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Date : 20010807

Dossier : T-1835-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 AOÛT 2001

En présence de :         MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

LORNE HAINS, AMY SIU

                                                             et BADRUDIN MOOSA

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                 AKBAR ALIBHAI, BRION BAILEY,

                                MARGARET CHEUNG, JOHN DEMEULEMEESTER,

                     NIZAR DEVJI, ERIC ELISON, GARY HARVIE, WILLIAM KING,

                 PETER LING, RICHARD LOW, JOHN PATTON et DARSHAN SINGH

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                                     ORDONNANCE

La demande est rejetée, avec dépens en faveur de tous les défendeurs.

                                                                                                                                             « E. Heneghan »

                                                                                                                                                               JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010807

Dossier : T-1835-99

Référence neutre : 2001 CFPI 861

ENTRE :

                                                           LORNE HAINS, AMY SIU

                                                             et BADRUDIN MOOSA

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                 AKBAR ALIBHAI, BRION BAILEY,

                                MARGARET CHEUNG, JOHN DEMEULEMEESTER,

                     NIZAR DEVJI, ERIC ELISON, GARY HARVIE, WILLIAM KING,

                 PETER LING, RICHARD LOW, JOHN PATTON et DARSHAN SINGH

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Heneghan

INTRODUCTION

[1]                 Lorne Hains, Badrudin Moosa et Amy Siu (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de Carol-Ann Hart, présidente, Comité d'appel de la Commission de la fonction publique (le Comité). La décision, rendue le 3 septembre 1999, faisait droit à l'appel déposé conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), chap. P-33, avec ses modifications (la Loi), numéro de dossier 97-NAR-01608, et elle a été communiquée aux demandeurs le 17 septembre 1999.


LES FAITS

[2]                 Les demandeurs sont des employés de l'Agence des douanes et du revenu du Canada au Bureau des services fiscaux de Burnaby/Fraser, en Colombie-Britannique. Ils avaient la classification de poste « AU » , qui est un poste de vérificateur. Leur emploi est régi par la Loi.

[3]                 En juin 1997, un concours interne a eu lieu pour établir une liste d'employés admissibles en vue de pourvoir divers postes AU-04 (le concours initial). Le résultat du concours a été que trente-trois candidats ont été jugés « qualifiés » . Le jury de sélection a établi une liste d'admissibilité composée des noms des douze premiers candidats qualifiés. Les demandeurs figuraient sur la liste d'admissibilité et ont été nommés aux nouveaux postes entre décembre 1997 et mai 1998.

[4]                 Monsieur Hains a été nommé au poste de responsable des dossiers importants (AU-04) le 1er décembre 1997. Monsieur Moosa a été nommé au poste de chef d'équipe des Services techniques le 1er décembre 1997. Mme Siu a été nommée au poste de chef d'équipe AU-04 en mai 1998.

[5]                 En novembre 1997, un appel a été entrepris par plusieurs personnes qui n'avaient pas réussi à figurer sur la liste d'admissibilité. Ces appelants étaient Akbar Alibhai, Brion Bailey, Margaret Cheung, John Demeulemeester, Nizar Devji, Eric Elison, Gary Harvie, William King, Peter Ling, Richard Low, John Patton et Darshan Singh (les défendeurs individuels). L'appel avait été interjeté conformément à l'article 21 de la Loi, au motif que la décision du jury de sélection était erronée.

[6]                 Le Comité d'appel a commencé d'instruire l'appel le 28 septembre 1998. L'audition s'est déroulée sur une période de onze jours. Des témoins ont été appelés, notamment un membre du jury de sélection. Le Comité d'appel a rendu sa décision le 3 septembre 1999, en accueillant l'appel au motif que le jury de sélection avait commis de nombreuses erreurs.

[7]                 Cette demande de contrôle judiciaire a alors été introduite par les candidats qui avaient réussi dans le concours initial pour inscription sur la liste d'admissibilité. Les demandeurs affirment que le Comité d'appel a commis une erreur en concluant que le jury de sélection avait agi d'une manière déraisonnable dans la notation de l'une des questions utilisées dans le processus de sélection, et aussi en concluant que le jury de sélection ne pouvait reformuler la manière dont les candidats étaient notés.

QUESTIONS

[8]                 Trois questions sont soulevées dans cette demande :

1)                    Le Comité d'appel a-t-il commis une erreur sujette à révision en ce qui a trait à la notation de la question neuf?

2)                    Le Comité d'appel a-t-il commis une erreur sujette à révision en concluant à l'incapacité du jury de sélection de reproduire les notes attribuées aux candidats conjointement avec un guide de notation?


3)                    Le Comité d'appel a-t-il commis une erreur de droit en appliquant la mauvaise norme de contrôle dans l'examen des notes et du mode de notation employé par le jury de sélection?

Arguments des demandeurs

[1]         Les demandeurs soutiennent que la décision du Comité d'appel, tant sur la conclusion concernant la notation de la question neuf que pour la conclusion concernant l'impossibilité de reformuler la manière dont les candidats avaient été notés, est manifestement déraisonnable. Ils soutiennent aussi que l'application par le Comité d'appel, dans la notation de la question neuf, de la norme de la décision manifestement déraisonnable est douteuse.

[2]         Les demandeurs affirment que le Comité d'appel a commis une erreur en concluant que le jury de sélection ne pouvait pas [TRADUCTION] « reformuler adéquatement ses évaluations des candidats pour démontrer que le principe du mérite avait été appliqué » . Selon les demandeurs, le Comité d'appel a présumé à tort que les grilles de notation utilisées par le jury de sélection étaient importantes dans l'évaluation des notes des candidats. Les demandeurs disent aussi que le Comité d'appel a commis une erreur en obligeant le jury de sélection à établir le fondement précis de la notation de chaque candidat.


[9]                 Les demandeurs disent que le Comité d'appel ne disposait d'aucune preuve concernant l'utilisation des grilles de notation, si ce n'est qu'elles étaient utilisées pour assurer l'uniformité. Les grilles de notation n'étaient pas utilisées pour classer les candidats. En accordant une importance aux grilles de notation à une fin à laquelle les décideurs initiaux n'attachaient pas de valeur, le Comité d'appel a en fait substitué sa propre opinion à l'évaluation effectuée par le jury de sélection. Selon les demandeurs, il s'agit là d'une erreur de fait et de droit comme celle dont il est question dans l'affaire Scarizzi c. Marinaki (1994), 87 F.T.R. 66.

[10]            Les demandeurs disent aussi que le Comité d'appel s'est à tort appuyé sur les observations du président Preto dans l'affaire Battaglia et al. (1995) ABF [14-1] 29 (Preto). D'après eux, la décision rendue dans l'affaire Battaglia présentait des faits différents de ceux de la présente espèce.

[11]            Dans l'affaire Battaglia, le président Preto devait se pencher sur les tentatives du jury de sélection de corriger les erreurs de notes d'examen dans un cas où l'existence de ces erreurs était admise. Tel n'est pas le cas ici parce qu'il n'est pas prouvé que le jury de sélection a commis une erreur dans les notes qu'il a attribuées. Il faisait passer des entrevues à des candidats afin de pourvoir des postes de gestion et il était à juste titre préoccupé par la qualité des réponses fournies par les candidats. Cela nécessitait une évaluation subjective fondée sur les entrevues qui se déroulaient et sur le consensus atteint par les membres du jury de sélection après l'entrevue de chaque candidat.

Arguments des défendeurs


[12]            Le défendeur, le procureur général, affirme que le Comité d'appel a eu raison d'appliquer la norme de la décision raisonnable dans son examen de la décision du jury de sélection et que la Cour doit appliquer cette même norme à la décision du Comité d'appel. Il dit que la décision du Comité d'appel est raisonnable au vu de la preuve dont il disposait et que la décision devrait être confirmée.

[13]            Les défendeurs individuels soutiennent eux aussi que la décision du Comité d'appel est raisonnable et qu'elle devrait être contrôlée d'après cette norme. Puisque la décision elle-même se rapporte à un concours pour un emploi au sein de la fonction publique fédérale et que les concours de ce genre sont régis par le principe du mérite, la norme de contrôle à appliquer, tant pour le jury de sélection que pour le Comité d'appel, est celle de la décision raisonnable; voir l'affaire Majdan c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 1739.

[14]            Les défendeurs individuels affirment aussi que la norme de contrôle à appliquer en l'espèce est celle de la décision raisonnable, à la fois en tant que critère devant être appliqué par le Comité d'appel dans son examen de la décision du jury de sélection et en tant que critère devant être appliqué par la Cour dans la présente demande. Les défendeurs individuels soutiennent que l'emploi des mots « manifestement déraisonnable » par le Comité d'appel pour décrire la décision du jury de sélection ne signifie pas que le Comité d'appel a mal compris ou mal appliqué le critère du contrôle de la décision du jury de sélection. L'emploi de ces mots signifie que le membre du Comité d'appel a conclu que le jury de sélection « a agi déraisonnablement » . Les défendeurs individuels invoquent ici l'affaire Ewing c. Canada (1999), 171 F.T.R. 136 et l'affaire Upadhyaya c. Canada, [2000] A.C.F. no 2006.

[15]            Les défendeurs individuels s'intéressent aussi au fond de la décision rendue par le Comité d'appel. S'agissant de la question neuf du concours, ils disent que le Comité d'appel a agi raisonnablement en concluant qu'il ne pouvait être certain que le principe du mérite était respecté. Il était légitime pour le Comité d'appel d'examiner le contexte documentaire afin de savoir si le principe du mérite avait été observé. En l'espèce, la preuve documentaire montre un net écart entre les détails donnés dans les réponses escomptées et les réponses qui ont été acceptées par le jury de sélection. La situation rappelle celle de l'affaire Majdan, précitée. Vu les hausses de notes attribuées à certains candidats et les écarts entre les réponses espérées et les réponses effectives, le Comité d'appel a conclu à juste titre que le jury de sélection avait été déraisonnable dans son processus de sélection.

[16]            De même, les défendeurs individuels soutiennent que le Comité d'appel était en possession d'éléments de preuve se rapportant à la grille de notation dans l'évaluation des questions 3, 4, 6, 7 et 8. Ces éléments de preuve montraient que la grille de notation avait été utilisée par le jury de sélection d'une manière contradictoire et incohérente. Par exemple, le Comité d'appel disposait d'éléments de preuve selon lesquels le jury de sélection avait placé un « x » sur la grille de notation d'un candidat malgré une inscription, dans les notes du membre Wolsford, selon laquelle la réponse n'avait pas été fournie par ce candidat.[1]

[17]            Des témoignages contradictoires ont aussi été présentés au Comité d'appel par des membres du jury de sélection à propos de l'emploi de la grille de notation. Des membres du jury de sélection avaient témoigné qu'il n'existait pas de réel rapport entre la grille et les notes attribuées aux candidats[2].

[18]            Des éléments de preuve ont été présentés au Comité d'appel selon lesquels la grille de notation avait été utilisée durant la sélection. Le modèle particulier de cette grille n'appuyait pas les affirmations des membres du jury de sélection selon lesquelles la grille n'avait aucune incidence sur les notes attribuées à chaque candidat. L'emploi de « x » et de « y » montre clairement que la grille servait à l'évaluation relative des réponses des candidats. Selon les défendeurs individuels, le Comité d'appel a conclu à juste titre que les membres du jury de sélection n'étaient guère au fait du mode implicite d'évaluation des candidats[3].

[19]            Les défendeurs individuels soutiennent que le principe du mérite dans la sélection de candidats oblige les membres du jury de sélection à pouvoir expliquer le mode d'évaluation qu'ils ont utilisé. Les défendeurs individuels disent que la confusion des membres du jury de sélection lorsqu'ils ont voulu expliquer le processus de notation a rendu peu crédible cette explication; voir l'affaire Field c. Canada (Procureur général) (1995), 93 F.T.R. 158.

[20]            Les défendeurs individuels disent en conclusion que les décisions du Comité d'appel concernant la question neuf et l'utilisation de la grille de notation dans la notation des réponses aux questions 3, 4, 6, 7 et 8 étaient appuyées par la preuve présentée au Comité d'appel et n'étaient ni abusives ni arbitraires. Vu la preuve contradictoire présentée au Comité d'appel, le Comité a agi raisonnablement en concluant qu'il lui était impossible d'affirmer que le principe du mérite avait été observé dans l'évaluation des candidats.

ANALYSE

[21]            La première question à examiner concerne la norme de contrôle à appliquer. Cette question doit être considérée à la fois pour le contrôle de la décision du jury de sélection par le Comité d'appel et pour le contrôle de la décision du Comité d'appel par la Cour fédérale. Puisque la demande porte sur le contrôle de la décision du Comité d'appel, il convient d'examiner d'abord la norme de contrôle que doit appliquer la Cour.

[22]            Cette demande est présentée conformément aux articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, et modifications. Ces articles sont rédigés ainsi :



18. (1) Sous réserve de l'article 28, la Section de première instance a compétence exclusive, en première instance, pour_:

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l'alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d'obtenir réparation de la part d'un office fédéral.

(2) La Section de première instance a compétence exclusive, en première instance, dans le cas des demandes suivantes visant un membre des Forces canadiennes en poste à l'étranger_: bref d'habeas corpus ad subjiciendum, de certiorari, de prohibition ou de mandamus.

(3) Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés par présentation d'une demande de contrôle judiciaire.

L.R. (1985), ch. F-7, art. 18; 1990, ch. 8, art. 4.

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut_:

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas_:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(5) La Section de première instance peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu'en l'occurrence le vice n'entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l'ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu'elle estime indiquées.

1990, ch. 8, art. 5.

18. (1) Subject to section 28, the Trial Division has exclusive original jurisdiction

(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

(2) The Trial Division has exclusive original jurisdiction to hear and determine every application for a writ of habeas corpus ad subjiciendum, writ of certiorari, writ of prohibition or writ of mandamus in relation to any member of the Canadian Forces serving outside Canada.

(3) The remedies provided for in subsections (1) and (2) may be obtained only on an application for judicial review made under section 18.1.R.S., 1985, c. F-7, s. 18; 1990, c. 8, s. 4.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

(2) An application for judicial review in respect of a decision or order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within thirty days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected thereby, or within such further time as a judge of the Trial Division may, either before or after the expiration of those thirty days, fix or allow.

(3) On an application for judicial review, the Trial Division may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

(5) Where the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Trial Division may

(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or order, make an order validating the decision or order, to have effect from such time and on such terms as it considers appropriate.


[23]            La Cour interviendra si la décision soumise au contrôle est fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont disposait le décideur; voir l'affaire Brothers c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 1756. Lorsqu'un appel soulève essentiellement une question de droit portant sur l'application du principe du mérite, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte; voir l'affaire Boucher c. Canada (Procureur général), (2000) N.R. 186 (C.A.F.).

[24]            À mon avis, la présente demande concerne le contrôle de la décision du Comité d'appel au regard de ses conclusions de fait sur la décision du jury de sélection, et le contrôle de l'application, par le Comité d'appel, du principe du mérite conformément à l'article 10 de la Loi. Le Comité d'appel a examiné la preuve qui lui a été présentée. La question est de savoir si les conclusions du Comité d'appel sont justifiées par cette preuve. La norme applicable est donc celle de la décision raisonnable.

[25]            Dans l'affaire Maassen c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 961, la Cour a jugé que la norme de contrôle de la décision d'un Comité d'appel est celle de la décision correcte pour les questions de droit telles que l'interprétation de la Loi; voir l'arrêt Boucher, précité. Cependant, les conclusions de fait justifient un niveau supérieur de retenue sauf si le Comité d'appel les a tirées sans tenir compte de la preuve dont il disposait; voir l'affaire Canada (Comité d'appel de la Commission de la fonction publique) c. Rogerville (1996), 117 F.T.R. 53 (1re inst.).

[26]            Quant à la norme de contrôle que doit appliquer le Comité d'appel dans son examen de la décision du jury de sélection, elle dépend du rôle qu'exerce le Comité d'appel.

[27]            Dans l'arrêt Ratelle c. Canada (Direction générale des appels de la Commission de la fonction publique), (1975) 12 N.R. 85, la Cour d'appel fédérale décrivait au paragraphe 3 la fonction d'un Comité d'appel :


Il faut se rappeler que le rôle d'un jury de sélection et celui d'un comité saisi d'un appel en vertu de l'article 21 sont bien différents. Le jury de sélection n'est qu'un instrument utilisé par la Commission de la Fonction publique pour remplir la tâche que le législateur lui a confiée. Le rôle du jury c'est de déterminer le mérite des candidats à un poste donné en utilisant, sujet aux prescriptions de la Loi et des règlements, les moyens qu'il juge appropriés. Le rôle du Comité d'appel est bien différent. Il n'a pas, règle générale, à substituer son appréciation des candidats à celle du jury de sélection. L'appréciation du mérite de diverses personnes est bien souvent affaire d'opinion et il n'y a pas de raison de préférer, sur ce sujet, l'opinion du Comité d'appel à celle du jury de sélection. Le rôle du Comité d'appel est de faire enquête afin de déterminer si la sélection faite par le jury a été faite de façon telle qu'on puisse dire qu'elle est, comme l'exige la Loi, une « sélection établie au mérite » . Si le comité arrive à la conclusion que la sélection faite par le jury satisfait à cette exigence, il doit rejeter l'appel même s'il est d'opinion que s'il avait été lui-même chargé de la tâche confiée au jury de sélection, le résultat aurait pu être différent. Dans le cas où un jury de sélection a accompli son travail en se conformant à la Loi et aux règlements et en cherchant honnêtement par les moyens qu'il juge appropriés à choisir le candidat le plus méritant, un Comité outrepasse ses droits s'il accueille l'appel de la décision du jury pour le motif que le jury n'a pas, dans l'accomplissement de sa tâche, utilisé les moyens que le Comité d'appel juge les plus appropriés.

[28]            En l'espèce, le Comité d'appel a accueilli l'appel au motif qu'il n'était pas persuadé que le jury de sélection avait respecté le principe du mérite. L'article 10 de la Loi prévoit que toute nomination à un poste de la fonction publique se fait sur la base d'une sélection fondée sur le mérite. L'article 10 est ainsi rédigé :


10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats. L.R. (1985), ch. P-33, art. 10; 1992, ch. 54, art. 10.

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

(2) For the purposes of subsection (1), selection according to merit may, in the circumstances prescribed by the regulations of the Commission, be based on the competence of a person being considered for appointment as measured by such standard of competence as the Commission may establish, rather than as measured against the competence of other persons.

R.S., 1985, c. P-33, s. 10; 1992, c. 54, s. 10.


[29]            Pour arriver à sa conclusion sur ce point, le Comité d'appel a expressément examiné la manière dont les candidats avaient été notés pour la question neuf, ainsi que l'utilisation du guide de notation. Dans ses motifs, le Comité d'appel a tiré la conclusion suivante à propos de la notation de la question neuf :

[TRADUCTION] Après examen minutieux de toutes les allégations se rapportant à la question 9, je suis arrivé à la conclusion que, en acceptant les réponses comme ils l'ont fait dans la notation de la question 9, les membres du jury ont agi d'une manière clairement déraisonnable, ou d'une manière qui ne s'accordait pas avec la raison. Les réponses données par les candidats et consignées dans les notes des membres du jury de sélection offrent très peu de ressemblance avec les réponses escomptées (les dispositions effectives de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur la taxe d'accise). Nombre des réponses acceptées par le jury (tel qu'il appert des notes prises durant les entrevues) étaient loin de concorder avec la réponse effective espérée qui apparaissait dans les questions d'entrevue orale et la clé de notation (Pièce D-6). Certains candidats ont donc reçu une note indûment généreuse pour cette question. Cela est manifestement déraisonnable, et je me demande si le principe du mérite a été observé. Les allégations 14, 15(b), 16, 17(b), 18(b) et 19(b) sont confirmées. Les demandeurs soutiennent que ce paragraphe montre que le Comité d'appel a appliqué à tort le critère de la décision manifestement déraisonnable dans son examen de la décision du jury de sélection, mais cet argument ne tient pas[4].

[30]            Il ressort clairement de cet extrait des motifs du Comité d'appel que, selon le Comité d'appel, la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable. Il est clair aussi à mon avis que le Comité d'appel a appliqué cette norme, quels que soient les mots employés ici. La différence entre « raisonnable » et « manifestement déraisonnable » a été examinée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc. [1997] 1 R.C.S. 748, dans lequel la Cour s'est exprimée ainsi au paragraphe 57 :

La différence entre « déraisonnable » et « manifestement déraisonnable » réside dans le caractère flagrant ou évident du défaut. Si le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal, la décision de celui-ci est alors manifestement déraisonnable. Cependant, s'il faut procéder à un examen ou à une analyse en profondeur pour déceler le défaut, la décision est alors déraisonnable mais non manifestement déraisonnable.


[31]            À mon avis, l'analyse effectuée par le Comité d'appel pour l'évaluation de la preuve dont il disposait et qui portait sur la question de la notation de la question neuf montre qu'il a apprécié cette preuve avant d'arriver à sa conclusion. Il a donc appliqué la norme de la décision raisonnable. Selon moi, il était fondé à le faire. Quoi qu'il en soit, si le Comité a jugé que la notation de la question neuf était manifestement déraisonnable, elle était aussi par définition déraisonnable.

[32]            Le Comité d'appel a jugé aussi que le guide de notation avait été utilisé d'une manière incohérente par le jury de sélection et que le jury de sélection était incapable d'expliquer comment il avait évalué les candidats. Le Comité d'appel a fait sur cet aspect les observations suivantes :

[TRADUCTION]

En l'espèce, il existait une preuve documentaire, à savoir les notes et les grilles, mais le jury avait tenté de minimiser l'importance des grilles, et il avait adopté aussi le point de vue selon lequel les facteurs qui étaient pris en compte dans la notation des candidats n'étaient pas tous consignés dans les notes d'entrevue. Par ailleurs, le jury n'a pu produire un témoignage adéquat pour expliquer les notes assignées, ou non attribuées dans de nombreux cas. Les membres du jury de sélection ont semblé quelque peu confus quant à la manière exacte dont les candidats étaient évalués.

...

Le jury n'a pu montrer comment il avait utilisé les critères établis pour l'évaluation tels que les énonçait la grille de notation. Au départ, les membres du jury avaient témoigné que les grilles n'avaient pas du tout été utilisées, puis plus tard ils ont indiqué que les grilles avaient été utilisées pour garantir l'uniformité. La méthode employée pour l'évaluation n'était pas claire et semblait incohérente.

Comme le mentionne la décision Field, un jury de sélection doit pouvoir expliquer comment il a évalué les candidats, pour qu'il puisse être démontré que les candidats ont été évalués conformément au principe du mérite. Dans la décision Battaglia et al. d'un Comité d'appel, le président Preto du Comité d'appel s'est exprimé ainsi, à la page 42 :

[TRADUCTION]


... Un jury de sélection doit pouvoir expliquer les notes qu'il attribue aux candidats dans une sélection. L'une de ses tâches consiste à prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que sa manière de noter les réponses des candidats est exacte et uniforme. Je crois qu'en l'espèce le jury de sélection ne s'est pas acquitté de cette tâche d'une manière satisfaisante. La sélection dont il s'agit ici est donc entachée d'un vice fatal. Quelques points peuvent faire une différence entre un candidat qui se qualifie ou qui ne se qualifie pas ou, s'il se qualifie, ils peuvent modifier notablement son classement sur la liste d'admissibilité. J'ai soigneusement examiné tous les éléments de preuve et arguments se rapportant à cette question, et je n'ai d'autre choix que de conclure que les résultats du concours étaient fondés sur une notation inexacte et incohérente des réponses des candidats aux questions de connaissances. Je n'ai donc aucune certitude que les candidats les plus méritants ont été reconnus. En faisant cette allégation, les appelants soulèvent 29 cas de notation prétendument erronée. Au cours du deuxième jour de l'audience, le ministère a admis, en totalité ou en partie, 10 de ces cas. Au jour trois de l'audience, il en a admis cinq autres. De son propre chef, il a également recensé et présenté 17 cas additionnels où la notation avait été faite incorrectement. Je reconnais les réels efforts faits par le ministère pour tenter de sauver la notation du jury de sélection, mais je ne puis néanmoins avoir l'assurance que les résultats proposés reflètent exactement le mérite relatif des candidats. Je suis d'avis qu'une notation nouvelle et complète de l'examen des connaissances est maintenant nécessaire pour tous les candidats. Il faut examiner la question plus générale de savoir si tous les candidats qualifiés ont été reconnus et convenablement classés, c'est-à-dire la question de savoir si le principe du mérite a été observé.

La situation en l'espèce est semblable à celle décrite dans l'affaire Battaglia. J'ai trouvé que les membres du jury de sélection ne se souvenaient pas, ou fort peu, de la manière dont les candidats avaient été évalués, et j'ai trouvé qu'ils n'étaient pas en mesure de reformuler adéquatement leurs évaluations des candidats pour démontrer que le principe du mérite avait été appliqué. Les appels de tous les appelants sont accueillis[5].

[33]            Comme il est indiqué ci-dessus, les demandeurs soutiennent que le Comité d'appel s'est fondé à tort sur la décision Battaglia pour dire que le ministre doit pouvoir justifier les notes assignées aux candidats dans une sélection. Les demandeurs disent que la décision Battaglia ne s'accorde pas avec les faits de la présente espèce. Plus précisément, ils soutiennent que, dans la présente espèce, rien ne prouve que le jury de sélection s'est fourvoyé dans l'attribution des notes.


[34]            À mon avis, cet argument est lui aussi irrecevable. Le Comité d'appel a rédigé des motifs détaillés expliquant son point de vue selon lequel le jury de sélection avait mal utilisé la grille. Il a jugé aussi que la grille devait être annulée parce que les membres du jury de sélection qui avaient témoigné n'avaient pu expliquer comment la grille était utilisée. D'après moi, ces conclusions sont suffisantes pour permettre au Comité d'appel de conclure que l'utilisation de la grille de notation était déraisonnable.

[35]            En conclusion, les demandeurs n'ont pas prouvé que le Comité d'appel a commis dans sa décision une erreur de droit sujette à révision. La demande est rejetée, avec dépens en faveur de tous les défendeurs.

                                                                                         « E. Heneghan »

                                                                                                           JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

le 7 août 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-1835-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             LORNE HAINS ET AUTRES c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :                   VANCOUVER

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 20 JUILLET 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

EN DATE DU                                       8 AOÛT 2001

ONT COMPARU :

A. PAUL DEVINE,                                             POUR LES DEMANDEURS

PATRICIA JOHNSON,                                     POUR LE DÉFENDEUR,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

DOUGALD BROWN,                                       POUR LES DÉFENDEURS AUTRES QUE LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MILLER THOMSON LLP                                 POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (Colombie-Britannique)

MORRIS ROSENBERG                                    POUR LE DÉFENDEUR,

Procureur général du Canada                               LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

NELLIGAN POWER                           POUR LES DÉFENDEURS AUTRES QUE LE

Ottawa (Ontario)                                                  PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



[1]Décision, p. 72

[2]Décision, p. 71

[3]Ibid.

[4]Décision, p. 54.

[5]Décision, p. 70-73.

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