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Date : 20021008

Dossier : T-68-00

Référence neutre : 2002 CFPI 1047

ENTRE :

                                                   WESTSHORE TERMINALS LTD.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                L'ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER

                                                                                                                                               défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par la défenderesse, l'Administration portuaire de Vancouver (APV), afin d'obtenir une ordonnance lui adjugeant les dépens au détriment de la demanderesse, Westshore Terminals Ltd. (Westshore). La requête découle de deux décisions que j'ai rendues dans la présente instance, savoir des ordonnances rendues par suite d'une requête fondée sur la règle 312 et d'une requête fondée sur la règle 107[1].


[2]                 Pour ce qui est de la requête fondée sur la règle 312, j'ai refusé à Westshore l'autorisation de déposer quatre affidavits qu'elle cherchait à déposer dans la procédure fondée sur la règle 107. Pour ce qui a trait à la requête fondée sur la règle 107, on m'a demandé de répondre à cinq questions et j'ai donné des réponses qui étaient favorables à l'APV. Par conséquent, l'APV réclame maintenant les dépens se rapportant aux deux requêtes.

[3]                 Tout d'abord, pour ce qui a trait à la requête fondée sur la règle 312, l'APV demande des dépens procureur-client au montant de 95 879,04 $. Subsidiairement, elle réclame une ordonnance d'adjudication des dépens, payables immédiatement et en tout état de cause, sur une base forfaitaire, au montant de 75 000 $. Ou, troisièmement, l'APV recherche une ordonnance d'adjudication des dépens, calculés selon les unités maximales prévues sous la colonne V du tarif B, au montant de 71 046,99 $.

[4]                 Pour ce qui est de la requête fondée sur la règle 107, l'APV demande une ordonnance relative aux dépens calculés selon l'échelle la plus élevée de la colonne V du tarif B au montant de 28 466,33 $.


[5]                 Bien entendu, Westshore adopte une position très différente. Pour ce qui a trait à la requête fondée sur la règle 312, elle soutient que l'APV n'a droit qu'à des frais raisonnables, conformément à la colonne III du Tarif. En outre, pour ce qui des contre-interrogatoires se rapportant aux affidavits qu'elle demandait à produire et à ceux qui ont été déposés en réponse par l'APV, Westshore prétend que, parce que l'avocat de l'APV a fait obstruction pendant les contre-interrogatoires, l'APV ne devrait pas avoir droit à ses dépens, et qu'elle devrait au contraire payer les dépens de Westshore.

[6]                 Pour ce qui est de la requête fondée sur la règle 107, Westshore est d'avis qu'il ne devrait pas y avoir d'ordonnance d'adjudication des dépens, étant donné que la question dont était saisie la Cour constituait une première interprétation d'une loi concernant une question d'intérêt public. Subsidiairement, Westshore soutient que si les dépens sont adjugés en faveur de l'APV, on n'a donné aucune raison qui puisse justifier de s'éloigner de la colonne III du Tarif.

[7]                 J'aborde maintenant la requête fondée sur la règle 312. J'ai refusé à Westshore l'autorisation de déposer ses affidavits dans la procédure fondée sur la règle 107, parce que j'étais d'avis qu'ils n'étaient pas pertinents. Le mémoire de frais déposé par l'APV indique que les frais et débours, majorés de la taxe fédérale sur les produits et services, s'élève à 95 879,04 $. L'APV demande une ordonnance relative aux dépens procureur-client pour les raisons suivantes (tirées du paragraphe 32 de son mémoire) :

a)         L'APV a toujours soutenu que les affidavits proposés par Westshore étaient tout à fait inutiles dans une demande fondée sur la règle 107;

b)         les affidavits de Westshore et toute la procédure fondée sur la règle 312 n'ont servi qu'à prolonger inutilement l'instance;

c)         Westshore a préparé et remis des affidavits qui ont été jugés inadmissibles en preuve;


d)         le 6 septembre 2001, l'APV a remis une offre de règlement à Westshore, lui donnant la possibilité de retirer ses affidavits et de ne pas engager des frais considérables pour la préparation et la comparution aux contre-interrogatoires se rapportant à la totalité des affidavits; et

e)         Westshore a soutenu au cours de la conférence préparatoire qui s'est tenue devant le protonotaire Hargrave le 6 septembre que tout préjudice causé à l'APV par suite des affidavits, si ceux-ci étaient jugés inadmissibles, pouvait être compensé au moyen d'une ordonnance d'adjudication des dépens appropriée.

[8]                 Dans l'arrêt Amway Corp. c. La Reine, (1990) 2 C.T.C. 339 (C.A.F.), aux pages 340 et 341, le juge Mahoney a clairement indiqué que l'adjudication des dépens sur la base des frais entre procureur et client était exceptionnelle et ne devrait être autorisée que lorsqu'une faute était prouvée. Malgré les arguments très éloquents de M. Kirkham sur ce point, je suis convaincu qu'il n'y a pas eu de faute de la part de Westshore dans le cadre de la requête fondée sur la règle 312. Par conséquent, l'APV n'a pas droit, à mon avis, aux dépens procureur-client.

[9]                 Subsidiairement, l'APV demande une somme forfaitaire au montant de 75 000 $ ou les frais calculés selon l'échelle la plus élevée de la colonne V et le double des frais calculés selon cette échelle après le 6 septembre 2001, date à laquelle l'APV a écrit à Westshore, proposant que chaque partie retire ses affidavits et abandonne les contre-interrogatoires s'y rapportant. La lettre se termine sur les mots suivants :


[TRADUCTION]

Si cette offre n'est pas acceptée par Westshore, les contre-interrogatoires auront lieu. Si la position de l'APV - selon laquelle la totalité des affidavits sont inadmissibles - est au bout du compte maintenue en cour, nous demanderons une ordonnance relative aux dépens calculés sur la base des frais procureur-client, ou selon la plus haute échelle disponible, pour ce qui est de la préparation des affidavits, des contre-interrogatoires se rapportant aux affidavits et de la plaidoirie sur leur admissibilité, en tout état de cause. Au cours de cette audience, nous avons l'intention de déposer cette lettre en preuve.

[10]            Il ne fait aucun doute que, dans des circonstances appropriées, la présente Cour peut adjuger des dépens sur une base forfaitaire (voir Eli Lily & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] A.C.F. no 1343 (C.F. 1re inst.) et AIC Ltd c. Infinity Investment Counsel Ltd., [1998] A.C.F. no 904 (C.F. 1re inst.)).

[11]            Bien que la question posée dans le cadre de la requête fondée sur la règle 312 ne fût pas compliquée, je suis convaincu qu'elle a nécessité beaucoup de travail au cours de l'instance qui s'est terminée par mon ordonnance du 24 octobre 2001. Westshore et l'APV estiment toutes deux que l'autre partie [TRADUCTION] « s'est mal comportée » pendant ces instances. Je ne partage pas leurs vues.

[12]            Après avoir soigneusement examiné les plaidoiries verbales et écrites présentées par les avocats de Westshore et de l'APV, ainsi que les facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles de la Cour fédérale (1998), plus particulièrement ceux qui ont trait au résultat de l'instance et à la charge de travail, j'ai conclu qu'une somme forfaitaire de 40 000 $, au lieu des dépens taxés, devait être accordée.


[13]            J'aborde maintenant la requête fondée sur la règle 107, à l'égard de laquelle l'APV demande les dépens calculés selon l'échelle la plus élevée de la colonne V du tarif B, au montant de 28 466.33 $. L'APV soutient qu'une telle ordonnance est tout à fait justifiée pour les raisons suivantes :

a)         elle a été accueillie en entier;

b)         les questions en jeu étaient d'importance nationale, étant donné qu'il s'agissait de la première interprétation des dispositions pertinentes de la Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10;

c)         le résultat de l'instance est d'une extrême importance pour les parties en ce que Westshore cherchait à faire réduire son loyer d'environ 12 millions $ par année sur une période potentielle de 20 ans.

[14]            Pour sa part, Westshore estime que le succès de l'APV dans la requête n'est pas une raison pour ne pas utiliser la colonne III du tarif B. En outre, Westshore soutient que puisque la question portait sur une première interprétation d'une loi et qu'elle était d'intérêt public, il ne devrait pas y avoir adjudication des dépens.

[15]            À l'appui de cette dernière prétention, Westshore m'a cité un certain nombre de décisions, en particulier la décision de la Cour d'appel fédérale dans Swan c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1555 (C.A.F.), dans laquelle la Cour a accueilli un appel ayant trait à l'évaluation de prestations de retraite sans adjuger les dépens au motif que la question dont était saisie la Cour était une première interprétation.


[16]            Même si la question dont j'étais saisi dans la requête fondée sur la règle 107 était une première interprétation d'une loi et aussi une question d'intérêt public, on ne m'a pas persuadé que je devrais priver l'APV de ses dépens. Toutefois, le fait que la question constituait une première interprétation et qu'elle était d'intérêt public revêt une importance considérable, à mon avis, dans la question de savoir s'il faut rendre une ordonnance relative aux dépens dans une requête fondée sur la règle 107. Dans les circonstances, je suis d'avis que les dépens de l'APV devraient être taxés conformément à la colonne III du tarif B, et c'est la directive que je donne à l'officier taxateur.

[17]            L'APV a droit à ses dépens dans la requête dont je suis saisi et ses dépens seront taxés conformément à la colonne III du tarif B.

                                                                                           « M. Nadon »             

                                                                                                             Juge                     

O T T A W A (Ontario)

le 8 octobre 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-68-00

  

INTITULÉ DE LA CAUSE :                       Westshore Terminals Ltd. c. Administration portuaire de Vancouver

  

DATE DE L'AUDIENCE :                          le 14 juin 2002

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Toronto (Ontario)

  

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :             le juge Nadon

  

DATE :                                                             le 8 octobre 2002

  

COMPARUTIONS :

Bruce Carr-Harris                                                             Pour la demanderesse

Peter A. Juk

D. Barry Kirkham, c.r.                                                     Pour la défenderesse

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais LLP                                             Pour la demanderesse

Avocats

Ottawa (Ontario)

Blake, Cassels & Craydon LLP                                       Pour la demanderesse

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Owen Bird                                                                         Pour la défenderesse

Vancouver (Colombie-Britannique)



[1]            Les règles 107 et 312 sont rédigées dans les termes suivants :

107.        (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner l'instruction d'une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

(2) La Cour peut assortir l'ordonnance visée au paragraphe (1) de directives concernant une procédure à suivre, notamment pour la tenue d'un interrogatoire préalable et la communication du document.

312.        Une partie peut, avec l'autorisation de la Cour :

a)    déposer des affidavits complémentaires en plus de ceux visés aux règles 306 et 307;

b)    effectuer des contre-interrogatoires au sujet des affidavits en plus de ceux visés à la règle 308;

c)    déposer un dossier complémentaire.

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