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Date : 20010511

Dossier : IMM-6130-99

Référence neutre : 2001 CFPI 466

ENTRE :

                                       STEVEN ROMANS

                                                                                                  demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]    Dans la présente demande, Steven Romans conteste la décision datée du 30 novembre 1999 rendue par la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ( « Section d'appel » ), par laquelle celle-ci rejetait l'appel interjeté par M. Romans d'une mesure de renvoi.


LES FAITS

[2]    Âgé de 35 ans, M. Romans est un citoyen jamaïcain qui est arrivé au Canada en 1967, à l'âge de deux ans. Il a obtenu le statut de résident permanent et l'a toujours conservé.

[3]    La mère de M. Romans dit de lui qu'il était un bel enfant et le plus obéissant de ses enfants. Cependant, de façon tragique, M. Romans a commencé à manifester des signes de maladie mentale au cours de l'adolescence. Les relations qu'il entretenait avec sa famille se sont brouillées et il a commencé à consommer de la drogue. Il vivait dans la rue ou dans des maisons de refuge.

[4]    En 1995, M. Romans a été diagnostiqué comme souffrant de schizophrénie paranoïde chronique et comme étant aux prises avec un problème de toxicomanie et de troubles de la personnalité. M. Romans a toujours bénéficié de l'amour et du soutien de sa famille, même si sa maladie est malheureusement de nature à donner lieu à des délires paranoïdes centrés sur les membres de sa famille.

[5]    Le 12 mars 1999, un rapport fondé sur l'article 27 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ), a été délivré, dans lequel on apprenait que M. Romans était un résident permanent visé à l'alinéa 27(1)d) de la Loi. Cet alinéa prévoit :



27. (1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui-ci, selon le cas_:

[...]

d) a été déclaré coupable d'une infraction prévue par une loi fédérale, autre qu'une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions :

(i) soit pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a été imposée,

(ii) soit qui peut être punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans.

27. (1) An immigration officer or a peace officer shall forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a permanent resident is a person who

[...]

(d) has been convicted of an offence under any Act of Parliament, other than an offence designated as a contravention under the Contraventions Act, for which a term of imprisonment of more than six months has been, or five years or more may be, imposed.


[6]                 Le rapport se fondait sur le prononcé d'une déclaration de culpabilité en juin 1991 sous un chef d'introduction par effraction dans un dessein criminel, d'une déclaration de culpabilité en juillet 1992 sous un chef de trafic de stupéfiants, d'une déclaration de culpabilité en décembre 1992 sous un chef de trafic de stupéfiants et sous un chef de possession en vue du trafic, ainsi que d'une déclaration de culpabilité en décembre 1996 sous un chef de voies de fait. Par suite de la délivrance de ce rapport, une enquête a été ordonnée en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi. Le 7 juin 1999, cette enquête a donné lieu à une mesure d'expulsion conformément au paragraphe 32(2) de la Loi.


[7]                 L'appel de cette mesure d'expulsion a été interjeté auprès de la Section d'appel aux termes de l'article 70 de la Loi. M. Romans n'a pas pris part à l'audience en raison de sa maladie, mais un représentant désigné a agi en son nom. On n'a pas contesté la validité de la mesure de renvoi devant la Section d'appel. On a plutôt fait valoir que, vu l'ensemble des circonstances, M. Romans ne devrait pas être renvoyé du pays.

[8]                 Rejetant l'appel, la Section d'appel a noté que M. Romans souffrait de schizophrénie paranoïde chronique et qu'il était aux prises avec un problème de toxicomanie et des troubles de la personnalité qui se manifestaient par des caractères anti-sociaux. La Section d'appel a noté que M. Romans avait été déclaré coupable de 36 infractions sur une période de 11 ans allant de 1988, alors qu'il était âgé de 22 ans, jusqu'au mois de mars 1999. La Section d'appel a énuméré les infractions dont M. Romans a été déclaré coupable : trois déclarations de culpabilité pour agression sexuelle, quatre déclarations de culpabilité pour voies de fait, une déclaration de culpabilité pour voies de fait causant des lésions corporelles, trois déclarations de culpabilité pour des infractions liées aux stupéfiants, ainsi que le défaut, à huit reprises, de se conformer aux ordonnances ou de comparaître.

[9]                 La Section d'appel a ensuite conclu que le risque de récidive de M. Romans était très élevé et que les infractions seraient de nature violente. Selon la Section d'appel, on n'a pas démontré qu'un médicament pouvait contrôler la maladie mentale de M. Romans de manière à lui permettre de vivre en société.


[10]            La Section d'appel a noté que, si M. Romans a une résidence quelque part dans le monde, c'est au Canada qu'il s'est établi. On a pris note du fait qu'il n'avait pas d'emploi, qu'il vivait de l'aide sociale, qu'il n'avait pas d'amis, d'épouse ou d'enfant, mais qu'il entretenait des liens très solides avec sa famille. La formation a tenu à souligner les efforts herculéens déployés par la mère de M. Romans pour aider son fils à surmonter les effets de sa maladie.

[11]            La Section d'appel a néanmoins conclu que les effets de la maladie de M. Romans avaient fait de lui un sans-abri. Pour reprendre les termes employés par la Section d'appel, « [s]'il est expulsé, il est probable que cela ne changera pas grand chose à sa vie » .

[12]            La Section d'appel estimait devoir soupeser la probabilité que M. Romans commettrait à l'avenir d'autres actes de violence par rapport à l'angoisse que sa famille ressentirait s'il devait être expulsé, ainsi qu'à toutes les autres circonstances militant en sa faveur.

[13]            Après avoir soupesé ces facteurs, la Section d'appel est arrivée à la conclusion que M. Romans n'avait pas pu démontrer qu'il ne devrait pas être renvoyé du Canada.

LES QUESTIONS EN LITIGE


[14]            M. Romans a soulevé deux questions à l'appui de la présente demande de contrôle judiciaire :

1.          Si le processus d'expulsion mettait en cause l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte » ), l'expulsion de M. Romans contreviendrait-elle aux garanties substantielles offertes par les principes de justice fondamentale, de sorte que la Section d'appel aurait ainsi commis une erreur?

2.          La Section d'appel a-t-elle tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables?

ANALYSE

(i) La question relative à la Charte


[15]            On a soutenu au nom de M. Romans que l'expulsion de celui-ci mettait en cause le droit à la liberté et à la sécurité de la personne garanti par l'article 7, parce que l'expulsion peut entraîner la détention et forcer le résident permanent à abandonner sa résidence et, à toutes fins pratiques, à renoncer à sa vie au Canada. À cela le ministre a fait valoir qu'aucune jurisprudence liant notre Cour étayait la proposition que les droits garantis par l'article 7 s'appliquent à la prise d'une mesure d'expulsion en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi et que les droits prévus par l'article 7 à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne n'étaient pas mis en cause par les circonstances particulières de la présente affaire.

[16]            La jurisprudence de notre Cour quant à savoir si l'expulsion met en cause l'article 7 de la Charte n'est pas encore établie.

[17]            Dans l'arrêt Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 581 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale paraît avoir conclu que l'article 7 de la Charte s'appliquait à l'expulsion d'un résident permanent en raison des déclarations de culpabilité criminelle de ce dernier. La Cour a souligné à la page 588 qu' « [...] il est possible d'expulser un résident permanent qui a commis un crime grave, sans qu'il y ait atteinte à la Charte tant que les principes de justice fondamentale auront été observés au préalable à son égard. Il échet donc d'examiner s'il y a eu en l'espèce violation des principes de justice fondamentale. La législation et la jurisprudence antérieure de cette Cour doivent le céder aux prescriptions de l'article 7 » .


[18]            Cependant, dans l'arrêt Canepa c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 3 C.F. 270 (C.A.F.), à la page 277, la Cour a noté que même si la Cour suprême du Canada avait laissé en suspens, dans l'arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, la question de savoir si l'expulsion d'un résident permanent ayant commis des infractions graves pouvait être considérée comme une perte de liberté aux termes de l'article 7, la Cour d'appel fédérale avait déjà pour sa part tranché la question par la négative. La Cour d'appel a donc conclu qu'elle ne pouvait, en raison de la jurisprudence, faire droit aux arguments relatifs à une violation de l'article 7.

[19]            Dans l'arrêt Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.F.), la Cour a passé en revue la jurisprudence qui existait sur la question de savoir si l'expulsion mettait en cause les droits garantis par l'article 7, faisant remarquer aux paragraphes 23 et 24 :

23             La jurisprudence de cette Cour sur ce point manque de cohérence. Dans une série de décisions [voir note 14 plus bas], il a été clairement statué qu'une expulsion n'entraîne pas une perte de liberté et, partant, que l'article 7 n'entre pas en jeu. Des opinions contraires ont été exprimées. Lorsque cette Cour a été saisie de l'affaire Chiarelli [voir note 15 plus bas], les juges sont tous arrivés à la conclusion que l'expulsion d'un résident permanent pouvait entraîner une perte de liberté, mais la Cour suprême [voir note 16 plus bas], qui a infirmé cette décision pour d'autres motifs, n'a pas jugé nécessaire de traiter cette question. Dans l'arrêt Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [voir note 17 plus bas], le juge Marceau, J.C.A., a déclaré à un moment donné qu'une déclaration d'irrecevabilité de la revendication d'un requérant ne porte pas en elle-même atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. Il a ensuite affirmé que lorsque cette déclaration est combinée à l'exigence voulant que les non-citoyens qui commettent des crimes graves soient expulsés, c'est tout le cadre législatif qui se rapporte à la « perte de liberté » . On ne sait pas très bien dans quelle mesure cette observation tient au fait que l'intéressé était un demandeur du statut de réfugié qui pouvait, par définition, affirmer que sa vie serait en danger s'il retournait dans son pays [voir note 18 plus bas]. De plus, il semble que ces conclusions étaient inutiles puisque la Cour a conclu qu'il n'y a pas eu d'entorse à la justice fondamentale.

24             Sans prétendre trancher la question à l'égard des réfugiés, j'ai du mal à comprendre comment on peut considérer que le refus d'accorder une dispense discrétionnaire de l'exécution d'une mesure d'expulsion légale prise contre un non-réfugié auquel la loi ne reconnaît pas le droit d'être au Canada entraîne une perte de liberté. À moins de considérer que la « liberté » comprend la liberté d'être partout où l'on veut, sans égard à la loi, comment l'exécution légale d'une mesure d'expulsion peut-elle faire perdre cette liberté? [notes de bas de page omises]


[20]            Subséquemment, dans l'affaire Al Yamani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (IMM-1919-98, 14 mars 2000 (C.F. 1re inst.)), le juge Gibson s'est penché sur la question de savoir si, à la lumière des faits dont il disposait, l'article 7 entrait en jeu. Le juge Gibson a souscrit à l'avis exprimé par le juge Pratte dans l'arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 2 C.F. 299 (C.A.F.), au paragraphe 59, selon lequel « l'expulsion entrave nécessairement la liberté [du demandeur] » de manière à mettre en cause l'article 7 de la Charte.

[21]            La Cour suprême du Canada a par la suite rendu sa décision dans l'arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, dans lequel les juges majoritaires de la Cour ont déclaré que l'article 7 de la Charte devait être interprété de façon large et que le droit à la liberté ne se limitait pas uniquement à l'absence de contrainte physique. Les juges majoritaires ont affirmé que, dans une société libre et démocratique, chacun a le droit de faire des choix personnels fondamentaux sans intervention de l'État. La majorité a ensuite noté que dans l'arrêt Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, au paragraphe 66, le juge LaForest, s'exprimant au nom des juges L'Heureux-Dubé et McLachlin (maintenant Juge en chef), avait réitéré son point de vue selon lequel le droit à la liberté garanti par l'article 7 protégeait le droit de chacun de faire des choix intrinsèquement privés, y compris le choix d'un lieu pour établir sa demeure.


[22]            Les conséquences attribuables à la prise d'une mesure d'expulsion contre un individu sont importantes. La mesure d'expulsion empêche M. Romans de faire le choix personnel fondamental de demeurer au Canada, là où il reçoit l'amour et le soutien de sa famille, un soutien financier, ainsi que le soutien de son travailleur social et du système de soins de santé. Je suis convaincue que, dans l'ensemble des circonstances dont je dispose, la prise d'une mesure d'expulsion en vertu des paragraphes 27(1) et 32(2) de la Loi met en jeu l'article 7 de la Charte.

[23]            L'article 7 de la Charte dispose :


7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.


[24]            Il convient donc de se demander ensuite si la perte du droit de M. Romans à sa liberté est compatible avec les principes de justice fondamentale.


[25]            On a soutenu au nom de M. Romans que le renvoi d'une personne atteinte de maladie mentale qui a le statut de résident permanent, qui a résidé au Canada pendant plus de 30 ans, dont tous les membres de la famille se trouvent ici et dont la durée de la plus longue peine criminelle est de 12 mois contreviendrait aux garanties substantielles offertes par les principes de justice fondamentale. On s'est considérablement référé à la jurisprudence internationale établie par la Cour européenne des droits de l'homme et par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, celui-ci étant favorable à l'idée que les résidents à long terme jouissent du droit inconditionnel de vivre dans le pays vers lequel ils ont immigré, et ce, malgré l'intérêt qu'a l'État de les expulser en raison de leurs activités criminelles.

[26]            En ce qui concerne la décision antérieure rendue par la Cour suprême dans l'arrêt Chiarelli, M. Romans a plaidé que la Charte était un document vivant, de sorte que l'arrêt Chiarelli doit être revu aujourd'hui à la lumière des nouveaux développements jurisprudentiels. Quoi qu'il en soit, on a considéré que l'arrêt Chiarelli se distinguait de la présente affaire en ce que M. Chiarelli est arrivé au Canada à l'adolescence, à l'âge de 15 ans, et qu'il n'était donc pas le produit de la société canadienne. On a prétendu que ce facteur établissait une distinction d'avec la situation de M. Romans. M. Romans est devenu ce que le Canada a fait de lui et, en raison de sa maladie mentale, il n'est pas responsable de ses agissements au même degré.

[27]            Enfin, M. Romans a renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779, où on a observé que, dans un contexte d'extradition, certaines circonstances pourraient faire en sorte que l'extradition porte atteinte à l'article 7 de la Charte lorsque le traitement réservé par l'État de destination choquerait les valeurs canadiennes.


[28]            Malgré l'argument convaincant avancé par l'avocat de M. Romans, je ne peux distinguer la présente affaire de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Chiarelli, par lequel je suis liée. Je ne peux conclure que la décision de la Cour suprême reposait sur l'âge ou la capacité de M. Chiarelli.

[29]            Dans l'arrêt Chiarelli, à la page 733, la Cour suprême a souligné à l'unanimité qu'il était loisible au législateur d'adopter des lois prescrivant les conditions en vertu desquelles il sera permis aux non-citoyens d'entrer et de demeurer au Canada. La Cour a conclu à la page 734 :

L'une des conditions auxquelles le législateur fédéral a assujetti le droit d'un résident permanent de demeurer au Canada est qu'il ne soit pas déclaré coupable d'une infraction punissable d'au moins cinq ans de prison. Cette condition traduit un choix légitime et non arbitraire fait par le législateur d'un cas où il n'est pas dans l'intérêt public de permettre à un non-citoyen de rester au pays. L'exigence que l'infraction donne lieu à une peine de cinq ans d'emprisonnement indique l'intention du législateur de limiter cette condition aux infractions relativement graves. Les circonstances personnelles de ceux qui manquent à cette condition peuvent certes varier énormément. La gravité des infractions visées au sous-al. 27(1)d)(ii) varie également, comme le peuvent aussi les faits entourant la perpétration d'une infraction en particulier. Toutes les personnes qui entrent dans la catégorie des résidents permanents mentionnés au sous-al. 27(1)d)(ii) ont cependant un point commun: elles ont manqué volontairement à une condition essentielle devant être respectée pour qu'il leur soit permis de demeurer au Canada. En pareil cas, mettre effectivement fin à leur droit d'y demeurer ne va nullement à l'encontre de la justice fondamentale. Dans le cas du résident permanent, seule l'expulsion permet d'atteindre ce résultat. Une ordonnance impérative n'a rien d'intrinsèquement injuste. La violation délibérée de la condition prescrite par le sous-al. 27(1)d)(ii) suffit pour justifier une ordonnance d'expulsion. Point n'est besoin, pour se conformer aux exigences de la justice fondamentale, de chercher, au-delà de ce seul fait, des circonstances aggravantes ou atténuantes.                                                                                    [non souligné dans l'original]

[30]            À mon avis, cette conclusion est déterminante à l'égard de la question de savoir si le renvoi de M. Romans va à l'encontre de l'article 7 de la Charte.


[31]            Quant à la référence à l'arrêt Kindler, je note que celui-ci précède l'arrêt Chiarelli, et je ne vois pas comment on peut affirmer que la décision explicitement rendue dans Chiarelli peut être modifiée par la décision antérieure de la Cour. De plus, on doit traiter les décisions rendues en contexte d'extradition avec une grande prudence pour les fins de la présente affaire, car l'extradition concerne les individus qui sont accusés, et non déclarés coupables, d'infractions.

[32]            Je me penche à présent sur la prochaine question.

(ii) Les conclusions de fait tirées par la Section d'appel étaient-elles manifestement déraisonnables?


[33]            Pour analyser cette question, il faut d'abord se demander : quelle norme de contrôle convient-il d'appliquer? La Section d'appel jouit d'un large pouvoir discrétionnaire pour autoriser un individu à demeurer au Canada. Par conséquent, pour que la décision de la Section d'appel sur cette question soit susceptible de révision, on doit démontrer que la Section d'appel a soit refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire, soit exercé son pouvoir discrétionnaire autrement qu'en conformité avec les principes juridiques établis. Si la Section d'appel a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi, non pas de manière arbitraire ou illégale, et en écartant les facteurs sans pertinence, la Cour ne peut modifier la décision rendue par la Section d'appel. Le fait que la Cour aurait pu avoir exercé ce pouvoir discrétionnaire différemment ne suffit pas. Voir : Boulis c. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration), [1974] R.C.S. 875.

[34]            En l'espèce, on a fait valoir que les conclusions déterminantes de la Section d'appel concernaient le risque que posait M. Romans à l'égard du public et son caractère violent. On a prétendu que ces conclusions ne faisaient nullement référence aux documents dont disposait la Section d'appel. Les déclarations de culpabilité pour des infractions liées aux stupéfiants tiendraient au fait que M. Romans a vendu une très petite quantité de stupéfiants pour financer sa propre dépendance. Compte tenu du fait que la plus longue peine d'emprisonnement qu'a reçue M. Romans est de 12 mois et qu'on n'a pas sollicité d'avis de danger, la Section d'appel aurait conclu au danger sans se référer aux éléments de preuve dont elle disposait.

[35]            Les renseignements sur le casier judiciaire de M. Romans contenus au dossier du tribunal sont peu nombreux. À titre d'exemple, bien que M. Romans ait été accusé sous trois chefs d'agression sexuelle en application de l'article 271 du Code criminel, on lui a imposé à cet égard une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de deux ans de probation. On ne sait pas très bien si cette peine lui a été infligée relativement aux déclarations de culpabilité sous les trois chefs ou à une infraction moindre et incluse.


[36]            Cependant, il ne fait aucun doute qu'en plus d'une déclaration de culpabilité en juillet 1992 pour trafic et des déclarations de culpabilité en décembre 1992 pour trafic et possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic, M. Romans a été déclaré coupable de voies de fait en août 1994, de voies de fait et de voies de fait causant des lésions corporelles en décembre 1996 ainsi que de voies de fait en mars 1999.

[37]            La Section d'appel devait tenir compte de ces déclarations de culpabilité, de même que de l'ensemble des facteurs pertinents, afin de décider s'il y avait lieu de renvoyer M. Romans du Canada.

[38]            L'avocat de M. Romans n'a pas contesté la conclusion de la Section d'appel selon laquelle il était très probable que M. Romans récidive. Pour cette raison, et vu les voies de fait antérieures qui figurent au dossier et qu'aucun médicament ne semble contrôler la maladie mentale de M. Romans, je ne suis pas d'avis que la conclusion tirée par la Section d'appel, selon laquelle il était très probable que M. Romans récidive et que les infractions seraient de nature violente, est manifestement déraisonnable.

ORDONNANCE

[39]            Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.


[40]            Lors de l'audition, j'ai reçu certaines observations de la part des avocats au sujet de la certification d'une question. J'estime cependant qu'il est préférable de donner aux avocats l'occasion de soumettre leurs observations sur la certification une fois qu'ils auront pris connaissance des présents motifs. Chaque partie disposera alors de sept jours à compter de la réception des présents motifs pour signifier et déposer ses observations sur la certification d'une question. Qui plus est, chaque partie disposera de trois jours additionnels pour signifier et déposer ses observations en réponse à celles de la partie adverse au sujet de la certification d'une question. Après examen de ces observations, je délivrerai une ordonnance portant rejet de la demande de contrôle judiciaire.

[41]            Enfin, je tiens à remercier les avocats pour le caractère persuasif et la concision de leurs arguments.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                          J.C.F.C.                        

Toronto (Ontario)

Le 11 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                                                   IMM-6130-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                   STEVEN ROMANS

demandeur

-et-

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                                      LE MARDI 14 NOVEMBRE 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :     MADAME LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :                                        VENDREDI 11 MAI 2001

ONT COMPARU :                                                M. Lorne Waldman

Pour le demandeur

M. David Tyndale

                                                                                   

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Jackman, Waldman & Associates

Avocats

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

Pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                Date : 20010511

                                                                                                                 Dossier : IMM-6130-99

Entre :

STEVEN ROMANS

demandeur

-et-

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                   

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