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Date : 20010426

Dossier : T-553-00

                                                                                                           Référence neutre : 2001 CFPI 403

ENTRE :

                                                 PETER VICTOR JOHN METCALFE

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                                                       DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]         Le demandeur est un détenu du Service correctionnel du Canada. La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la nature exacte d'un avis donné en juin 1995 par un psychologue du Service correctionnel à l'agent de libération conditionnelle du demandeur au sujet d'un éventuel transfèrement imposé de ce dernier à un autre établissement de détention. L'agent de libération conditionnelle avait fait appel au psychologue afin que celui-ci évalue, par une « consultation » , le risque de violence du demandeur.


[2]         Le demandeur s'oppose actuellement à ce que l'avis de 1995 figure à son dossier de détenu puisqu'il a été obtenu sans son consentement. En janvier 2000, le commissaire adjoint du Service correctionnel, Michel Roy[1], a rejeté le grief du demandeur car, selon lui, l'avis en question était une « évaluation de base du risque » et ne requérait donc pas un « consentement pour des services de santé » .

[3]         Il est clair que le commissaire adjoint a commis une erreur de fait parce que la seule preuve au dossier concernant la nature de l'avis est que son auteur déclare qu'il s'agissait d'une « note » « ne devant pas être interprétée comme étant une évaluation psychologique » et que « la note de consultation ne constituait pas une évaluation de base du risque » [2].

[4]         L'opposition du demandeur se fonde principalement sur le fait que l'avis de 1995, comme toutes les évaluations semblables sur le « risque » , requiert, de par sa nature, le consentement préalable de la personne évaluée. Il tire cet argument de la Directive du commissaire no 850, intitulée « Services de santé mentale » , qui énonce, au point 5 :

  • 5.                    Le consentement éclairé du détenu est requis pour toute évaluation, procédure et traitement assuré par le Service. Les exceptions à cette politique sont précisées dans la Directive du commissaire no 803 intitulée « Consentement relatif aux évaluations médicales, aux traitements et à la communication de renseignements » [3].

[5]         Le demandeur soutient qu'une évaluation connue sous le nom d' « Échelle de la psychopathie révisée » (PCL-R) est visée par le point 5 de la Directive du commissaire no 850. L'auteur de l'avis de 1995, le psychologue, déclare, quant à lui, qu'il a effectué un PCL-R, mais il soutient aussi qu'il n'est pas de nature à requérir le consentement auquel fait référence le point 5 de la Directive du commissaireno 850.

[6]         Le défendeur ne s'est pas opposé à la preuve amenée par le demandeur selon laquelle l'avis de 1995 était un PCL-R effectué sans son consentement et à son insu, ni à la déclaration du demandeur définissant un PCL-R comme étant :

[TRADUCTION]... une évaluation psychologique servant à déterminer si une personne a une personnalité psychopathique. Le psychologue ou le psychiatre qui effectue un PCL-R évalue la personne sur un certain nombre de traits psychologiques et comportementaux dont : 1) Le naturel beau parleur/le charme superficiel; 2) L'égocentrisme profond; 3) Le besoin de stimulation/la tendance à l'ennui; 4) Le mensonge pathologique; 5) Le caractère dupeur/manipulateur; 6) L'absence de remord ou de culpabilité; 7) L'affect superficiel; 8) L'insensibilité/le manque d'empathie; 9) Le mode de vie parasitaire; 10) Le faible contrôle du comportement; 11) La promiscuité sexuelle; 12) Les troubles de comportement précoces; 13) L'absence de buts réalistes et à long terme; 14) L'impulsivité; 15) L'irresponsabilité; 16) Le refus de prendre la responsabilité de ses actes; 17) Le fait d'avoir plusieurs relations conjugales de courte durée; 18) Les précédents de délinquance juvénile; 19) Les précédents de révocation de la libération conditionnelle et de multicriminalité[4].

[7]         Finalement, le défendeur n'a soulevé aucune opposition concernant la déclaration suivante de l'auteur de la technique PCL-R :


[TRADUCTION] Néanmoins, les autres chercheurs et cliniciens ne savaient toujours pas avec exactitude comment nous arrivions à nos diagnostics. Par conséquent, mes étudiants et moi avons passé plus de dix ans à améliorer et à raffiner nos méthodes afin de déceler les psychopathes parmi les prisonniers. Notre travail a abouti à un outil de diagnostic hautement fiable brossant un profil approfondi et détaillé du trouble de la personnalité appelé la psychopathie, que tout clinicien ou chercheur pouvait utiliser. Nous l'avons nommé l'Échelle de la psychopathie. On disposait donc, pour la première fois, d'un moyen appuyé scientifiquement de mesurer et de diagnostiquer la psychopathie accepté de façon générale. L'Échelle de la psychopathie est maintenant utilisée partout dans le monde et aide les cliniciens et les chercheurs à distinguer, avec un degré de certitude raisonnable, les véritables psychopathes des simples délinquants[5].

[8]         La preuve déposée à l'appui de la demande de contrôle judiciaire contient une omission importante : le dossier du demandeur ne comprend pas l'avis de 1995 en question. L'avocat du défendeur s'oppose, par ailleurs, à sa production pour des motifs de confidentialité. On ne m'a pas demandé de corriger cette omission.

[9]         Cependant, étant donné les caractéristiques psychologiques citées plus haut dont il est question dans un PCL-R, je comprends l'intérêt du demandeur d'obtenir une réponse à la question de savoir si l'avis de 1995 est, selon les faits et le droit, une « évaluation » au sens de la Directive du commissaire no 850 et nécessite donc un consentement. Je ne peux pas y répondre à la lumière de la preuve incomplète présentée, mais j'estime qu'il est juste d'agir en ce qui touche l'erreur de fait du commissaire adjoint pour faciliter l'obtention de cette réponse.

                                                                     ORDONNANCE


[10]       J'estime que l'erreur de fait commise par le commissaire adjoint dans la présente affaire est une erreur susceptible de révision. Par conséquent, j'annule la décision du commissaire adjoint et je lui renvoie l'affaire pour qu'il procède à une nouvelle audition. Afin d'assurer une décision répondant avec clarté et certitude au grief du demandeur, j'enjoins au commissaire adjoint, lorsqu'il procédera au réexamen, de déterminer, motifs à l'appui :

6.                    si l'avis de 1995 constitue un PCL-R;

7.                    si l'avis de 1995 est une « évaluation » au sens du point 5 de la Directive du commissaire no 850, qu'il ait été qualifié de PCL-R ou pas.

[11]       Au terme de la nouvelle audition, si la décision du commissaire adjoint donne lieu à une autre demande de contrôle judiciaire, je recommande vivement, pour que la Cour puisse statuer sur l'affaire de façon juste en se basant sur les faits exacts, que l'avis de 1995 soit déposé en preuve pour examen par le juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire, selon les modalités que pourra prescrire un juge de notre Cour pour assurer la confidentialité.

[12]       Comme sa demande est accueillie, j'accorde des dépens de 200 $ au demandeur pour le défrayer de ses dépenses.

« Douglas R. CAMPBELL »

Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 26 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-553-00

INTITULÉ :                                                       Peter Victor John Metcalfe c. PGC

   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 26 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Le juge Campbell

DATE DES MOTIFS :                                     Le 26 avril 2001

   

COMPARUTIONS :

M. Peter Victor John Metcalfe              POUR LE DEMANDEUR

M. Jack Wright                                                    POUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Procureur général du Canada



[1]            Décision défavorable, dossier de la demande, p. 19.

[2]            Note de service, [TRADUCTION] « PCL-R effectué sans le consentement du détenu » , Ibid., p. 20.

[3]            Directive du commissaire no 850, Ibid., p. 8.

[4]            Affidavit du demandeur, Ibid., p. 5-6.

[5]            Extrait de « Without Conscience: The Disturbing World of the Psychopaths Among Us » , Dr. Robert D. Hare, Ibid, pp. 45-46.

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