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     IMM-4377-968

Entre :

     ZHI TONG YEP et al,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     Je requiers que la version corrigée de la transcription ci-annexée des motifs de l'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 15 juin 1998, soit déposée pour satisfaire aux exigences de l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                                 F.C. Muldoon

                    

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

le 23 juillet 1998

     Date : 19980723

     Dossier : IMM-4377-968

Entre :

     ZHI TONG YEP et al,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (Prononcés à l'audience le 15 juin 1998)

LE JUGE MULDOON

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur le paragraphe 32.1(2) de la Loi sur l'immigration du Canada, d'une décision d'une agente des visas qui a refusé à la demanderesse la résidence permanente au motif qu'elle ne répondait pas à la définition de fille à charge figurant dans le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/70-172.

[2]      La demanderesse réclame une ordonnance annulant la décision, et demande également que l'affaire soit renvoyée à un autre agent des visas pour une nouvelle décision.

[3]      La question dont est saisie la Cour se résume à savoir si l'agente des visas a commis une erreur de droit, ou a manqué d'une quelconque façon à l'équité, ou si elle a jugé du cas de la demanderesse avec des préjugés ou en le rejetant du revers de la main.

[4]      La lettre de refus de l'agente des visas dans le dossier B031343826 de l'ambassade canadienne à Beiing est une lettre de deux pages datée du 10 juin 1996.

[5]      Cette lettre reproduit la définition d'un fils ou d'une fille à charge qui figure dans le Règlement sur l'immigration de la façon suivante :

" [...] une personne a) soit qui est âgée de moins de dix-neuf ans et n'est pas mariée, ou b) soit qui est inscrite - et ces mots sont importants - à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et (1) qui y a été inscrite et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses dix-neuf ans, et (2) selon l'agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses dix-neuf ans, ou c) soit qui est entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents et qui (1) selon un médecin agréé, souffre d'une incapacité de nature physique ou mentale - ce n'est pas le cas en l'espèce - et (2) selon l'agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, y compris les renseignements reçus d'un médecin agréé, est incapable de subvenir à ses besoins en raison de cette incapacité ". Il n'y a pas d'incapacité de ce genre en l'espèce.

[6]      L'agente d'immigration, ou l'agente des visas, Susan Barr, a reçu en entrevue simultanément la demanderesse et son frère aîné. Elle indique ce qui suit dans sa lettre de refus :

     [TRADUCTION]         
         Un examen attentif de votre dossier a révélé que vous n'êtes pas une fille (un fils) " à charge " selon la définition du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, étant donné que vous n'êtes pas inscrite à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et que vous n'y suivez pas à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle depuis la date de vos 19 ans.         
         À la conclusion de votre entrevue, je vous ai informée que je n'étais pas convaincue que vous étiez une étudiante à plein temps, étant donné que les documents que vous m'avez remis concernant votre statut d'étudiante ne permettait pas de conclure de façon probante que vous étudiez à plein temps dans une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement depuis la date de vos 19 ans.         
         Comme je ne suis pas convaincue que vous êtes une étudiante authentique à plein temps, selon la définition du Règlement, je conclus que vous n'êtes pas une personne à charge pour les fins de votre demande. J'ai examiné la possibilité que des raisons d'ordre humanitaire s'appliquent à vos cas. Toutefois, je n'en ai pas trouvé qui puissent justifier que des mesures extraordinaires sont prises. "         

[7]      L'agente des visas a ensuite établi sous serment un affidavit à ce sujet, dans lequel elle en a peut-être trop dit. Elle y énonce les éléments dont elle a tenu compte pour conclure que la demanderesse ne respectait pas la définition de fille à charge figurant dans le Règlement, et elle énumère ensuite les éléments qu'elle a pris en compte.

[8]      L'affidavit de Mme Barr se trouve au paragraphe 5 de la page 2 du dossier de l'intimé ; elle y déclare ceci :

     [TRADUCTION]         
         " Selon mon expérience, il est extrêmement peu probable qu'une famille chinoise issue de ce milieu socio-économique [famille de cultivateurs vivant en milieu rural, avec la famille élargie, tous paysans] donne à un de ses enfants la possibilité de faire des études postsecondaires, encore moins à trois d'entre eux, comme on le prétend en l'espèce.         
         En Chine, l'État accorde des subventions pour que les enfants fréquentent l'école jusqu'au milieu du cours secondaire (le cycle moyen). La plupart des enfants des familles non instruites terminent leur cours primaire [six ans] et le cycle moyen du cours secondaire (trois ans) avant de se joindre à la population active.         
         Pour être admis au cycle supérieur du cours secondaire [trois autres années] un élève doit avoir de bonnes notes et réussir un examen d'admission écrit. À la fin du cycle supérieur, il lui faut de nouveau passer un examen et avoir de bonnes notes afin de pouvoir s'inscrire à l'université. "         
         6. " Les étudiants qui ont passé les examens nationaux et qui ont été admis à l'université sont considérés comme des étudiants à plein temps. Ce sont les seuls qui pourront obtenir un diplôme universitaire, et l'État leur trouvera, une fois qu'ils auront terminé avec succès leurs études, un emploi convenable. "         
         7. " Les autres peuvent fréquenter l'université à titre " d'étudiant payant ", mais cette situation est comparable aux étudiants libres au Canada. Ils n'obtiendront jamais de diplôme, et ne seront jamais considérés comme des étudiants à temps complet. Comme ils n'ont pas dès le départ respecté les conditions d'admission à l'université, ils ne sont pas considérés comme des étudiants universitaires. "         

[9]      Finalement, au paragraphe 8, elle en vient à la situation de la demanderesse :

         8. " En l'espèce, la demanderesse n'a terminé que son cycle moyen, et elle s'est ensuite inscrite à une école professionnelle. Cela indique clairement qu'elle ne pouvait s'inscrire au cycle supérieur du cours secondaire. De ce fait, elle ne pouvait pas non plus satisfaire aux conditions voulues pour s'inscrire à temps complet à l'université. "         
         9. " Les élèves qui s'inscrivent à des cours professionnels suivent rarement un autre programme d'études. Toutefois, la demanderesse prétend qu'elle a fait une année préparatoire de cours collégial et qu'ensuite elle a continué ses études à titre d'élève à temps complet. Toutefois, comme elle ne pouvait s'inscrire à l'université comme étudiante à temps complet, elle a dû s'y inscrire comme " étudiante payante ". Étant donné qu'elle ne suit pas de cours de formation générale, théorique ou professionnelle, à mon avis, elle ne satisfait pas à la définition de personne à charge dépassant l'âge limite. "         

[10]      Il y a d'autres paragraphes, mais c'est là l'essentiel de l'affidavit de l'agente des visas.

[11]      Ce qui en ressort tout d'abord, ce sont des généralisations à partir desquelles l'agente des visas a spéculé sur le cas de cette étudiante. L'agente des visas n'est pourtant pas une experte, et elle n'a pas été acceptée par la Cour à ce titre. Et en sa qualité de témoin des faits, ce qu'elle doit être, elle n'a pas fourni de faits. N'aurait-il pas été fantastique, du moins du point de vue de l'intimé, que l'agente des visas annexe un annuaire de l'université de Zhaoguan, qui aurait révélé que la demanderesse se trouve dans la situation où l'a placée l'agente des visas.

[12]      Le Règlement ne précise nulle part qu'une personne ne peut satisfaire à la définition visée si elle est une étudiante payante. D'après les termes utilisés par l'agente des visas, cette expression d'" étudiante payante " est presque péjorative. Mais il n'y a pas de preuve qu'elle soit une étudiante payante, ni qu'aucun autre terme péjoratif puisse lui être appliqué.

[13]      Le Règlement n'exige pas qu'une personne obtienne un diplôme universitaire, mais plutôt que la personne soit inscrite à plein temps à un cours de formation générale, théorique ou professionnelle.

[14]      Personne ne peut affirmer avec certitude que la demanderesse ne pouvait s'inscrire au cycle supérieur du cours secondaire, ou qu'elle ne pouvait pas poursuivre d'études générales au niveau du cycle supérieur, ou qu'elle ne répondait pas aux conditions pour s'inscrire à plein temps à l'université. Il n'est pas manifeste qu'elle ne satisfaisait pas à ces conditions.

[15]      Toutefois, ce qui ressort clairement des documents, c'est qu'elle est inscrite à un cours préuniversitaire, en arts. Comme si cela avait de l'importance, l'agente des visas déclare que les élèves qui s'orientent vers des cours professionnels font rarement d'autres études. Elle ajoute que la demanderesse a toutefois prétendu qu'elle avait poursuivi ses études. Mais, l'agente des visas n'accepte pas ce fait, parce qu'elle doit avoir suivi ses cours à titre d'" étudiante payante ", ce qui est péjoratif pour l'agente des visas.

[16]      Ensuite, l'agente des visas conclut que la demanderesse n'était pas inscrite à des cours de formation générale, théorique ou professionnelle. On peut concéder ce fait. Toutefois, dans la documentation dont la Cour est saisie, et la Cour a accepté et accueilli la requête préliminaire de la part de la demanderesse, étant donné qu'il y avait certains éléments qui révèlent que l'agente des visas a indiqué que la demanderesse fréquentait le collège Zhaoguan, et qu'elle y suivait des cours. Donc, la Cour, d'après la prépondérance de la preuve, note que la demanderesse a déclaré qu'elle avait fourni à l'agente des visas sa carte d'étudiante, et l'avocat de l'intimé, d'une façon tout à fait professionnelle (il n'y a rien à redire ici), a indiqué qu'il n'était pas possible de confirmer ou de nier que la carte d'étudiante avait été fournie à l'agente des visas.

[17]      Toutefois, la carte d'étudiante ne dit pas seulement que la demanderesse s'est inscrite en 1995 et 1996 à deux séminaires, le premier du 26 octobre 1995 au 31 janvier 1996, et le timbre indique " Déjà inscrite ", c'est la meilleure traduction que nous en ayons, et cette traduction n'a pas été contestée.

[18]      En outre, la demanderesse s'est inscrite à un deuxième semestre, du 4 mars 1996 au 31 août 1996. Et le timbre indique de nouveau " Déjà inscrite ".

[19]      Ce qui est plus important au sujet de cette carte d'identité de l'université Zhaoguan, c'est qu'elle révèle que la demanderesse est inscrite au programme collégial des arts. Je pense qu'il s'agit là essentiellement d'un programme de formation générale ; il n'y a aucun doute à ce sujet dans l'esprit de la Cour, et il n'aurait pas dû y en avoir dans l'esprit de l'agente des visas, mais elle ne s'est pas contentée de cela ; elle s'est présentée elle-même comme une experte en la matière.

[20]      Il y a un autre document dont a été saisie l'agente des visas, mais aucune traduction de ce document n'a été fournie dans la demande initiale. Toutefois, la traduction de ce document indique qu'il s'agit d'un certificat de l'université Zhaoguan dans lequel il est aussi indiqué ce qui suit : " Yep, Tong Zhi, sexe féminin, née en 1975, est actuellement inscrite comme étudiante au programme préuniversitaire pour les adultes dans la classe no 6. Le programme est d'une durée d'un an, soit d'octobre 1995 à juin 1996. "

[21]      Au bas du certificat on lit ceci : " La présente est une attestation de ce qui est indiqué ci-dessus ", et il y a ensuite un timbre portant la mention suivante : programme préuniversitaire de l'université Zhaoguan, 27 mai 1996. " Cela indique que la demanderesse était inscrite comme étudiante au programme préuniversitaire.

[22]      De l'avis de la Cour, l'agente des visas a certainement commis une erreur dans la manière dont elle a interprété le Règlement. Il semble que le Règlement ait été totalement respecté en l'espèce, et que la demanderesse était inscrite à plein temps, pour toute une année, au cours préuniversitaire d'octobre 1995 à juin 1996. Et un cours préuniversitaire, selon l'interprétation que la Cour donne de ces mots, doit signifier un cours de formation générale, c'est-à-dire un cours qui prépare l'élève à l'université.

[23]      Ensuite, l'agente des visas a fait plusieurs réflexions extrinsèques ; à quoi menait ce cours, si la demanderesse pouvait être notée aux examens, et si le cours pouvait lui permettre d'obtenir un diplôme. Bien entendu, on peut s'attendre à ce qu'un cours préuniversitaire ne mène pas à un diplôme, en raison de sa nature même, c'est-à-dire un cours qui précède l'inscription à l'université, et que c'est à la fin de ses études universitaires que l'on obtient un diplôme.

[24]      L'avocat de la demanderesse a cité plusieurs causes et a déposé devant la Cour un dossier de jurisprudence.

[25]      L'avocat de la demanderesse fait référence à l'alinéa 16(d) de l'affaire Saggu c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui a été entendue en 1994, et dont le jugement a été rendu en novembre de la même année, où il est dit ceci :

     Lorsque l'agent des visas a l'impression que la preuve présentée par la partie requérante est insuffisante, il peut être tenu de lui donner la chance de modifier cette impression. Le devoir d'équité envers la partie requérante peut comprendre cette obligation. "         

Dans cette affaire, la Cour citait la décision Fong c. Ministre de l'Emploi et de l'immigration (1990) 35 F.T.R. 305, du juge McNair, de même que l'affaire Dahliwal c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1992) Imm. L.R. (2d) 212.

[26]      L'avocat a cité une autre décision de la présente Cour, soit Pathak c. La Banque Royale du Canada, (Cour d'appel fédérale) [1995] 2 C.F. 455. L'avocat de la demanderesse fait référence au paragraphe 10 des motifs du juge Pratte où il est dit ceci :

     " Un jugement intéresse une demande de contrôle judiciaire s'il peut influer sur la manière dont la Cour disposera de la demande. Comme la décision de la Cour ne portera que sur les motifs de contrôle invoqués par l'intimé, la pertinence des documents demandés doit nécessairement être établie en fonction des motifs de contrôle énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance et l'affidavit produits par l'intimé. "         

[27]      L'avocat de la demanderesse cite aussi la décision Friends of the West Country Association c. Ministre des Pêches et Océans, une décision de la présente Cour rendue en 1997. Cette décision fait de nouveau référence à la nécessité que l'organisme de réglementation, c'est-à-dire la personne qui doit prendre la décision, fournisse dès le début les documents nécessaires de sorte que toute personne qui répond à la personne qui prend la décision puisse savoir de quoi il s'agit. Au paragraphe 25 de cette décision, on lit ce qui suit :

     " En vertu de la règle 161.2, une partie requérante peut demander à un tribunal de lui fournir une copie certifiée des pièces qui sont en sa possession, et non en sa possession à elle. La partie requérante doit indiquer de façon précise les pièces demandées qui doivent être pertinentes à la demande de contrôle judiciaire. "         

Les critères prévus dans cet article sont la possession et la pertinence, et bien entendu, c'est la raison pour laquelle la carte d'étudiante est si importante, parce qu'en fait cela peut changer l'issue de l'affaire, compte tenu des lacunes dont font état les motifs de l'agente des visas.

[28]      Finalement, on a cité la décision Zhao Guang Lun c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, prise par le juge Campbell le 9 décembre 1997. Il semble que, dans cette affaire, le demandeur ait eu affaire à la même agente des visas qu'en l'espèce. Au paragraphe 4, le juge Campbell dit ceci :

     "Toutefois, en parvenant à la conclusion que je tire, j'ai l'intention de tenter d'expliquer en certains détails les graves erreurs factuelles qui ont été commises dans le contexte d'un scepticisme prépondérant que Mme Barr a montré à l'égard de M. Lun. J'estime qu'il y a eu en l'espèce une négative prédisposition de la part du décideur qui a injustement influé sur le résultat. "         

Le juge Campbell élabore au paragraphe 10 et fait lui-même certaines généralisations. Toutefois, au paragraphe 11, il précise qu'il pense qu'il y a certains éléments de preuve, c'est-à-dire dans la décision de l'agente des visas, certains éléments de preuve d'un scepticisme qui a une influence négative, parce que l'agente des visas [...] en exprimant ce qu'elle pensait, s'est perdue dans les généralisations et les spéculations.

[29]      Finalement, la Cour doit rappeler un principe très important, en fait l'un des principaux principes énoncés dans la Loi sur l'immigration elle-même, c'est-à-dire le principe de la réunion des familles, qui fait partie de la politique officielle d'immigration du Canada.

[30]      Cela n'aurait pas beaucoup d'importance si la partie qui demande à rejoindre sa famille n'avait aucun fondement pour appuyer sa demande. Mais, en l'espèce, d'après la prépondérance des probabilités, la preuve indique clairement à la Cour que l'agente des visas a commis une erreur de droit, qu'elle a manqué à l'équité, et qu'elle a extrapolé à partir des généralisations qu'elle a elle-même faites, sans être qualifiée comme experte, ce qu'elle n'était pas en l'espèce.

[31]      Donc, pour ces raisons, la Cour estime et déclare que la décision de l'agente des visas en date du 10 juin 1996 ne peut être maintenue, qu'elle doit être infirmée et que la demande doit être renvoyée à un autre agent des visas pour être réexaminée.

[32]      Il faut aussi tenir compte du fait que le temps s'est écoulé. La demanderesse est plus âgée aujourd'hui qu'elle ne l'était à l'époque. Il se peut qu'elle ne soit plus inscrite aux cours appropriés, de sorte que le nouvel agent des visas devra réexaminer l'affaire du même point de vue que le premier des agents des visas en l'espèce. Autrement dit, il ne faut pas que la demanderesse subisse de préjudice du fait de l'écoulement du temps.

[33]      La Cour souhaite ajouter une chose à l'intention du nouvel agent des visas, ne sachant pas si ces lignes directrices sont toujours en vigueur. Mais, dans les lignes directrices, où il est question du traitement des demandes des membres de la catégorie de la famille, ces directives mêmes qui sont jointes à la Pièce A de l'affidavit de Mme Susan Barr, à la Partie 5, Enfants à charge, il est important de noter - et il convient de le souligner pour tous les agents des visas qui examineront cet affidavit pour la deuxième fois - le point 5.4.4, qui est intitulé [TRADUCTION] Communiquez vos doutes au demandeur.

[34]      De même, le prochain agent des visas ne sera pas non plus un expert et il ne devra pas simplement faire des affirmations fondées sur du ouï-dire sans s'appuyer sur les faits. Le nouvel agent des visas devra examiner le cas de la demanderesse, comme l'indiquent les directives : [TRADUCTION] " Vous devez donner au demandeur la possibilité de dissiper vos doutes. Si vous pensez que leurs documents sont faux, ou que les écoles qu'ils ont fréquentées ne sont pas des établissements d'enseignement, dites-leur pourquoi. Vous pouvez le faire au cours de l'entrevue ou par écrit. "

[35]      Il semble qu'en l'espèce l'agente des visas s'en est simplement tenue à ses doutes, ou à ses opinions préconçues, et qu'elle a fondé son refus sur ces doutes et opinions. Donc, cet avertissement sera doublement utile au deuxième agent des visas.

[36]      Les directives précisent qu'il est peut-être inhabituel qu'un demandeur de 19 ans fréquente toujours l'école, et qu'il faut examiner attentivement le contexte culturel et les normes culturelles.

[37]      C'est ce qui ressort de la preuve en l'espèce, mais bien entendu cela ne doit pas empêcher le deuxième agent des visas de suivre ces directives dans son examen des normes culturelles.

[38]      Il est évident que le cas de cette demanderesse est exceptionnel, qu'elle est une aberration dans la catégorie des paysans à laquelle l'agente des visas en l'espèce l'a reléguée à tout jamais, c'est-à-dire qu'elle est une personne exceptionnelle.

[39]      En Amérique du Nord, l'histoire Horatio Alger, qui a commencé par vendre des journaux et qui est devenu un aussi grand capitaliste que J. Pierpont Morgan, est bien connue. C'est le rêve de la société nord-américaine, de croire que quelqu'un puisse, malgré ses origines modestes, s'élever dans l'échelle sociale. On peut penser que dans la très grande population de la Chine, il y a également des personnes qui, issues d'un milieu modeste, souhaitent s'élever dans l'échelle sociale, si on leur en donne la chance, c'est-à-dire une audience équitable.

[40]      Il va sans dire que la demande est accueillie et que l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas. Une ordonnance sera rendue conformément aux présents motifs.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-4377-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          ZHI TONG YEP ET AL. C.
                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 15 JUIN 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

DATE :                      LE 23 JUILLET 1998

ONT COMPARU :

WENDY R. LACK                      POUR LA DEMANDERESSE

GODWIN FRIDAY                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

WENDY R. LACK                      POUR LA DEMANDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

Morris Rosenberg                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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