la cible d’une telle intimidation. En fait, l’intimidation des élèves étrangers en Corée du Sud est tellement répandue qu’un nombre étonnant de quatre adolescents étrangers sur cinq en Corée du Sud disent ne pas aller à l’école à cause du harcèlement et de l’intimidation.

On sait que, dans le contexte de ce paradigme, l’intimidation des enfants nord‑coréens au sein du système scolaire sud‑coréen est généralisée, ce qui montre que, malgré le fait que les citoyens des deux pays parlent le coréen, un fossé linguistique et culturel s’est creusé entre les citoyens des deux pays. La Corée du Nord a une économie dirigée alors que la Corée du Sud, une économie résolument capitaliste. La Corée du Nord est soumise à une dictature, tandis que la Corée du Sud est une démocratie. La Corée du Nord est un désastre économique, tandis que la Corée du Sud est florissante. Ces différences rendent les enfants nord‑coréens particulièrement vulnérables à l’intimidation dans les écoles sud‑coréennes homogènes.

Le problème de l’intimidation des enfants nord‑coréens en Corée du Sud est suffisamment répandu pour que le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies ait exprimé des préoccupations à ce sujet. Le problème est tellement grave que, pour certains enfants nord‑coréens, la perspective de se trouver dans une classe sud‑coréenne est perçue comme étant encore plus angoissante que la fuite de la guerre de Corée du Nord, comme l’indiquent les articles suivants du New York Times :

Un soir d’octobre où des élèves étaient partis camper et veillaient tard, Moon Sung‑Il, un jeune nord‑coréen de 14 ans, a fait verser des larmes aux Sud‑Coréens lorsqu’il a raconté sa fuite qui a duré deux ans et demi avec d’autres transfuges et qui l’a amené à traverser la Chine, le Myanmar et un camp de réfugiés à Bangkok. Toutefois, il les a surpris lorsqu’il a dit que rien de tout cela n’était aussi intimidant qu’une salle de classe sud‑coréenne.

« J’avais du mal à comprendre ce que le professeur disait », a‑t‑il dit. « Mes camarades de classe, qui avaient tous un an ou deux de moins que moi, me traitaient de “ pauvre mangeur de soupe du Nord ”. Je les ai battus avec mes poings. »

D’autres enfants nord‑coréens ont déclaré ouvertement que les problèmes d’intimidation sont si graves qu’ils regrettent d’avoir quitté la Corée du Nord.

En tant qu’enfant d’une mère nord‑coréenne et en tant qu’élève qui ne lit pas et n’écrit pas le coréen et qui sera ainsi confronté à de sérieuses difficultés scolaires en Corée du Sud, Seonwoo sera presque certainement considéré comme un étranger et rejeté par la société. Par conséquent, il est presque inévitable qu’il soit exposé à l’intimidation s’il est renvoyé en Corée du Sud.

Un enfant a le droit fondamental de se sentir en sécurité à l’école et d’être épargné de l’oppression et de l’humiliation répétée que supposent la victimisation ou l’intimidation par les pairs. Autrement dit, la protection contre l’intimidation est un droit fondamental de la personne. La probabilité que Seonwoo soit victime d’intimidation à l’école, s’il est tenu de retourner en Corée du Sud, est donc une raison suffisante en soi pour justifier que la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire soit accordée.

[Notes de bas de page omises.]

[64]  L’analyse complète relative à l’intérêt supérieur de l’enfant que l’agent a faite est rédigée comme suit :

[traduction]

INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L’ENFANT

Je vais maintenant examiner l’intérêt supérieur du fils des demandeurs, Seonwoo, âgé de 11 ans, qui fréquente actuellement l’école au Canada. Mme Jung et son époux soutiennent que si les demandeurs devaient partir en Corée du Sud, l’éducation de leur fils en souffrirait, car il ne peut pas écrire le coréen et il serait intimidé parce qu’il a une mère d’origine nord‑coréenne.

Je remarque que le facteur de l’intimidation dans les écoles n’est pas limité à la Corée du Sud, puisque les parents sont préoccupés par l’intimidation, quel que soit le pays. Néanmoins, j’estime que la preuve présentée par les demandeurs n’était pas suffisante pour démontrer que les écoles ou les enseignants n’interviendraient pas dans une situation d’intimidation. Selon le site Web du ministère de l’Éducation,

la Corée considère la « violence à l’école » comme l’une des quatre influences négatives et s’efforce de créer un milieu heureux et sécuritaire. Sur le plan scolaire, le projet Wee a été lancé pour promouvoir les activités de collaboration, les activités de prévention de la violence et l’apprentissage fondé sur l’expérience. Le gouvernement fournit également des soins aux élèves victimisés pour qu’ils se rétablissent rapidement du souvenir de la violence, ainsi que des programmes de soutien pour les élèves considérés comme des agresseurs adolescents. Les écoles doivent agir contre les facteurs qui peuvent stimuler la violence à l’école pour prévenir les crimes par l’aménagement du milieu (PCAM) et créer un milieu scolaire sécuritaire en recourant à des agents de police, des élèves‑gardiens, etc. De plus, les évaluations visant à examiner la santé cognitive et sociale/ émotionnelle des élèves sont encouragées. À cela, s’ajoute une éducation obligatoire dans le cadre de laquelle on enseigne aux élèves à respecter la vie afin de cerner les élèves qui risquent de se suicider pour leur fournir systématiquement des soins intensifs.

Il ressort de renseignements objectifs que le système scolaire sud‑coréen considère l’intimidation comme un problème grave et qu’il a mis en place des solutions pour aider les élèves qui se trouvent dans de telles situations. Selon le ministère de l’Éducation, l’enseignement primaire en Corée du Sud est gratuit et obligatoire. Cette source indique également que le taux d’inscription est de 99,9 %. Je remarque que la langue anglaise fait aussi partie du programme.

Les demandeurs affirment que l’éducation de leur fils souffrira du fait qu’il n’écrit pas le coréen, mais le parle seulement. Je reconnais que les capacités d’écriture de Seonwoo sont peut‑être plus faibles que celles d’autres élèves qui résident en Corée du Sud, mais étant donné qu’il a déjà une base de la langue puisqu’il la parle, et comme il est encore jeune, j’estime qu’il pourra acquérir des compétences à l’écrit après une période d’adaptation. Je remarque également que, comme la langue maternelle de M. Jung est le coréen, il pourrait raisonnablement aider son fils à améliorer ses capacités d’écriture. De plus, Seonwoo aurait l’aide de l’école et des enseignants.

Je souligne que les demandeurs soutiennent que le suicide de leur fils est une préoccupation qu’ils partagent. Ils ont présenté divers articles sur les taux de suicide élevés en Corée du Sud. Je remarque que ces articles traitent du suicide chez les adolescents et les élèves victimes d’intimidation. J’ai parlé des mesures prises par le système scolaire et le ministère de l’Éducation pour s’attaquer au problème de l’intimidation dans les écoles sud‑coréennes. Je souligne que si Seonwoo était victime d’intimidation, cela pourrait être porté à l’attention des responsables de l’école. De plus, je remarque que rien ne semble indiquer que Seonwoo ait déjà déclaré avoir des idées suicidaires ou avoir déjà tenté de se suicider.

J’estime que la preuve est insuffisante pour démontrer que l’intérêt supérieur de Seonwoo serait compromis en raison de l’intimidation ou de la faiblesse de ses compétences linguistiques en Corée du Sud.

Je constate que Seonwoo est jeune et j’estime qu’un déménagement international lui causera certaines difficultés. Je sais que ses amis et son école au Canada lui manqueront beaucoup. Toutefois, je remarque qu’il continuera de recevoir l’amour et le soutien de ses parents pendant sa réintégration en Corée du Sud. J’estime que la preuve dont je dispose est insuffisante pour démontrer que les besoins fondamentaux de Seonwoo ne seront pas comblés à son départ du Canada. J’estime que les renseignements dont je dispose n’appuient pas la prétention selon laquelle l’intérêt supérieur de Seonwoo serait compromis si les demandeurs devaient présenter une demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada.

[65]  L’agent s’appuie sur des rapports officiels selon lesquels les autorités coréennes sont conscientes des problèmes dans les écoles et ont mis en place des politiques et des mécanismes pour s’attaquer aux problèmes d’intimidation. Cependant, les bonnes intentions ne suffisent pas et la politique gouvernementale ne se traduit pas nécessairement par un changement efficace, surtout dans une société aussi traditionnelle et homogène que la Corée du Sud telle qu’elle est décrite en preuve.

[66]  La preuve qui témoigne de la passivité des enseignants et de l’intimidation généralisée des élèves étrangers donne à penser que les politiques et les initiatives gouvernementales ne sont pas nécessairement adéquates sur le plan pratique et que Seonwoo pourrait être confronté à de graves difficultés à cet égard.

[67]  Compte tenu de cette preuve, l’agent devait en faire plus pour évaluer ce à quoi Seonwoo serait réellement confronté et déterminer s’il y avait des mesures de protection adéquates pour le protéger. Sans ce genre d’analyse, la décision est inadéquate et déraisonnable.

C.  Établissement

[68]  Les demandeurs affirment que l’agent a minimisé leur établissement en le confondant avec la capacité d’adaptation et les difficultés, et qu’il a commis une erreur en utilisant leur capacité de s’établir au Canada comme preuve de leur capacité d’adaptation en Corée du Sud.

[69]  Il est vrai que, dans le cadre de son examen de l’établissement, l’agent fait référence à leurs perspectives d’avenir en Corée du Sud. Toutefois, cette comparaison vise clairement à souligner que les demandeurs ont très peu d’éléments solides pour appuyer un établissement au Canada qui ne peut être remplacé en Corée du Sud.

[70]  Par exemple, l’emploi est habituellement un facteur important lorsque l’on envisage de s’établir au Canada. Mme Lee n’a pas d’emploi, de sorte qu’on ne peut accorder aucun poids à ce facteur dans son cas. M. Jung a indiqué qu’il avait été plongeur, mais qu’il avait réussi à devenir chef. Cela démontre, bien sûr, un certain degré d’établissement, mais son poids est miné par le fait que la nature de son travail ne lui procure aucun établissement important au Canada qui ne pourrait être remplacé en Corée du Sud.

[71]  En signalant que les deux demandeurs adultes ont, d’une certaine façon, occupé un emploi rémunéré en Corée du Sud par le passé, l’agent a commenté le fait que Mme Lee n’a pas fait grand‑chose pour s’établir au Canada sur le plan de l’emploi.

[72]  L’agent indique également clairement qu’il accorde un certain poids à l’établissement social des demandeurs au Canada. L’engagement de Mme Lee dans son église n’est guère une preuve d’un établissement exceptionnel au Canada et, encore une fois, ce n’est pas quelque chose qu’elle ne peut pas faire en Corée du Sud.

[73]  Il n’y a rien de déraisonnable ni qui démontre que des choses ont été confondues dans le fait que l’agent signale que, même si les demandeurs sont au Canada depuis 2011 (il convient de toute évidence de tenir compte de la durée de leur séjour au Canada et de lui accorder un certain poids), M. Jung a déjà résidé en Corée du Sud pendant plus de 20 ans. L’agent fait valoir que, quels que soient les emplois ou les liens culturels que M. Jung a pu avoir ou établir au Canada, ils ne peuvent pas être plus forts que ceux qu’il avait en Corée du Sud, où il a vécu et travaillé pendant plus de 20 ans.

[74]  La dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est une mesure exceptionnelle (voir Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration)), 2015 CSC 61, par. 63), et rien n’indique que les demandeurs se sont établis au Canada d’une manière qui est exceptionnelle ou qu’ils auraient des difficultés importantes s’ils devaient déménager en Corée du Sud. À mon avis, c’est tout ce que dit l’agent.

[75]  L’agent ne se sert pas de l’établissement des demandeurs au Canada comme motif pour les renvoyer en Corée du Sud. L’agent ne confond pas l’établissement et les difficultés. Devant moi, les demandeurs n’ont rien mentionné qui indiquerait que leur établissement au Canada est important ou exceptionnel. Ils sont ici depuis 2011, M. Jung a un emploi et ils ont des amis et sont membres de la World Mission Society de Toronto, ce qui a été considéré comme des [traduction] « facteurs favorables » par l’agent.

D.  Discrimination

[76]  Les demandeurs affirment que, même s’il a reconnu le degré de stigmatisation auquel sont exposés les Nord‑Coréens résidant en Corée du Sud, l’agent n’a accordé aucun poids à cette difficulté et s’est simplement concentré sur les efforts de l’État pour lutter contre ces problèmes afin de minimiser les difficultés auxquelles Mme Lee serait confrontée à son retour.

[77]  Il s’agit d’une question complexe et les demandeurs expliquent en détail ce qui suit :

[traduction]

59.  De plus, l’agent a minimisé la discrimination anti‑nord‑coréenne que subirait la famille parce que les demandeurs sont citoyens de la Corée du Sud :

Je reconnais que la discrimination sociétale contre les transfuges nord‑coréens est un problème persistant en Corée du Sud. Je remarque par ailleurs que les recherches indiquent que ceux qui n’ont pas la citoyenneté sud‑coréenne ont plus de problèmes liés à l’emploi ou aux services offerts aux citoyens. Je remarque que, selon le même rapport, l’État continue d’accepter les transfuges nord‑coréens et que, selon la loi, ils ont droit à la citoyenneté. Je ne crois pas que les demandeurs devant moi n’aient pas la citoyenneté sud‑coréenne.

60.  Même en suivant la propre logique de l’agent, elle n’appuie pas la proposition selon laquelle les Nord‑Coréens ne sont pas confrontés à des difficultés sous forme de discrimination. Ils font peut‑être l’objet de moins de discrimination lorsqu’il s’agit d’accéder à « l’emploi ou à des services aux citoyens », mais cela ne tient pas suffisamment compte du niveau de difficulté auquel ils pourraient être exposés à leur retour en Corée du Sud.

61.  Enfin, l’agent a répété la même déformation des antécédents d’emploi de la demanderesse en Corée du Sud pour appuyer la conclusion selon laquelle elle devrait être en mesure de trouver du travail :

Je souligne que la capacité de Mme Lee d’obtenir deux postes en Corée du Sud contredit ses déclarations selon lesquelles elle serait incapable de trouver un emploi en Corée du Sud en raison de ses antécédents nord‑coréens.

62.  Encore une fois, cette nouvelle interprétation des antécédents de la demanderesse n’est pas appuyée par la preuve. L’emploi de la demanderesse en Corée du Sud était non rémunéré au restaurant de sa belle‑famille. De plus, même si elle a fini par trouver du travail, il n’en demeure pas moins qu’elle a déclaré qu’elle a subi de la discrimination lors de ses recherches. Tiré de son affidavit :

Trouver un emploi en Corée du Sud a été très difficile. Il y a beaucoup de discrimination en Corée du Sud contre les Nord‑Coréens, parce que la Corée du Nord et la Corée du Sud sont des ennemies. De plus, les Nord‑Coréens et les Sud‑Coréens en tant que peuples sont maintenant très différents sur le plan culturel. Les Nord‑Coréens sont élevés dans un système communiste qui fait la promotion d’une idéologie collectiviste, tandis que les Sud‑Coréens agissent dans un système capitaliste qui fait la promotion d’une idéologie individualiste. En raison de ces idéologies divergentes et du fait que la Corée du Nord est loin derrière la Corée du Sud sur le plan du développement économique, les Sud‑Coréens non seulement ne font pas confiance aux Nord‑Coréens, mais aussi les considèrent généralement comme des paresseux et des rétrogrades. Ces préjugés font en sorte qu’il est difficile pour les Nord‑Coréens d’être acceptés sur le plan social et de trouver un emploi rémunérateur en Corée du Sud, car les Sud‑Coréens évitent souvent les Nord‑Coréens.

J’ai cherché et cherché un emploi, mais le seul que j’ai réussi à trouver, c’est un emploi de plongeuse dans un restaurant coréen.

63.  Pour ces motifs, la décision de l’agent sur les difficultés était déraisonnable.

[Souligné dans l’original; notes de bas de page omises.]

[78]  L’agent fournit une analyse approfondie de cette question et reconnaît pleinement qu’il y a discrimination contre les Nord‑Coréens en Corée du Sud. Mais la question en l’espèce est de savoir si Mme Lee risque d’être victime de discrimination et, le cas échéant, dans quelle mesure.

[79]  Il incombait aux demandeurs de démontrer non seulement que la discrimination contre la Corée du Nord est pratiquée en Corée du Sud, mais aussi que Mme Lee est susceptible de vivre personnellement des difficultés en raison de la discrimination. C’est pourquoi l’agent déclare, relativement aux articles présentés par les demandeurs à l’appui de leur thèse, qu’il [traduction« remarque qu’aucun de ces articles ne mentionne personnellement les demandeurs et ne rend compte des conditions générales en Corée du Sud ».

[80]  L’agent se réfère également à la preuve sur les initiatives gouvernementales pour lutter contre la discrimination à l’égard des Nord‑Coréens et conclut une fois de plus, car il incombe aux demandeurs de démontrer qu’il est probable qu’ils subiront de la discrimination, qu’il [traduction] « dispose de peu d’éléments de preuve qui indiquent que Mme Lee n’a pas profité de ces efforts déployés par l’État ».

[81]  L’agent fait remarquer à plusieurs reprises que Mme Lee n’a pas démontré qu’elle subira vraisemblablement des difficultés en raison de la discrimination dont elle fera l’objet :

[traduction]

Je souligne que la capacité de Mme Lee d’obtenir deux postes en Corée du Sud contredit ses déclarations selon lesquelles elle serait incapable de trouver un emploi en Corée du Sud en raison de ses origines nord‑coréennes. Je souligne également que l’État aide les femmes à trouver un emploi. Selon le rapport sur les pratiques en matière de droits de l’homme de 2016 du Département d’État des États‑Unis,

À l’échelle nationale, 150 centres de création de nouveaux emplois pour les femmes ont fourni un soutien à l’emploi et une formation professionnelle aux femmes. En septembre, plus de 287 000 femmes ont demandé de l’aide au [ministère de l’Égalité des sexes et de la Famille] pour trouver un emploi; parmi elles, 11 000 ont reçu une formation professionnelle, et plus de 112 000 femmes ont par la suite obtenu un emploi après avoir reçu une formation ou une autre aide du ministère. Le [ministère de l’Emploi et du Travail] a maintenu un programme d’action positive pour les institutions publiques comptant au moins 50 employés et pour les institutions privées comptant au moins 500 employés. Le programme exige de ces établissements qu’ils se conforment à un plan d’embauche élaboré par le ministère s’ils ne maintiennent pas une main‑d’œuvre féminine supérieure ou égale à 60 % du ratio de travailleuses par rapport à l’ensemble des travailleurs dans les professions pertinentes. Lorsque le Service des marchés publics évalue les soumissions, il donne plus de poids aux entreprises qui ont des mesures de promotion sociale efficaces.

J’estime que la preuve est insuffisante pour démontrer que Mme Lee ne pourrait pas se rendre dans un tel centre pour obtenir de l’aide dans la recherche d’un emploi en Corée du Sud.

Je reconnais que la discrimination sociétale contre les transfuges nord‑coréens est un problème persistant en Corée du Sud. Je remarque par ailleurs que les recherches indiquent que ceux qui n’ont pas la citoyenneté sud‑coréenne ont plus de problèmes liés à l’emploi ou aux services offerts aux citoyens. Je remarque également que, selon le même rapport, l’État continue d’accepter les transfuges nord‑coréens et que, selon la loi, ils ont droit à la citoyenneté. Je ne crois pas que les demandeurs devant moi n’aient pas la citoyenneté sud‑coréenne. Je constate qu’il ressort de la recherche que l’État déploie des efforts pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes certains Nord‑Coréens qui résident en Corée du Sud. Je constate que l’État a mis en place des lois et qu’il y a des organisations non gouvernementales qui aident les Nord‑Coréens résidant en Corée du Sud. J’estime que Mme Lee n’a pas démontré qu’elle n’aurait pas accès à ces programmes d’aide si elle en avait besoin. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que Mme Lee a démontré qu’elle éprouverait des difficultés en raison de ses déclarations concernant la discrimination en tant que transfuge de la Corée du Nord.

Transfuge nord‑coréenne

Je reconnais que des espions nord‑coréens exercent leurs activités en Corée du Sud et qu’ils se font parfois passer pour des transfuges et recueillent des renseignements pendant qu’ils résident en Corée du Sud; toutefois, la preuve documentaire n’indique pas que ces espions représentent une menace directe pour les milliers de transfuges qui résident dans le Sud.

Je souligne que Mme Lee n’est plus en Corée du Nord depuis environ 17 ans et qu’elle a passé environ six de ces années en Corée du Sud. Je souligne que la preuve et les renseignements qu’elle a présentés sont insuffisants pour conclure que des espions nord‑coréens l’ont abordée ou qu’elle a été menacée par quiconque parce qu’elle est une transfuge de la Corée du Nord. La preuve ne me permet pas de conclure que Mme Lee est une cible de grande valeur ou une transfuge notoire de la Corée du Nord. Je ne dispose pas de suffisamment de renseignements pour dire qu’elle est une haute fonctionnaire qui pourrait présenter un intérêt particulier ou important pour les Nord‑Coréens. Il y a peu d’indications que, depuis son départ de la Corée du Nord, il y a plus de 17 ans, quiconque en Corée du Nord s’est renseigné sur ses allées et venues. Je dispose également de peu d’éléments de preuve objectifs selon lesquels les autres membres de sa famille ont déjà été menacés, interrogés ou questionnés au sujet de ses allées et venues. Dans l’ensemble, j’estime que la preuve est insuffisante pour démontrer que quiconque en Corée du Sud représente une menace pour Mme Lee ou pour les membres de sa famille ou risque de lui causer préjudice du fait qu’elle est une transfuge nord‑coréenne. Mme Lee n’a pas non plus indiqué qu’elle maintient des contacts avec les membres de sa famille qui vivent en Corée du Nord ou qu’ils ont subi un préjudice à la suite de son départ de la Corée du Nord. La preuve est insuffisante pour démontrer que sa famille en Corée du Nord est surveillée ou pénalisée. Par conséquent, je ne vois pas de difficultés associées aux déclarations de Mme Lee sur les préjudices que peuvent subir les transfuges nord‑coréens vivant en Corée du Sud.

Logement

Mme Lee soutient qu’elle et son mari n’ont pas d’économies pour obtenir un logement en Corée du Sud. Elle ajoute qu’elle n’aurait plus accès aux logements de l’État en Corée du Sud. Je reconnais que, compte tenu des antécédents hostiles entre Mme Lee et la famille de son époux, il se peut qu’ils ne souhaitent pas résider avec eux en Corée du Sud s’ils doivent quitter le Canada. Par contre, je constate que les demandeurs ont pu déménager au Canada, un pays étranger, et obtenir un logement. J’estime que la preuve dont je dispose ne me permet pas de conclure qu’ils ne pourraient pas faire la même chose en Corée du Sud, un pays qu’ils connaissent bien. De plus, la preuve qui m’a été présentée ne me permet pas non plus de conclure que M. Jung ne serait pas capable d’obtenir un emploi en Corée du Sud et que la famille ne serait pas en mesure d’obtenir un logement convenable.

Famille en Corée du Sud

Mme Lee craint que, si sa famille et elle doivent retourner en Corée du Sud, la famille de son mari n’oblige ce dernier à la quitter. Je souligne que la décision de M. Jung lui appartient en fin de compte. Toutefois, je souligne qu’il n’est pas nécessaire que les demandeurs résident dans la même ville que la famille de M. Jung. Ils ont la possibilité de résider dans n’importe quelle partie de la Corée du Sud, car la mobilité à l’intérieur du pays n’est pas limitée par l’État. Par conséquent, si les demandeurs veulent s’éloigner des parents de M. Jung, ils ont la possibilité de le faire. Je constate que les demandeurs sont ensemble depuis près de 15 ans et ont un enfant ensemble. J’estime que cela tend à démontrer l’existence d’un lien raisonnablement fort entre les deux, qui ne changerait pas s’ils devaient quitter le Canada. Je ne vois pas de difficultés qui forceraient M. Jung à quitter son épouse comme le déclare Mme Lee.

[82]  L’analyse des difficultés de Mme Lee est fondée sur des éléments de preuve insuffisants pour démontrer qu’elle est personnellement susceptible de subir de la discrimination. Il n’incombe pas à l’agent d’établir qu’elle ne subira pas de discrimination.

E.  Évaluation globale déraisonnable

[83]  Les demandeurs affirment que l’évaluation globale de l’agent était déraisonnable et manquait de transparence, et que la façon dont il a évalué les différents facteurs est imprécise et inintelligible. Ils affirment que l’agent n’a pas donné d’explications sur [traduction] « le poids accordé aux questions en litige, sauf pour un facteur mineur ».

[84]  La conclusion de l’agent est la suivante : [TRADUCTION] « J’ai fait une évaluation globale des facteurs présentés par le[s] demandeur[s] et je conclus que, collectivement, ces facteurs ne justifient pas une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ».

[85]  L’agent n’attribue pas de poids particulier à chaque facteur, mais l’analyse de chaque facteur fait ressortir clairement ce qui est positif, ce qui se voit accorder peu de poids et ce qui ne se voit accorder aucun poids.

[86]  En ce qui a trait à l’établissement, il y a quelques facteurs positifs, mais, de façon générale, le degré d’établissement des demandeurs, qui n’a rien d’exceptionnel mais n’est pas négatif, se voit accorder peu de poids. L’intérêt supérieur de l’enfant se voit accorder peu de poids, car les éléments de preuve et les renseignements présentés [traduction] « n’appuient pas la prétention selon laquelle l’intérêt supérieur de Seonwoo serait compromis si les demandeurs devaient présenter une demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada ». J’ai déjà expliqué pourquoi l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant contient une erreur susceptible de révision, de sorte que la pondération devra être faite de nouveau lors du réexamen. De plus, les demandeurs n’ont pu établir qu’ils rencontreront des difficultés ou auront des conditions défavorables s’ils retournaient en Corée du Sud, ce qui justifierait une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

[87]  Je crois qu’on peut comprendre suffisamment facilement comment chaque facteur a été évalué et pourquoi, globalement, l’agent a estimé qu’il n’était pas nécessaire de prendre des mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire. Comme le juge en chef l’a récemment indiqué clairement dans la décision Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 265, au par. 19, la dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire constitue une mesure exceptionnelle et ne vise pas à atténuer toutes les difficultés auxquelles les demandeurs sont confrontés :

[...] la personne qui demande la dispense exceptionnelle fondée sur des considérations d’ordre humanitaire qu’offre la LIPR doit faire la preuve de l’existence réelle ou probable de malheurs ou d’autres considérations d’ordre humanitaire qui sont supérieurs à ceux auxquels sont habituellement confrontées les personnes qui demandent la résidence permanente au Canada.

F.  Conclusion

[88]  Bien que je n’accepte pas la critique générale des demandeurs à l’égard de la décision, à savoir que l’agent a fait preuve dans celle-ci de mépris envers certains éléments et a confondu des choses et que cette décision était nettement inadéquate, j’admets que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant était déraisonnable pour les motifs susmentionnés. Cela est suffisamment grave pour justifier le renvoi de l’affaire pour réexamen.

G.  Réparation concernant la demande de permis de séjour temporaire

[89]  Les demandeurs font valoir que l’agent n’a pas donné suite à leur demande subsidiaire de réparation relative à la demande de permis de séjour temporaire. Le défendeur concède que l’agent n’a pas examiné la demande de permis de séjour temporaire des demandeurs.

[90]  Cette erreur est distincte de celle relative à l’analyse des considérations d’ordre humanitaire effectuée par l’agent. Quoi qu’il en soit, elle peut être examinée dans le cadre du réexamen. À cet égard, il convient de rappeler les conseils du juge Bell exposés dans la décision Mpoyi c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 251 :

[36]  L’agent a eu raison de conclure qu’il n’avait pas l’autorisation d’examiner la demande alternative de PST des demandeurs. Toutefois, son affirmation qu’il fallait déposer une demande distincte de PST constitue une erreur susceptible de contrôle. L’agent aurait dû faire suivre cette demande au décideur approprié au moment où il a refusé la demande des demandeurs d’une résidence permanente au Canada pour des considérations CH. Pour ce motif, et avec le consentement du défendeur, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est accueillie pour ce motif. Je conclus que la décision concernant la demande CH est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire en ce qui concerne cette question est rejetée.

IX.  Certification

[91]  Les parties conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑3941‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour un nouvel examen par un agent différent conformément aux présents motifs.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

  3. L’intitulé de la cause est corrigé afin qu’apparaisse le bon nom du défendeur, soit le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 15e jour de juillet 2020

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3941‑19

 

INTITULÉ :

Seonhee lee alias Younglan LEE ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 février 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 8 avril 2020

 

COMPARUTIONS :

Annie O’Dell

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Melissa Mathieu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Annie O’Dell

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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