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Date : 20020124

Dossier : IMM-6391-00

Référence neutre : 2002 CFPI 83

ENTRE :

                                                   BERNADETTE KAPINGA-MUKENAI

                                                                                                                            Partie demanderesse

                                                                                  et

                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

                                                                                                                                Partie défenderesse

                                                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                 La demanderesse attaque une décision de la Section du statut de réfugié (la       « Section du statut » ) en date du 15 novembre 2000, selon laquelle la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]                 La demanderesse, née le 9 décembre 1946, est citoyenne de la République démocratique du Congo. Elle allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison de ses opinions politiques imputées.


[3]                 La Section du statut a rejeté la revendication du statut de réfugié de la demanderesse principalement au motif que cette dernière n'était pas crédible. À la page 2 de ses motifs, la Section du statut s'exprime comme suit:

Après avoir analysé la preuve, tant testimoniale que documentaire, le tribunal conclut que la revendicatrice n'a pas démontré qu'elle craignait avec raison d'être persécutée à cause de ses opinions politiques imputées.

Le tribunal ne croit pas à l'histoire de persécution alléguée par la revendicatrice. Sa crédibilité a été entachée par plusieurs facteurs: omissions et contradictions, dont les exemples que l'on va énoncer ne se veulent pas exhaustifs.

[4]                 Le premier point soulevé par la demanderesse est l'insuffisance des motifs énoncés par la Section du statut. La Section du statut doit, en vertu du paragraphe 69.1(11) de la Loi sur l'immigration, motiver par écrit ses décisions dans les cas suivants:

(a)            la décision est défavorable à l'intéressé, auquel cas la transmission des motifs se fait avec sa notification;

(b)           le ministre ou l'intéressé le demande dans les dix jours suivant la notification, auquel cas la transmission des motifs se fait sans délai.

[5]                 Selon la demanderesse, les motifs de la Section du statut ne lui permettent pas de connaître les motifs véritables pour lesquels sa revendication a été rejetée. À mon avis, cet argument doit être rejeté. Dans Mehterian c. MEI (le 17 juin 1992) dossier A-717-90, la Cour d'appel fédérale s'exprimait comme suit concernant le paragraphe 69.1(11) de la Loi sur l'immigration:


Le paragraphe 69.1(11) de la loi sur l'immigration, L.R. 1985, ch. 12, impose à la Section du statut l'obligation de "motiver par écrit" toute décision défavorable à l'intéressé. Pour satisfaire à cette obligation, il faut que les motifs soient suffisamment clairs, précis et intelligibles pour permettre à l'intéressé de connaître pourquoi sa revendication a échoué et de juger s'il y a lieu, le cas échéant, de demander la permission d'en appeler.

[6]                 Après lecture des motifs de la Section du statut, je ne peux que conclure à la suffisance de ces motifs. En d'autres mots, les motifs énoncés par la Section du statut sont « suffisamment clairs, précis et intelligibles » pour que la demanderesse puisse comprendre pourquoi sa revendication a été rejetée et de décider de l'opportunité de demander la permission de cette Cour pour déposer une demande de contrôle judiciaire.

[7]                 À savoir si les motifs énoncés par la Section du statut comportent une ou plusieurs erreurs qui justifient une intervention de cette Cour, cela est une question à laquelle je vais maintenant m'adresser.


[8]                 La demanderesse reproche, en premier lieu, à la Section du statut d'avoir conclu que l'omission d'indiquer, en réponse à la question 37 de son Formulaire de renseignements personnels ( « FRP » ), le nom du commandant militaire qui l'aurait menacé en raison de la plainte qu'elle aurait déposée suite au pillage et saccage de deux de ses dépôts en novembre 1998, constituait une omission importante et, par conséquent, minait sa crédibilité. Selon la Section du statut, il était difficile de croire que la demanderesse, qui avait témoigné lors de l'audience que le commandant s'appelait Munongo, avait omis de mentionner ce nom dans son FRP. Comme explication, la demanderesse a témoigné qu'elle n'avait pas indiqué ce nom dans son FRP parce qu'elle ne croyait pas qu'il était nécessaire de divulguer le nom à ce stade. Voici comment la Section du statut a considéré cette explication:

Le tribunal a rejeté cette explication insatisfaisante, car nous estimons qu'il s'agit de l'omission d'un fait important et pertinent, puisqu'il concerne le principal présumé agent persécuteur dont la revendicatrice a allégué craindre, advenant un retour dans son pays. Cette importante omission touche au coeur même de la revendication, car elle aurait connu le nom de son présumé agent persécuteur. [...]

[9]                 À mon avis, la conclusion de la Section du statut n'est nullement déraisonnable. Il est à noter que le commandant Munongo s'est aussi impliqué dans l'arrestation de la demanderesse en octobre 1999, suite à la location de ses terres de Ngiri-Ngiri à certains membres de l'UDPS. Eu égard à toute la preuve, l'omission du nom du commandant Munongo ne peut être considérée comme un fait banal ne justifiant pas la conclusion de la Section du statut. Il va sans dire que cette seule omission n'était pas suffisante pour justifier le rejet de la revendication de la demanderesse.

[10]            La demanderesse reproche aussi à la Section du statut sa conclusion concernant une autre omission dans sa réponse à la question 37 de son FRP. Aux pages 2 et 3 de sa décision, la Section du statut s'exprime comme suit:


Le tribunal a constaté également une autre importante omission dans sa réponse à la question 37 de son FRP. En effet, la revendicatrice a omis d'indiquer, en relatant le présumé incident du 25 avril 200 où trois personnes en civil seraient venues à son dépôt de Bandal pur lui exiger de l'argent, que sa voisine, une amie, aurait été présente avec elle à ce moment-là et qu'elle lui aurait dit le lendemain qu'il s'agissait des mêmes personnes qui étaient venues la veille pour l'extorquer, qui auraient pillé son dépôt et qui auraient été à sa recherche, le 26 avril 2000. Questionnée à ce sujet, la revendicatrice a répondu que le français n'était pas sa langue. Le tribunal n'a pas retenu cette explication insatisfaisante, car à la lecture de sa réponse à la question 37 de son FRP, nous ne pouvions nullement soupçonner qu'il s'agissait des mêmes individus qui lui auraient exigé de l'argent le 27 avril 2000 en présence d'une voisine (amie), et qui auraient pillé son dépôt et auraient été à sa recherche le lendemain: [...]

[11]            Encore une fois, à mon avis, la conclusion de la Section du statut n'est nullement déraisonnable. Je ne peux faire mieux que de reproduire, et de faire miens, les arguments du défendeur que l'on retrouve aux paragraphes 18 à 21 de son mémoire:

18.           En définitive, la section du statut reproche à la demanderesse de ne pas avoir indiqué, dans son FRP, que les solliciteurs d'argent du 27 avril 2000 étaient aussi les pilleurs du 26 avril 2000.

19.           Confrontée lors de l'audition, la demanderesse a indiqué que le français « n'était pas sa langue » . La section du statut a conclu que cette explication étaient insatisfaisante, et qu'à la lecture du FRP, il était impossible de soupçonner que les mêmes personnes étaient impliquées dans la sollicitation d'argent et dans le pillage du dépôt (motifs de la décision, page 3; hui premières lignes).

20.           La section du statut a conclu qu'il s'agissait là d'un fait important qui devait être consigné à la question 37 du FRP.

21.           Le défendeur fait valoir que dans la mesure où la demanderesse a quitté la République démocratique du Congo moins d'un mois après cet incident, les circonstances entourant le pillage du dépôt constituent un événement important dans le cadre de sa revendication. De ce fait, il était loisible pour les membres de souligner l'imprécision du récit à cet égard dans la question 37.


[12]            Le troisième point soulevé par la demanderesse concerne la pièce P-4, à savoir un document intitulé « Immatriculation au Nouveau Registre du Commerce » . Ce document, daté le 27 décembre 1979, indique que le siège du principal établissement de la demanderesse était au numéro 79, rue Pala-Pala, dans la localité de Bandalungwa à Kinshasa. Le document indique aussi que la demanderesse opère son commerce à d'autres endroits, à savoir le centre commercial du Kasaï-Oriental dans la région de Mbuji-Mayi, et au centre commercial de Shaba dans la région de Lubumbashi.

[13]            La Section du statut, ayant noté que les adresses des commerces indiquées dans le FRP de la demanderesse n'apparaissaient nullement à la pièce P-4, a conclu à l'existence d'incompatibilités ou de contradictions qui minaient la crédibilité de la demanderesse. Aux pages 3 et 4 de sa décision, la Section du statut écrit ce qui suit:

Le tribunal a également constaté des incompatibilités ou des contradictions entre la réponse à la question 37 du FRP de la revendicatrice et certains documents déposés en preuve au soutien de sa revendication, soit la pièce P-4. En effet, selon son FRP, elle aurait mis sur pied pour son compte un commerce de vente de boissons et de produits alimentaires avec le siège social situé dans la commune de Bandalugwa [sic], elle aurait aussi ouvert trois autres dépôts dans trois communes différentes, soit celles de Mont-Ngafula, Ngiri-Ngiri et Kasa-Vubu. Or, la pièce P-4, soit l'Immatriculation au Nouveau Registre du Commerce, indique le siège du principal établissement est bien sur la rue de Pala-Pala, no 79 dans la zone de Bandalungwa à Kinshasa, et que les autres succursales sont au Central commercial du Kasaï-Oriental dans la région de Mbuji-Mayi et au Centre commercial de Shaba dans la région de Lubumbashi. Elle ne fait aucune mention des trois dépôts indiqués dans le FRP.

Confrontée à ce sujet, la revendicatrice dit que les dépôts dans les communes de Mont-Ngafula, Ngiri-Ngiri et Kasa-Vubu étant situés dans la région de Kinshasa, étaient considérés comme inclus au principal établissement dans la zone de Bandalungwa, ce qui l'aurait autorisée d'opérer dans la région de Kinshasa. En ce qui concernant les deux succursales mentionnées dans le document de l'Immatriculation au Nouveau Registre du Commerce, elle a répondu que cela signifiait qu'il lui était permis de vendre dans ces régions.

Le tribunal a rejeté ces explications insatisfaisantes, car la pièce P-4, l'immatriculation fait une distinction très claire entre le siège et l'adresse du principal établissement, et le siège et l'adresse des succursales, agences, siège d'exploitation, distincts du principal établissement. Par conséquent, ces incompatibilités ou contradictions ont miné sa crédibilité.

[14]            La conclusion de la Section du statut relativement à l'existence de contradictions ou d'incompatibilités n'est certainement pas déraisonnable. La Section du statut pouvait raisonnablement conclure que l'explication apportée par la demanderesse n'était pas satisfaisante.

[15]            La demanderesse conteste aussi la conclusion de la Section du statut concernant son attestation de naissance. La demanderesse a témoigné, lors de l'audience, qu'un de ses enfants lui avait transmis l'attestation de naissance au mois de juin 2000. Par ailleurs, la preuve a aussi révélé que l'attestation de naissance de la demanderesse avait été saisie par Immigration Canada lors de son arrivée au pays le 26 mai 2000 (pièce P-6). Lorsque confrontée à cette contradiction, la demanderesse a témoigné comme suit aux pages 83, 84 et 85 de la transcription du 20 octobre 2000:

PAR LE CONSEILLER (s'adressant à la revendicatrice)

Q.            Le 26 mai 2000, vous êtes allée à Immigration Canada. C'est exact? Êtes-vous allée à Immigration Canada le 26 mai 2000?

R.            Oui.

Q.            Quand vous êtes allée le 26 mai 2000 à Immigration Canada, vous êtes allée avec l'original de votre attestation de naissance. Êtes-vous allée avec l'original de votre attestation de naissance?

R.            Comme toutes les démarches que j'ait faits, là, c'est... il y a toujours quelqu'un qui m'accompagne pour les faire, moi je suis là juste pour signer, je pense j'ai amené ça.

Q.            O.K. Le... le 26 mai 2000, Immigration Canada vous a remis ce papier. Est-ce qu'on vous a remis ce papier avec une copie de votre attestation de naissance? On vous a donné ça à? Immigration Canada vous a donné?

R.            Tous mes documents se trouvent toujours dans... dans le même fichier, je pense que c'est... c'est exact.


Q.            Donc, vous... c'est vous qui êtes allée avec ce document à Immigration? C'est vous qui leur avez donné ou bien c'est... c'est vous qui avec donné ce document à Immigration Canada?

R.            Ça se voit que j'ai... je l'ai déposé, je l'ai amené, ça se voit là.

Q.            Bon, parfait. Votre... votre enfant, il vous a envoyé quoi comme document au mois de... votre enfant, qu'est-ce qu'il vous a envoyé comme document, Madame?

R.            Moi, je croyais qu'il m'avait envoyé la... le registre de commerce et l'attestation, mais je savais pas que j'avais l'attestation bien avant.

Q.            Mais le registre de commerce et l'attestation de quoi? De quoi vous voulez parlez?

R.            De naissance.

Q.            O.K. Donc, votre enfant il vous aurait envoyé trois documents?

R.            Um-hum.

-              Mais c'est impossible, Madame.

R.            Je pense, je pense que...

-              O.K.

R.            ... je pense qu'il m'avait envoyé peut-être ça avant et d'autre après et là je me... j'ai pas l'ordre des envois des choses, là. Je crois que moi j'avais demandé une carte d'identité, puis lui il m'avait envoyé attestation de naissance.

[16]            La Section du statut a conclu que l'explication de la demanderesse n'était pas satisfaisante. À la page 4 de ses motifs, la Section du statut fait les remarques suivantes:

Le tribunal n'a pas retenu cette réponse insatisfaisante qui n'a pas dissipé la contradiction soulevée et nous sommes d'avis que la revendicatrice a tenté de reprendre son témoignage devant l'évidence avec laquelle elle a été confrontée.

[17]            Par conséquent, je ne peux accepter l'argument de la demanderesse selon lequel il « ne s'agit pas d'une contradiction sérieuse, susceptible d'entacher sa crédibilité » . À mon avis, la contradiction notée par la Section du statut était de nature telle à être considérée par la Section du statut dans sa détermination de la crédibilité de la demanderesse.

[18]            La prochaine conclusion de la Section du statut contestée par la demanderesse est la suivante:

[...] De plus, elle a témoigné dans un premier temps à l'effet qu'elle avait rencontré le commandant Munongo à trois reprises. Questionnée à nouveau à ce sujet, elle a répondu cette fois qu'elle l'aurait rencontré à une quatrième occasion, soit vers le 15 octobre 1999, lorsque des militaires seraient venus l'arrêter en raison du fait qu'elle aurait loué sa parcelle de Ngiri-Ngiri aux membres de l'UDPS.

[19]            Selon la demanderesse, la Section du statut a complètement ignoré son explication, à savoir qu'elle s'était trompée de bonne foi lorsqu'elle avait affirmé qu'elle n'avait rencontré le commandant Munongo qu'à trois reprises.


[20]            Je suis d'accord avec l'argument mis de l'avant par Me Latulippe, le procureur du défendeur, lorsqu'il affirme que la difficulté n'est pas le nombre de rencontres entre la demanderesse et le commandant Munongo, mais plutôt le fait que la demanderesse a relaté une nouvelle rencontre avec ce dernier, à savoir lors de son arrestation du 15 octobre 1999. Selon Me Latulippe, c'est le « [...] défaut de mentionner cette rencontre lorsque interrogée une première fois qui a miné à la crédibilité de la demanderesse » . Donc, la demanderesse ne m'a pas convaincu que la Section du statut a commis une erreur en concluant comme elle l'a fait.

[21]            Une autre conclusion de la Section du statut contestée par la demanderesse est celle relative à son arrestation d'octobre 1999 parce qu'elle aurait loué une parcelle de terre de Ngiri-Ngiri à des membres de l'UDPS. À la page 4 de ses motifs, la Section du statut écrit ce qui suit:

Le tribunal n'accorde non plus aucune crédibilité aux allégations de la revendicatrice à l'effet qu'elle aurait été arrêtée en octobre 1999 en raison en raison du fait qu'elle aurait loué sa parcelle de Ngiri-Ngiri aux membres de l'UDPS. Questionnée à ce sujet, la revendicatrice a répondu que malgré que les activités politiques auraient été interdites à cette époque par l'État, elle aurait loué quand même sa parcelle à l'UDPS, car elle aurait eu besoin d'argent et qu'elle ne pensait pas qu'elle aurait des problèmes avec l'État en louant sa propriété, car elle-même ne se réunissait pas avec les gens de l'UDPS.

Le tribunal n'a pas retenu ces explications insatisfaisantes, car nous estimons invraisemblable que la revendicatrice, sachant que les activités politiques étaient interdites par l'État, aurait tout de même loué sa parcelle de Ngiri-Ngiri aux membres de l'UDPS afin qu'ils y tiennent des réunions, malgré qu'elle aurait éprouvé beaucoup de difficultés avec le commandant Munongo et ses militaires, de novembre 1998 au 30 mars 1999, en raison du fait qu'elle aurait été accusée de complicité avec les rebelles et de diffamation à l'endroit d'un représentant de la loi et du gouvernement. Nous sommes d'avis que ces faits sont une pure fabrication pour les fins de la revendication.

[22]            L'explication de la demanderesse est fort simple. Elle déclare qu'elle ne croyait pas avoir de problèmes en louant une parcelle de terre à des membres de l'UDPS, même si ces derniers devaient se faire prendre par les autorités à tenir des réunions interdites dans les lieux loués.

[23]            Compte tenu de la preuve au dossier et, plus particulièrement, du fait que la demanderesse avait eu des difficultés avec le commandant Munongo et certains autres militaires, et qu'elle avait été accusée de complicité avec les rebelles en mars 1999, la Section du statut a rejeté l'explication de la demanderesse. La demanderesse ne m'a pas convaincu que cette conclusion était déraisonnable.

[24]            Le dernier point soulevé par la demanderesse est celui concernant la conclusion de la Section du statut quant à sa crainte subjective. Spécifiquement, la Section du statut a considéré, de façon négative, le fait que la demanderesse ait séjourné près d'une journée aux États-Unis sans revendiquer le statut de réfugié, et qu'elle ait attendu trois jours après son arrivée au Canada pour réclamer le statut de réfugié. À la page 5 de ses motifs, la Section du statut écrit ce qui suit:

Bien que la revendicatrice ait séjourné près d'une journée aux États-Unis et malgré que son intention en venant au Canada aurait été de revendiquer le statut de réfugié, elle n'a pas demandé le statut de réfugié ni à son arrivée aux États-Unis, ni à son arrivée à la frontière canadienne à Lacolle, le 20 mai 2000. Elle a plutôt attendu le 23 mai 2000 pur le faire, prétextant qu'elle ne savait pas comment faire la demande de refuge et en raison du fait qu'un jeune Africain dont elle aurait fait la connaissance dans l'autobus l'amenant au Canada lui aurait qu'étant donné que c'était samedi, elle allait « beaucoup traîner » , donc qu'il était préférable qu'elle aille avec lui à sa résidence et qu'elle pourrait faire sa demande du statut de réfugié plus tard.

Le tribunal a rejeté ces explications insatisfaisantes et nous estimons que son comportement est incompatible avec celui d'une personne raisonnable alléguant craindre la persécution dans son pays et recherchant la protection internationale.


[25]            À mon avis, le défaut de réclamer le statut de réfugié aux États-Unis et de ne pas le réclamer plus tôt au Canada ne pouvait justifier, en soi, une conclusion négative concernant la crédibilité de la demanderesse. Par ailleurs, je suis d'avis que le délai à revendiquer, ainsi que le défaut de revendiquer aux États-Unis, lorsqu'examinés à la lumière de toute la preuve, constituaient des éléments dont pouvait tenir compte la Section du statut dans son appréciation de la crédibilité de la demanderesse. J'en viens donc à la conclusion que la Section du statut n'a commis aucune erreur en considérant les délais à revendiquer.

[26]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse sera rejetée.

[27]            Me Doyon, pour la demanderesse, me demande de certifier la question suivante:

Est-ce qu'une décision de la CISR portant sur la crédibilité est suffisamment motivée lorsqu'elle allègue être fondée sur des contradictions existantes mais qui ne sont pas divulguées au revendicateur?

[28]            Me Latulippe, pour le défendeur, s'oppose à la certification de la question. À mon avis, la question proposée ne mérite pas d'être certifiée. Dans Mehterian, supra, la Cour d'appel fédérale a énoncée que les motifs de la Section du statut devaient permettre à un revendicateur de savoir pourquoi sa revendication avait échouée et devaient lui permettre de décider de l'opportunité de déposer une demande de permission devant cette Cour.

[29]            À mon avis, les motifs énoncés par la Section du statut en l'instance rencontrent ce critère. Les motifs sont, à mon avis, « suffisamment clairs, précis et intelligibles » . À mon avis, la Section du statut n'a aucune obligation d'énoncer toutes les omissions et contradictions qu'elle a pu noter. Son obligation est d'énoncer de façon claire les omissions et les contradictions qui justifient sa conclusion de non-crédibilité. Comme je l'ai indiqué, les omissions et contradictions notées par la Section du statut en l'instance sont telles à justifier cette conclusion de non-crédibilité.

[30]            La question proposée ne sera donc pas certifiée.

                                                                                               Marc Nadon

                                                                                                             Juge

O T T A W A, Ontario

le 24 janvier 2002


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE LA COUR: IMM-6391-00

INTITULÉ: BERNADETTE KAPINGA-MUKENAI c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE: MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE: 03 OCTOBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON EN DATE DU 24 JANVIER 2002

COMPARUTIONS

ME JOHANNE DOYON POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

ME DANIEL LATULIPPE POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOYON, GUERTIN,

PLAMONDON & MONTBRIAN POUR LA PARTIE DEMANDERESSE MONTRÉAL (QUÉBEC)

M. MORRIS ROSENBERG POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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