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Date : 20200326


Dossier : IMM-2218-19

Référence : 2020 CF 428

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2020

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

ABRAHAM GONZALEZ LEON

demandeur

et

LE ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Section d’appel des réfugiés (SAR) a déterminé que Abraham Gonzalez Leon n’était pas une personne à protéger, malgré le fait qu’il faisait l’objet de menace de groupes criminels au Mexique, car il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à la Ville de Mexico ou dans l’État de Baja California. La SAR a déterminé que même si ces groupes avaient la capacité de le trouver ailleurs au Mexique, la preuve démontrait qu’ils n’avaient ni la volonté ni l’intérêt de le poursuivre.

[2]  Je suis d’avis que la décision de la SAR était raisonnable. L’importance accordée par la SAR à l’absence de preuve que ces groupes ont pris des mesures pour contacter ou chercher M. Gonzalez Leon était bien fondée, et le rejet des explications de M. Gonzalez Leon était justifié. Malgré les arguments de M. Gonzalez Leon, la SAR n’a pas fait de conjecture inappropriée dans ses conclusions, et elle a pris connaissance des arguments ainsi que les éléments de preuve soumis par M. Gonzalez Leon.

[3]  La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II.  La demande d’asile de M. Gonzalez Leon

[4]  M. Gonzalez Leon est agriculteur dans l’État de Guanajuato au Mexique. Alors qu’il travaillait à la ferme de son père, il a été menacé et extorqué à quelques reprises par deux groupes criminels rivaux : les Zetas et le Cartel Jalisco Nouvelle Génération (CJNG). Suite à ces menaces, il s’est enfui au Canada, où il a fait une demande d’asile dès son arrivée.

[5]  La Section de protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande de M. Gonzalez Leon en raison de l’existence d’une PRI à Mexico ou en Baja California. Pour arriver à cette conclusion, la SPR a seulement évalué la demande de M. Gonzalez Leon en vertu de l’alinéa 97(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), estimant que l’article 96 ne s’appliquait pas car la crainte n’était pas en lien avec l’un des cinq motifs de la définition de réfugié prévus à la Convention, et que l’alinéa 97(1)a) ne s’appliquait pas car l’auteur du préjudice redouté n’était pas un représentant de l’État.

[6]  La SAR a confirmé la décision de la SPR. Elle a accepté que les Zetas et le CJNG auraient la capacité de trouver M. Gonzalez Leon au Mexique, mais croyait que celui-ci n’avait pas démontré un risque sérieux de persécution dans les régions où il existe une PRI puisqu’il n’y avait aucune preuve que les Zetas ou le CJNG avaient l’intérêt ou la volonté de le poursuivre.

III.  Question en litige

[7]  La seule question soulevée par M. Gonzalez Leon est à savoir si la conclusion de la SAR qu’il existe une PRI à Mexico ou en Baja California était raisonnable.

IV.  La décision de la SAR qu’il existe une possibilité de refuge intérieur était raisonnable

A.  Norme de contrôle et cadre d’analyse

[8]  Les conclusions de fait de la SAR ainsi que son évaluation de la PRI sont des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit qui attire l’application de la norme de la décision raisonnable : Kaisar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 789 aux para 11, 19. Bien que les arguments des parties aient été soumis avant l’arrêt Vavilov, cette affaire confirme que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’analyse de ces questions : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16–17, 23–25.

[9]  Afin d’établir qu’il existe une PRI, la SAR doit être convaincue, sur la prépondérance des probabilités, (1) qu’il n’y a pas de risque sérieux de persécution pour le demandeur dans la région du pays où il existe une PRI ; et (2) que, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, la situation dans la région de la PRI était telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge : Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA) aux pp 709–711. L’analyse dans Rasaratnam a été conçue pour le réfugié au sens de la Convention en vertu de l’article 96 de la LIPR, mais l’exigence prévue au sous-alinéa 97(1)b)(ii) qu’une personne à protéger soit exposée à un risque « en tout lieu de ce pays » signifie que l’existence d’une PRI est également fatale à une demande d’asile en vertu de l’article 97 : Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 99 au para 16 ; Barragan Gonzalez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 502 aux para 45–46.

[10]  Devant cette Cour, le fardeau incombe à M. Gonzalez Leon de démontrer que la conclusion de la SAR qu’il existe une PRI était déraisonnable : Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA) aux pp 594, 597–598.

B.  Volet 1 : Risque sérieux de persécution pour le demandeur dans la région du pays où il existe une possibilité de refuge intérieur

[11]  À mon avis, la SAR n’a pas erré dans son évaluation du premier volet du test pour établir la PRI. Effectivement, la SAR a raisonnablement conclu (1) qu’il n’y avait pas de risque sérieux de persécution à Mexico ou en Baja California, étant donné l’absence de preuve que les persécuteurs de M. Gonzalez Leon avaient la volonté de le poursuivre ; et (2) que les explications de M. Gonzalez Leon étaient insuffisantes pour justifier cette absence de preuve et, conséquemment, pour établir un risque sérieux de persécution.

(1)  La preuve de la volonté des Zetas et la CJNG de poursuivre M. Gonzalez Leon

[12]  La SAR a adopté la conclusion de la SPR qu’il n’y avait pas de risque sérieux de persécution à la PRI parce que la preuve démontre que les groupes criminels qui auraient menacé M. Gonzalez Leon n’ont « ni le temps ni la motivation pour le rechercher partout dans un pays aussi vaste que le Mexique ». M. Gonzalez Leon conteste cette conclusion, soulignant la preuve qui indiquait que Mexico et Baja California se situent dans les zones d’influence des Zetas et du CJNG, et que ces groupes criminels sont dangereux et violents.

[13]  À cet égard, il est important de noter qu’il existe une différence entre la capacité d’un persécuteur de poursuivre un individu partout dans un pays et sa volonté ou son intérêt de le faire. Le fait qu’un persécuteur a la capacité de poursuivre un individu n’est pas une preuve décisive que ce dernier est motivé de poursuivre cet individu. Si le persécuteur n’a pas la volonté ou l’intérêt de trouver, poursuivre et/ou persécuter un individu, il est raisonnable de conclure qu’il n’y a pas de risque sérieux de persécution.

[14]  Selon la preuve au dossier, les Zetas et la CJNG sont des groupes nationaux avec des réseaux partout au Mexique. De toute évidence, ceux-ci ont la capacité de poursuivre M. Gonzalez Leon dans les régions identifiées comme PRI s’ils le désirent. La SAR ne dénie pas ceci. Elle a analysé la preuve à ce sujet et a accepté la proposition qu’il s’agit de groupes actifs au Mexique qui commettent des crimes violents et qui auraient les moyens de retracer quelqu’un au Mexique, si tel était leur désir.

[15]  Par contre, cette conclusion de la SAR à l’égard de la capacité des groupes de trouver M. Gonzalez Leon ne change pas le problème véritable : la SAR a conclu que la preuve démontrait que ces groupes n’étaient pas motivés à le poursuivre dans les régions où il existe une PRI. Il n’y a pas de risque sérieux de persécution pour un demandeur dans la région du pays où il existe une PRI lorsqu’il n’y a pas de preuve de l’intérêt des persécuteurs de le poursuivre, malgré la portée de ces groupes criminels.

[16]  M. Gonzalez Leon n’a présenté aucune preuve du désir des Zetas ou du CJNG de le poursuivre, malgré le délai d’environ deux ans entre son départ et son audience à la SAR. Rien dans le dossier n’indique que ces groupes aient essayé de contacter, trouver, menacer ou d’extorquer des fonds de M. Gonzalez Leon suite à son départ, soit en visitant la ferme ou par l’entremise de sa famille ou son épouse. Ce manque de preuve est un élément pouvant raisonnablement appuyer une conclusion à l’égard de l’absence d’un intérêt continu de poursuivre le demandeur et donc de l’existence d’une PRI : Roy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 434 au para 26; Deb c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1069 aux para 17–18.

[17]  M. Gonzalez Leon soutient que la conclusion de la SAR à l’égard du risque de persécution est erronée puisque la SAR s’est « livrée à des conjectures pour fonder sa décision ». Il argumente que la SAR n’a pas considéré la preuve de la capacité des Zetas et de la CJNG, et a plutôt émis des hypothèses à ce que ces groupes ne poursuivaient pas M. Gonzalez Leon puisqu’ils n’ont pas approché les membres de sa famille ou d’autres personnes proches.

[18]  La SAR a noté que les criminels qui menaçaient M. Gonzalez Leon ne sont jamais retournés à sa ferme et ne se sont plus jamais présentés auprès des membres de sa famille afin de s’en prendre à eux ou afin de le retrouver. Contrairement aux arguments de M. Gonzalez Leon, la SAR ne fait pas une simple « conjecture » lorsqu’elle tire de ces faits une conclusion que les criminels n’ont pas d’intérêt continu de poursuivre M. Gonzalez Leon et qu’ils ne le retrouveraient pas à Mexico ou en Baja California. Il s’agit plutôt d’une inférence raisonnable compte tenu de l’absence totale de preuve d’efforts pour le retrouver : Rofriguez Llianes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 492 au para 10.

[19]  M. Gonzalez Leon argumente que cette conclusion est contraire aux conclusions du juge Hughes dans l’arrêt Mendoza, sur lequel il s’appuie de manière significative : Mendoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 715. À mon avis, la conclusion de la SAR n’est pas incompatible avec l’arrêt Mendoza pour les raisons suivantes.

[20]  Comme M. Gonzalez Leon, les Mendozas se sont fuis du Mexique suite à des menaces d’extorsions des Zetas. À deux reprises, cette Cour a décidé que la reconnaissance d’une PRI ailleurs au Mexique n’était pas raisonnable, car les conclusions de la SPR étaient fondées sur des conjectures : Mendoza aux para 7–12. En arrivant à cette conclusion la deuxième fois, le juge Hughes s’est focalisé sur le fait que la SPR a fait des conjectures basées sur la crédibilité des Mendozas, un enjeu que la SPR n’avait pas remis en question.

[21]  Notamment, certaines preuves ont été soumises à l’effet que les Zetas démontraient un intérêt continu de poursuivre les Mendozas après leur départ du pays. Ils sont entrés par effraction dans le domicile des Mendozas pour y laisser une note, et ont contacté les membres de leur famille à plusieurs reprises pour savoir où ils se trouvaient : Mendoza aux para 6, 8. La SPR a miné la crédibilité des Mendozas et a rejeté cette preuve parce que les évènements ne s’accordaient pas avec ses expectatives de comment des cartels mexicains auraient agis. Le juge Hughes a rejeté cette analyse basée sur des conjectures, portant une attention particulière au fait que la SPR avait annoncé au début de l’audience que la crédibilité ne serait pas en cause à moins qu’elle ne soulève la question, ce qui n’a pas eu lieu : Mendoza aux para 9–11.

[22]  Mendoza n’énonce pas le principe que la simple capacité des groupes criminels de trouver quelqu’un signifie qu’ils veulent le trouver ni qu’il serait déraisonnable de conclure qu’il existe une PRI dans ces circonstances. Or, il n’énonce non plus le principe que quelqu’un qui est menacé par les Zetas et/ou le CJNG ne peut pas avoir une PRI viable au Mexique, même s’il n’y a pas de preuve que ces groupes le cherchent toujours.

[23]  En effet, la jurisprudence de cette Cour reconnaît qu’une PRI peut être raisonnable lorsqu’il n’y a pas de preuve qu’un groupe violent a un intérêt de poursuivre un demandeur. Dans l’arrêt Rofriguez Llianes, le demandeur craignait pour sa vie car il avait eu une relation amoureuse avec le partenaire d’un membre des Zetas : Rofriguez Llianes aux para 1, 4. Le demandeur argumentait qu’il n’existait pas de PRI au Mexique, vu la violence des Zetas, leurs liens avec la police mexicaine, et leur infiltration dans de nombreuses régions. Cet argument a été rejeté par la juge Mactavish, qui a confirmé qu’il était « entièrement raisonnable pour la Commission de considérer que le fait que personne n’avait jamais communiqué avec l’épouse ou les enfants du demandeur dans sa ville natale en vue de le retracer constituait une preuve du fait que […] personne ne s’intéressait au demandeur » : Rofriguez Llianes aux para 7–10.

[24]  À l’inverse, cette Cour a reconnu dans l’arrêt Silva Fuentes qu’une PRI était déraisonnable lorsqu’un décideur omet de reconnaître une preuve que les Zetas poursuivaient un individu : Silva Fuentes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1115. Dans cet arrêt, les demandeurs étaient des policiers qui ont empêché un véhicule des Zetas d’entrer dans une zone d’enquête en 2001. Suite à l’incident, les Zetas ont menacé de les tuer. La Commission a rejeté la demande d’asile des demandeurs parce qu’il existait une PRI. Pour sa part, le juge Pinard a tranché que cette décision n’était pas raisonnable puisqu’il y avait de la preuve que les demandeurs avaient été menacés à nouveau en 2006. En raison de cette preuve, le juge Pinard croyait qu’il « était déraisonnable de conclure que [les groupes] ne les poursuivrait pas à Mexico parce qu’il ne l’avait pas fait entre 2001 et 2006 » : Silva Fuentes aux para 4, 8, 12–13.

[25]  Je n’accepte pas l’argument de M. Gonzalez Leon que la conclusion que les groupes criminels n’ont pas le désir de le retracer ne concorde pas avec le fait qu’il a été ciblé par ces derniers en 2017. Le fait qu’il faisait l’objet de menace dans certaines circonstances n’établit pas qu’il serait poursuivi partout au Mexique dans le futur. Comme l’a noté la SAR, la preuve n’a pas démontré que M. Gonzalez Leon est un « ennemi » particulier de ces groupes qui serait l’objet d’intérêt continu après son départ de la région. Ses soumissions qu’il demeure une cible parce que les groupes criminels cherchent activement du financement, qu’il avait tenté de les dénoncer auprès des autorités, et que les membres du CJNG peuvent croire qu’il a choisi de collaborer avec les Zetas ne sont que de la spéculation non étayée par la preuve.

[26]  En l’espèce, aucune preuve n’a été présentée qui démontrait que les Zetas ou le CJNG avait la volonté ou l’intérêt de poursuivre M. Gonzalez Leon. En l’absence de toute preuve à ce sujet, la décision de la SAR ne peut être caractérisée comme étant déraisonnable.

(2)  Les explications de M. Gonzalez Leon pour l’absence de preuve

[27]  M. Gonzalez Leon a soumis certaines précisions à la SAR pour expliquer pourquoi sa famille n’avait pas été approchée par ces groupes. Par exemple, il a dit que sa famille n’a pas été ciblée puisque c’était lui le propriétaire de la ferme. Par contre, la SAR a bien souligné que la preuve, y compris son formulaire FDA et l’évaluation immobilière du terrain, indiquait que son père est le propriétaire de la ferme.

[28]  M. Gonzalez Leon argumente aussi que les Zetas et le CJNG ne le recherchaient pas parce qu’ils savaient qu’il était hors du Mexique, grâce à « un réseau d’information très efficace ». Par contre, il n’y avait aucune preuve que les groupes criminels savaient qu’il était au Canada, à part la spéculation de M. Gonzalez Leon. Je reconnais la difficulté d’obtenir de la preuve à ce sujet, mais il ne reste pas moins que ce n’est qu’une simple théorie de M. Gonzalez Leon pour expliquer l’absence d’intérêt démontrée par les groupes criminels à son égard. La SAR a noté que, le cas échéant, ces groupes auraient pu utiliser un tel réseau pour trouver les proches de M. Gonzalez Leon dans le but de se venger ou de réclamer de l’argent. Même si cette conclusion de la SAR peut être qualifiée comme étant « fondée sur des conjectures », elle n’est pas plus spéculative que la proposition de M. Gonzalez Leon que les groupes ne le recherchent pas car ils savent qu’il a quitté le pays.

[29]  En somme, je ne peux accepter la proposition que la SAR ait erré en ses déterminations quant au premier volet de l’analyse par rapport à l’existence d’une PRI à Mexico ou Baja California.

C.  Volet 2 : La situation dans la région de la possibilité de refuge intérieur

[30]  Devant la SAR, le fardeau du demandeur est de présenter de la preuve « réelle et concrète » qu’il serait déraisonnable de se relocaliser à la PRI : Ranganathan c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2001] 2 CF 164 (CA) au para 15 ; Olvera Correa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 243 au para 17. La jurisprudence est claire qu’il s’agit d’un fardeau très élevé, et qu’« [i]l ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr » : Ranganathan au para 15 ; Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643 au para 12.

[31]  La SAR a conclu que la relocalisation de M. Gonzalez Leon à Mexico ou en Baja California serait raisonnable. La SAR a noté qu’il pourrait y travailler, s’y loger et s’y établir. M. Gonzalez Leon argumente que ni Mexico ni Baja California correspond à une PRI raisonnable. Il se penche sur la preuve documentaire qui démontre que les Zetas et le CJNG sont violents et actifs partout dans le pays, notamment à Mexico et en Baja California. Il croit donc que la SAR a erré en ne pas considérant cette preuve avant de conclure qu’il n’y avait pas de risque pour sa vie et sécurité dans la région où il existe une PRI.

[32]  En ce qui concerne les risques personnalisés de M. Gonzalez Leon, la conclusion de la SAR que les groupes criminels ne sont pas intéressés de le poursuivre démontre qu’il ne fait pas face à un risque différent que la population générale en raison de l’existence de ces groupes.

[33]  En ce qui concerne ses risques généralisés, je ne suis pas satisfait que la preuve, qui démontre la présence de nombreux groupes criminels et violents au Mexique, y compris à Mexico et en Baja California, soit suffisante pour rendre déraisonnable la conclusion que ces endroits sont des PRI raisonnables pour M. Gonzalez Leon. Accepter que cela soit le cas serait incompatible avec le sous-alinéa 97(1)b)(ii), qui exclus les risques généraux dans un pays comme base pour revendiquer l’asile au Canada. Le juge en chef Crampton s’est récemment prononcé à ce sujet dans l’arrêt Hamdan au paragraphe 24 :

Je suis d’accord avec les demandeurs pour dire que les risques criminels généralisés à Maracaibo constituaient un facteur pertinent dont la SPR aurait dû tenir compte, du moins dans le contexte de la demande de protection des demandeurs en vertu de l’article 96 de la LIPR. En ce qui concerne l’article 97, les risques généraux auxquels sont également confrontées les personnes se trouvant dans un pays ou étant originaires d’un pays sont explicitement exclus, conformément au sous-alinéa 97(1)b)(ii). Par conséquent, il serait anormal que de tels risques puissent néanmoins être utilisés comme argument par un demandeur pour faire valoir qu’il serait objectivement déraisonnable de l’enjoindre à déménager dans une région où il existe une possibilité de refuge intérieur au sens du deuxième volet du critère applicable à l’analyse de la possibilité de refuge intérieur[.]

[Je souligne.]

[34]  Le risque à la vie et sécurité de M. Gonzalez Leon lui-même en raison de la présence des Zetas et du CJNG dans la PRI n’est pas étayé par la preuve. Comme l’a noté la SAR, M. Gonzalez Leon n’a fourni aucune preuve réelle et concrète de l’existence de conditions qui mettraient en péril sa vie ou sécurité s’il tente de se relocaliser temporairement à Mexico ou Baja California. Il s’agissait d’une conclusion raisonnable compte tenu de l’absence de preuve à ce sujet.

[35]  M. Gonzalez Leon argumente aussi que la relocalisation n’est pas raisonnable puisqu’il ne pourrait y travailler ou s’y loger. Encore, la SAR a noté que rien dans la preuve présentée ne démontrait que la relocalisation à Mexico ou Baja California serait déraisonnable. De même, la SAR a noté qu’il n’y avait aucun obstacle qui empêche M. Gonzalez Leon de s’établir dans les lieux proposés, et a souligné le fait que les deux sœurs de M. Gonzalez Leon habitent à Mexico. Bref, il s’agit encore du manque de preuve qui a mené la SAR a rejeté l’argument de M. Gonzalez Leon. À mon avis, ceci était raisonnable.

[36]  Je conclus donc que la SAR n’a pas erré dans son évaluation du caractère raisonnable de la PRI.

V.  Conclusion

[37]  L’analyse et les déterminations de la SAR qu’il existe une PRI à Mexico ou en Baja California, et la conclusion qui en découle que M. Gonzalez Leon n’a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention » en vertu de l’article 96 de la LIPR, ni la qualité de « personne à protéger » au sens de l’article 97 de la LIPR, étaient raisonnables. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Aucune partie n’a proposé de question à certifier, et aucune ne l’est.

[38]  Enfin, par souci d’uniformité et conformément au paragraphe 4(1) de la LIPR ainsi que la règle 5(2) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, l’intitulé est modifié pour désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2218‑19

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’intitulé a été corrigé afin de refléter la bonne désignation du nom du défendeur.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2218-19

 

INTITULÉ :

ABRAHAM GONZALEZ LEON c ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 octobre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 mars 2020

 

COMPARUTIONS :

Nancy Cristina Muñoz Ramírez

 

Pour lE demandeUr

 

Sean Doyle

 

Pour lE défendeUr

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ROA Services Juridiques

Montréal (Québec)

 

Pour lE demandeUr

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour lE défendeUr

 

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