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Date : 20051215

Dossier : T‑139‑05

Référence : 2005 CF 1696

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

FREDERICK RICHARD YOUDEN

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 30 novembre 2004 par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) a conclu que le demandeur n'avait pas droit, sous le régime de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P‑6, à des prestations d'invalidité au titre d'entorses en inversion récurrentes de la cheville droite qu'il déclarait résulter de l'état pathologique lui ouvrant déjà droit à pension, soit la platypodie des deux pieds.

 

Le contexte factuel

 

[2]               Le demandeur a servi dans les Forces canadiennes plus de 20 ans, durant la plus grande partie de la période comprise entre 1978 et 2000. Son travail y était très dur pour les pieds, de sorte qu'il souffre maintenant de huit infirmités au titre desquelles il touche des pensions d'invalidité des Forces canadiennes, notamment la platypodie du pied droit et celle du pied gauche.

 

[3]               Le 17 décembre 2001, M. Youden a demandé au ministre des Anciens Combattants (le ministre) une pension au titre d'entorses en inversion récurrentes de la cheville droite, qu'il déclarait résulter de la platypodie lui donnant déjà droit à pension.

 

[4]               Par décision en date du 22 février 2002, le ministre a conclu que les entorses en inversion n'ouvraient pas droit à pension, au motif qu'elles ne résultaient pas de la platypodie de l'un ou l'autre pied. Sous le régime du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, le membre des Forces canadiennes qui subit une lésion supplémentaire par suite d'un état ouvrant droit à pension est admissible à une pension pour invalidité supplémentaire résultant de cet état ou aggravée par celui‑ci :

21. […]

Pension pour invalidité supplémentaire

 

(5) En plus de toute pension accordée au titre des paragraphes (1) ou (2), une pension est accordée conformément aux taux indiqués à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, sur demande, à un membre des forces, relativement au degré d'invalidité supplémentaire qui résulte de son état, dans le cas où:

 

a)  d'une part, il est admissible à une pension au titre des alinéas (1)a) ou (2)a) ou du présent paragraphe, ou a subi une blessure ou une maladie -- ou une aggravation de celle-ci -- qui aurait donné droit à une pension à ce titre si elle avait entraîné une invalidité;

 

b)  d'autre part, il est frappé d'une invalidité supplémentaire résultant, en tout ou en partie, de la blessure, maladie ou aggravation qui donne ou aurait donné droit à la pension.

21. […]

Consequential disability

 

(5) In addition to any pension awarded under subsection (1) or (2), a member of the forces who

 

(a) is eligible for a pension under paragraph (1)(a) or (2)(a) or this subsection in respect of an injury or disease or an aggravation thereof, or has suffered an injury or disease or an aggravation thereof that would be pensionable under that provision if it had resulted in a disability, and

 

(b) is suffering an additional disability that is in whole or in part a consequence of the injury or disease or the aggravation referred to in paragraph (a)

 

shall, on application, be awarded a pension in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I in respect of that part of the additional disability that is a consequence of that injury or disease or aggravation thereof.

 

 

 

Le comité de révision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel)

 

[5]               Le 10 juillet 2002, un comité de révision des droits à pension du Tribunal (le comité de révision) a confirmé le refus du ministre d'accorder au demandeur une pension au titre de ses entorses en inversion récurrentes.

 

 

Le comité d'appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel)

 

[6]               Le 30 novembre 2004, le comité d'appel du Tribunal a rejeté l'appel interjeté par le demandeur contre le rejet du comité de révision. Le Tribunal a statué que l'entorse en inversion était apparue pour la première fois en 1986 et que les entorses récurrentes dont le demandeur avait déclaré avoir souffert de 1986 à 1997 avaient précédé le diagnostic de platypodie. Le comité d'appel a conclu que le demandeur n'avait pas produit d'éléments crédibles prouvant que son entorse en inversion résultait de la platypodie déjà établie. Par voie d'avis en date du 25 janvier 2005, le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision du comité d'appel.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[7]               La question en litige est celle de savoir si le Tribunal a commis une erreur en statuant que l'entorse en inversion déclarée par le demandeur ne résultait pas des infirmités qui lui ouvraient déjà droit à pension. Cette question peut se subdiviser en deux points :

1.         Le Tribunal a‑t‑il omis de tenir compte d'éléments de preuve médicale?

 

2.         Le Tribunal a‑t‑il omis d'appliquer à la situation du demandeur les dispositions relatives à la charge de la preuve de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18?

 

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[8]               Dans la présente espèce, la Cour contrôle une décision rendue par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) sur une question de droit à pension sous le régime du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions. Pour trancher une question de cette nature, le Tribunal doit tirer des conclusions de fait et décider si les faits ainsi établis entrent dans le champ d'application des alinéas 21(5)a) et b) de la Loi sur les pensions, de manière à fonder une demande de pension pour invalidité supplémentaire. Cet examen comporte aussi bien des questions de fait qu'une question mixte de droit et de fait. La Cour suprême du Canada pose en principe, au paragraphe 26 de l'arrêt Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, que la cour de révision, pour arrêter la norme de contrôle applicable, doit mettre en œuvre une approche pragmatique et fonctionnelle :

[…] Selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs contextuels – la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel; l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l'objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question – de droit, de fait ou mixte de fait et de droit […]

 

 

[9]               Le premier facteur que la Cour doit prendre en considération est la présence ou l'absence dans la loi applicable d'une clause privative ou d'un droit d'appel. L'article 26 de la Loi sur le Tribunal confère à celui‑ci une compétence exclusive d'appel relativement aux demandes de pension présentées sous le régime de l'article 21 de la Loi sur les pensions. L'article 31 de la Loi sur le Tribunal a l'effet d'une clause privative qui met les décisions du Tribunal à l'abri de l'examen :

APPEL

 

Compétence exclusive

 

26. Le Tribunal a compétence exclusive pour statuer sur tout appel interjeté en vertu de l'article 25, ou sous le régime de la Loi sur les allocations aux anciens combattants ou de toute autre loi fédérale, ainsi que sur toute question connexe.

 

[…]

 

Décision

 

31. La décision de la majorité des membres du comité d'appel vaut décision du Tribunal; elle est définitive et exécutoire.

APPEALS

 

Exclusive jurisdiction

 

26. The Board has full and exclusive jurisdiction to hear, determine and deal with all appeals that may be made to the Board under section 25 or under the War Veterans Allowance Act or any other Act of Parliament, and all matters related to those appeals.

 

[…]

 

Decision of majority

 

31. A decision of the majority of members of an appeal panel is a decision of the Board and is final and binding.

 

 

Par conséquent, ce facteur milite en faveur de la retenue judiciaire à l'égard de la décision du Tribunal.

 

[10]           Le deuxième facteur dont il faut tenir compte est l'expertise de l'instance de décision relativement à celle de la cour appelée à contrôler sa décision. L'article 18 de la Loi sur le Tribunal porte que le Tribunal a compétence exclusive pour réviser toute décision rendue en vertu de la Loi sur les pensions et statuer sur toute question liée à la demande de révision. L'expertise du Tribunal n'est pas supérieure à celle de notre Cour touchant les questions d'interprétation juridique des deux lois applicables, mais le Tribunal, étant chargé de statuer sur les demandes de pension, a une expertise supérieure à notre Cour pour ce qui est de trancher ces questions au fond. Par conséquent, ce facteur milite en faveur de la retenue judiciaire à l'égard des décisions du Tribunal sur des questions qui sont nettement de son ressort, notamment pour ce qui concerne l'évaluation des éléments de preuve contradictoires et le point de savoir si la demande de prestations est fondée. Mais l'action du Tribunal commande un degré moindre de retenue relativement aux questions juridiques, notamment l'interprétation des règles de la preuve qui s'appliquent aux demandeurs de pension sous le régime de l'article 39 de la Loi sur les pensions.

 

[11]           Le troisième facteur est l'objet de la législation applicable, soit, en l'occurrence, de la Loi sur le Tribunal et de la Loi sur les pensions. Selon son titre intégral, l'objet de la Loi sur les pensions est de prévoir « des pensions et d'autres avantages pour certains membres des Forces canadiennes ». L'article 3 de la Loi sur le Tribunal porte que ses dispositions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations de la Couronne envers les membres des Forces canadiennes et les personnes à leur charge. L'article 39 de la même loi prescrit au Tribunal d'appliquer en matière de preuve des règles favorisant le demandeur ou l'appelant, lorsqu'il s'agit de tirer des conclusions, de résoudre des incertitudes et d'accepter les éléments de preuve non contredits. Le facteur de l'objet de la législation milite en faveur de la retenue judiciaire à l'égard des décisions du Tribunal, à condition que ce dernier remplisse ses obligations envers les demandeurs en matière de preuve.

 

[12]           Le quatrième facteur est la nature de la question : s'agit‑il d'une question de droit, de fait ou mixte de droit et de fait? La Cour fera preuve d'une plus grande retenue à l'égard des conclusions de fait du Tribunal qu'à l'égard de ses conclusions relatives à des principes juridiques ou à des questions d'interprétation. Compte tenu des quatre facteurs examinés plus haut, la Cour conclut qu'il y a lieu d'appliquer à la décision du Tribunal la norme de la décision manifestement déraisonnable pour ce qui concerne les questions de fait. Les conclusions du Tribunal sur les questions purement juridiques seront contrôlées suivant la norme de la décision correcte. Quant aux conclusions sur les questions mixtes de droit et de fait, la Cour les contrôlera suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

[13]           Il y a deux questions à trancher dans la présente espèce. La première est une question de fait, que nous examinerons selon la norme de la décision manifestement déraisonnable; et la seconde est une question mixte de droit et de fait, à laquelle nous appliquerons la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

 

ANALYSE

 

Première question :    Le Tribunal a‑t‑il omis de tenir compte d'éléments de preuve médicale?

 

[14]           Le Tribunal, à la page 3 de l'exposé des motifs qui l'ont amené à conclure que l'entorse en inversion ne résultait pas des infirmités donnant déjà droit à pension, fait mention d'une nouvelle pièce provenant du Dr Saunders que le demandeur a produite à l'audience, mais l'écarte parce qu'elle ne lui semble pas crédible :

[traduction] Le Dr Sanders, dans son avis daté du 5 juillet 2004 (pièce EA‑Y1), ne dit rien des relations professionnelles qu'il a entretenues avec l'appelant, pas plus qu'il n'y précise s'il a fait un examen physique de ce dernier avant de le rédiger […] Le Dr Saunders déclare que la platypodie de l'appelant est vraisemblablement un facteur important de l'instabilité et de l'infirmité de sa cheville, mais il ne propose absolument aucune justification crédible de cette conclusion. Par conséquent, le Tribunal accorde très peu de valeur probante à l'avis du Dr Saunders.

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[15]           Voici le texte intégral de l'avis médical du Dr Saunders en date du 5 juillet 2004 :

[traduction] M. Youden déclare souffrir à la cheville d'entorses, de douleurs et de faiblesses récurrentes depuis la lésion qu'il a subie en 1986 dans le cadre de son travail au MDN. Il est atteint de platypodie, état qui prédispose souvent à l'instabilité du pied et de la cheville et à des douleurs dans cette région. Sa platypodie est vraisemblablement un facteur important de l'instabilité et de l'infirmité de sa cheville.

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[16]           Le demandeur soutient que le Tribunal a commis une erreur en concluant que cette pièce n'était pas crédible et avait peu de valeur probante, étant donné que, ce faisant, il n'a pas tenu compte d'éléments de preuve qui lui avaient été présentés dans une procédure antérieure pertinente, le 27 juin 2003. Dans cette procédure, M. Youden avait produit un avis médical du Dr Saunders daté du 24 décembre 2002 (AA‑Y2), qui révélait l'existence de rapports de patient à médecin entre lui et le Dr Saunders et montrait que ce dernier l'avait examiné physiquement. Dans sa décision en date du 27 juin 2003 touchant la demande d'augmentation de la pension du demandeur au motif de sa platypodie bilatérale, le Tribunal avait cité l'avis médical du Dr Saunders dans les termes suivants :

[traduction] M. Youden m'a consulté le 23 décembre 2002 au sujet de ses pieds. Il souffre effectivement de platypodie bilatérale, ainsi que d'une importante formation calleuse aux deux pieds, recouvrant le premier métatarsien, le pied latéral et le talon.

 

[17]           La Cour conclut que le Tribunal, dans la décision faisant l'objet du présent contrôle, a commis une erreur évidente et tiré une conclusion manifestement déraisonnable en posant que la preuve était insuffisante à établir l'existence de rapports de patient à médecin entre le demandeur et le Dr Saunders ou que celui‑ci n'avait pas examiné physiquement celui‑là avant d'établir l'avis médical présenté à l'appui de la demande de pension.

 

[18]           On peut lire ce qui suit à la page 2 de l'exposé des motifs du Tribunal :

[traduction]

 

En préparation à la présente audience, le Tribunal a examiné toutes décisions antérieures pertinentes à l'égard de la présente affaire et l'ensemble de la preuve, orale aussi bien que documentaire, ainsi que les pièces suivantes :

 

EA-Y1:                         Avis du Dr W. David Saunders, daté du 5 juillet 2004;

 

EA-PJ-Y1:                    Rapport de cinq pages, daté du 14 janvier 2003, du Dr Thomas D. Loane.

[Non souligné dans l'original.]

Si le Tribunal a effectivement examiné « toutes décisions antérieures pertinentes à l'égard de la présente affaire et l'ensemble de la preuve », comme il déclare l'avoir fait, il a dû prendre connaissance de sa décision antérieure en date du 27 juin 2002, portant sur la platypodie de M. Youden. Il a dû aussi lire la déclaration du Dr Saunders, datée du 24 décembre 2002, comme quoi ce dernier avait effectivement examiné le demandeur. Toutes les décisions antérieurement rendues par le Tribunal concernant des demandes de pension au titre de la platypodie étaient pertinentes au regard de la demande de pension dont l'issue fait l'objet du présent contrôle, puisque le demandeur alléguait une invalidité supplémentaire résultant de la platypodie déjà établie. Dans la présente espèce, le Tribunal, en omettant de se reporter à la déclaration du Dr Saunders selon laquelle il était le médecin du demandeur, a méconnu les éléments tendant à établir leurs rapports antérieurs de médecin à patient et le fait de l'examen physique du demandeur par ce médecin.

 

 

Deuxième question :  Le Tribunal a‑t‑il omis d'appliquer à la situation du demandeur les dispositions relatives à la charge de la preuve de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18?

 

 

[19]           Les règles qui lient le Tribunal en matière de preuve en vertu de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) l'obligent à accepter les éléments non contredits que le demandeur lui présente, à tirer les conclusions les plus favorables possible à celui‑ci et à trancher les incertitudes en sa faveur :

Règles régissant la preuve

 

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve:

 

a)  il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

 

 

b)  il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

 

c)  il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

Rules of evidence

 

39. In all proceedings under this Act, the evidence Board shall

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

 

[20]           Il y a une quantité considérable d'éléments de preuve touchant la nature des entorses en inversion récurrentes de la cheville droite dont le demandeur déclare souffrir. Dans sa décision, le Tribunal cite les déclarations du Dr Scott Taylor, chirurgien orthopédiste à l'Hôpital des Forces canadiennes d'Halifax. Le premier rapport du Dr Taylor, daté du 14 décembre 1998, porte ce qui suit :

[traduction] (…) La mauvaise mécanique de son pied [c'est‑à‑dire le pied du demandeur] le prédisposera à souffrir de symptômes à la cheville […]

 

La mauvaise mécanique dont parle ici le Dr Taylor se définit par la courbure haute des pieds du demandeur en décharge et par leur courbure moyennement basse, avec hyperpronation de l'arrière-pied, en position de charge. Cet état constitue la platypodie du demandeur. Le deuxième rapport du Dr Taylor, daté du 13 décembre 1999, comprend la déclaration suivante :

[traduction] (…) Enfin, pour ce qui concerne la douleur à sa cheville droite, M. Youden a subi une entorse en inversion et il souffre depuis lors de symptômes chroniques d'instabilité fonctionnelle.

 

 

[21]           Le Tribunal a conclu à l'absence d'éléments crédibles tendant à établir que l'état de la cheville du demandeur résultait de la platypodie bilatérale qui lui donnait déjà droit à pension. La Cour constate que les déclarations du Dr Taylor se révèlent déconcertantes dans ce contexte. Il y a d'autres éléments de preuve concernant l'état de la cheville du demandeur, notamment le rapport, daté du 18 octobre 2001, du Dr Lang, un collègue du Dr Saunders au St. Margaret's Bay Medical Centre. Le Tribunal doit évaluer ces éléments pour décider si le demandeur a établi le bien-fondé de sa demande et trancher toute incertitude en faveur de ce dernier. Il y a lieu de se demander, à la lecture de sa décision, si le Tribunal a bien appliqué cette règle en matière de preuve, à savoir celle qui veut que toute incertitude soit résolue en faveur du demandeur de pension.

 

 

CONCLUSION

 

[22]           Pour ces motifs, la Cour conclut ce qui suit :

1.       Le Tribunal a décidé dans un sens manifestement déraisonnable en concluant au caractère non crédible de l'avis médical du Dr Saunders en date du 5 juillet 2004, méconnaissant ainsi la déclaration très claire de celui‑ci, prise en considération dans une décision antérieure dudit Tribunal, comme quoi il avait entretenu des rapports professionnels avec le demandeur et l'avait bien examiné physiquement.

2.       Le Tribunal a commis une erreur en ne précisant pas s'il avait appliqué aux faits la règle qu'énonce en matière de preuve l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Suivant ce critère, la décision ici contrôlée ne résiste pas à un examen assez poussé et ne peut donc être dite raisonnable.

 

[23]           La Cour renverra la présente affaire pour réexamen à un comité différemment constitué du Tribunal, qui devra évaluer la preuve et appliquer la règle que prévoit la Loi sur le Tribunal en matière de charge de la preuve. Si le Tribunal conclut que les entorses en inversion récurrentes dont le demandeur souffre à la cheville droite résultent de sa platypodie sous le régime du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, il devra tenir compte du fait que le demandeur reçoit déjà une petite pension (un cinquième de dix pour cent) au titre de cette même lésion à la cheville.

 

 

ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE :

 

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) en date du 30 novembre 2004 est annulée, et la demande de pension du demandeur est renvoyée pour réexamen à un comité différemment constitué du Tribunal.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑139‑05

 

INTITULÉ :                                       FREDERICK RICHARD YOUDEN

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 8 DÉCEMBRE 2005

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 15 DÉCEMBRE 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Bright, c.r.

Boyne Clarke

 

POUR LE DEMANDEUR

Dean Smith

Ministère de la Justice

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David J. Bright, c.r.

Boyne Clarke

Avocats

Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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