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     Date: 20000530

     Dossier: IMM-5052-99

ENTRE :


JATIN CHAUDHARY

         demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas M. Fahmy, de l'ambassade du Canada au Caire, a refusé, le 9 août 1999, la demande de résidence permanente que le demandeur avait présentée.

Les faits

Le demandeur est un citoyen indien qui a demandé à résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie des demandeurs indépendants. Il est titulaire d'un baccalauréat ès arts en économie et d'une maîtrise en gestion des affaires.

[2]      Le demandeur a travaillé comme stagiaire en marketing auprès de Kowa Spinning Mills, Indore du mois de mai 1994 au mois de juin 1996. Au mois de septembre 1996, il a joint Maya Spinners Ltd. à titre de directeur adjoint (Marketing), poste qu'il a continué à occuper jusqu'au mois de janvier 1998. Au mois de février 1998, il a été nommé directeur du marketing, poste qu'il occupe à l'heure actuelle. En 1997, il a travaillé comme stagiaire d'été pour BLP US West Cellular Limited.

Décision de l'agente des visas

[3]      Le demandeur a été apprécié à titre de spécialiste en publicité (CNP 1122.2), d'agent de promotion commerciale (CNP 4163.0) et de spécialiste des ventes techniques (CNP 6221.0).

[4]      L'agente des visas n'a pas attribué de points d'appréciation au demandeur à l'égard de l'expérience étant donné que l'expérience qu'il avait acquise à titre de spécialiste en publicité ou d'agent de promotion commerciale n'était pas compatible avec la description donnée dans la Classification nationale des professions (la CNP).

[5]      L'agente des visas n'a pas attribué de points d'appréciation au demandeur à l'égard de la demande dans la profession à titre de spécialiste des ventes techniques étant donné qu'il ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession énoncées dans la CNP, en ce sens qu'il détenait un diplôme en économie et que cela n'avait rien avoir avec les produits ou avec les services vendus.

[6]      L'agente des visas a également apprécié le demandeur à titre de directeur des ventes, du marketing et de la publicité (CNP 0611). Toutefois, à l'heure actuelle, il n'y a pas de demande dans la profession; cela étant, un visa ne peut pas être délivré.

[7]      L'agente des visas a refusé la demande.

La position du demandeur

[8]      Le demandeur soutient qu'en analysant son expérience, l'agente des visas n'a pas séparé les éléments pertinents de façon à lui attribuer des points d'appréciation pour l'expérience acquise dans les professions envisagées. L'agente des visas semble s'en être tenue à l'appellation de l'emploi pour déterminer si le demandeur avait de fait de l'expérience dans la profession envisagée. Il s'agit d'une erreur de droit établie. De plus, selon la définition elle-même figurant dans la CNP, un demandeur doit remplir certaines des fonctions ou toutes les fonctions reliées à la profession en cause.

[9]      Le demandeur soutient que dans la description des emplois de spécialiste en publicité (CNP 1122.2) et d'agent de promotion commerciale (CNP 4162.0), il y a de nombreuses fonctions reliées au marketing et à l'administration, de sorte qu'il a droit à un certain nombre de points pour l'expérience acquise dans ces professions.

[10]      Le demandeur affirme que l'agente des visas a tiré une conclusion de fait déraisonnable lorsqu'elle a conclu qu'il ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession qui doivent habituellement exister, selon la description figurant dans la CNP.

[11]      Le demandeur soutient que le défendeur savait qu'il était titulaire d'une maîtrise en gestion des affaires avec une spécialisation en marketing. Il affirme que pareil diplôme est relié aux services qui sont fournis par un spécialiste des ventes techniques (CNP 6221.0).

[12]      En outre, le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur étant donné que, selon les conditions d'accès à la profession, un diplôme d'études universitaires ou collégiales est « habituellement » exigé plutôt que d' « être » exigé.

La position du défendeur

[13]      Le défendeur déclare que l'agente des visas a correctement apprécié la demande de résidence permanente.

[14]      Il est soutenu que l'agent des visas a expliqué d'une façon passablement claire la raison pour laquelle le demandeur n'était pas visé par les définitions données dans la CNP.

[15]      En outre, dans le Guide sur les carrières de la CNO, il est dit que ce qui est « habituellement » exigé est considéré comme « étant » exigé. Le défendeur soutient qu'aucune erreur susceptible de révision n'a été commise.

Analyse

[16]      L'agente des visas n'a pas consigné de motifs dans le CAIPS; toutefois, dans un affidavit où des explications étaient données au sujet de l'expérience acquise par le demandeur auprès de Kowa Mills et de Maya Spinners, l'agente a précisé qu'il s'agissait dans chaque cas d'une expérience en marketing et en administration et que le demandeur n'avait jamais travaillé comme spécialiste en publicité (CNP 1122.2) ou comme agent de promotion commerciale (CNP 4163).

[17]      Dans la décision Hajariwala c. Canada (MEI), [1989] 2 C.F. 79, cette cour a statué ce qui suit :

     Je conclus que le défaut de l'agent des visas de poursuivre l'appréciation découlait de son interprétation voulant que la législation ne lui permette pas de la poursuivre. Comme l'a déclaré l'officier dans la lettre reçue par le requérant:
         [TRADUCTION] Je ne crois pas que vos diverses responsabilités puissent être divisées en des composants distincts pour vous valoir des points d'appréciation au titre de l'expérience à l'égard des professions que vous envisagez subsidiairement...
     Une telle interprétation est clairement entachée d'une erreur de droit. Le Règlement permet au requérant d'être évalué dans « une profession » . Les facteurs énumérés dans la colonne 1 de l'annexe I exigent que l'expérience du requérant soit évaluée à l'égard de la profession qu'il entend exercer. Il n'y a aucune raison pour laquelle l'expérience effectivement acquise à l'égard des diverses responsabilités d'une profession et le temps effectivement passé à s'acquitter de telles responsabilités ne pourraient être divisés de façon à accorder des points d'appréciation au titre de l'expérience dans les professions projetées. [...] Je devrais également ajouter que l'équité exige que le dossier comporte l'indication que le requérant s'est vu offrir la possibilité de présenter des informations faisant valoir l'expérience qu'il possède actuellement à l'égard de chacune des professions comprises. Le dossier doit également indiquer les motifs appuyant l'attribution par l'agent des visas d'une appréciation particulière au titre de l'expérience à l'égard d'une profession comprise ou les motifs appuyant le refus de ce faire.
     De façon évidente, ayant conclu erronément qu'aucune appréciation n'avait à être faite, l'agent des visas en l'espèce a fait défaut de respecter un aspect de son obligation d'équité.

[18]      L'agente des visas était tenue de déterminer si les responsabilités du demandeur pouvaient être considérées comme constituant de l'expérience dans la profession envisagée plutôt que de simplement conclure qu'étant donné que le demandeur n'exerçait pas un emploi ayant pareille appellation, il n'avait pas les compétences voulues. En outre, la CNP semble établir un lien entre le spécialiste en publicité et l'agent de promotion commerciale d'une part et les conseillers en marketing d'autre part. À mon avis, l'agente des visas n'a pas séparé les responsabilités du demandeur et ne lui a pas attribué de points d'appréciation à l'égard de l'expérience acquise dans la profession envisagée. Ce faisant, l'agente des visas a commis une erreur.

[19]      L'agente des visas a conclu que le demandeur ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession se rapportant à la profession de spécialiste des ventes techniques (CNP 6221) parce qu'un diplôme en gestion des affaires n'était pas un domaine technique relié à un produit qu'il vendait.

[20]      Les conditions d'accès à la profession qui sont ici pertinentes sont ainsi libellées :

         -Un diplôme d'études secondaires est exigé.
         -Un diplôme d'études universitaires ou collégiales dans un domaine relié au produit ou service est habituellement exigé.
         -On peut exiger de l'expérience dans la vente ou dans un domaine technique relié aux produits ou aux services vendus.
         -Les superviseurs des spécialistes des ventes techniques, vente en gros, doivent posséder de l'expérience en tant que spécialistes des ventes techniques, vente en gros.

[21]      Dans la décision Karathanos c. MCI, [1999] A.C.F. no 1528, le juge Sharlow a fait les remarques suivantes :

     La Classification nationale des professions indique que pour un archiviste, « une maîtrise en archivistique, en bibliothéconomie ou en histoire est habituellement exigée » (non souligné dans l'original). L'agent des visas a conclu que, comme Mme Karathanos n'avait qu'un baccalauréat en histoire, elle n'avait pas les compétences nécessaires pour travailler comme archiviste. Autrement dit, l'agent des visas a interprété les mots « habituellement exigée » comme signifiant « toujours exigée » . L'agent des visas a commis une erreur sur ce point.
     [...] on peut dire qu'en accordant des points d'appréciation dans la catégorie « Études et formation » de l'Annexe I, une catégorie professionnelle qui exige habituellementune maîtrise est traitée comme si elle exigeait toujoursune maîtrise. Toutefois, il ne s'ensuit pas que les termes « exige habituellement » doivent être lus de la même façon dans l'évaluation du nombre de points à attribuer dans la catégorie « Facteur professionnel » . En évaluant le demandeur sous cette catégorie, les mots « exige habituellement » signifient simplement ce qu'ils disent.

[22]      Le défendeur se réfère à la page 22 du Guide des carrières où est expliquée la terminologie employée à l'égard des études et de la formation. Le demandeur a obtenu 15 points pour ce facteur sur les 18 points possibles, mais il n'a pas obtenu de points pour l'expérience. La terminologie se rapportant à ce dernier facteur est expliquée dans l'Introduction de la CNP, où il est dit ce qui suit :

     Quelques professions ont des exigences bien définies. Pour d'autres, soit qu'il n'existe aucun consensus, soit qu'il puisse exister un éventail d'exigences acceptables. Afin de refléter ces variations dans le marché du travail, cette section décrit les conditions d'accès à la profession en utilisant la terminologie suivante:
         ·      « ... est exigé » (pour indiquer une exigence précise);
         ·      « ... est habituellement exigé » (pour indiquer que les employeurs exigent habituellement, mais pas nécessairement, que les candidats répondent aux exigences);
         ·      « ... peut être exigé » (pour indiquer que certains employeurs peuvent exiger que les candidats répondent aux exigences, mais sur une base moins fréquente).

[23]      Dans la décision Xiao c. Canada (MCI) (13 décembre 1999), IMM-1845-991 (C.F. 1re inst.), cette Cour a statué ce qui suit :

     En l'espèce, la demanderesse a perdu des points au titre de la qualification et de l'expérience professionnelles, et non au titre des études. Il est vrai que les termes « habituellement exigé » dénotent une condition impérative au chapitre des études, mais il n'en est rien lorsqu'il s'agit des conditions d'accès à la profession au sens de la jurisprudence et de la CNP.
     L'agent des visas a interprété les termes « habituellement exigé » comme signifiant une condition impérative et en a conclu que la demanderesse n'avait pas fait d'études supérieures dans une discipline connexe, en quoi il a eu tort.

[24]      L'agente des visas a commis une erreur en considérant que les conditions d'accès à la profession étaient obligatoires alors que la CNP dit qu'elles ne le sont pas.

[25]      Cette demande de contrôle judiciaire est accueillie.

                                 « Pierre Blais »

                                     J.C.F.C.

Toronto (Ontario),

le 30 mai 2000

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-5052-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      JATIN CHAUDHARY

     demandeur

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :      LE MARDI 30 MAI 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge Blais en date du 30 mai 2000


ONT COMPARU :              Max Chaudhary

                 pour le demandeur

             Brian Frimeth

                 pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Chaudhary, Cabinet d'avocats

                 Avocats

                 255, chemin Duncan Mill, bureau 405

                 North York (Ontario)

                 M3B 3H9

                     pour le demandeur

                 Morris Rosenberg

                 Sous-procureur général du Canada

                     pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA


     Date: 20000530
     Dossier: IMM-5052-99
ENTRE :
JATIN CHAUDHARY
         demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
     défendeur




MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET
ORDONNANCE

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