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Dossier : IMM‑791‑18

Référence : 2020 CF 499

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2020

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

ESEY HAILEMICAEL TESFAGABER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), à l’encontre de la décision rendue le 30 janvier 2018 [la décision] par un agent des visas [l’agent], au haut‑commissariat du Canada à Nairobi, au Kenya, qui a conclu que le demandeur [Esey] ne répond pas à la définition de membre de la famille et qu’il n’y a pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour l’emporter sur ce fait. Par conséquent, Esey ne satisfait pas aux exigences requises pour obtenir un visa de résident permanent en tant que membre de la famille de son oncle, Yonas Zemicael [Yonas].

[2]  Pour les motifs exposés ci‑après, la présente demande est accueillie.

II.  Contexte factuel

[3]  Esey est un citoyen de l’Érythrée dont les parents biologiques ont été placés en détention par la police érythréenne il y a environ 15 ans, après quoi plus personne n’a jamais réentendu parler d’eux. Ils sont présumés morts.

[4]  Après la disparition des parents d’Esey, Yonas, qui est le frère de la mère d’Esey, a pris ce dernier avec lui. Yonas et son épouse, Zufan, ont élevé Esey comme s’il faisait partie de leur propre famille. Yonas a également pris avec lui le cousin d’Esey, Diamond, dont les parents ont eux aussi été emmenés par la police érythréenne. Outre Esey et Diamond, Yonas et son épouse ont deux enfants biologiques, tous deux plus jeunes qu’Esey et Diamond.

[5]  Yonas a fui l’Érythrée pour se rendre au Canada en novembre 2010 et y a demandé l’asile. Zufan est restée en Érythrée avec les quatre enfants d’âge mineur. Le 15 août 2011, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que Yonas avait qualité de réfugié au sens de la Convention.

[6]  Yonas a présenté une demande de résidence permanente, dont le traitement a débuté le 14 mai 2012. Dans sa demande, il a inclus son épouse et les quatre enfants d’âge mineur. Le 25 juillet 2012, Yonas a obtenu le statut de résident permanent au Canada sur le fondement de la réunification des familles. L’évaluation des membres de la famille n’était pas encore terminée à ce moment‑là.

[7]  En octobre 2016, Zufan et ses deux enfants biologiques ont obtenu la résidence permanente. À l’époque, les responsables des visas ont décidé de dissocier Esey et Diamond des demandes initiales, étant donné qu’aucun des deux n’avait été légalement adopté par Zufan. Selon les notes versées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], de nouveaux dossiers contenant des formulaires et des renseignements mis à jour ont été créés pour chacun d’eux afin de permettre l’examen des motifs d’ordre humanitaire dans leurs dossiers, en tant que personnes à charge de fait.

[8]  Le 19 avril 2016, Yonas a informé les autorités par écrit que Diamond, qu’il décrivait comme son fils adoptif, avait disparu. Son épouse et les membres de sa famille proche n’ont pu obtenir aucune information des autorités érythréennes. Personne ne savait où se trouvait Diamond.

III.  Preuve relative aux motifs d’ordre humanitaire et observations présentées au nom d’Esey

[9]  Selon les notes versées dans le SMGC, avant qu’Esey et Diamond ne soient dissociés de la demande initiale, une lettre relative à l’équité procédurale a été envoyée à l’avocat de Yonas, en date du 23 mai 2014, dans laquelle un agent a exprimé des préoccupations quant à la légalité d’une adoption dans le cas d’Esey et de Diamond.

[10]  Le 21 août 2014, Yonas a répondu en demandant que la demande de résidence permanente soit examinée sur le fondement des motifs d’ordre humanitaire, étant donné qu’il s’agit de membres de la famille de fait. Il a présenté des éléments de preuve et formulé des observations à l’appui de cette demande.

[11]  Dans ses observations, Yonas explique qu’Esey et Diamond :

[12]  À l’époque, Esey et Diamond étaient des adolescents encore à l’école. Dans les observations présentées, il est également indiqué que s’ils devaient être séparés du reste de la famille, cela s’avèrerait traumatisant pour eux et leur causerait d’importantes difficultés sur le plan émotionnel. Ils risqueraient, en outre, d’être enrôlés de force dans l’armée, puisque l’enrôlement est obligatoire entre 18 et 40 ans. Dans le rapport de 2013 du Département d’État des États‑Unis pour l’Érythrée, le service militaire a été décrit comme étant [traduction« prolongé indéfiniment », sans aucune promotion ni augmentation de salaire, sans parler de l’incapacité de quitter légalement le pays. Le service militaire implique de travailler pour le compte du gouvernement et, selon le Département d’État américain, les travaux exigés [traduction« sont souvent difficiles et parfois marqués par la violence physique ».

[13]  Le Département d’État américain a également rapporté qu’en plus de l’enrôlement forcé, le gouvernement érythréen, qui exerce une dictature, a restreint les libertés civiles, telles que les libertés d’expression, de presse, de réunion, d’association et de religion. Une longue liste d’abus sont décrits, allant de meurtres et d’actes de torture à des disparitions pour des motifs politiques et à l’ingérence de l’exécutif dans le système judiciaire. Il y a corruption, absence d’application régulière de la loi et détention préventive excessive, en plus de la violation des droits à la vie privée.

[14]  Dans sa déclaration, Yonas a confirmé avoir pris ses neveux sous sa garde, après que leurs parents eurent été arrêtés et qu’il n’eut pas réussi à obtenir de l’information sur l’endroit où ils se trouvaient. Il a affirmé que lorsque les enfants sont venus vivre chez lui au départ, tout le monde pensait que cette mesure serait temporaire, mais avec le temps, il est devenu évident que cela ne serait pas le cas. Les enfants étaient dévastés et traumatisés psychologiquement, mais il a essayé de leur dire que tout irait bien et qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter, parce qu’ils faisaient partie de la famille. Il a donné des exemples d’activités qu’il faisait avec ses neveux, comme jardiner et avoir un chien. Il a déclaré qu’il essayait de les amener à se concentrer sur l’école, en les récompensant pour tout ce qui permettait d’améliorer leurs résultats scolaires. Esey est devenu le premier de sa classe, et les autres enfants ont commencé à rivaliser avec eux pour obtenir de meilleurs résultats et de l’attention.

[15]  Yonas a également déclaré que lui et son père, à savoir le grand‑père d’Esey et de Diamond, ont discuté de l’avenir des enfants et ont convenu qu’il serait préférable pour eux de continuer à vivre avec Yonas et sa famille. Yonas s’est rendu devant le tribunal civil et les a fait enregistrer comme personnes à sa charge.

[16]  Deux frères de Yonas — Dessale et Samiel — ont la citoyenneté canadienne. Ils vivent à Toronto. Ils ont chacun rédigé des lettres de soutien bien senties, axées sur la famille, à l’appui de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[17]  Dessale a expliqué que traditionnellement, lorsque les parents ne peuvent pas prendre soin de leurs enfants, il revient à la sœur ou au frère aîné d’en assumer la responsabilité. Il a affirmé que Yonas avait fait du bon travail pour ce qui est d’élever Esey et Diamond, qui réussissaient très bien à l’école. Il a indiqué que Yonas était un père vaillant et aimant et qu’il était déterminé à continuer d’assumer sa responsabilité.

[18]  Dessale a également indiqué qu’avec Samiel, il a créé un fonds fiduciaire d’urgence de 24 000 $ pour la famille afin de voir à l’éducation et aux bonnes conditions de vie des enfants pendant 2 ans. Dessale était prêt à aider ces derniers dans tous les aspects de leur vie. Il s’est dit préoccupé par le fait que cela serait terrible, s’ils étaient laissés seuls et séparés de leur famille.

[19]  Dans sa lettre, Samiel a indiqué qu’il est le plus jeune membre de la famille. Il s’est bâti une carrière à Toronto, où il a acheté une entreprise, et il attribue le succès de celle‑ci à sa sœur et à ses frères, qui le soutiennent invariablement. Il a précisé que c’était maintenant à son tour d’aider la famille de son frère. À ses yeux également, Esey et Diamond font partie de la famille de Yonas, puisqu’ils vivent ensemble depuis plus d’une décennie. Samiel a décrit Yonas comme [traduction« leur père, leur modèle et leur ami ». Il a également fait observer que si les enfants perdaient Yonas et son épouse, cela serait une [traduction« expérience épouvantable » pour eux, car ils étaient déjà profondément marqués par la perte de leurs parents biologiques. Tout comme Dessale, Samiel a affirmé qu’il les aiderait pour ce qui est de les loger, de voir à leurs études et de faire d’eux de bons résidents canadiens.

[20]  Les autres éléments de preuve documentaire présentés avec la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire comprennent la traduction d’une confirmation de la tutelle confiée à Zufan par Yonas le 16 juillet 2010. Le 7 décembre 2011, une ordonnance a été délivrée par l’État d’Érythrée, dans laquelle Yonas confirme être le père et le tuteur des quatre enfants d’âge mineur, dont les noms figurent tous dans l’ordonnance, accompagnés de leur date de naissance. À la section de l’ordonnance réservée à la décision, il est indiqué que Yonas doit se rendre à l’extérieur du pays et qu’en son absence, il confie à son épouse, Zufan, la tutelle légale des quatre enfants d’âge mineur.

[21]  La preuve comprend la traduction certifiée conforme d’une carte de résident, délivrée le 18 octobre 2006, pour la région de Zoba Maakel. Cette carte comporte le numéro de la famille, ainsi que le numéro d’identification et la date de naissance de Yonas. En plus de mentionner que Yonas est le chef de famille, la carte contient également l’adresse municipale, la date d’émission de la carte et le nom de tous les membres de la famille. Les numéros d’enregistrement et d’identification ainsi que les dates de naissance de Yonas, de Zufan et de chacun des quatre enfants y sont inscrits. La carte originale contient un sceau octogonal. Elle comporte les mêmes dates et autres numéros que ceux figurant dans la traduction.

[22]  Les passeports des enfants étaient nécessaires pour poursuivre le traitement de la demande. Yonas a avisé les autorités que son épouse avait tenté d’obtenir des passeports pour les quatre enfants, mais qu’elle n’avait pas réussi à se les procurer, étant donné qu’elle a été informée, en fin de compte, que l’Érythrée avait suspendu la délivrance de passeports et de visas de sortie pour les citoyens âgés de 5 à 40 ans.

[23]  Zufan n’a pas non plus réussi à obtenir un certificat de police pour Esey, étant donné qu’aucun certificat n’est remis à toute personne qui n’est pas légalement autorisée à obtenir un passeport ou un visa de sortie. La police a refusé de fournir une lettre d’explication.

IV.  Décision faisant l’objet du contrôle

[24]  Dans une lettre datée du 30 janvier 2018, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire d’Esey. Le motif invoqué dans la lettre est que l’agent n’était pas convaincu qu’Esey était un membre de la famille de Yonas.

[25]  L’agent a conclu qu’Esey ne répondait pas à la définition de membre de la famille, énoncée au paragraphe 1(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002­227 [le RIPR]. Cette décision s’appuie sur la conclusion de l’agent selon laquelle Esey n’est pas un « enfant à charge », au sens de l’article 2 du RIPR, étant donné que Yonas ne l’a pas légalement adopté.

[26]  Les autres motifs de la décision sont énoncés dans les notes versées dans le dossier sous‑jacent dans le SMGC. Les notes doivent être examinées par la cour de révision : Song c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 72, au par. 18.

[27]  Les notes versées dans le SMGC le 30 janvier 2018 commencent en indiquant qu’une lettre de refus doit être communiquée et qu’une copie doit être envoyée à Yonas, qui est désigné à l’aide des lettres [traduction] « CDF » — qui signifient « chef de famille » —, au Canada. Les commentaires plus détaillés qui suivent expliquent les motifs de la lettre de refus, qui sont tous indiqués en lettres majuscules :

[traduction]
EXAMEN DE L’AGENT – L’IP [IMMIGRANT PRINCIPAL] EST DÉSIGNÉ COMME LE FILS ADOPTIF – TOUTEFOIS, AUCUNE MESURE LÉGALE N’A ÉTÉ PRISE POUR ADOPTER L’IP – AUCUN DOCUMENT JURIDIQUE NE CONFÈRE LE RÔLE DE TUTEUR AU CDF/RÉPONDANT – PAR CONSÉQUENT, L’IP NE RÉPOND PAS À LA DÉFINITION D’ENFANT À CHARGE – UNE DEMANDE FONDÉE SUR DES MOTIFS D’ORDRE HUMANITAIRE A ÉTÉ DÉPOSÉE – UN CERTAIN NOMBRE DE DÉCLARATIONS PORTENT SUR LA SITUATION DE L’IP EN ÉRYTHRÉE ET L’INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE CE DERNIER – LE PROBLÈME EST QU’IL NE S’AGIT LÀ QUE DE SIMPLES DÉCLARATIONS – AUCUNE PREUVE DOCUMENTAIRE N’A ÉTÉ PRÉSENTÉE – BIEN QU’IL SOIT MAINTENANT ADULTE, IL ÉTAIT ENCORE MINEUR À LA DATE DÉTERMINANTE – COMPTE TENU DE L’ABSENCE DE PREUVE, IL EST DIFFICILE DE DÉTERMINER L’INTÉRÊT SUPÉRIEUR – IL N’Y A AUCUNE PREUVE OBJECTIVE QUANT À SES CONDITIONS DE VIE ACTUELLES – IL N’Y A AUCUNE PREUVE OBJECTIVE DU LIEN QUI L’UNIT AU CDF/RÉPONDANT – JE SUIS D’ACCORD POUR DIRE QUE LES CONDITIONS EN ÉRYTHRÉE SONT DIFFICILES POUR TOUS CEUX QUI Y VIVENT – TOUTEFOIS, IL N’Y A AUCUNE PREUVE OBJECTIVE DE LA FAÇON DONT CELA AFFECTE L’IP, PLUS PARTICULIÈREMENT – POUR LES RAISONS QUI PRÉCÈDENT, JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LES MOTIFS D’ORDRE HUMANITAIRE SONT SUFFISANTS POUR L’EMPORTER SUR LE FAIT QUE L’IP N’EST PAS UNE PERSONNE À CHARGE – DEMANDE REFUSÉE.

V.  Question en litige et norme de contrôle

[28]  Le demandeur soutient qu’il y a plusieurs questions litiges. À mon avis, toutes les questions visent à déterminer si la décision est raisonnable.

[29]  Des questions comme celles de savoir si l’agent a ignoré des éléments de preuve, a commis une erreur dans l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant ou a omis d’appliquer le critère relatif aux motifs d’ordre humanitaire, ou encore si les motifs qu’il a invoqués sont insuffisants, convergent toutes vers un même point, à savoir déterminer si la décision est raisonnable.

[30]  La présente demande a été entendue avant que la Cour suprême du Canada ne rende sa décision dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], dans laquelle elle a réitéré la façon dont une cour de révision doit procéder au contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[31]  Il est maintenant clairement indiqué que, lors du contrôle judiciaire d’une décision administrative sur le fond, la norme de contrôle applicable est, par présomption, celle de la décision raisonnable, sous réserve de certaines exceptions, qui ne s’appliquent pas aux faits de l’espèce : Vavilov, aux par. 23 et 33.

[32]  La présente demande a été instruite en partant du principe que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable. Bien que les principes énoncés dans l’arrêt Vavilov s’appliquent maintenant à la présente demande, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir d’autres observations des parties, puisque le résultat serait le même en appliquant le cadre d’analyse établi avant Vavilov dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], et la jurisprudence qui en découle.

VI.  Dispositions législatives

[33]  Les dispositions législatives sur lesquelles l’agent s’est appuyé donnent les définitions de membre de la famille et d’enfant à charge. Ces définitions se trouvent au paragraphe 1(3) et à l’article 2 du RIPR :

Définitions et interprétation

Définitions

1 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la Loi et au présent règlement

[ . . . ]

Définition de membre de la famille

(3) Pour l’application de la Loi — exception faite de l’article 12 et de l’alinéa 38(2)d) — et du présent règlement — exception faite de l’alinéa 7.1(3)a) et des articles 159.1 et 159.5 —, membre de la famille, à l’égard d’une personne, s’entend de :

a) son époux ou conjoint de fait;

b) tout enfant qui est à sa charge ou à la charge de son époux ou conjoint de fait;

c) l’enfant à charge d’un enfant à charge visé à l’alinéa b).

Définitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

[ . . . ]

enfant à charge L’enfant qui :

a) d’une part, par rapport à l’un de ses parents :

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

(i) il est âgé de moins de vingt‑deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

(ii) il est âgé de vingt‑deux ans ou plus et n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents depuis le moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans, et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental. (dependent child)

 


Interpretation

Definitions

1 (1) The definitions in this subsection apply in the Act and in these Regulations.

[ . . . ]

Definition of family member

(3) For the purposes of the Act, other than section 12 and paragraph 38(2)(d), and for the purposes of these Regulations, other than paragraph 7.1(3)(a) and sections 159.1 and 159.5, family member in respect of a person means

(a) the spouse or common‑law partner of the person;

(b) a dependent child of the person or of the person’s spouse or common‑law partner; and

(c) a dependent child of a dependent child referred to in paragraph (b).

Interpretation

2 The definitions in this section apply in these Regulations.

[ . . . ]

dependent child, in respect of a parent, means a child who

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common‑law partner of the parent, or

(ii) is the adopted child of the parent; and

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

(i) is less than 22 years of age and is not a spouse or common‑law partner, or

(ii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before attaining the age of 22 years and is unable to be financially self‑supporting due to a physical or mental condition. (enfant à charge)

VII.  Analyse

[34]  L’arrêt Vavilov n’a pas modifié l’objectif de la jurisprudence antérieure, comme l’arrêt Dunsmuir. L’exigence bien connue en droit administratif selon laquelle les motifs du tribunal doivent démontrer qu’une décision est transparente, intelligible et justifiée demeure applicable et appropriée : Vavilov, au par. 15.

A.  N’est pas un membre de la famille

[35]  Dans la demande initiale visant à obtenir la résidence permanente pour tous les membres de sa famille, Yonas a déclaré qu’il n’a pas légalement adopté Esey ou Diamond. Compte tenu de cette déclaration, l’agent a conclu, à juste titre, qu’Esey ne répondait pas à la définition de membre de la famille.

B.  Tutelle

[36]  Dans une conclusion étroitement liée à celle qui précède, l’agent a ensuite déclaré [TRADUCTION] qu’« aucun document juridique ne confère le rôle de tuteur au CDF/répondant ». Toutefois, le dossier certifié du tribunal (le DCT) contient une copie de l’ordonnance du tribunal érythréen confirmant que Yonas, en tant que tuteur légal, a confié la tutelle à son épouse, Zufan, pendant son voyage à l’extérieur de l’Érythrée.

[37]  La traduction certifiée conforme de ce qui semble être une ordonnance du tribunal est un document juridique. Celle‑ci contient une déclaration selon laquelle Yonas est le père et le tuteur de tous les enfants d’âge mineur. Même s’il était loisible à l’agent de critiquer ou de contester l’ordonnance, il n’était pas raisonnable de sa part de dire qu’il n’y avait aucun document juridique qui [traduction« confère » la tutelle à Yonas, sans examiner l’ordonnance qui, à première vue, confirme le statut de tuteur déjà existant.

[38]  Une entrée dans les notes versées dans le SMGC a été créée par AK05029 le 27 août 2014. Il y est indiqué que, dans sa demande de visa de voyage, Yonas a déclaré ses deux neveux, mais qu’il n’a pas précisé à ce moment‑là qu’il les avait adoptés. Juste en dessous de cette référence se trouve une note entrée par AN05036 le 23 mai 2014 concernant l’examen de la demande générale à Nairobi. Cette note est des plus intéressantes :

[traduction]
Deux documents de tutelle de la 3e zone judiciaire centrale de l’État d’Érythrée ont été présentés pour [Diamond et Esey].
Des traductions en anglais de ces documents ont été produites. Le document de tutelle daté du 05‑08‑2004 concerne Diamond [le reste a été omis puisqu’il n’est pas pertinent dans le cas d’Esey]. Le document de tutelle daté du 05‑10‑2005, qui concerne Esey, indique que ses parents ont vécu à Asmara jusqu’en août 2001, mais que depuis quatre ans, il n’y a aucun moyen de communiquer avec eux; Esey a maintenant besoin d’un tuteur légal et comme il vit depuis lors avec le CDF, ce dernier a été désigné pour être son tuteur. Selon les copies des certificats de naissance de Diamond et d’Esey dans le dossier, il semble que leurs mères Nazriet Fessehazion et Senait Fessehazion soient les sœurs du CDF (elles apparaissent sur de vieilles photographies au dossier en compagnie des enfants et du demandeur principal).

[39]  Cette entrée se termine ensuite en mentionnant qu’il ressort des documents de tutelle et des renseignements contenus dans le dossier que les parents sont toujours en vie; les enfants n’ont pas été adoptés et ne sont pas les enfants biologiques du CDF. C’est pour cette raison qu’il a été établi que Diamond et Esey n’étaient pas des personnes à charge et qu’ils ont été retirés de la demande.

[40]  Malheureusement, la documentation susmentionnée ne se trouve pas dans le DCT. Seule la note versée dans le SMGC a été portée devant la Cour. Aucun des deux documents de tutelle ne figure dans le DCT, pas plus que les copies des certificats de naissance ou les photos montrant les deux enfants, leurs mères et Yonas ensemble.

[41]  À première vue, la conclusion formulée dans cette note selon laquelle les parents doivent être encore vivants est curieuse. Il est indiqué qu’une fois que les parents eurent quitté Asmara en août 2001, il n’y avait aucun moyen de communiquer avec eux. L’ordonnance de tutelle dans le cas d’Esey a été rendue en 2005. Il semble que l’agent AK05029 ait conclu que, puisque Yonas avait été nommé comme tuteur légal, les parents devaient l’avoir désigné pour ce rôle. Cela n’est pas forcément le cas en droit; la note n’indique pas clairement non plus si tel était le raisonnement de l’agent.

[42]  À tout le moins, la note contredit deux conclusions importantes de l’agent qui a rendu la décision.

[43]  La première conclusion est [traduction] qu’« il n’y a aucune preuve objective du lien qui l’unit [Esey] au CDF/répondant ». Les certificats de naissance et les photos des mères, en compagnie de Yonas et des enfants, sont des preuves objectives du contraire.

[44]  La deuxième conclusion est [traduction] qu’« aucun document juridique ne confère le rôle de tuteur au CDF/répondant ». Il semble qu’il existe deux documents juridiques du genre, un pour chaque enfant. En outre, l’exposé des faits tiré de l’ordonnance du tribunal érythréen indique que Yonas a nommé Zufan comme tutrice des enfants en son absence.

[45]  L’agent a commis une erreur en omettant d’admettre et de concilier les éléments de preuve contenus dans les notes versées dans le SMGC, qui contredisent les motifs de la décision.

VIII.  Conclusion

[46]  Après avoir conclu que Yonas n’était pas le tuteur légal, l’agent a tiré la conclusion qu’Esey ne répondait pas à la définition d’enfant à charge.

[47]  Il n’est pas nécessaire d’examiner de façon approfondie les autres questions soulevées par les demandeurs. L’agent a fait remarquer qu’une [traduction] « demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire » a été présentée, mais il n’a pas admis ou examiné les éléments de preuve produits à l’appui des nombreux facteurs d’ordre humanitaire invoqués pour justifier l’octroi de la demande. L’agent n’a pas accepté comme preuve les lettres qui lui ont été présentées. Ces dernières ont été rejetées du fait qu’il s’agissait de [traduction« déclarations » non étayées par une preuve documentaire. En outre, aucune analyse n’a été faite de l’intérêt supérieur d’Esey qui, à la date déterminante, était encore mineur.

[48]  Compte tenu de l’analyse déficiente de la preuve, l’issue de l’affaire repose, en fait, sur la conclusion selon laquelle Yonas n’était pas le tuteur légal. Tel qu’il a été mentionné précédemment, cette conclusion ne s’appuie sur aucun fondement solide. Le défaut de l’agent de concilier les déclarations contradictoires contenues dans les notes versées dans le SMGC concernant ce fait déterminant rend la décision inintelligible et déraisonnable. Si j’ajoute à cela le fait que les documents n’ont pas été présentés à la Cour pour examen, il m’est impossible de déterminer si l’agent aurait tiré une conclusion différente, eu égard aux motifs d’ordre humanitaire, s’il avait consulté les documents mentionnés dans les notes versées dans le SMGC et qu’il les avait pris en considération.

[49]  Pour tous les motifs qui précèdent, la demande est accueillie, et la décision est annulée et renvoyée pour nouvel examen. Aucune des parties n’a soulevé de question grave à certifier.




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