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Date : 20050215

Dossier : IMM-884-05

Référence : 2005 CF 247

Vancouver (Colombie-Britannique), le mardi 15 février 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                       SIMERJIT KAUR SAMRA et

                                                          KULJIT KAUR SAMRA

                                                                                                                                     demanderesses

                                                                          - et -

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Simerjit Kaur Samra et sa fille Kuljit de sept ans, toutes deux citoyennes de l'Inde, demandent, aux termes de l'article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales et en attendant la décision sur leur demande d'autorisation et de contrôle judiciaire déposée le 9 février 2005, un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi qui est devenue exécutoire en novembre 2003 après qu'elles eurent reçu la décision négative concernant l'évaluation des risques avant le renvoi (ERAR) faite en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR).


[2]                Par la présente demande, elles cherchent à obtenir un bref de mandamus de la Cour obligeant le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration (le ministre) à se prononcer sur la demande qu'elles lui ont adressée le 21 janvier 2005 afin que, selon l'alinéa 50e) de la LIPR, il sursoit à la mesure de renvoi pour les raisons suivantes : 1) elles s'apprêtent à déposer une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en vertu de l'article 25 de la LIPR et elles veulent être autorisées à demeurer au Canada en attendant l'étude de cette demande; 2) [traduction] « on n'a pas encore examiné si le renvoi serait dans l'intérêt supérieur de son fils canadien » qui est né le 28 mai 2000, après l'arrivée de la demanderesse au Canada en provenance des Philippines le 25 janvier 2000.

[3]                J'ai été informé à l'audience qu'aucune demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'avait encore été déposée, et le dossier indique que les demanderesses n'ont pas encore avisé leur avocat actuel qu'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire avait déjà été déposée et rejetée le 11 avril 2002.

[4]                Les demanderesses sont entrées au Canada sans être munies des documents appropriés, après que les autorités canadiennes aux Philippines eurent refusé à deux reprises leur demande de visas de visiteur au Canada. Après être entrées au Canada, elles ont présenté une revendication du statut de réfugié qui a été refusée.

[5]                Cette revendication se fondait sur l'allégation de Simerjit Kaur Samra selon laquelle elle ne vivait plus avec son mari et que, si elle retournait en Inde, elle serait humiliée et rejetée par les autres en raison de son statut de femme répudiée et de mère rejetée par son mari en raison de son infidélité et du fait qu'elle n'a aucun appui dans ce pays, puisque la majorité de ses proches parents résident au Canada.

[6]                Dans sa décision en date du 8 septembre 2000, la Section du statut de réfugié (la SSR) a rejeté les revendications en concluant que la mère n'était pas un témoin crédible et digne de foi. La SSR n'a pas été convaincue de la fiabilité de son témoignage concernant sa relation avec son époux, c'est-à-dire quant à savoir si elle avait déjà été mariée, si elle avait quitté les Philippines en raison d'une relation abusive et quant à l'absence de soutien si elle retournait en Inde. La SSR a jugé que ses allégations portant sur les menaces proférées par ses beaux-parents en Inde étaient [traduction] « totalement sans fondement » .

[7]                En général, ce sont aussi les conclusions auxquelles est parvenu l'agent d'immigration Chan qui a refusé la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, de même que les conclusions tirées par l'agent chargé de l'ERAR, M. Petschulat, après la tenue d'une audience, quand il a refusé cette demande. Le manque de crédibilité a été un motif déterminant dans les refus.

[8]                Je note que la lettre de l'avocat des demanderesses adressée au ministre parlait d'une mesure de renvoi dont l'exécution était prévue pour le 25 janvier 2005. Ce renvoi a été repoussé par les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) parce que l'un des enfants de la demanderesse principale était malade.

[9]                Le 10 février 2005, la demanderesse a présenté de nouveaux plans de voyage à l'ASFC, ayant acheté des billets pour son départ le 17 février 2005.

[10]            À mon avis, cette demande de sursis doit être rejetée pour deux raisons très claires et très simples. Tout d'abord, l'octroi d'un sursis est une mesure discrétionnaire; le demandeur qui cherche à obtenir une réparation discrétionnaire de la Cour doit avoir une attitude irréprochable.

[11]            Cet élément est absent en l'espèce. Il n'est tout simplement pas vrai que l'intérêt supérieur des enfants n'a pas été déjà examiné. Une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a déjà été refusée le 11 avril 2002, mais ces renseignements n'ont pas été communiqués au ministre afin de l'inciter à octroyer le sursis.


[12]            Deuxièmement, la demande adressée au ministre était une requête de dernière minute qui a été envoyée le vendredi 21 janvier 2005, à 12 h 40, heure du Pacifique, au ministre à Ottawa. On demandait au ministre [traduction] « de repousser l'exécution de la mesure de renvoi prévue pour le mardi 25 janvier 2005 » . Le délai accordé au ministre pour répondre était totalement déraisonnable. Je reviendrai sur la question du caractère raisonnable de ce délai quand je traiterai du facteur de la question sérieuse à instruire.

[13]            J'examine maintenant le critère tripartite applicable au sursis.

[14]            La prépondérance des inconvénients penche en faveur du ministre. La loi l'oblige à exécuter une mesure de renvoi valide dès que les circonstances le permettent. Les demanderesses ont épuisé les nombreux recours dont elles disposaient pour demeurer au Canada et, depuis novembre 2003, cette mesure de renvoi est exécutoire.

[15]            Je ne suis pas convaincu que la demanderesse et ses enfants subiront un préjudice irréparable. Tout d'abord, la demanderesse principale n'a pas fourni d'élément de preuve crédible indiquant qu'elle-même et ses enfants subiront un préjudice si elle retourne en Inde, et encore moins un préjudice irréparable selon le sens normalement donné à cette expression en droit de l'immigration. À mon avis, la demanderesse et ses enfants subiront tout simplement les effets du renvoi qui, même s'ils sont déplaisants, ne constituent pas un préjudice irréparable.

[16]            Enfin, je ferai quelques brèves observations sur la question sérieuse à instruire. Ce que les demanderesses recherchent, c'est un sursis provisoire à l'exécution d'une mesure de renvoi valide jusqu'à ce que cette Cour oblige le ministre à décider s'il y a lieu d'imposer un sursis à une mesure de renvoi valide.


[17]            L'argument qui m'a été présenté se fondait sur le fait que le ministre n'avait pas délégué les pouvoirs que lui confère l'alinéa 50e) de la LIPR et sur le fait qu'il pouvait accorder un sursis individuel et qu'il n'était pas limité à un « sursis collectif » (comparez les articles 230 et 233 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement)).

[18]            La question à laquelle il faut répondre est la suivante : y a-t-il une question sérieuse à instruire relativement à la demande d'autorisation, qui justifierait l'octroi d'un sursis. Comme je l'ai dit ci-dessus, la demande de sursis énoncée comme une demande de report était une requête de dernière minute, ce que l'avocat de la demanderesse a reconnu.

[19]            Cette situation contrevient à l'une des règles élémentaires applicables à l'octroi d'un mandamus, qui prévoit que le décideur doit disposer d'un délai raisonnable pour examiner la demande. En outre, dans les circonstances, je serais disposé à inférer de tout cela que, en ne répondant pas, le ministre a exprimé son refus d'accorder un sursis parce que, pour ce qui concerne le ministre et ses fonctionnaires à Ottawa, le renvoi devait être exécuté le 25 janvier 2005.


[20]            Bien que cet argument n'ait pas été plaidé, il semblerait que les dispositions de l'article 233 du Règlement ne disposent pas qu'il puisse y avoir sursis à une mesure de renvoi tant que le ministre n'a pas conclu, aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR, qu'il existe des circonstances d'ordre humanitaire. Il faut du temps pour prendre une telle décision, et il faut que la preuve en fasse état. À mon avis, cela ne peut se faire dans l'espace de quelques semaines.

[21]            Cette opinion est compatible avec la préoccupation exprimée par l'avocat du ministre selon laquelle le législateur n'a pas eu l'intention de faire de l'article 233 du Règlement et de l'alinéa 50e) de la LIPR un moyen de mettre un terme au pouvoir des agents chargés du renvoi d'exécuter les mesures de renvoi ou de les reporter.

[22]            Dans les circonstances, je ne crois pas qu'il y ait une question sérieuse à instruire.

                                                                ORDONNANCE

LA PRÉSENTE COUR ORDONNE que la demande de sursis soit rejetée.

                                                                                                                                      « F. Lemieux »             

                                                                                                                                                     Juge                     

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-884-05

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         SIMERJIT KAUR SAMRA ET AL.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 14 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                   LE 15 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

William Macintosh                                                                     POUR LES DEMANDERESSES

Helen Park                                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William Macintosh Associates                                                    POUR LES DEMANDERESSES

Vancouver (C.-B.)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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