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                                                                                                                              Date : 20050329

                                                                                                                  Dossier : IMM-2970-04

                                                                                                              Référence : 2005 CF 419

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

THAMARAICHELVY LOGESWAREN,

RUBIGAH LOGESWAREN

et RUBAGANTH LOGESWAREN

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]         Les demandeurs, une mère et ses deux enfants mineurs, sont d'origine sri-lankaise. Ils sont arrivés au Canada en 1993 et se sont vu reconnaître le statut de réfugié le 6 mai 1993. Les événements suivants sont survenus depuis cette date :


·                       en 1994, le ministre a allégué, sur la foi d'une information, que les empreintes digitales de la demanderesse principale correspondaient à celles de « SK » , une personne à qui le statut de réfugié avait été refusé en Suisse en 1987;

·                       le ministre a demandé l'annulation de la reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs en 1999; cette demande a été rejetée en raison de l'insuffisance de la preuve relative aux empreintes digitales;

·                       le 14 mars 2001, le ministre a demandé à la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié l'autorisation de faire réexaminer et annuler la reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs, conformément au paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985 (1er suppl.), ch. 31, telle que modifiée (l'ancienne loi), compte tenu des éléments de preuve additionnels concernant l'identité de SK qu'il avait reçus;

·                       l'autorisation a été accordée le 5 juillet 2001;

·                       le 18 septembre 2002, le ministre a signifié un avis de demande d'annulation, dans lequel il faisait référence à l'article 57 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles);


·                       dans une décision rendue en date du 10 mars 2004, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a accueilli la demande du ministre visant l'annulation du statut de réfugié reconnu aux demandeurs.

[2]         Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.

QUESTIONS EN LITIGE

[3]         Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

1.       La Commission avait-elle la compétence ou le pouvoir de tenir l'audience d'annulation même si la demande aurait dû être présentée en vertu de l'article 55 ou 56 des Règles?

2.       La Commission a-t-elle commis une erreur en admettant des éléments de preuve qui avaient trait à la première demande présentée par le ministre afin d'obtenir l'annulation du statut de réfugié reconnu aux demandeurs?

3.       La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse principale et SK sont une seule et même personne?


ANALYSE

Question no 1 : La Commission avait-elle compétence pour tenir l'audience?

[4]        Les demandeurs prétendent que les articles 55 et 56 des Règles exigeaient du ministre qu'il demande l'annulation de la reconnaissance de leur statut de réfugié en utilisant l'une de ces dispositions. En l'espèce, l'avis de demande indique clairement que la demande est présentée en vertu de l'article 57, et non de l'article 55 ou 56 des Règles. Les demandeurs font valoir que le ministre aurait dû demander la réouverture soit de la décision rendue en 1999 en vertu de l'article 55 des Règles, soit du dossier qui « a fait l'objet d'un désistement » en 2001 en vertu de l'article 56 des Règles. Ils soutiennent en conséquence que la Commission n'avait pas compétence pour tenir l'audience.

[5]        J'estime que ces arguments ne sont pas fondés, comme le montrera un examen des dispositions législatives pertinentes.

[6]        Le pouvoir du ministre de demander l'annulation de la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas prévu dans les Règles, mais à l'article 109 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) :

109. (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d'asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

109. (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.


[7]         Le paragraphe 161(1) de la LIPR prévoit que le président peut prendre des règles visant « les travaux, la procédure et la pratique » de la Commission. Les Règles ne peuvent pas créer et ne créent pas de droits fondamentaux; c'est au Parlement qu'il appartient de créer de tels droits. Les Règles sont néanmoins importantes et devraient être suivies. Elles décrivent la procédure que la Commission doit suivre lorsqu'elle exerce certaines de ses fonctions.

[8]         La première règle qu'il faut examiner est l'article 56, qui figure dans la partie des Règles intitulée « Réouverture d'une demande » . Cette disposition qui, d'après les demandeurs, s'applique en l'espèce prévoit ce qui suit :

56. (1) [...] le ministre peut demander à la Section de rouvrir la demande d'annulation [...] qui a fait l'objet [...] d'un désistement.

56. (1)    The Minister . . . may make an application to the Division to reopen an Application to Vacate Refugee Protection. . . . that has been abandoned.

[9]         Selon les demandeurs, la deuxième demande d'annulation, qui avait été autorisée en juillet 2001, « a fait l'objet d'un désistement » de la part du ministre car ce dernier n'a rien fait jusqula signification de l'avis de demande, le 18 septembre 2002. En d'autres termes, les demandeurs prétendent que le ministre n'avait pas le droit de s'appuyer sur l'autorisation accordée sous le régime de l'ancienne loi et qu'il doit se conformer aux dispositions de la LIPR.


[10]      Je ne considère pas que la demande d'annulation « a fait l'objet d'un désistement » . Bien qu'aucune mesure n'ait été prise par le ministre entre l'octroi de l'autorisation par la présidente en juillet 2001 et la signification de l'avis le 18 septembre 2002, il n'y a rien dans l'ancienne loi, dans la LIPR ou dans les Règles qui l'empêchait d'aller de l'avant avec la demande. Contrairement à ce que les demandeurs prétendent, l'entrée en vigueur de la LIPR n'a pas entraîné le désistement de la demande. En fait, les articles 190 et 191 de la LIPR visent précisément le traitement des demandes présentées ou instruites sous le régime de l'ancienne loi pour lesquelles aucune décision n'avait été prise au moment de l'entrée en vigueur de ces dispositions. Plus particulièrement, l'article 190 prévoit que « [la LIPR] s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent article [le 28 juin 2002], aux demandes [...] présentées ou instruites [...] dans le cadre de l'ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a été prise » . Lorsque des « éléments de preuve de fond » ont été présentés avant le 28 juin 2002 mais qu'aucune décision n'a été prise à cette date, les procédures doivent être régies par l'ancienne loi (article 191 de la LIPR). Aucun élément de preuve n'ayant été présenté en l'espèce, c'est l'article 190 qui s'appliquait. Le ministre ne se trouvait donc pas dans la situation décrite à l'article 56 des Règles. La demande d'annulation pour laquelle une autorisation avait été accordée par la présidente conformément à l'ancienne loi n'avait pas fait l'objet d'un désistement.

[11]      Les demandeurs rappellent les commentaires faits par le juge Phelan sur une question interlocutoire qu'ils avaient soulevée. Selon eux, ces commentaires confirment que la demande doit être présentée conformément à l'article 56 des Règles. Dans Logeswaren c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1086 (Logeswaren 1), la Cour était saisie d'une demande de contrôle judiciaire visant une décision interlocutoire de la Commission qui avait rejeté la requête présentée par les demandeurs en vue de faire rejeter la demande pour cause de chose jugée. Le juge Phelan, qui a accueilli la demande de contrôle judiciaire en partie, a déclaré que la Commission ne stait pas demandé si le ministre avait présenté sa demande en vertu de la bonne disposition des Règles et que « [c]'est l'article 56 des Règles qui fournit le recours approprié » .


[12]      Ces commentaires du juge Phelan doivent être examinés à la lumière de ce qui suit. Lorsqu'elle a rendu sa première décision, la Cour ne savait pas que la Commission avait tenu l'audience et avait déjà rendu une décision sur le fond. En outre, les avocats n'avaient pas soulevé la question de l'applicabilitéde l'article 56 des Règles à la demande. En conséquence, une demande de réexamen de la décision du juge Phelan a été présentée par le ministre. Cette demande a été accueillie et le contrôle judiciaire de la décision interlocutoire a été rejeté (Logeswaren c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1659 (Logeswaren 2)). Au paragraphe 10 de sa décision, le juge Phelan écrit ce qui suit au sujet de l'applicabilitéde l'article 56 des Règles :

La Cour a procédé sur une compréhension erronée quant au fondement juridique de la requête en annulation du statut de réfugié présentée par le ministre. Le ministre avait compétence en vertu de l'article 190 de l'ancienne loi (la Loi sur l'immigration). L'autorisation de présenter la requête en annulation a été accordée le 5 juillet 2001. Par conséquent, l'exigence que la Commission réexamine l'affaire en vertu de l'article 56 des Règles n'est pas pertinente.

4.      

[13]       Ainsi, non seulement la première décision n'établit pas que l'article 56 des Règles s'applique, mais la deuxième décision du juge Phelan va tout à fait dans le sens contraire.

[14]       L'article 55 des Règles ne s'applique pas non plus à mon avis. Cette règle vise le cas où un demandeur d'asile ou le ministre demande la réouverture d'une demande d'asile. Or, en l'espèce, la Cour est saisie d'une demande d'annulation, laquelle est expressément régie par l'article 57 des Règles.


[15]       La seule disposition des Règles qui s'applique dans les circonstances est l'article 57. Celui-ci s'applique directement aux demandes d'annulation présentées en vertu de l'article 109 de la LIPR et précise la forme et le contenu de la demande. Peu importe que je considère l'avis de demande comme une « nouvelle » demande présentée en vertu de la LIPR ou la continuation, sous le régime de la LIPR, de la demande présentée le 14 mars 2001 en vertu de l'ancienne loi, conformément à la disposition transitoire de l'article 190, cela ne change rien : c'est l'article 57 des Règles qui s'applique.   

[16]       Les demandeurs rappellent que la demande présentée par le ministre en 1999 a été rejetée. Selon eux, comme la loi ne permet pas expressément plus d'une demande d'annulation, le ministre ne peut pas présenter plus d'une demande de ce type. Les demandeurs font valoir que, s'il en était autrement, ils ne seraient pas protégés [traduction] « contre le principe de la chose jugée existant en common law » . Cet argument n'a tout simplement pas de sens. Il est évident qu'un défendeur à l'égard duquel le ministre présente une deuxième demande d'annulation peut invoquer le principe de la chose jugée s'il est en mesure de présenter une preuve au soutien de ce moyen de défense. L'existence du droit de présenter des demandes additionnelles n'empêche pas l'application de ce principe de common law dans les cas appropriés. Comme la Commission l'a mentionné dans sa décision interlocutoire, ce principe ne s'appliquait pas en l'espèce. La LIPR n'empêche pas le ministre de présenter plus d'une demande d'annulation, et il ne conviendrait pas que je l'interprète autrement. Le législateur aurait pu limiter la possibilité de présenter une deuxième demande d'annulation comme il l'a fait dans le cas des demandes d'asile (article 101 de la LIPR). Or, il n'a pas limité la capacité du ministre de présenter plus d'une demande.


[17]       Enfin, je constate que les Règles elles-mêmes prévoient la contestation de la validité d'une demande, plus précisément à l'article 70 :

Le non-respect d'une exigence des présentes règles ne rend pas l'affaire invalide, à moins que la Section ne la déclare invalide.

Unless proceedings are declared invalid by the Division, a failure to follow any requirement of these Rules does not make the proceedings invalid.

[18]       En l'espèce, les demandeurs n'ont pas traité de la question de l'article 56 des Règles devant la Commission. En fait, il semble que la question ait surgi par suite de la première décision du juge Phelan. Aux termes de l'article 70 des Règles, une affaire ne peut être déclarée invalide que si l'invalidité est invoquée devant la Commission et que celle-ci rend une décision en ce sens. Ainsi, même si je devais accepter les prétentions des demandeurs en l'espèce, l'article 70 des Règles protégerait toujours la décision de la Commission.

[19]       Les demandeurs prétendent également que l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés empêche leur renvoi. Or, la Cour d'appel a récemment statué que les droits garantis par l'article 7 de la Charte n'entrent pas en jeu dans une procédure d'annulation (Coomaraswamy c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), 2002 CAF 153, au paragraphe 24).

[20]       Pour ces motifs, je suis convaincue que le ministre a agi correctement en se servant de l'article 109 de la LIPR et de l'article 57 des Règles et que la Commission était tout à fait compétente pour entendre l'affaire.


Question no 2 : La Commission a-t-elle commis une erreur en admettant des éléments de preuve qui avaient trait à la première demande présentée par le ministre afin d'obtenir l'annulation du statut de réfugiéreconnu aux demandeurs?

[21]       Dans une décision interlocutoire rendue le 26 mai 2003 relativement à une requête présentée par les demandeurs lors de la deuxième audience d'annulation, la SPR a statué que la question des empreintes avait déjà été réglée et qu'aucun élément de preuve additionnel n'allait être admis sur cette question. La demande de contrôle judiciaire concernant cette décision a ensuite été rejetée par la Cour (Logeswaren 1 et Logeswaren 2).

[22]       Lors de l'audience sur la demande d'annulation, la Commission a tenu compte d'autres éléments de preuve, notamment des photographies prises en Suisse en 1987 et à Toronto en 1994. Elle a aussi pris en considération le procès-verbal rédigé par un enquêteur de police français, Denis Marin. Les demandeurs soutiennent que ces protographies étaient disponibles au moment de la première audience et qu'elles n'auraient pas dû être gardées [traduction] « en réserve » en vue de la deuxième audience.

[23]       Les demandeurs tentent ainsi de contester, de manière à peine voilée, la décision interlocutoire rendue par la Commission sur la question de la chose jugée. Dans cette décision, la Commission a parlé des éléments de preuve additionnels fournis par les autorités suisses :


[traduction] Je ne suis pas d'accord avec l'avocat des défendeurs [les demandeurs en l'espèce] lorsqu'il prétend que le ministre a agi de mauvaise foi en ne produisant pas tous les éléments de preuve à l'audience de 1999. Je considère que les explications données par le ministre au sujet de la réticence des autorités suisses à fournir des documents sont crédibles et montrent que le ministre n'a été ni négligent ni de mauvaise foi.

[24]       Ainsi, bien qu'elle n'ait pas explicitement indiqué dans sa décision interlocutoire que les éléments de preuve additionnels seraient admis, la Commission a conclu que ces éléments de preuve ntaient pas raisonnablement disponibles au moment de la première audience. Par conséquent, compte tenu du rejet de la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs relativement à la décision interlocutoire, je considère que la prétention des demandeurs sur ce point constitue une contestation indirecte qui ne saurait être accueillie.


[25]       De toute manière, je suis convaincue que la Commission n'a pas tenu la deuxième audience sur la foi des mêmes éléments de preuve que la première audience. Les demandeurs s'appuient sur Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1340, aux paragraphes 11 et 12, pour affirmer que la Commission ne peut se fonder sur les mêmes éléments de preuve. Cette décision établit qu'un demandeur ne peut présenter une deuxième demande d'asile fondée sur la même preuve que la première. Les demandeurs invoquent également la décision Singh c. Canada, [1996] A.C.F. no 1572, aux paragraphes 8 à 17, conf. par [1998] A.C.F. 1624 (CAF), où la Cour a conclu qu' « aucune partie ne peut plaider une question litigieuse de manière fragmentée » (Singh, paragraphe 8) et que le principe de la chose jugée s'applique, « sauf dans des cas spéciaux, [...] à tous [les points] se rapportant à juste titre au sujet de litige et que les parties [...] auraient pu soulever àce moment » (Singh, paragraphe 9).

[26]       Àmon avis, aucune de ces décisions n'aide la cause des demandeurs parce qu'il ne fait aucun doute que la Commission s'est fondée sur des éléments de preuve différents lors de la deuxième audience et que le ministre a expliquéde manière raisonnable pourquoi ceux-ci n'avaient pas été produits lors de la première audience.

[27]       En ce qui concerne les autres pièces qui ont été admises à l'audience et qui faisaient également partie du dossier de la première audience, je suis d'accord avec la Commission : les documents en question (c.-à-d. les demandes de résidence permanente des demandeurs, le passeport et le rapport de vérification de celui-ci) n'auraient pas clarifié les choses puisque, à lpoque, le ministre ntait pas en possession des documents envoyés par la Suisse. Ce n'est que lorsque cette preuve a été disponible que les documents originaux sont devenus pertinents.

[28]       Je suis convaincue que la Commission n'a pas eu tort d'admettre les documents ou de s'appuyer sur eux.

Question no 3 : La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse principale et SK sont une seule et même personne?


[29]       Dans sa décision, la Commission a conclu que les demandeurs ntaient pas au Sri Lanka durant la plus grande partie de la période pendant laquelle ils disent avoir été persécutés. La Commission est arrivée à cette conclusion après avoir constaté que la demanderesse était SK, une personne qui se trouvait en Suisse à lpoque. Les demandeurs relèvent les erreurs suivantes à cet égard :

_     aucun élément de preuve concluant, par exemple des empreintes digitales ou les résultats d'une analyse de l'ADN, n'ont été produits pour démontrer que la demanderesse et SK sont une seule et même personne;

_     la preuve de M. Charbonneau, un expert en contrefaçon, a été admise sans appréciation de ses titres de compétence;

_     la Commission n'a pas aviséles demandeurs de son intention de se servir de ses connaissances spécialisées de cette façon, contrairement à ce qu'exige l'article 18 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (Lawal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 78 D.L.R. (4th) 522);

_     la Commission a assigné la demanderesse principale à témoigner à l'audience.


[30]       La première de ces prétendues erreurs a trait à l'appréciation de la preuve faite par la Commission. Celle-ci n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle. Il est vrai que les empreintes digitales et les résultats d'une analyse de l'ADN auraient constitué des éléments de preuve irréfutables, mais l'absence de tels éléments de preuve n'entraîne pas automatiquement une erreur. La Commission peut s'appuyer sur la preuve dont elle dispose. Sa conclusion doit être maintenue si elle n'est pas manifestement déraisonnable. En l'espèce, la Commission disposait de nombreux éléments de preuve sur lesquels elle pouvait se fonder pour conclure que la femme se trouvant en Suisse et la demanderesse principale étaient la même personne. Elle n'a pas commis d'erreur à cet égard.

[31]       En ce qui concerne la deuxième prétendue erreur, les demandeurs prétendent que le ministre aurait dû assigner à témoigner M. Charbonneau, l'expert en contrefaçon, sur le rapport duquel la Commission s'est appuyée. Je ne pense pas que le ministre était tenu de demander à l'expert de témoigner de vive voix sur son rapport. Selon un principe fondamental du droit administratif qui est énoncé dans la LIPR, la Commission « n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve » et elle « peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision » (alinéas 170g) et h) de la LIPR). Comme la Cour d'appel l'a dit dans Fajardo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 915 (C.A.F.), au paragraphe 4, « [i]l n'appartient pas à la Section du statut de réfugié [maintenant la Section de la protection des réfugiés] de s'imposer àelle-même ou d'imposer àdes demandeurs des restrictions dont le Parlement les a libérés en ce qui a trait à la preuve » .


[32]       En outre, je constate que le rapport a été remis aux demandeurs plus d'un an avant l'audience. Les demandeurs auraient pu prendre des mesures pour s'assurer de la présence de M. Charbonneau à l'audience afin de pouvoir le contre-interroger. Ils ne l'ont pas fait. Comme ce fut le cas dans Lin c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1290, au paragraphe 13, « [l]e requérant pouvait atteindre le résultat qu'il recherchait » . Il n'y a eu aucun manquement à la justice naturelle.

[33]       L'allégation des demandeurs selon laquelle la Commission s'est servie de ses connaissances spécialisées n'est pas confirmée par la décision ou par le dossier. Je ne vois rien qui indique que la Commission s'est servie de ses connaissances spécialisées. Par conséquent, l'article 18 des Règles ne s'applique pas.

[34]       Les demandeurs soutiennent en outre que la Commission a contrevenu aux règles de la justice naturelle en assignant la demanderesse principale à témoigner à l'audience. À mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur. Elle ntait pas saisie d'une affaire criminelle. Cette prétention a été examinée et rejetée par le juge McKeown dans Thambipillai c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1166, au paragraphe 5.

[35]       Pour ces motifs, je conclus que la Commission n'a commis aucune erreur lorsqu'elle a estimé que la demanderesse était la même personne qui avait revendiqué le statut de réfugié en Suisse en 1987 sous le nom de SK.


CONCLUSION

[36]       En conclusion, les demandeurs ne m'ont pas convaincue que leur demande devait être accueillie.

[37]       Le ministre a proposé une question sur l'applicabilité de l'article 56 des Règles qu'il me demandait de certifier uniquement si la demande était accueillie. Les demandeurs n'ont proposé aucune question aux fins de certification, et aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.       La demande est rejetée.

2.       Aucune question de portée générale n'est certifiée.

      « Judith A. Snider »      

       Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                            IMM-2970-04

INTITULÉ :                                                             THAMARAICHELVY LOGESWAREN et al.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 22 MARS 2005       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                          LE 29 MARS 2005

COMPARUTIONS :

Kumar S. Sriskanda                                              POUR LES DEMANDEURS

Kareena R. Wilding                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :            

Kumar S. Sriskanda                                              POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Scarborough (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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