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Date : 20060511

Dossier : T-1348-01

Référence : 2006 CF 586

Ottawa (Ontario), le 11 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

 

 

ENTRE :

DIMPLEX NORTH AMERICA LTD.

demanderesse

et

 

CFM CORPORATION

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Des simulateurs électriques de foyers et poêles au bois ou au charbon sont sur le marché depuis bien des années, mais, jusqu’à récemment, ils manquaient d’un « effet de flammes » réaliste. Dimplex North America Limited (Dimplex) a mis au point un ensemble de simulation de flammes amélioré et a commercialisé avec succès des foyers et poêles électriques munis de cet ensemble. La firme a obtenu un brevet protégeant son innovation. Dimplex a intenté la présente action contre CFM Corporation (CFM) pour avoir contrefait ce brevet. Je conclus que le brevet est valide, que les produits de CFM constituent une contrefaçon et que la défenderesse est passible de dommages-intérêts ou d'une reddition de compte des profits réalisés par suite de l’utilisation de la technologie de Dimplex.

 

CONTEXTE

 

[2]               La demanderesse, Dimplex North America Limited, est une filiale située à Cambridge, en Ontario, d’un groupe d’entreprises irlandaises appelé « Glen Dimplex ». Dimplex fabrique et vend des foyers et poêles électriques. La défenderesse, CFM Corporation, anciennement CFM Majestic Inc., est également une entreprise ontarienne, dont le siège social se trouve à Mississauga. CFM a été fondée en 1986, et elle fabrique et vend une vaste gamme de produits de nature domestique, y compris des foyers et des barbecues.

 

[3]               Dimplex est propriétaire du brevet canadien 2175442 (le brevet 442 ou brevet Hess) intitulé « Flame Simulating Assembly » (ensemble de simulation de flammes). La demande a été déposée le 30 avril 1996, publiée le 31 octobre 1997, et le brevet a été délivré le 22 décembre 1998, Kristoffer Hess, David Miller MacPherson et Ignazio Gallo étant reconnus à titre de co-inventeurs. Le brevet expirera le 30 avril 2116. Le 1er juillet 1997, Dimplex a obtenu un brevet américain correspondant, le no 5647580 (le brevet 580 ou brevet U.S. Hess). Le brevet américain 4965707 (le brevet 707 ou brevet Butterfield) a été incorporé à titre d’antériorité dans les deux brevets Hess. CFM a fabriqué et vendu au Canada et exporté du Canada afin de vendre, y compris aux États‑Unis, des foyers et poêles électriques dont il est allégué qu’ils contrefont le brevet 442.

 

[4]               La présente action a été introduite par voie de déclaration déposée le 24 juillet 2001 alléguant la contrefaçon et cherchant à obtenir une injonction permanente, des dommages‑intérêts ou une reddition de compte des profits, majorés des intérêts et des frais. Comme Dimplex a allégué que la contrefaçon de CFM a été insouciante ou délibérée, elle réclame aussi des dommages-intérêts majorés, punitifs ou exemplaires.

[5]               Sur consentement, une ordonnance de disjonction a été rendue le 8 janvier 2002. À la suite de cette ordonnance, l’instruction de la présente action était limitée à la détermination des questions de responsabilité et d’admissibilité relatives aux réparations revendiquées, y compris le droit à d’éventuels dommages-intérêts punitifs ou exemplaires ou à des dommages-intérêts majorés. La détermination du montant des dommages-intérêts ou des profits, selon le choix de la demanderesse, fera l’objet d’un renvoi après que tous les appels seront résolus ou que le délai d’appel aura expiré. Si la décision relative aux dommages-intérêts punitifs, exemplaires ou majorés est en faveur de Dimplex, les parties ont convenu que la détermination du montant de ces dommages-intérêts sera renvoyée au tribunal.

 

[6]               Aux États-Unis, CFM a poursuivi en justice Dimplex devant la Cour de district (Nord de l’Illinois) des États-Unis en vue d’obtenir un jugement déclaratoire d'absence de contrefaçon, d'invalidité et d’inexécutabilité en vertu du brevet 580. Dimplex a déposé une demande reconventionnelle en contrefaçon. Les procédures américaines se sont terminées le 8 mars 2005 par un verdict de jury en faveur de Dimplex, y compris une conclusion de contrefaçon délibérée. Une injonction permanente a été prononcée par le président du tribunal le 11 mai 2005. En vertu de la législation américaine visant les brevets (35 U.S.C.A. §  284), le tribunal avait le choix d’envisager une majoration des dommages-intérêts égale à jusqu’à trois fois le montant des dommages-intérêts compensatoires en raison de la conclusion de contrefaçon délibérée. Dimplex a obtenu des dommages-intérêts majorés de 50 %. Le jugement en faveur de Dimplex a été confirmé le 3 mai 2006 par la Cour d’appel de circuit des États-Unis.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[7]               Comme la demande du brevet 442 a été déposée le 30 avril 1996, que le brevet a été publié le 31 octobre 1997 et délivré le 22 décembre 1998, toutes les questions en litige dans ce dossier sont régies par la version actuelle de la Loi sur les brevets, en vigueur depuis le 1er octobre 1996, en raison des dispositions transitoires prévues aux articles 78.4 et 78.5 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[8]               Voici les questions abordées dans la présente instance :

1.         Quelle interprétation devrait être donnée par le tribunal aux revendications du brevet 442?

2.         En vertu de l’interprétation du tribunal, le brevet 442 est-il invalide pour une quelconque des raisons d’antériorité, d’évidence ou d’imprécision?

3.         Si le brevet 442 est valide, les produits de foyers électriques de CFM contrefont-ils le brevet?

4.         Si le brevet est valide et a été contrefait, Dimplex a-t-elle droit à toutes les réparations réclamées?

 

LA PREUVE FACTUELLE

 

[9]               Dimplex s’est appuyée sur les témoignages de M. Martyn Champ, président de Dimplex North America, de M. Kristoffer Hess, vice-président Ingénierie de Dimplex, des productions documentaires et la preuve consignée des interrogatoires préalables de M. Colin Adamson, président et PDG de CFM pendant toute la  période pertinente. CFM s’est appuyée essentiellement sur les contre-interrogatoires des témoins de Dimplex, les preuves documentaires et le témoignage de Donald Jamieson, Directeur – Recherche et développement de CFM.

[10]           MM. Champ et Hess ont témoigné au sujet des faits à l'origine du développement de la technologie des foyers de Dimplex, de la mise sur le marché des produits de la firme et du succès commercial de ces derniers et à la délivrance du brevet 442. De plus, ils ont relaté les faits se rapportant à la contrefaçon alléguée par CFM. À mon avis, c’étaient des témoins crédibles et fiables, et je fonde cette preuve factuelle principalement sur leurs témoignages.

[11]           M. Champ s’est joint à Dimplex à titre de président en décembre 1993, date à laquelle le chiffre d’affaires était d’environ 30 à 31 millions $ par année et correspondait à des produits de chauffage électrique utilitaires à faible marge de profit, tels que des générateurs d’air chaud et des plinthes chauffantes. Le chiffre d’affaires annuel de Dimplex est actuellement de l’ordre de 130 millions $, dont environ 89 % proviennent des foyers électriques et de produits connexes. Jusqu’à son exercice financier 2005, Dimplex a vendu plus de 190 000 foyers électriques au Canada, ainsi que plus de 648 000 unités aux États-Unis. À mon avis, cette augmentation du chiffre d'affaires était surtout attribuable à l’introduction réussie de l’appareil de simulation de flammes décrit dans le brevet 442.

[12]           En 1993, Dimplex faisait face à une baisse des ventes de ses produits de chauffage utilitaires, partiellement à cause d’une hausse du prix de l’électricité et d’une augmentation de l’utilisation du chauffage au gaz naturel. Les ventes stagnaient, et les marges de profit diminuaient. La firme fonctionnait à perte pendant les exercices financiers 1993-1995. M. Champ avait pour mandat de rajeunir l’entreprise et de diversifier la gamme de produits. 

[13]           Depuis de longues années, Glen Dimplex avait vendu des foyers électriques au Royaume‑Uni et en Irlande, où il y avait un marché établi pour ce type de produits. Par l’entremise d’une autre filiale, l’entreprise a tenté, en vain, de vendre des foyers similaires en Amérique du Nord. Il restait en 1994 un stock de quelque 9 000 unités qu’on a demandé à M. Champ de tenter de liquider. Il a réussi à en vendre environ 400 avant d’abandonner le projet et de réexpédier le restant en Irlande pour distribution dans ce pays.

[14]           Ces modèles « Manhattan » faisaient appel à un écran avec une face partiellement réfléchissante et une face diffuse et à des rubans illuminés qui s’agitaient sous l’effet d’un ventilateur. Comme on en a fait la démonstration dans la salle d’audience, le « feu » du modèle Manhattan reluit quelque peu comme un feu de charbon, mais les effets visuels ressemblent peu aux flammes émanant du bois ou du gaz familières aux Nord-Américains.

[15]           M. Champ a pensé qu’un produit différent pourrait avoir du succès dans notre hémisphère si ce produit avait un effet de flammes ressemblant à celui d’un feu de bûches. Il a affecté ses employés au projet, et ceux-ci ont développé un prototype basé sur le modèle Manhattan. Début 1995, M. Champ a embauché M. Kristoffer Hess à titre de vice-président - Ingénierie, en lui donnant comme mandat d’améliorer le prototype. M. Hess est arrivé à Dimplex avec une expérience éprouvée dans le domaine du développement de produits de consommation avec d’autres entreprises, dont Black & Decker.

[16]           M. Hess a commencé son travail en expérimentant des lumières, du scintillant et des guirlandes de Noël, des écrans et du papier cadeau pour tenter d’obtenir un effet de flammes réaliste. Il a fait la démonstration de ces expériences devant le tribunal. L’effet qu’il cherchait à obtenir était celui d’une lumière brillante d’intensité variable et se propageant vers le haut. Pour atteindre ce résultat, il a retenu certains des éléments du modèle Manhattan et du prototype subséquent, notamment l’écran diffus, divulgué dans le brevet Butterfield, et a adopté une tige semblable à celle d’un gril avec des bandes réfléchissantes et désignée élément de scintillement pour réfléchir la lumière à travers l’élément à effet de flammes. Lorsque la tige tournait, l’écran présentait une image de flammes montantes.

[17]           Vers septembre 1995, M. Hess et son équipe avaient un modèle fonctionnel à l’état d’ébauche. Les éléments de base étaient une série d’ampoules au fond projetant une lumière ascendante sur l’élément de scintillement qui était réfléchie à travers l’écran avec une couche diffuse sur l’endos et une face avant partiellement réfléchissante. Devant cet écran se trouve une couche de combustible simulée. L’entreprise a présenté ce prototype à la foire annuelle de l’entreprise Home Hardware à St. Jacob’s, en Ontario, et les représentants étaient encouragés par l’intérêt que suscitait l’appareil parmi les concessionnaires de quincaillerie. On a décidé de passer à la production commerciale et de faire la demande d’un brevet pour protéger l’ensemble de simulation de flammes.

[18]           Environ vingt unités du prototype ont été vendues par l’entremise d’une compagnie d’électricité municipale avant le début de la production commerciale. Environ 4 000 unités de ce produit, le SIA 1400-120, ont été fabriquées. Le produit faisait appel à un tissu noir et à un ventilateur qui agitait le tissu. Comme il a été montré dans la salle d’audience, ce modèle avait un effet de flammes beaucoup plus réaliste que le modèle Manhattan.

[19]           Toutefois, le tissu noir mobile de l’élément à effet de flammes s’effilochait en fonctionnant et coûtait cher à produire. Il a été remplacé par une tôle métallique statique. Le foyer électrique (pièce P-14) que Dimplex a présenté à la Hearth Products Association (maintenant la Hearth Patio and Barbeque Association [HPBA]) en mars 1996 a suscité un intérêt considérable de la part de l’industrie, y compris plus de 600 prospectives de vente, ainsi qu’une attention positive des médias. Dimplex a déposé sa demande de brevet le mois suivant.

[20]           Tel que décrit dans une publication de l’industrie en mai 1996, le foyer Dimplex a créé « l’illusion ultime ». Les flammes étaient plus brillantes et s’approchaient plus de la couleur des flammes d’un feu de bois réel. Les flammes semblaient venir de l’intérieur des bûches. Cela était dû à la réflexion de l’ensemble de bûches, en fait la moitié d’un ensemble de bûches, sur l’écran partiellement réfléchissant, ce qui donnait une impression de profondeur. Les flammes semblaient se propager vers le haut et non se balancer simplement comme dans le modèle Manhattan faisant appel à l’ensemble de Butterfield.

[21]           Sans disposer au départ d’une véritable équipe de vente, Dimplex a réussi à vendre environ 1 000 unités DIA jusqu’à la fin de 1996. Mis en exposition sur le marché compétitif britannique, le produit a remporté des prix dans les catégories « meilleure apparence » et « meilleur de sa catégorie ». Il ressort de la preuve que Dimplex avait développé un nouveau produit attrayant qui était un succès commercial.

[22]           En janvier 1997, à la foire de la National Association of Home Builders (NAHB) tenue à Houston, au Texas, Dimplex a présenté le foyer électrique modèle DIA 1500-120 sous la marque « Symphony ». CFM n’avait pas de produit compétitif en exposition à cette foire, mais son PDG, Colin Adamson, y assistait et a passé un certain temps à observer les passants devant le stand de Dimplex.

[23]           Peu après la foire de Houston, M. Adamson est allé en Irlande dans le but d’acheter Dimplex de sa société mère, mais sans succès. En mars 1997, M. Adamson a invité M. Champ à visiter le siège social de CFM à Mississauga pour reprendre les discussions commencées en Irlande. Durant cette rencontre, M. Adamson a demandé à M. Champ d’octroyer la technologie des foyers sous licence à CFM. M. Champ a refusé et a fait une contre-proposition selon laquelle Dimplex fabriquerait en vertu d’un accord OEM des foyers électriques qui seraient vendus sous la marque CFM. M. Adamson n’a pas accepté cette contre-proposition.

[24]           M. Champ a reçu deux appels de suivi de la direction de CFM en vue de conclure un contrat de licence. Ces tentatives ont cessé lorsque CFM a su que Dimplex avait conclu un accord OEM avec la Hearth Technologies International (HTI), visant la production de foyers à vendre aux États‑Unis sous la marque Heat-n-Glo. CFM a alors exploré d’autres options, y compris une tentative d’acquisition de la technologie des foyers électriques d’un autre fabricant et l’achat d’une entreprise ayant un réseau de concessionnaires établi aux États-Unis.

 

[25]           Le premier foyer électrique que CFM ait mis en exposition a été présenté à une foire HPBA tenue à St. Louis, au Missouri, en mars 1998. Ce foyer était fabriqué par une entreprise américaine, Electro Industries Inc. (Electro). CFM a présenté le foyer Electro comme son propre produit. Au cours des quelques mois précédents, Electro avait convenu avec Dimplex d’arrêter la production de foyers qui pourrait contrefaire les brevets de Hess. CFM était au courant et a modifié l’écran réfléchissant du modèle Electro dans une tentative d’éviter le problème du brevet. CFM et Electro considéraient une coentreprise. Toutefois, le modèle de foyer mis en exposition n’a pas connu de succès, peut-être à cause de la modification, et n’a pas été mis en production. À la mi‑1998, CFM n’avait pas de foyer électrique sur le marché.

 

[26]           Donald Jamieson s’est joint à CFM en août 1998. Il avait travaillé chez Lennox Industries pendant 15 ans, principalement dans le domaine des appareils d’utilisation du gaz, des appareils de chauffage au gaz et des foyers au gaz. Chez Lennox, il avait conçu une couche de braise électrique qui pouvait être placée dans un foyer au gaz. Il a également travaillé à un modèle de foyer électrique comprenant un téléviseur à écran plat qui a été mis en exposition à la foire HPBA de 1998.

 

[27]           Chez CFM, parmi d’autres fonctions, M. Jamieson était chargé de veiller à ce qu’un prototype d’un nouveau foyer électrique soit prêt à la présentation aux foires de 1999. Pendant le développement de ce prototype à l’automne 1998, plusieurs modèles de concurrents ont été achetés et apportés au laboratoire. Ces modèles ont été observés en fonctionnement et à l’arrêt, puis ont été démontés pour examen. Un des appareils démontés et examinés était un modèle Symphony de Dimplex.

 

[28]           Lorsque M. Jamieson s’est joint à CFM, il a étudié un dépliant contenant des brevets de foyer électrique, y compris le brevet américain 580 de Hess. M. Jamieson a témoigné que, dans le développement de produits pour CFM, lui et son équipe ont évité ce qu’on considérait comme les éléments essentiels décrits dans le brevet 580 de Hess. Le premier foyer électrique qu’ils ont développé était le modèle AE 1000 mis en exposition à la foire HPBA de mars 1999, à St. Louis. M. Champ a témoigné que, d’après son observation du fonctionnement de l’AE 1000, ce dernier  ne constituait pas une menace compétitive pour ses produits. Apparemment, le marché lui a donné raison, car peu d’unités ont été vendues.

 

[29]           Toutefois, au moment de la foire HPBA de mars 2000 tenue à Baltimore, au Maryland, CFM avait développé un produit grandement amélioré, l’AE 2000. De l'avis des témoins de Dimplex et d’après l’observation par le tribunal lui-même d’une démonstration dans la salle d’audience, l’effet de flammes de ce produit était nettement amélioré par rapport à celui du produit antérieur de CFM. Dimplex a acquis un des modèles AE 2000 d’un détaillant lorsqu’ils ont été mis en vente à l’automne 2000. M. Hess l’a démonté et a conclu que ce modèle incorporait la technologie décrite dans le brevet 442.

 

[30]           Qu’est-ce qui a donné lieu à l’amélioration de la technologie de CFM entre le modèle AE 1000 et le modèle AE 2000 et les foyers électriques subséquents de CFM?

[31]           Au procès, grand cas a été fait du rôle qu’un nommé M. Colm Martin peut avoir joué dans l’amélioration des foyers électriques de CFM. Comme cela constitue grandement la base de la réclamation de Dimplex de dommages-intérêts majorés ou punitifs et exemplaires, je vais décrire ce rôle de façon assez détaillée.

 

[32]            M. Martin, un ingénieur employé par Glen Dimplex d’Irlande, s’est joint brièvement à Dimplex North America en détachement en automne 1996. Il est revenu en automne 1997 et est demeuré jusqu’au début septembre 1998. Durant cette période, il relevait de Kristoffer Hess et a travaillé  à la conception de modèles Dimplex incorporant la technologie du brevet 442. À ce stade, Dimplex exploitait son succès avec des variantes du modèle Symphony, mais la technologie de base ne changeait pas.

 

[33]           Les employés de Dimplex étaient autorisés à acheter des modèles de foyer discontinués et des prototypes pour leur usage personnel. M. Martin a acheté un premier foyer de Dimplex le 30 janvier 1998, prétendument pour l’utilisation par son propriétaire, et un autre le 3 septembre 1998. Le foyer acheté en septembre 1998 était le modèle le plus à jour, destiné à être mis sur le marché en novembre 1998. La politique de Dimplex permettait la vente de ces prototypes exclusivement aux employés de l’entreprise. Un ou plusieurs de ces prototypes avaient déjà été vendus à d’autres employés en août 1998. Il n’y a aucune preuve de ce que M. Martin a fait avec ce foyer.

 

[34]           Lorsque M. Martin a acheté le foyer le 3 septembre, il savait qu’il quitterait Dimplex pour se joindre à CFM. Pressenti à l’origine par un chasseur de têtes, il avait reçu une offre d’emploi en juillet 1998 à la suite d’une entrevue avec le PDG, Colin Adamson, et le président en poste de CFM, James Lutes. Son expérience en matière de foyers électriques était sans aucun doute un facteur clé dans son embauchage. M. Martin a commencé à travailler chez CFM le 8 septembre 1998. En novembre 1998, il était gestionnaire du projet de développement des foyers électriques.

 

[35]           Dès le matin de sa dernière journée de travail chez Dimplex, M. Champ a confronté M. Martin et lui a demandé de signer un document reconnaissant qu’il n’emportait avec lui aucune information ayant trait aux intérêts commerciaux, aucun secret commercial, aucun dessin ni aucune information technique qui risquerait de nuire aux affaires de Dimplex. M. Martin a refusé de signer.

 

[36]           Le 24 septembre 1998, les avocats de Dimplex ont écrit à CFM une lettre exprimant leur préoccupation de l’embauchage de M. Martin par CFM, compte tenu de sa connaissance intime des processus et plans de conception et de développement des produits de Dimplex, et des démarches qui avaient été faites par CFM pour acquérir et entrer dans une relation d’affaires avec Dimplex. En réponse, CFM a refusé de prendre tout engagement envers Dimplex, mais a garanti qu’il n’y aurait aucune utilisation abusive de renseignements confidentiels. Il n’y a aucune preuve que M. Martin ait abusé de la confiance de Dimplex.

 

[37]           M. Martin a travaillé à de nombreux aspects de l’AE 1000, y compris la conception générale de l’enveloppe, de l’écran lumineux teint, de l’écran-filtre en plastique et d’un réflecteur en chrome rotatif désigné « boîte à soupe », analogue à la tige de gril de Hess, mais sans contrefaçon. M. Martin était mentionné à titre de seul inventeur sur les demandes de brevet américain et canadien initiales de CFM visant l’AE 1000. Mais, d’après M. Jamieson, le rendement de M. Martin chez CFM n’était pas satisfaisant, et l’on a encouragé M. Martin à chercher d’autres débouchés. M. Martin a remis sa démission le 9 avril  1999, avec un préavis de deux semaines. Il a quitté son poste avec une lettre de référence positive signée par M. Jamieson.

 

[38]            M. Jamieson a témoigné que CFM a commencé à travailler au foyer électrique AE 2000, le premier modèle prétendument contrefait, en juin 1999, soit plusieurs mois après le départ de M. Martin. Le modèle AE 2000 comprenait un écran en tôle avec des découpes en forme de flamme et un élément de scintillement, que CFM appelait un « Flame Generating Assembly » (ensemble générateur de flammes). M. Jamieson ne se souvenait pas qui a eu l’idée de l’élément de scintillement. Le compte rendu du comité de recherche et développement de CFM pour la période en cause n’a pas été produit. Le modèle AE 2000 a été mis sur le marché en novembre 1999. D’après le rapport annuel de 2001 de CFM, bien que l’AE 1000 ne soit pas un grand succès de vente, CFM a vendu cinq fois plus d’unités AE 2000 que du modèle antérieur.

 

[39]           CFM a produit plusieurs modèles de foyer et de poêle après l’AE 2000, se distinguant principalement par des changements d’éléments esthétiques tels que des ensembles de portes et des avants en fonte. De plus, on a ajouté des caractéristiques, comme des télécommandes. Cependant, la technologie de base des foyers et poêles CFM n’a pas changé depuis le modèle AE 2000 jusqu’à la conclusion de la procédure américaine relative à la contrefaçon. Jusqu’à l’exercice financier 2004 de CFM, la défenderesse avait vendu plus de 310 000 unités employant la technologie présentée à l’origine dans le modèle AE 2000. CFM a continué de vendre des foyers employant la même technologie jusqu’en mars 2005. En réponse au jugement américain, elle a alors remplacé l’écran ayant une face partiellement réfléchissante par un écran mat.

 

[40]            Après avoir examiné la preuve présentée au procès, je n’ai aucune difficulté à conclure que le succès de CFM sur le marché des foyers électriques découlait principalement des changements que cette entreprise a apportés à sa technologie de l’effet de flammes de juin à septembre 1999. Comme je l’expliquerai ci-dessous, ces changements contrefaisaient les brevets 442 et 580 de Hess.

 

LES EXPERTS

 

[41]           Dimplex a présenté une preuve sous forme d’opinion de M. Samuel R. Phillips, de Portola Valley, en Californie, à titre d’expert en systèmes optiques, en génie mécanique et en fabrication.

M. Phillips est ingénieur et un diplômé du California Institute of Technology avec une maîtrise en génie scientifique et mécanique et un baccalauréat en génie scientifique. Il compte une quarantaine d'années d’expérience en optique et dans le développement et la fabrication d’une vaste gamme de produits, y compris ceux faits de tôle. M. Phillips travaille comme ingénieur-conseil depuis 1985 et, depuis environ six ans, comme témoin expert dans le domaine des litiges techniques. Avant que Dimplex retienne ses services en mai 2004, il n’avait aucune expérience dans le domaine des foyers électriques.

 

[42]           M. Phillips est très instruit et expérimenté dans les domaines du génie mécanique et des systèmes optiques. Son manque d’expérience directe avec les foyers électriques n’a aucunement réduit sa capacité d’expliquer comment ils fonctionnent ou de commenter sur la façon dont une personne versée dans l’art, qu’il définissait comme un diplômé d’une école de formation professionnelle ayant des connaissances ou de l’expérience en tôlerie et en circuits électriques, interpréterait le brevet en cause.

 

[43]           Au cours du contre-interrogatoire, il est devenu évident que M. Phillips, dans la préparation de son affidavit, avait copié ou paraphrasé quelque 29 passages d’un mémoire soumis par l’avocat de Dimplex dans le procès américain, y compris les définitions de dictionnaire de huit termes. CFM m’a fortement conseillé d’en conclure que M. Phillips était un témoin professionnel, un « tueur à gages », un porte-parole de Dimplex et que sa preuve sous forme d’opinion n’était pas indépendante au sens décrit par le juge Cresswell dans l’affaire de l’« Ikarian Reefer », c’est-à-dire le « produit de l’expert non influencé à l’égard de la forme ou du contenu par les exigences du litige » :  National Justice Compania Riviera S.A. c. Prudential Assurance Company Ltd., [1993] 2 Lloyd’s Rep. 68, à la page 81.

 

[44]           Il est regrettable que M. Phillips ait choisi de s’appuyer sur les termes et expressions utilisés dans le mémoire américain pour transmettre ses opinions, mais je ne suis pas convaincu que, ce faisant, il ait perdu l’objectivité et l’impartialité requises pour aider le tribunal de par sa compétence. En effet, dans la rédaction de son rapport, il a fait sien le langage de ce mémoire, car ce langage concordait avec sa compréhension de la technologie en cause et il s’en est servi pour énoncer son opinion. Bien que je ne souscrive pas à cette pratique, je doute qu’il y ait bien des rapports d’expert qui ne soient pas, dans une certaine mesure, le produit d’une collaboration entre l’avocat et l’expert, ne serait ce que pour se conformer aux différentes exigences juridiques dans différents États ou provinces ou pour garantir que le rapport s’en tiendra aux questions en litige. Je suis incapable de conclure que la preuve de M. Phillips manquait tellement d’objectivité que je devrais la mettre de côté ou y attacher peu de poids. Dans l'ensemble, j’ai trouvé sa preuve utile, claire et précise.

 

[45]           CFM s’est appuyée sur la preuve sous forme d’opinion de M. Samir Barudi de Huntington Beach, en Californie. M. Barudi a un doctorat en génie chimique du California Institute of Technology et d’autres diplômes en génie mécanique et en ingénierie commerciale. Il a 25 ans d’expérience en génie, y compris, depuis quelque temps, de l’expérience en matière de « produits d’âtre », c.-à-d. les foyers et les barbecues.

 

[46]           M. Barudi a l’expérience de l’industrie, contrairement à M. Phillips. Cependant, il n’avait pas travaillé en optique ni avec les foyers électriques avant 1993, année pendant laquelle il s’est joint à la Superior Fireplace (Superior), essentiellement une entreprise de foyers au bois et au gaz. Chez Superior, M. Barudi a tenté d’améliorer le foyer électrique produit par l’entreprise. Le résultat n’a pas été un succès. En effet, pendant que M. Barudi occupait le poste de vice-président – Ingénierie, Superior a tenté de conclure un accord OEM avec Dimplex. Par la suite, M. Barudi a participé à plusieurs autres entreprises tentant d’obtenir une part du marché des produits d’âtre. À l’heure actuelle, M. Barudi travaille comme chargé de cours de collège en chimie, comme expert‑conseil, comme témoin expert en litiges, et est propriétaire et exploitant d’une concession d’entretien de véhicules automobiles.

 

[47]           J’ai trouvé la preuve de M. Barudi généralement utile, mais j’avais des difficultés avec certaines de ses opinions, car elles ne concordaient pas avec la preuve telle que je la concevais, ni avec les termes du brevet. Lorsqu’il y avait désaccord entre les preuves des deux experts, j’avais tendance à préférer celle de M. Phillips.

 

[48]           Parmi les difficultés que j’ai eues avec la preuve de M. Barudi, je signale son insistance à dire que l’image réfléchie de la couche de combustible doit être « nette » pour être conforme aux revendications, et son témoignage qu’il ne pouvait voir que des ombres des bûches à l’écran CFM. M. Phillips n’avait aucune difficulté à voir la réflexion de la couche de braise et des bûches sur l’écran, et moi non plus, lorsque l’avocat m’a invité à observer les unités de démonstration de CFM en fonctionnement dans la salle d’audience. J’ai conclu que M. Barudi a formé son opinion pour appuyer une conclusion qui dépend de l’interprétation selon laquelle une « image nette » était un élément essentiel des revendications.

 

INTERPRÉTATION DU BREVET EN LITIGE

 

[49]           Il est de jurisprudence constante que, dans les poursuites en matière de brevet, la première étape à franchir lorsqu'il s'agit d'analyser les questions de validité et de contrefaçon consiste à interpréter les revendications du brevet. La date à retenir en l'espèce pour procéder à cette interprétation est le 31 octobre 1997, date à laquelle le brevet 442 a été publié. La Cour suprême du Canada a réitéré les principes que la Cour doit appliquer dans l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, 2000 CSC 67 [Whirlpool], ainsi que dans l'arrêt qu'elle a rendu simultanément dans l'affaire Free World Trust c. Électro-Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, 2000 CSC 66 [Free World Trust]. Essentiellement, les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et en fonction de leur objet pour assurer le respect de l'équité et la prévisibilité et pour cerner les limites du monopole.

 

[50]           L’interprétation téléologique repose sur l’identification par le tribunal, avec l’aide du lecteur versé dans l’art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les « éléments essentiels » de son invention (Whirlpool, précité, au paragraphe 45). Le brevet [traduction] « doit être lu par un esprit désireux de comprendre, et non pas par un esprit désireux de ne pas comprendre » (le juge Chitty dans l'arrêt Lister c. Norton Brothers and Co. (1886), 3 R.P.C. 199 (Ch. D.), à la p. 203). Un « esprit désireux de comprendre » prête nécessairement une grande attention au but et à l’intention de l’auteur. Il faut donc donner à un brevet une interprétation qui « soit compatible avec la réalisation de son objet » (Whirlpool, précité, au paragraphe 49).

 

[51]           Le tribunal peut tenir compte du mémoire descriptif du brevet, y compris du dessin, pour comprendre le sens dans lequel certains termes sont employés dans les revendications, mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu’elle était écrite et, ainsi, interprétée (Metalliflex Ltd. c. Wienenberger Aktiengesellschaft, [1961] R.C.S. 117, à la page 122, (1960), 35 C.P.R. 49; Whirlpool, précité, au paragraphe 52).

 

[52]           Le brevet s'adresse, en théorie, à la personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention et il doit recevoir l'interprétation que cette personne lui aurait donnée lorsqu'il a été rendu public. Cet être fictif possède des compétences et des connaissances usuelles dans l’art dont relève l’invention et un esprit désireux de comprendre la description qui lui est destinée. On suppose que cette personne va tenter de réussir, et non rechercher les difficultés ou viser l’échec (Free World Trust, précité, au paragraphe 44, citant H.G. Fox, The Canadian Patent Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd. (Toronto, Carswell, 1969), à la page 184). 

 

[53]           Dans le présent procès, le brevet en cause porte sur l’assemblage de dispositifs et matériaux assez courants afin de créer l’illusion de feu et de flammes dans une boîte en tôle. Les témoins experts étaient d’accord que la personne versée dans l’art devait avoir certaines connaissances ou une expérience équivalente en circuits électriques et en tôlerie. M. Phillips a placé le degré d’aptitude et de connaissance au niveau d’une école de formation professionnelle. M. Barudi exigerait une certaine connaissance des mathématiques et une certaine expérience dans l’industrie des âtres, notamment avec des foyers électriques. À mon avis, M. Barudi a fixé une norme trop élevée. Ayant examiné les « entrailles » des divers modèles en exposition dans la salle d’audience et ayant entendu le témoignage de MM. Hess et Jamieson quant au développement de leurs produits respectifs, je pense que M. Phillips a visé plus juste.

 

[54]           Le brevet 442 comprend 39 revendications. Dimplex affirme que les revendications 1, 5, 7, 13, 14, 15, 16, 24, 25, 31, 32 et 33 ont été contrefaites par CFM. Parmi celles-ci, les revendications 1 et 31 sont des revendications indépendantes. Les revendications 5, 7, 13, 14, 15, 16, 24 et 25 dépendent de la revendication 1; la revendication 32 dépend de la revendication 31; et la revendication 33 dépend des revendications 1 à 25, 31 et 32. 

 

[55]           Les parties s'entendent pour l'essentiel sur la signification des revendications. Les termes sur lesquels les parties sont en désaccord sont mis en gras dans les revendications indépendantes 1 et 31 ci-après reproduites :

                        [traduction]

1. Un ensemble de simulation de flammes comprenant :

une source lumineuse;

un élément à effet de flammes ayant un moyen de transmettre de la lumière venant de ladite source lumineuse de façon à produire un effet de flammes mobiles;

au moins un élément de scintillement ayant au moins une face réfléchissante, ledit élément de scintillement étant positionné entre ladite source lumineuse et ledit élément à effet de flammes afin de réfléchir de la lumière venant de la source lumineuse pour transmission subséquente par ledit élément à effet de flammes;

un écran ayant une face partiellement réfléchissante et une face diffuse, ledit élément à effet de flammes s’étendant  près de ladite face diffuse dans laquelle la lumière transmise produit une image sur l’écran, qui ressemble à des flammes mobiles;

une couche de combustible simulée positionnée à côté de ladite face partiellement réfléchissante de l’écran sur laquelle une image de la couche de combustible est projetée et dans laquelle l’image de flammes mobiles semble provenir d’entre la couche de combustible simulée et son image à l’écran.

 

31. Un ensemble de simulation de flammes comprenant :

            une source lumineuse;

            au moins un élément de scintillement ayant au moins une face réfléchissante        pour réfléchir de la lumière venant de ladite source lumineuse;

            un rotor pour faire tourner l’élément de scintillement sur un axe;

            un écran ayant une face partiellement réfléchissante et une face diffuse, dans lequel la lumière réfléchie par ledit élément de scintillement rotatif sur ladite face diffuse produit une image qui ressemble aux gaz mobiles émanant d’un feu;

            une couche de combustible simulée positionnée à côté de ladite face partiellement réfléchissante de l’écran sur laquelle une image de la couche de combustible est projetée et dans laquelle l’image de gaz mobiles semble provenir d’entre la couche de combustible simulée et son image à l’écran.

 

 

[56]           Les différences importantes entre ces revendications sont que la revendication 31 n’exige pas d’élément à effet de flammes et mentionne des gaz mobiles plutôt que des flammes mobiles.

 

[57]           La partie contexte du brevet 442 identifie le brevet américain 4 965707 (le brevet 707 ou brevet Butterfield) comme une antériorité. L’ensemble de Butterfield fait appel à un système de rubans ondulants et à un écran diffus pour produire un effet de flammes semblable à celui d’une source de charbon. Le contexte du brevet 442 fait état du besoin d’un ensemble produisant un effet de flammes qui ressemble davantage aux flammes réelles d’un feu de bûches et ayant une plus grande intensité lumineuse. 

 

[58]           Dans la description détaillée de la réalisation préférée, les inventeurs décrivent un seul moyen d’atteindre cette impression dans un boîtier de foyer simulé. La couche de combustible simulée serait supportée par une plate-forme à la partie avant inférieure du boîtier. La couche de combustible elle-même est une coquille en plastique translucide formée sous vide et colorée pour ressembler à des bûches et à des braises. En dessous, il y a trois ampoules de 60 watts. Immédiatement derrière la couche de combustible, il y a un écran vertical transparent avec une face partiellement réfléchissante et une face diffuse. La couche de combustible est réfléchie par la face réfléchissante de cet écran.

 

[59]           Dans la réalisation préférée, il est également question de l’utilisation d’un élément de scintillement et d’un élément à effet de flammes mobiles formé d’un matériau léger essentiellement opaque, tel que le  polyester, suspendu lâchement à des supports horizontaux. Des fentes sont découpées dans ce matériau pour permettre le passage de la lumière pendant que le matériau ondule  sous l’effet d’un ventilateur. En revanche, comme dans le cas du brevet Butterfield, l’élément pourrait se composer d’éléments discrets (c.-à-d. des rubans). L’élément de scintillement est une tige tournant sur son axe dans le plan horizontal et entraîné par un moteur électrique. La tige porte des bandes réfléchissantes qui s’étendent radialement et lorsque la tige tourne, les bandes donnent l’apparence d’une lumière qui se propage vers le haut. Tant l’élément de scintillement que l’élément à effet de flammes seraient utilisés dans la réalisation préférée, mais les inventeurs ont envisagé le cas où l’élément de scintillement pourrait être utilisé à lui seul. De plus, ils indiquent qu’un écran tel que celui décrit par Butterfield pourrait être utilisé, utilisation à laquelle on reviendra ci-dessous.

 

Termes contestés

 

« élément à effet de flammes ayant un moyen de transmettre de la lumière de ladite source lumineuse pour produire un effet de flammes mobiles »

 

[60]           Le problème posé par ce bout de phrase c’est qu’il faut déterminer si, comme l’allègue CFM, l’élément à effet de flammes lui-même doit être mobile pour produire un « effet de flammes mobiles ». Cet aspect est important, parce que tant les produits Dimplex que les produits CFM produisent un effet de flammes mobiles au moyen de l’élément de scintillement rotatif plutôt qu’au moyen de l’élément à effet de flammes, qui demeure stationnaire.

 

[61]           La description détaillée de la réalisation préférée du brevet 442 indiquait que l’élément à effet de flammes serait formé d’une seule épaisseur mince de matériau léger tel que le polyester et flotterait ou ondulerait sous l’effet de courants d’air. Comme on l’a vu plus haut, à l’origine, Dimplex utilisait une épaisseur de soie noire qui s’effilochait en fonctionnement et l’entreprise l’a remplacée par une tôle statique pour des raisons de coût et de contrôle de la qualité.

 

[62]           M. Barudi a interprété le mémoire descriptif, conjointement avec les derniers mots du terme litigieux, comme exigeant que l’élément à effet de flammes soit mobile. Il a appuyé cette interprétation en se référant aux restrictions décrites dans les revendications 2, 3 et 4. La revendication 2 ajoute une restriction selon laquelle l’ensemble revendiqué dans la revendication 1 doit comprendre un moyen d’agiter l’élément à effet de flammes pour produire l’effet de flammes mobiles. D’après la revendication 3, ce moyen est un générateur d’écoulement d’air et d’après la revendication 4, l’élément à effet de flammes doit être adapté pour s’agiter sous l’effet d’un écoulement d’air. En l'espèce, les revendications 2, 3 et 4 ne sont pas revendiquées par Dimplex.

 

[63]           De l’avis de M. Phillips, la revendication de l’élément à effet de flammes dans la revendication 1 est énoncée de façon générale, et l’élément pourrait être mobile ou demeurer stationnaire dans la transmission de la lumière qui produit un effet de flammes mobiles. 

 

[64]           En conclusion finale, la défenderesse n’a pas adopté la position selon laquelle l’élément à effet de flammes doit être mobile. Elle a reconnu la possibilité que le mouvement nécessaire dans la revendication 1 peut provenir de l’élément de scintillement plutôt que de l’élément à effet de flammes. Cependant, elle allègue que l’élément à effet de flammes doit au moins permettre du mouvement pour donner un sens aux revendications dépendantes. À l’appui de cette proposition, elle s’appuie sur la concession de M. Phillips, faite en contre-interrogatoire, que, bien qu’il croie que la revendication 1 pouvait porter sur un élément à effet de flammes fait de verre, cette interprétation rendrait la revendication 4 invalide si le verre était immobile. De plus, la défenderesse déclare que la revendication 14, qui exige le mouvement de l’élément de scintillement, est redondante si ce mouvement est un élément essentiel de la revendication 1.

 

[65]           Le juge Pelletier (alors juge à la Section de première instance) a discuté des rapports existants entre les revendications dépendantes et les revendications indépendantes dans l'affaire Halford et al. c.  Seed Hawk Inc. et al., (2004), 46 F.T.R. 1, 2004 CF 88, aux paragraphes 90 à 95. Le juge Pelletier a fait observer qu'il est clair, à la lecture de l'article 87 des Règles sur les brevets, DORS/96-423, qu'une revendication dépendante comprend toutes les caractéristiques et toutes les restrictions de la revendication à laquelle elle renvoie. Ce principe a pour corollaire que l'interprétation d'une revendication indépendante ne doit pas être en contradiction avec les revendications qui en dépendent.

 

[66]           À mon avis, une interprétation de l’élément à effet de flammes dans la revendication 1 comme étant mobile ou immobile n’est pas en contradiction avec les revendications qui en dépendent. Une personne versée dans l’art comprendrait selon une interprétation raisonnable de l’ensemble du brevet qu’un « élément à effet de flammes ayant un moyen de transmettre de la lumière pour produire un effet de flammes mobiles » pouvait être un élément mobile ou immobile selon les circonstances. L’essentiel, c’est qu’il est capable de transmettre de la lumière de façon à produire un effet de flammes mobiles, ce qu’il fait au moyen des trous en forme de flamme et autres pratiqués dans l’élément. Le mouvement de cette lumière est réalisé par la rotation de l’élément de scintillement faisant l’objet de la revendication 14.

 

[67]           La structure des revendications 1 à 4 du brevet Hess, lues ensemble, appuie cette interprétation. La seule restriction visant l’élément à effet de flammes dans la revendication 1 est qu’il doit avoir un moyen de transmettre de la lumière. Les autres restrictions exigeant qu’il soit adapté pour s’agiter sous l’effet d’un écoulement d’air sont introduites dans les revendications dépendantes. Il n’y a aucune mention dans la revendication 2 d’un moyen particulier pour agiter l’élément à effet de flammes. La revendication 3 définit le moyen comme comprenant un générateur d’écoulement d’air, et la revendication 4 décrit une propriété additionnelle, à savoir l’effet de l’écoulement d’air.

 

« un écran ayant une face partiellement réfléchissante »

 

[68]           M. Phillips a interprété ces termes comme désignant un écran ayant une face qui fait dévier une partie de la lumière car, à son avis, c’est ce qu’une personne de compétence ordinaire comprendrait du terme « réfléchissante ». Une surface réfléchissante fait dévier la lumière. Par conséquent, une surface partiellement réfléchissante est une surface qui fait dévier une partie de la lumière et laisse passer le reste de la lumière. Ici encore, il s’agit d’une interprétation utilisée par les avocats de Dimplex dans le procès américain. Cela ne la rend pas inexacte.

 

[69]           Le mémoire descriptif du brevet 442 incorpore par renvoi le brevet 707 de Butterfield en décrivant un écran partiellement réfléchissant approprié qui pourrait être utilisé avec succès comme une partie de l’invention. M. Barudi interprète le brevet Butterfield comme exigeant toujours une surface partiellement ou légèrement argentée et incorpore cette restriction dans la signification du terme « face partiellement réfléchissante » de la revendication 1. Cependant, il ne semble pas avoir pris en considération que Butterfield décrit un certain nombre de réalisations acceptables d’un écran partiellement réfléchissant allant d’une surface en verre ordinaire à une surface mi-argentée.

 

[70]           M. Phillips considère cette gamme de réalisations comme étant compatible avec la signification du terme « face partiellement réfléchissante » car chacune aurait cet effet, bien qu’à des degrés différents. À mon avis, cela est une interprétation correcte du brevet Butterfield. Divers matériaux peuvent être utilisés pour l’écran revendiqué, y compris le verre ou des plastiques, tels que le produit « Acrylite » teint utilisé par CFM. Ce qui est essentiel, c’est un écran qui soit suffisamment réfléchissant pour créer une illusion de profondeur de l’image projetée de la couche de combustible. Des écrans ayant un fini lustré auraient cet effet, quel que soit le matériau utilisé. Les écrans en Acrylite de CFM ont un fini lustré.

 

[71]           Le sens du terme « face diffuse » dans le brevet est clair. Les experts conviennent que « diffusion » veut dire dispersion (c.-à-d. la dispersion et l’atténuation de la lumière comme par le passage à travers du verre dépoli). Par conséquent, selon le sens clair et ordinaire de ce terme, les revendications 1 et 31 énoncent un écran dont la surface disperse et atténue la lumière.

 


« image de la couche de combustible est projetée sur l’écran »

 

[72]           Dans son interprétation de cet élément de la revendication 1, M. Barudi a déclaré que l’image réfléchie sur l’écran devait présenter une « nette ressemblance » avec la couche de combustible. Son interprétation du sens ordinaire du mot « image » correspondait à une ressemblance matérielle, une contrepartie optique ou une photo. L’objectif est une illusion de profondeur qui permettrait aux flammes de sembler émaner d’entre la couche de combustible simulée et sa réflexion sur l’écran.

 

[73]           Dans son affidavit, M. Phillips explique que cette expression veut dire simplement qu’une « représentation » de la couche de combustible se voit sur l’écran. En utilisant ce terme, il s’est appuyé sur la définition de dictionnaire du terme anglais « image » utilisée par les avocats américains de Dimplex dans la rédaction de leur mémoire. Comme l’a avancé la défenderesse, une interprétation basée exclusivement sur le dictionnaire est inacceptable. Le tribunal doit examiner le mémoire descriptif pour comprendre le sens dans lequel les inventeurs ont utilisé le terme (Whirlpool, précité, au paragraphe 52). 

 

[74]           Le témoignage principal de M. Phillips était plus utile lorsqu’il a expliqué que, dans le contexte dans lequel le terme « image » est utilisé dans les revendications, une personne observant l’image réfléchie verrait ce qui semblerait être la moitié arrière d’une couche de combustible complète, du milieu de laquelle sembleraient émaner les flammes. À cet égard, les deux experts étaient d’accord. L’objectif serait de produire une illusion de profondeur de sorte qu’il semble y avoir une couche de combustible réelle avec des flammes réelles, effet que les inventeurs cherchaient à atteindre. Cependant, je n’accepte pas que la réflexion de l’image doive être « nette », comme le veut M. Barudi. En effet, cela semblerait contre-productif dans la création de l’illusion désirée. Une image trop bien définie montrerait que la couche de combustible n’est rien qu’une forme plastique.

 

« image qui ressemble aux gaz mobiles émanant d’un feu »

 

[75]           Tel qu’indiqué plus haut, la revendication 31 diffère de la revendication 1 en ce qu’elle manque d’un élément à effet de flammes et porte sur une image de gaz mobiles plutôt que sur une image de flammes mobiles. CFM soutient que le résultat prête à confusion et est imprécis, ce qui rendrait le brevet invalide.

 

[76]           M. Phillips a témoigné que, interprété en contexte, la mention de gaz est logique, car il n’y a plus d’élément pour donner à la lumière transmise la forme de flammes. Il croyait comprendre qu’il s’agissait d’une image de gaz en combustion montant et émettant de la lumière. Pour en arriver à cette conclusion, M. Phillips s’est appuyé en partie sur une image fixe d’un vidéo et a exprimé l’opinion que des flammes se voyaient au haut de l’image, et des gaz vers le bas.

 

[77]           Pour M. Barudi, une flamme est un gaz en combustion qui émet de la lumière. Les gaz produits par un combustible qui brûle n’émettent pas de lumière jusqu’à ce qu’ils soient enflammés par combustion pour devenir des flammes. D’après lui, les gaz représentaient le « vacillement de l’air chaud » émanant de la couche de combustible. Il l’a décrit comme un vacillement diffus par opposition à la forme bien définie des flammes. Il n’est fait aucune mention de « vacillement de l’air chaud » dans le mémoire descriptif, mais c’est un phénomène courant pendant des journées d’été chaudes. À mon avis, ce n’est pas ce dont voulaient parler les inventeurs en parlant de « gaz ».

 

[78]           Je suis d’accord avec la défenderesse pour dire qu’en employant deux termes différents, notamment « flammes » et « gaz », les inventeurs ont dû vouloir parler de deux types d’images différents et, comme ils ne sont pas utilisés ensemble, les revendications indépendantes décrivent un dispositif qui crée une image de flammes ou de gaz. Cependant, nonobstant l’allégation de la défenderesse que cela constitue une imprécision, je n’ai aucune difficulté à comprendre l’intention de l’inventeur telle qu’exprimée dans la revendication 31.

 

[79]           Ce que les inventeurs cherchaient à créer n’est pas un feu réel, mais l’illusion d’un feu. Bien que la réalisation préférée comprenne un élément à effet de flammes pour simuler l’apparence de flammes montantes émanant d’un feu, les inventeurs ont également revendiqué l’ensemble dépourvu de cet élément. Ils ont voulu revendiquer l’image de gaz mobiles émanant d’un feu lorsque l’ensemble ne comprend pas d’élément à effet de flammes. Ce qui reste c’est ce que produit l’élément de scintillement sur l’écran diffus sans masquage par l’élément à effet de flammes. Cela ressemblerait à des gaz émanant de la couche de combustible et émettant de la lumière. Que cela soit exact selon la science de la combustion est, à mon avis, sans importance. Les revendications du brevet relèvent du domaine de la simulation.

 

Conclusion relative à l’interprétation

 

[80]           La détermination des éléments essentiels d’un brevet doit porter sur l’esprit inventif de l’invention et doit constituer plus qu’un simple résumé des éléments principaux d’un dispositif. En d’autres termes, il faut déterminer ce qui produit un résultat utile d’une façon novatrice et inventive et sans quoi le dispositif cesse d’être une invention : Norac Systems International Inc. c. Prairie Systems and Equipment Ltd., (2002), 19 C.P.R. (4th) 360 paragr. 16, 2002 CFPI 337 (C.F. 1re inst.).

 

[81]             À mon avis, ce qui était nouveau et inventif à l’égard de l’ensemble de simulation de flammes divulgué dans le brevet 442 était la combinaison des éléments suivants :

·        la lumière;

·        un matériau statique ou mobile avec des découpes pour transmettre cette lumière sous la forme de flammes (élément à effet de flammes);

·        une tige semblable à celle d’un gril, avec des bandes réfléchissantes et tournant autour d’un axe pour réfléchir la lumière (l’élément de scintillement);

·        un écran ayant une face partiellement réfléchissante et une face diffuse et sur lequel la lumière réfléchie par l’élément de scintillement rotatif et transmise par l’élément à effet de flammes produit une image ressemblant aux flammes mobiles d’un feu;

·        une couche de combustible simulée adjacente à la face partiellement réfléchissante de l’écran de façon qu’une image de la couche de combustible puisse être observée sur l’écran, produisant une image de flammes qui semblent émaner du milieu de la couche de combustible.

 


VALIDITÉ

           

[82]           Aux termes du paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, une fois délivré, un brevet canadien est, sauf preuve contraire, valide. La raison d'être de cette présomption est que le commissaire aux brevets est autorisé à délivrer des brevets uniquement pour des inventions, que l'article 2 de la Loi définit comme  « [t]oute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement ». On part donc du principe que l'état des connaissances et de la technique en ce qui concerne l'objet de l'invention revendiquée a été étudié par des personnes qui sont compétentes dans le domaine et qui ont été recrutées par le Commissaire. Il incombe donc à celui qui conteste la nouveauté et l'inventivité du brevet d'en établir l'invalidité (Free World Trust et al. c. Électro Santé Inc. et al., [1997] R.J.Q. 2907, 81 C.P.R. (3d) 456 (C.A. Québec), confirmé à [2000] 2 R.C.S. 1024, 2000 CSC 66).

 

[83]           Suivant CFM, le brevet 442 est invalide pour cause d'évidence, d’antériorité et d’imprécision.

 

Évidence

 

[84]           Lorsque la validité d'un brevet est contestée pour cause d'antériorité et d'évidence, la question de l'évidence devrait être considérée en premier lieu. Contrairement à ce qui est le cas pour l'antériorité, dans le cas de l'évidence ou de l’absence d’ingéniosité et d’esprit inventif, il n'est pas nécessaire que l'invention ait été révélée par un seul brevet ou par seule invention antérieure. Il s'agit de se demander si, compte tenu des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été réalisée, on serait directement arrivé à l'invention revendiquée. Ainsi que le juge Hugessen l'explique dans l'arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy, (1986), 8 C.P.R. (3d) 289, à la page 294, 64 N.R. 287 (C.A.F.) [Beloit] « un brevet qui n'a pas de valeur inventive ne peut être nouveau; un brevet à qui la nouveauté fait défaut peut quand même être inventif ».

[85]           Nous sommes également redevables au juge Hugessen d'avoir élaboré le critère fréquemment cité en matière d'évidence que l'on trouve à la page 294 de l'arrêt Beloit :

Pour établir si une invention est évidente, il ne s'agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

 

[86]           Dans sa défense modifiée du 24 mars 2004, la défenderesse cite comme antériorité des brevets européens, britanniques et américains, ainsi que des ensembles de bûches fabriqués par Harris Systems Inc. et des foyers électriques manufacturés par Majestic, qui sont toutes les deux des filiales de CFM. Aucune de ces inventions ne démontre, à mon avis, que la combinaison des éléments du brevet 442 de Hess aurait été « simple comme bonjour » ou « claire comme de l'eau de roche » (Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. (1998), 60 C.P.R. (3d) 58, à la page 81, [1995] O.J. n141 (QL) (Div. gén. Ont.), conf. à (1998), 82 C.P.R. (3d) 526, 113 O.A.C. 1, autorisation de pourvoi refusée à [1998] C.S.C.A. 563).

 

[87]           La démonstration du procédé grâce auquel M. Hess et son équipe ont réussi à obtenir un effet de flammes amélioré m'a convaincu que cette invention, qui apparaît simple avec le recul, supposait une véritable inventivité. Le fait de trouver une solution au problème de l'incapacité du modèle Manhattan d'offrir une image réaliste constituait beaucoup plus que la simple « parcelle d'invention » suffisante pour confirmer la validité du brevet (Tye-Sil Corp. c. Diversified Products Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350, à la page 363, 125 N.R. 218 (C.A.F)). L'équipe a mené pendant plusieurs mois des expériences poussées avec de nombreuses variantes avant de trouver la combinaison optimale.

 

[88]           Comme preuve d'évidence, la défenderesse cite les explications fournies par M. Barudi au sujet de ses premières impressions après avoir appris qu'un brevet avait été délivré au sujet du dispositif de Dimplex. Il s'est dit surpris et il explique qu'à son avis, l'agencement des pièces décrites dans le brevet 442 aurait été évident pour une personne versée dans l'art et était bien connu dans l'industrie bien avant 1996. On employait déjà depuis un certain temps avant le dépôt du brevet 442 des lumières, des miroirs, des écrans et des couches de braise électrique pour simuler l'apparence d'un feu de bois ou d'un feu de charbon. Le fait d'assembler ces éléments selon le modèle Dimplex n'aurait pas été considéré nouveau ou inventif, à son avis.

 

[89]           M. Phillips admet qu'on retrouve dans des brevets antérieurs certaines des composantes du brevet de Hess. Le brevet de Hess ne revendique cependant pas les éléments de façon isolée mais en combinaison. Ainsi que la demanderesse le fait remarquer, malgré le fait que l'on retrouve systématiquement des ampoules, des éléments de scintillement, des écrans, des éléments à effet de flammes et autres éléments semblables cités comme antériorité, personne d'autre n'a réussi à réaliser l'invention visée par le brevet 442.

 

[90]           Pour examiner le témoignage de M. Barudi sur la question, il est utile de se reporter à un autre passage souvent cité de l'arrêt Beloit (à la page 295) :

Une fois qu'elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l'infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « J'aurais pu faire cela »; avant d'accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l'avez-vous pas fait? »

 

 

[91]           On est en droit de se demander pourquoi, lorsqu'il travaillait dans le domaine en tant que personne versée dans son art, M. Barudi n'a pas profité de ce qu'il connaissait des éléments de l'invention pour mettre au point un produit commercialement viable. De son propre aveu, il n'a pas eu de succès à cet égard. D'ailleurs, il ressort de la preuve que Superior Fireplaces, l'entreprise pour laquelle il travaillait comme vice-président - Ingénierie, avait tenté de signer un contrat de licence avec Dimplex tout comme d'autres entreprises du même secteur, dont CFM. Une autre firme avec laquelle il collaborait, Innohearth, avait fait faillite alors qu'elle tentait de mettre au point un produit concurrentiel.

 

[92]           Dans son témoignage, M. Barudi constatait de proches similarités entre ce qui est divulgué dans le brevet 442 de Hess et le brevet Butterfield. À titre d’exemple, les deux font appel à un élément à effet de flammes, qui peut être de conception identique. L’invention de Butterfield ne comprend pas d’élément de scintillement, mais M. Barudi a considéré cela comme une addition sans valeur inventive au modèle de Butterfield.

 

[93]           M. Phillips a témoigné que l’invention de Butterfield fonctionne selon un principe complètement différent de réflexion de la lumière et non de transmission de la lumière comme l’invention visée par le brevet 442. L’élément à effet de flammes de l’invention de Butterfield fonctionne au moyen de lumière réfléchie, tandis que l’invention de Hess fonctionne au moyen de lumière transmise. Toutes les revendications indépendantes de Hess exigent que l’élément à effet de flammes soit capable de transmettre la lumière et ne mentionnent jamais la réflexion, alors que le brevet Butterfield exige que l’élément à effet de flammes soit capable de réfléchir la lumière et ne mentionne jamais la transmission.

 

[94]           CFM allègue qu’il doit y avoir une certaine transmission de lumière dans l’invention de Butterfield, parce que les rubans réfléchissants peuvent comporter des fentes ou des trous. M. Phillips a admis qu’il pourrait y avoir une certaine réflexion de la lumière par le panneau arrière de l’unité de Butterfield à cause de la lumière ayant passé par les fentes ou les trous. Mais il a fait cette concession lorsqu’il était obligé, en contre-interrogatoire, à reconnaître que virtuellement toute surface réfléchit de la lumière dans une certaine mesure. Cela peut être vrai en théorie, mais ce n’est pas un élément du modèle de Butterfield que tout technicien compétent aurait reconnu. Il n’y a aucune mention dans le brevet Butterfield de lumière réfléchie par le panneau arrière de l’unité.

 

[95]           Je suis convaincu que Butterfield a envisagé des fentes ou des trous dans les rubans parce qu’ils pourraient favoriser le mouvement des rubans réfléchissants, et non parce qu’ils permettraient la transmission de la lumière réfléchie par le panneau arrière. C’est exagérer de suggérer que cela soit comparable à  la transmission de la lumière à travers les découpes en forme de flamme du brevet 442.

 

[96]           Dans sa conclusion finale, la défenderesse a formulé la question d’évidence comme suit : est-ce qu’un monopole devrait être accordé à Dimplex pour avoir ajouté, de l’avis de CFM, une simple « tige de gril » au modèle Manhattan, la réalisation commerciale du brevet Butterfield. Selon elle, cela était une étape évidente et non inventive.

 

[97]           Des ensembles de bûches faisant appel à des lampes et à des bûches artificielles pour produire une simulation d’un feu incandescent étaient assez courants dans l’industrie. Pendant plusieurs années, une division de CFM (la division Harris) a fabriqué un ensemble de bûches qui comprenait une tige réfléchissante semblable à celle d’un gril. De l’avis de M. Barudi, l’insertion d’un élément de scintillement ou d’une tige de gril dans le modèle Manhattan est quelque chose auquel une personne versée dans l’art serait arrivée directement et sans difficulté. Il n’y aurait pas eu d’obstacles mécaniques ou d’ingénierie ni aucun besoin d’expérimentation. D’après lui, l’élément de scintillement du brevet 442 figure également dans le brevet américain 4,890,600 (le brevet Meyers) de 1988.

 

[98]           Le brevet Meyers, délivré en 1990, divulguait un ensemble de bûches qui incorporait une roue à bandes réfléchissantes entraînée par moteur électrique. La roue réfléchissait de la lumière passant dans une lentille ambre-rouge de l’ensemble de bûches pour produire l’illusion de bûches brûlant avec une lueur ardente. Un combustible sous forme de gel d’alcool était brûlé pour générer de la chaleur. Mais l’apparence de flammes, que l’alcool ne produirait pas normalement, exigeait un additif au combustible. À mon avis, il n’y a, dans la divulgation du brevet, rien qui suggère à une personne versée dans l’art que la méthode pourrait être adaptée à l’utilisation avec le brevet Butterfield pour créer une image de flammes mobiles sur un écran.

 

[99]           Le brevet britannique no 1088577 (Everton), délivré en 1966, divulguait l’utilisation de rubans agités par un ventilateur pour produire un motif changeant de couleurs en combinaison avec un « système d’ombre » pour simuler la lumière « et possiblement les flammes » associées à un feu de combustible solide. M. Barudi a suggéré que cela était semblable à l’élément à effet de flammes divulgué dans la revendication 1 du brevet 442 et au brevet Butterfield. D’après mon interprétation du brevet Everton, la conception était très élémentaire et n’enseignait pas l’utilisation d’un élément à effet de flammes pour transmettre la lumière et produire une image de flammes mobiles ou de gaz mobiles. De plus, à mon avis, une personne versée dans l’art n’aurait pas pensé à combiner les inventions de Butterfield et d’Everton pour atteindre l’effet désiré. Il s’agit essentiellement d’autres méthodes pour simuler un feu incandescent.

 

[100]       CFM a considéré de nombreuses façons pour améliorer l’image de flammes dans ses foyers et poêles, y compris l’achat ou l’utilisation sous licence de la technologie de ses compétiteurs, notamment Dimplex. Apparemment, l’idée d’ajouter un élément de scintillement ou une tige de gril ne leur est pas venue à l’esprit avant juin 1999, et ce, d’une manière non divulguée. M. Jamieson a témoigné que l’entreprise gardait un tiroir plein de brevets portant sur des foyers et achetait et démontait des produits de la compétition. Colm Martin a été recruté auprès de Dimplex au moins dans l’espoir, non réalisé semble-t-il, qu’il pourrait concevoir un meilleur foyer pour CFM.

Ce n’était pas avant que CFM incorpore l’élément de scintillement et l’écran de Butterfield dans ses foyers à l’automne de 1999 qu’elle a réalisé un effet de flammes attrayant. La preuve appuie la conclusion que CFM a d’abord tenté de contourner le brevet 442, et lorsque cela a échoué, elle a simplement copié ce qui était un succès éprouvé.

 

[101]       En quelques années, Dimplex est passé de la vente d’aucun foyer électrique à la vente annuelle de plusieurs centaines de milliers d’unités. De même, CFM a connu beaucoup de succès à vendre des foyers utilisant la technologie de Hess. Cette preuve du succès commercial vient appuyer la conclusion que la combinaison d’éléments connus n’était pas évidente : Windsurfing International Inc. et al. c. Triatlantic Corporation (1984), 8 C.P.R. (3d) 241 à 260, 63 N.R. 218 (C.A.F.).

 

[102]       Je suis convaincu que le succès de Dimplex sur le marché était dû à l’effet de flammes du brevet 442. La technologie était reconnue comme un progrès dans la réalisation d’un effet de flammes réaliste tel qu’indiqué par les louanges reçues de l’industrie, l’attention non sollicitée des médias et le succès commercial. CFM a reconnu ce progrès et a tenté de l’acquérir par achat ou l’obtention d’une licence. D’autres firmes de l’industrie ont également tenté de conclure des ententes de vente sous la marque du distributeur avec Dimplex pour l’utilisation de la technologie d’assemblage. C’est là une preuve probante de l’esprit inventif.

           


Antériorité

[103]       Celui qui revendique l'antériorité d'un brevet affirme que l'invention a déjà été révélée au public et qu'elle n'est donc pas nouvelle. Pour reprendre les propos du juge Hugessen dans l'arrêt Beloit, précité, à la page 297 :

[...] l'antériorité doit se trouver dans un brevet particulier ou dans un autre document publié; il ne suffit pas de recueillir des renseignements à partir de diverses publications antérieures et de les ajouter les uns aux autres et d'en arriver à l'invention revendiquée. Il faut en effet pouvoir s'en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d'une clarté telle qu'une personne au fait de l'art qui en prend connaissance et s'y conforme arrivera infailliblement à l'invention revendiquée. Lorsque, comme c'est le cas ici, l'invention consiste en une combinaison de plusieurs éléments connus, une publication qui ne révèle pas la combinaison de tous ces éléments ne peut avoir un caractère d'antériorité.

 

 

[104]       La Cour suprême du Canada a cité et approuvé cette analyse du critère applicable en matière d’antériorité dans l'arrêt Free World Trust, précité, au paragraphe 26. De plus, dans ce même arrêt, le juge Binnie a mis en garde contre la tentation de tirer des déductions a posteriori pour déterminer si l’invention se heurte à l’antériorité d’une publication, car « il n’est que trop facile, après la divulgation d’une invention », de la reconnaître, par fragments, dans un enseignement antérieur. (Free World Trust, précité, au paragraphe 25).

 

[105]       Parmi les références invoquées comme des cas d’antériorité dans le plaidoyer de la défenderesse, CFM a concentré ses allégations à l’égard de l’antériorité sur le brevet Butterfield et la demande de brevet européen no 0611921 (la demande d’O’Niell) publiée en août 1994. Comme je l’ai dit plus haut, je suis convaincu que Butterfield n’a pas divulgué tous les éléments essentiels des revendications en litige, notamment l’élément de scintillement et l’élément à effet de flammes. On ne saurait trouver chez Butterfield toute l’information nécessaire pour produire l’invention revendiquée sans user de compétence inventive supplémentaire.

 

[106]       En ce qui concerne la demande soumise par O’Niell, la défenderesse allègue qu’il n’y a aucun doute qu’elle porte sur un ensemble de simulation de flammes qui comprend une source lumineuse, une couche de combustible et un écran ayant les mêmes propriétés réfléchissantes que celles du brevet 442. La preuve de M. Barudi appuyait cette interprétation. La seule question, selon CFM, est de déterminer si la demande de brevet d’O’Niell comprend un élément à effet de flammes et un élément de scintillement exigés par la revendication 1.

 

[107]       Le feu de combustible solide simulé d’O’Niell comprend un réflecteur arrière, un écran qui transmet et réfléchit de la lumière et un « élément semblable à un drapeau » positionné entre le réflecteur arrière et l’écran. Une couche de combustible est positionnée en avant de l’écran et le tout est illuminé. CFM allègue que l’« élément semblable à un drapeau » est un élément à effet de flammes qui transmet la lumière tel que revendiqué par Hess.

 

[108]        O’Niell ne divulgue pas un élément de scintillement dans sa réalisation préférée ni dans aucun de ses dessins. Toutefois, O’Niell traite d’une « roue à aubes réfléchissantes » dans le brevet britannique 1272644 comme un autre moyen de tenter d’introduire de la couleur lorsqu’il est utilisé conjointement avec une surface réfléchissante concave pour réfléchir de la lumière sur un écran à motifs. La défenderesse allègue que cela était une incorporation par renvoi. D’après un examen approfondi du brevet d’O’Niell, je ne suis pas d’accord que l’inventeur a incorporé cette méthode dans sa demande. M. Barudi non plus, lorsqu’on a insisté en contre-interrogatoire. En effet, O’Niell prend la peine de préciser que la roue à aubes n’atteindrait pas le résultat désiré. La demande s’éloigne clairement de cette solution de rechange. Même si la roue à aubes était employée, elle ne servirait pas à réfléchir la lumière pour transmission par l’élément semblable à un drapeau, l’élément clé divulgué par O’Niell, tel que décrit par le brevet Hess.

 

[109]       De l’avis de M. Phillips, la demande d’O’Niell simulerait des flammes mobiles selon une méthode qui est l’inverse de celle du brevet 442. Hess crée une image utilisant de la lumière scintillante transmise au moyen d’un élément à effet de flammes. L’invention d’O’Niell, si jamais elle était mise en œuvre, créerait une image utilisant de la lumière constante et des ombres mobiles. L’« élément drapeau » en forme de cercueil intercepte la lumière réfléchie et projette des ombres sous l’effet d’un courant d’air. La demande ne divulgue pas la transmission de la lumière à travers l’ouverture en carreau au centre du drapeau, mais plutôt la réflexion de la lumière par une bande ou feuille de plastique métallisée placée dans l’ouverture. Cette lumière réfléchie simulerait des étincelles.

 

[110]       Il  y a d’autres différences significatives, telles que la surface réfléchissante concave, mais celles-là suffisent, à mon avis, pour conclure que la demande d’O’Niell ne constitue pas une publication d’antériorité. Elle ne comporte aucune instruction assez claire pour qu’une personne versée dans l’art qui la lisait et la suivait soit dans chaque cas et sans risque d’erreur amenée à l’invention revendiquée.

 

[111]       Je conclus donc qu’aucune des publications d’antériorité évoquées par CFM ne porte sur la combinaison d’éléments revendiquée et qu’aucune ne répond au critère de l’antériorité.

 

Imprécision

 

[112]       Comme je l’ai dit plus haut, les revendications indépendantes 1 et 31 diffèrent en ce que la première porte sur un ensemble de simulation de flammes qui produit une « image de flammes mobiles » et que la deuxième traite de la production d’une « image qui ressemble à des gaz mobiles émanant d’un feu ». La défenderesse allègue que ce choix de termes par les inventeurs est imprécis et prête à confusion. Comme l’a expliqué M. Barudi, une flamme est un gaz en combustion qui émet de la lumière. Un gaz produit par un combustible qui brûle n’émet pas de lumière. Il peut réfracter la lumière – comme dans l’exemple du vacillement de l’air chaud – mais il n’émet pas de lumière jusqu’à ce qu’il soit enflammé par combustion, stade auquel il devient une flamme.

 

[113]       CFM souligne que le brevet 442 n’explique pas la différence entre l’image d’une « flamme » et l’image d’un « gaz ». Mais l’absence d’une définition d’un terme dans la divulgation n’est pas une raison suffisante pour rendre un brevet invalide pour cause d’imprécision : Mentmore Manufacturing Co. c. National Merchandise Manufacturing Co. (1974), 14 C.P.R. (2d) 151 au paragr. 8, [1974] A.C.F. no 410 (QL) (C.F. 1re inst.); Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Ltd. (1984), 81 C.P.R (2d) 39, 2 C.I.P.R. 77 (C.F. 1re inst.); Steel Co. of Canada Ltd. c. Sivaco Wire and Nail Co. (1973), 11 C.P.R. (2d) 153, [1973] A.C.F. no 603 (QL) (C.F. 1re inst.).

 

[114]       M. Phillips n’avait aucun mal à comprendre l’intention des inventeurs dans la revendication 31. L’objection de la défenderesse à son témoignage à cet égard repose largement sur son utilisation d’une photographie d’un vidéo d’un foyer en fonctionnement pour illustrer son interprétation. La photographie montrait à la fois des formes de flammes définies au haut de l’image et une lumière amorphe, non définie en dessous. Je suis d’accord avec la défenderesse qu’il n’y a rien dans les revendications ou la description de l’invention qui indique que le dispositif produit simultanément une image d’une flamme et une image d’un gaz. C’est l’une ou l’autre. Néanmoins, le brevet divulgue tout ce qui serait nécessaire pour permettre à l’invention de fonctionner de façon appropriée avec ou sans élément à effet de flammes : Pioneer Hi-Bred Ltd. c. l’État (Commissaire aux brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623, à la page 1638, 60 D.L.R. (4th) 223; Risi Stone Ltd. c. Groupe Permacon Inc. (1995), 101 F.T.R. 241, 65 C.P.R (3d) 2 (C.F. 1re inst.)

 

[115]       Comme je l’ai indiqué plus haut dans l’interprétation de la mention de gaz mobiles dans la revendication 31, l’intention des inventeurs est suffisamment claire, compte tenu des revendications et du mémoire descriptif, bien qu’elle ne soit pas conforme à la science de la combustion. Les inventeurs réclamaient le moyen de créer l’illusion du feu par simulation et non un ensemble réel de combustion de combustible solide. Dans ce contexte, la signification de la revendication et la relation avec les autres revendications du brevet est compréhensible, et je conclus que le brevet n’est pas invalide pour cause d’imprécision.

 

CONTREFAÇON

 

[116]       D’après la preuve, il est clair que tous les modèles de foyer électrique de CFM depuis l’introduction de l’AE 2000 jusqu’à la substitution d’un écran mat en mars 2005 employaient la même technologie de base et les mêmes pièces constitutives. Les différences entre les modèles étaient essentiellement de nature cosmétique ou esthétique. Une liste des numéros des modèles utilisant la technologie prétendument incriminée a été soumise comme faisant partie du dossier d’instruction et a été reproduite comme l’annexe A du jugement joint à ces motifs.

 

[117]       Il n’a pas été contesté que chacun des produits incriminés de CFM est un ensemble de simulation de flammes et comprend une source lumineuse telle que divulguée dans le brevet. Il n’est pas non plus contesté que ce que le brevet 442 divulgue comme étant l’élément de scintillement est ce que CFM utilisait dans les unités prétendument contrefaites ou qu’un effet de flammes mobiles a été produit. De plus, CFM utilisait un écran ayant une face diffuse telle qu’envisagée par le brevet Butterfield incorporé par renvoi dans le brevet 442. Dans les unités CFM, l’élément à effet de flammes est appelé « Flame Deflector » (déflecteur de flammes), et l’élément de scintillement rotatif est appelé « Flame Generating Assembly » (ensemble générateur de flammes), mais il n’y a aucune différence matérielle entre ces dispositifs d’une part et ceux revendiqués par le brevet 442 de l’autre.

 

[118]       La défenderesse soutenait que les produits CFM ne contenaient pas certains des éléments du brevet 442, comme l’a allégué M. Barudi, notamment un élément à effet de flammes mobiles, un écran partiellement réfléchissant qui est mi-argenté, ou une image nette de la couche de combustible réfléchie sur l’écran. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, j’ai conclu qu’aucun de ces éléments n’est un élément essentiel des revendications formulées. CFM ne peut pas échapper à la responsabilité de la contrefaçon en déclarant que son élément à effet de flammes ne bouge pas, que son écran n’est pas mi-argenté et ne réfléchit pas une image nette de la couche de combustible.

 

[119]       Je suis convaincu que les unités CFM accusées de contrefaçon contiennent les éléments essentiels du brevet 442 tels que je les ai interprétés. Exception faite des modèles AE 1000, AE 1001, AE 1003, HEF 330 et de la version initiale du KE 1000, chacun contient le même mécanisme interne que les unités Dimplex utilisant la technologie du brevet 442. Par conséquent, je conclus que la demanderesse a établi sa preuve de contrefaçon par la défenderesse selon la prépondérance des probabilités.

 

            Y a-t-il eu contrefaçon insouciante ou délibérée?

 

[120]       En raison de ma conclusion que CFM a contrefait le brevet 442, Dimplex a droit à des dommages-intérêts généraux ou compensatoires ou, à son choix, à une comptabilisation des profits réalisés par CFM par suite de la contrefaçon. Dimplex affirme toutefois que c'est de propos délibéré et avec insouciance que CFM a contrefait le brevet 442 et elle soutient qu'elle a le droit d'obtenir une réparation supplémentaire sous forme des dommages-intérêts majorés ou de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires. Dimplex affirme que, pendant une période de deux ans, de 1997 à 1999, CFM s'est délibérément livrée à une série d'actes qui, pris globalement, témoignent d'une indifférence totale à l'égard des droits patrimoniaux de Dimplex.

 

[121]       En règle générale, il y a lieu d'adjuger des dommages-intérêts punitifs lorsque le défendeur a agi de façon particulièrement cavalière ou méprisante. Le tribunal n'accorde de tels dommages‑intérêts que s'il arrive à la conclusion que le défendeur était motivé par une malveillance véritable et a ainsi accru le préjudice subi par le demandeur (Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd., [1996] 3 C.F. 40, (1996), 67 C.P.R. (3d) 1). Les dommages-intérêts punitifs ou exemplaires sont accordés pour sanctionner « une conduite malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible, qui déroge nettement aux normes ordinaires de bonne conduite » (Whiten c. Pilot Insurance Co. [2002] 1 R.C.S. 595, 2002 CSC 18; Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf and Tennis Club [2002] 1 R.C.S. 678, 2002 CSC 19, au paragraphe 79).

 

[122]       La Cour d'appel a confirmé, dans l'arrêt Lubrizol, que le demandeur peut réclamer des dommages-intérêts majorés ou à des dommages-intérêts punitifs ou exemplaires dans un procès en propriété intellectuelle. Citant les propos du juge McIntyre dans l'arrêt Vorvis c. Insurance Corp of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 1085, (1989), 58 D.L.R. (4th) 193, à la page 206, la Cour a toutefois signalé que l'attribution de dommages-intérêts exemplaires doit toujours se faire après mûre réflexion et que le pouvoir discrétionnaire de les accorder doit être exercé avec une très grande prudence.

 

[123]       Je ne connais aucune affaire dans laquelle la Cour fédérale aurait condamné le défendeur à des dommages-intérêts punitifs pour avoir simplement contrefait sciemment ou intentionnellement le brevet, sans plus. La Cour accorde des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs pour punir le comportement répréhensible affiché par un plaideur au procès ou pour sanctionner un abus de procédure, notamment lorsqu'au mépris de l'ordonnance lui enjoignant de les cesser, une partie poursuit des activités qui, selon la Cour, constituent une contrefaçon.

 

[124]       Dans l'affaire Lubrizol, qui portait sur un brevet, la défenderesse avait continué à fabriquer et à vendre le produit contrefait pendant huit mois après le prononcé de l'injonction interlocutoire. La Cour a estimé que, ce faisant, la défenderesse avait fait preuve d'une « indifférence complète à l'égard de l'injonction interlocutoire ». La Cour a également tenu compte de la situation financière du contrevenant, des profits qu'il avait réalisés grâce à la contrefaçon et du fait qu'il avait peut-être caché délibérément la contrefaçon du brevet.

 

[125]       Dans l'arrêt Profekta International Inc. c. Lee (1997), 214 N.R. 309, 75 C.P.R. (3d) 369 (C.A.F.), la Cour d'appel a ajouté des dommages-intérêts punitifs aux dommages-intérêts compensatoires déjà adjugés pour la violation continue du droit d'auteur par l'intimée. D'autres facteurs entraient en ligne de compte dans cette affaire : l'intimé avait fait fi d'une mise en demeure et elle préférait payer des frais de justice pour contester la prétention de la demanderesse plutôt que de respecter le droit d'auteur (voir également le jugement Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique du Canada c. 728859 Alberta Ltd. (2000), 6 C.P.R. (4th) 354, [2000] A.C.F. n590 (QL) (C.F. 1re inst.)).

 

[126]       Dans l'affaire Apotex Inc. c. Merck & Co. (2002), 219 F.T.R. 259, 2002 CFPI 626 (C.F. 1re inst.), Merck demandait à la Cour de condamner Apotex à des dommages-intérêts exemplaires pour avoir désobéi sciemment et volontairement à l'injonction permanente prononcée par la Cour. Apotex soutenait qu'elle avait agi de bonne foi en croyant sincèrement qu'elle ne contrefaisait pas le brevet. Le juge McKeown a rejeté cet argument et a conclu, en citant l'arrêt Lubrizol, qu'il y avait lieu de condamner Apotex à des dommages-intérêts punitifs dont le montant serait calculé après la détermination des dommages-intérêts généraux ou la comptabilisation des profits à accorder à Merck en réparation de la violation des droits que lui conférait son brevet.

 

[127]       Dimplex affirme qu'en raison de l'écart qui existe entre sa taille et celle de CFM – qui, à l'époque des faits, était une société beaucoup plus grande et diversifiée – et du fait que les produits de foyers électriques constituent sa principale source de revenus, elle était particulièrement vulnérable à des violations de ses droits de propriété intellectuelle. La preuve ne permet cependant pas de penser que CFM cherchait à nuire à Dimplex mais bien qu'elle tentait d'accroître sa part du marché des foyers électriques en profitant de l'amélioration apportée par Dimplex à l'effet de flammes.

 

[128]       Les éléments de preuve sur lesquels Dimplex se fonde pour étayer son argument qu'il y a lieu en l'espèce de lui accorder des dommages-intérêts exemplaires se rapportent en grande partie aux démarches entreprises par CFM pour se porter acquéreur de Dimplex ou pour obtenir une licence lui permettant d'utiliser la technologie des foyers Hess ou, à défaut, d'engager Colm Martin. Je ne trouve pas surprenant qu'après avoir constaté le succès que Dimplex remportait avec ses foyers, CFM ait cherché à acheter cette compagnie, qui était plus petite, ou à mettre la main sur la source de ce succès. À l'époque des faits, CFM connaissait une croissance rapide par suite de l'acquisition d'autres compagnies. Il n'est pas étonnant non plus que CFM ait acheté des produits de Dimplex pour savoir comment ils fonctionnaient ou pour obtenir des copies des brevets applicables et pour consulter des personnes dans le but d'éviter toute contrefaçon ou de s'inspirer du brevet de Dimplex sans le copier.

 

[129]       Le fait que CFM a engagé Colm Martin ne permet pas de conclure que ce dernier a commis un abus de confiance ou qu'on s'attendait à ce qu'il en commette un en divulguant la technologie de Dimplex à CFM. Il ressort de la preuve que CFM a engagé M. Martin, qui travaillait jusqu'alors pour Dimplex, dans le but notamment de mettre au point un produit concurrentiel. Cette façon de procéder était monnaie courante dans l'industrie. Ainsi, Dimplex a recruté plusieurs employés chez CFM. J'accorde peu d'importance au fait que M. Martin a acheté un foyer immédiatement avant son départ. Il n'y a aucun élément de preuve au sujet de ce qu'il est advenu de ce foyer. En tout état de cause, il était loisible à CFM, ainsi que Jamieson l'a reconnu et comme CFM l'a effectivement fait, de se contenter d'acheter un des foyers de Dimplex et de le démonter pour en examiner la technologie. Bien que le foyer acheté par M. Martin fût le modèle le plus récent, ses éléments essentiels étaient les mêmes que ceux des modèles précédents.

 

[130]       Ce qui, à mon avis, est  plus révélateur, c'est le fait que, même après avoir recruté M. Martin et lui avoir demandé de participer à la conception du modèle AE 1000, CFM n'a toujours pas réussi à obtenir un effet de flammes intéressant. Plusieurs mois se sont écoulés après le départ de M. Martin avant que CFM ne procède aux modifications qui ont permis de fabriquer les produits contrefaits. Il semble que M. Martin n'ait joué aucun rôle en ce qui concerne la conception du modèle AE 2000 et des produits CFM subséquents.

 

[131]       Le scénario le plus probable selon moi est qu'après le départ de M. Martin, l'insuccès du modèle AE 1000 a convaincu l'équipe de concepteurs de CFM de copier un produit ayant fait ses preuves. Le témoignage que M. Jamieson a donné au sujet des mesures prises pour s'inspirer du brevet 442 sans le copier n'est pas convaincant. Il n'a pas réussi à expliquer qui avait eu l'idée d'utiliser un modèle générateur de flammes correspondant à l'élément de scintillement de Hess ni à préciser quand ces faits s'étaient produits. Aucun élément de preuve documentaire n'a par ailleurs été produit pour expliquer ces faits.

 

[132]       Bien qu'il s'agisse d'une usurpation délibérée de droits de propriété intellectuelle, j'estime que cette appropriation ne constitue pas une conduite cavalière, insensible ou méprisante au point de choquer le sens de la dignité de la Cour. La malveillance n'a pas été prouvée. La preuve ne me permet pas non plus de conclure que CFM a considéré que le risque de payer des dommages en raison de la contrefaçon du brevet ne constituait que le prix à payer pour faire des affaires. En tout état de cause, à ce moment-ci de la procédure, il m'est impossible de conclure que l'octroi de dommages-intérêts généraux ou, au choix de la demanderesse, la comptabilisation des profits suffirait à dissuader l'auteur des actes à l'origine de la contrefaçon. Dimplex n'a donc pas droit à des dommages-intérêts majorés ou à des dommages-intérêts punitifs.

 

RÉPARATIONS

[133]       Dimplex réclame les réparations suivantes dans sa déclaration modifiée :

a.       un jugement déclarant que CFM a contrefait le brevet 442 de Hess;

b.      une injonction permanente interdisant à CFM de continuer à contrefaire le brevet 442 de Hess;

c.       une ordonnance enjoignant à CFM de remettre à Dimplex, ou de détruire sous serment, tous les articles utilisés ou fabriqués en contrefaçon du brevet 442 de Hess;

d.      une indemnité raisonnable pour la période du 31 octobre 1997 au 22 décembre 1998;

e.       des dommages-intérêts ou une comptabilisation des profits, au choix de la demanderesse;

f.        des dommages-intérêts majorés et des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs;

g.       les intérêts et les dépens.

 

[134]       Par suite de l'ordonnance de disjonction du 8 janvier 2002, l’instruction de la présente action était limitée à l’admissibilité de Dimplex aux réparations réclamées. La détermination du montant des dommages-intérêts ou des profits, selon le choix de la demanderesse, fera l’objet d’un renvoi distinct en vertu de l'article 107 des Règles de la Cour fédérale (1998).

 

[135]       Je conclus que Dimplex a droit à un jugement déclarant que CFM a contrefait le brevet 442. Aucun motif n'a été invoqué pour nier le droit de Dimplex de choisir entre des dommages-intérêts ou une comptabilisation des profits. Dimplex a droit aux intérêts accumulés avant et après le jugement sur les dommages-intérêts ou les profits à compter de la date à laquelle ils sont nés et jusqu'à leur paiement. Les dépens seront fixés une fois que les parties auront eu l'occasion de formuler des observations à ce sujet.

 

[136]       Dimplex n'a pas droit à l'indemnité raisonnable prévue au paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets étant donné que les actes constituant une contrefaçon ne se sont pas produits avant juin 1999, alors que l'élaboration du modèle AE 2000 a commencé.

 

[137]       Une injonction sera prononcée pour interdire à la défenderesse de continuer à utiliser, à fabriquer ou à vendre l'objet du brevet. Il n'est pas nécessaire, à mon avis, d'ordonner la restitution ou la destruction des articles qui ont été utilisés ou fabriqués en contrefaçon du brevet 442 étant donné que CFM peut faire en sorte qu'ils ne causent pas de contrefaçon en remplaçant les éléments essentiels (Stiga AB c. SLM Canada Ltd., [1990] A.C.F. no 1065, 34 C.P.R. (3d) 216, 39 F.T.R. 13, à la page 42).

JUGEMENT

 

LA COUR, après avoir instruit la présente affaire du 19 septembre 2005 au 5 octobre 2005 sur toutes les questions de responsabilité et d’admissibilité relatives aux réparations réclamées;

 

APRÈS EXAMEN des éléments de preuve présentés par les témoins cités par les parties et les observations des avocats;

 

1.                   DÉCLARE que les revendications 1, 5, 7, 13, 14, 15, 16, 24, 25, 31, 32, 33 et 34 du brevet canadien 2175442 sont valides et qu'elles ont été contrefaites par la défenderesse;

2.                   INTERDIT de façon permanente à la défenderesse, à ses dirigeants, administrateurs, employés et mandataires ainsi qu'à toute personne ayant un lien de droit avec la défenderesse ou qui relève de son contrôle :

a)         de continuer à contrefaire le brevet canadien 2175442;

b)         de fabriquer, d'importer, d'exporter, de vendre ou d'offrir en vente au Canada ou depuis le Canada, tout produit visé par le brevet 442, y compris les produits énumérés à l'annexe A ci-jointe;

3.                   DÉCLARE que la demanderesse a le droit de choisir à titre de réparation des dommages‑intérêts ou une comptabilisation des profits, dont le montant sera, en conformité avec l'article 107 des Règles, déterminé lors d'un renvoi dont la date devra être fixée selon une procédure accélérée à l'issue de tout appel de la présente décision ou à l'expiration du délai d'appel. La demanderesse a également droit aux intérêts accumulés avant et après le jugement sur les dommages-intérêts ou les profits à compter de la date à laquelle ils sont nés et jusqu'à leur paiement;

4.                   INVITE les parties à lui soumettre leurs observations au sujet des dépens par voie d'avis de requête.

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


Annexe A

 

 

AE2000/DEF33

AE3000/DEF33

AE3001/DEF33NH

AE3002/DEF33TK

AE3004/HEF33

AE4000/DEF33

AE4001/DEFNH

AE4004/HEF33

AE4005/HEF33N

AE4006/HEF33LG

AE4007/HEF33AB

AE4008/DEF33PW

AE4009/DEF33PO

AE4010/HEF336M

AE5000/DEF33

AE5001/DEFD33

AE5005/HEF33N

AE5006/HEF33

AE5007/HEF33

AE5016HEF330M

AE5026/HEF330MW

AE5036/HEF340W

AE5046/HEF331M

AE5047/HEF331B

AE5056/HEF335M

AE5066/HEF335W

AE5076/HEF337B

AE5086/HEF334G

BE1000/DEF36

BE1001/DEF36NH

BE1600/DEF36S2

BE1601/DEF36S2NH

BE2000/DEF36

BE2001/DEF36NH

BE2003/DEF36PW

BE2004/DEF36PO

BE3000/DEF36

BE3001/DEFD36

FE10RO/BREF36

FE10R1/BREF36R

FE1304/HES30

FE1404/HES40

FE1413/HES20

FE14T4/TES500

FE2404/HES40

FE24T4/TES500

FE3404/HES40

FE34T4/TES500

 

GE10RO/BREF42

GE10R1/BREF42R

HE1261/HEF26

HE1261W/HEF26

HE1262/HEF26S

HE1263/HEF26WDV

HE1331/HEF33

HE1331W/HEF33

HE1332/HEF33S

HE1333/HEF33WDV

HE1334/HEF33SDV

HE1334W/HEF33SD

HE2263/HEF26WDG

HE2333/HEF33WD

HE2333W/HEF33WD

HE2334/HEF33SDM

HE3263/HEF26WD

HE3263W/HEF26WD

HE3331W/HEF33V

HE3332W/HEF33SV

HE3333/HEFWDG

HE3334/HEF33SD

HE4263/HEF26WDNO

HE4333/HEF33WDG

HE400CO

HE400NI

HEF10

HEF201H

HEF221A

HEF221M

HEF221N

HEF221W

HEF223M

HEF223MC

HEF223W

HEF225M

HEF225W

HEF226C

HEF227AC

HEF228N

HEF228W

HEF33P

HEF33RM

HEF261WD

HEF262W

HEF264C

HEF266C

HEF267HC

HEF267T

HEF268N

HEF330/HEF33

HEF331/HEF331

HEF331MTB

HEF332/HEF332

HEF336M

HEF338L

HEF339H

HEF33M3

HEF341WTB

HEF36DS

HEF36VW6

HEF1330-OW

HEF3324W

HEF3325A

HEF3325W

HEF3326N

HEF3327H

HEF3341

HEMB30

HEMB33

HEMW33

KE1000/HE32EF1 (derniers modèles)

KE100C/HE32EFCE

KE2000/HE32EF1

KE2001/HE32EF1

KE3000/HE32EF

KE3001/HE32EFNH

PE1001/HEF435SWN

PE1000/HEF430WN

PE1002/HE460MP

PE1012/HE470WP

PE1011/HE481SMBP

PE1021/HE491SWBP

PE1031/HE425SMN

PE1032/HE420MN

RE1004/HEF26

RE2001/HEF26      

RE2002/HEF26WD

RE2003/HEF26S

RE2004/DEF26

RE2005/HEF26D

RE2006/DEFD26

RE2001/HEF260M

RE2011/HEF260M

RE2012/HEF261WD

RE3000

RE3001

TEF262-C

TEF300-A

TEF300-C

VE1263

VE1333

VE1363

VE2333

VEF3261

#011874114519/HES30

#011874118050/HE460MP

#011874117718/HE420MN

#011874117657/HE430WN

#011874118067/HE470WP

2810/ACSB

2811/FS

2812/ACSS

2813/ACSG

2814/ACSM

2870/ACSBCE

2873/ACSGCE

2874/ACSMCE

2900/ACSB

2901/ACSG

2902/ACSM

2905/ACSB

2906/ACSG

2907/ACSM

45810

45812

45813

45814

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-1348-01

 

INTITULÉ :                                                   DIMPLEX NORTH AMERICA LIMITED

                                                                        c.

                                                                        CFM MAJESTIC INC.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           19 au 30 septembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                                  11 mai 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Aylen

Peter Choe

Selena Kim

 

POUR LA DEMANDERESSE

Arthur Renaud

L.E. Trent Horne

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAVID AYLEN

PETER CHOE

SELENA KIM

Gowling Lafleur Henderson srl

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

ARTHUR RENAUD

L.E. TRENT HORNE

Bennett Jones srl

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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