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Date : 20060606

Dossier : T-431-06

Référence : 2006 CF 705

[traduction française]

Toronto (Ontario), le 6 juin 2006

En présence de madame la protonotaire Milczynski

ENTRE :

JAZZ AIR LP

demanderesse

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO,

CITY CENTRE AVIATION LTD., REGCO HOLDINGS INC.,

PORTER AIRLINES INC. et ROBERT J. DELUCE

défendeurs

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Question en litige et résumé des faits 

[1]  Il s’agit d’une requête présentée au nom des défendeurs, City Centre Aviation Ltd., Regco Holdings Inc., Porter Airlines Inc. et Robert J. Deluce (les « parties Deluce »), en vue d’obtenir une ordonnance visant le traitement et l’instruction de la présente demande de contrôle judiciaire comme une action en vertu du paragraphe 18.4(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Subsidiairement, les parties Deluce sollicitent une ordonnance en application de l’article 58 des Règles des Cours fédérales afin que soit régularisé l’avis de demande en l’espèce et, plus particulièrement, enjoignant à Jazz Air LP (« Jazz ») de :

a. donner un exposé détaillé de la décision de l’Administration portuaire de Toronto (« APT ») dont Jazz sollicite le contrôle en vertu de l’article 301 des Règles;

b. restreindre l’avis de demande à une seule décision de l’APT, conformément à l’article 302 des Règles;

C. radier de la présente de demande de contrôle toutes les questions faisant double emploi avec celles que Jazz a soulevées dans une action en cours devant la Cour supérieure de l’Ontario.

[2]  Dans sa forme actuelle, la présente demande s’apparente à une tentative pour résoudre la quadrature du cercle, en ceci que la demanderesse cherche à déposer une demande unique afin d’obtenir le contrôle judiciaire d’une série de décisions et d’actions de l’APT concernant l’expansion et l’exploitation de l’Aéroport du centre-ville de Toronto, situé sur les îles de Toronto. Certaines desdites décisions et actions sont exposées de manière assez explicite, mais c’est loin d’être le cas de toutes. La demanderesse affirme que ces décisions sont interreliées et qu’elles révèlent une « manière d’agir » qui se serait forgée au fil de nombreuses années. Toutefois, la demanderesse offre seulement des conjectures quant à la nature et au nombre de décisions ou d’actions qui ensemble constituent la manière d’agir reprochée. Selon Jazz, le fil conducteur qui a caractérisé et motivé cette manière d’agir a été la mauvaise foi dont l’APT a fait montre dans toutes ses négociations avec elle. Il est également reproché à l’APT et aux parties Deluce d’avoir ourdi un complot pour exclure et marginaliser l’exploitation par Jazz d’un service aérien régulier de transport de passagers à l’Aéroport du centre-ville, et pour assurer un monopole à l’une des parties Deluce, Porter Airlines. Jazz soutient que ce complot et le monopole qui en découle vont à l’encontre du mandat que confère la Loi maritime du Canada à l’ATP, et contreviennent à l’article 45 de la Loi sur la concurrence.

[3]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la procédure sommaire normalement appliquée aux demandes de contrôle judiciaire ne me permettra pas et ne devrait pas me permettre de me prononcer sur les questions soulevées, et que celles-ci ne pourraient pas être dissociées pour faire l’objet de demandes de contrôle judiciaire complètes et indépendantes, même si elles étaient instruites de concert. Par nature, la présente instance porte sur un litige commercial complexe mettant en jeu une série de décisions et de transactions associées à l’exploitation d’un service aérien régulier de transport de passagers à l’Aéroport du centre-ville de Toronto, de même que des allégations graves de complot. Ce litige serait réglé de manière plus appropriée dans le cadre d’un procès.

Contexte et demande de contrôle judiciaire de Jazz

[4]  La présente demande de contrôle judiciaire a été introduite devant la Cour fédérale le 9 mars 2006, peu après le rejet d’une demande d’injonction par la Cour supérieure de l’Ontario. Jazz a également saisi ce même ressort d’une action visant à obtenir des dommages-intérêts importants en vertu de la Loi sur la concurrence pour complot et ingérence intentionnelle dans des relations économiques contre les parties qui sont les défendeurs en l’espèce. Jazz demande aussi des dommages-intérêts contre City Centre Aviation Ltd. (« CCAL ») pour résiliation injustifiée de son bail. La demande de Jazz comprend une réclamation de dommages-intérêts punitifs.

[5]  Dans sa demande de contrôle judiciaire, Jazz fait valoir que l’APT a outrepassé la compétence que lui confère la Loi maritime du Canada, et qu’elle a pris des décisions et agi de manière illégale et outrepassant sa compétence en :

(i)  refusant de louer directement un terrain ou de fournir des installations à Jazz aux fins de l’exploitation d’un service aérien régulier de transport de passagers à l’Aéroport du centre-ville de Toronto;

(ii)  insistant pour signer un type particulier d’accord d’exploitation de transporteur commercial (AETC) dont les modalités, de l’avis de Jazz, sont indûment restrictives, arbitraires et discriminatoires pour ce qui concerne l’attribution des créneaux de décollage et d’atterrissage et des routes, ainsi que sur le plan financier;

(iii)  imposant à Jazz l’échéance du 31 août 2006 pour accepter l’AETC proposé, sans lui donner d’occasion d’en négocier sérieusement les modalités;

(iv)  concluant, avec une ou plusieurs des parties Deluce, des accords et des arrangements qui ont eu pour effet d’assurer à Porter Airlines un monopole ou une position dominante à l’Aéroport du centre-ville de Toronto et qui, en restreignant la liberté de commerce, violent l’article 45 de la Loi sur la concurrence.

[6]  Jazz cherche à obtenir un jugement déclaratoire à l’égard des allégations susmentionnées, de même qu’une ordonnance enjoignant à l’APT de lui fournir un espace ou des installations adéquates pour l’exploitation d’un service aérien régulier de transport de passagers à l’Aéroport du centre-ville de Toronto. En outre, Jazz demande l’annulation des mesures et des décisions de l’APT qui seront jugées hors de sa compétence et des pouvoirs qui lui sont conférés, comme ayant pour effet de restreindre la liberté de commerce, ou contraires aux obligations qui lui incombent d’agir équitablement, raisonnablement et de bonne foi. La réparation demandée aurait une incidence directe sur les projets des parties Deluce de mettre en exploitation un service aérien régulier de transport de passagers de Porter Airlines à l’Aéroport du centre-ville de Toronto à l’automne 2006.

[7]  Comme il a été mentionné auparavant, Jazz allègue qu’en vue du lancement de Porter Airlines à l’automne 2006, l’APT a conclu des accords et des arrangements avec les parties Deluce qui ont pour effet de restreindre la liberté de commerce, de limiter délibérément l’accès de Jazz aux installations de l’Aéroport des îles de Toronto, et d’assurer aux parties Deluce un monopole et un accès préférentiel démesuré à toutes les installations existantes pouvant servir de terminaux de contrôle des passagers sur les îles. Jazz soutient de plus que les parties Deluce se sont vues attribuer de manière discriminatoire la majorité des créneaux de décollage et d’atterrissage, et qu’en imposant à Jazz des restrictions quant aux routes dans l’AETC proposé, l’APT a réservé à Porter Airlines l’exclusivité des vols desservant certaines destinations régionales, sans concurrence de Jazz ou d’un autre transporteur.

[8]  Aucun service de transport aérien n’est offert sur les îles de Toronto depuis mars 2006, année où Jazz a suspendu, après 16 années d’existence, son service de transport aérien à l’Aéroport du centre-ville (sous la bannière Jazz ou sous l’ancienne bannière Air Ontario). La suspension a été forcée par la résiliation du bail de Jazz par CCAL (une société exploitée par Deluce). La situation deviendra permanente si Jazz ne signe pas un AETC et un contrat de location avec une autre société, Stolport, qui pourrait mettre des installations à la disposition de Jazz sur les îles. Stolport refuse de traiter avec Jazz tant que celle-ci n’aura pas signé un AETC avec l’APT.


[9]  L’avis de demande donne le contexte exposé ci-dessus et les détails sur la longue histoire de l’exploitation de l’Aéroport du centre-ville de Toronto; les annonces de l’APT concernant les améliorations apportées aux installations de transport de passagers entre les îles et le centre-ville; les annonces d’Air Canada au sujet de l’expansion de son service Jazz, et les événements conflictuels récents entourant les diverses réunions, la correspondance et les tentatives de Jazz pour trouver un terrain d’entente. Le récit de ces événements est assombri par l’épouvantail agité par Jazz, qui prétend que toutes les décisions sont liées ou inspirées par le complot ourdi entre l’APT et une ou plusieurs des parties Deluce pour diminuer la concurrence, éliminer ou marginaliser Jazz à l’Aéroport des îles, et conférer un avantage indu à Porter Airlines.

[10]  L’APT affirme quant à elle que pour être en mesure de répliquer aux allégations de Jazz et d’expliquer ses décisions et ses actions, elle doit avoir la possibilité d’expliquer le contexte et de réunir du matériel couvrant les 16 dernières années. Le but de l’APT est de créer un aéroport efficace et viable sur le plan commercial sur les îles de Toronto. Elle soutient que jusqu’ici, l’Aéroport du centre-ville a été sous-utilisé et pratiquement laissé à l’abandon par Jazz et son prédécesseur, Air Ontario.

[11]  C’est ce « dossier » qui devrait servir de fondement au contrôle judiciaire. Ce dossier, d’après l’APT, compterait forcément une quantité considérable de documents relatant ses seize dernières années de négociations avec Jazz, Air Ontario et, plus récemment, les parties Deluce. Le dossier contiendrait en outre les accords et les documents confidentiels et délicats sur le plan commercial des parties à la présente instance, mais également de tiers. L’examen des questions afférentes au dossier exigerait de notifier des avis auxdits tiers. De plus, des ordonnances devraient être sollicitées eu égard à la pertinence de certains documents et, conformément à l’article 151 des Règles des Cours fédérales, à la mise sous scellé de certains de ces documents par le greffe de la Cour. Les parties Deluce pourraient voir leurs documents et accords confidentiels versés au dossier, y compris leur AETC, tous les contrats de location et financiers conclus en vue de la création de Porter Airlines, les modalités de location ou d’achat d’avions, les documents de location de terrains ou d’installations, ainsi que les autorisations et les permis obtenus de Transports Canada. Il n’est donc pas étonnant que Jazz ait manifesté tant d’intérêt pour le « dossier » de l’APT.

Analyse

[12]  a)  Les Règles

  Tout d’abord, l’avis de demande déposé par Jazz n’est pas conforme aux Règles des Cours fédérales. Il sollicite le contrôle judiciaire de nombreuses décisions, dont certaines ne sont pas très claires. Tel que le fait valoir Jazz, la production du dossier devrait permettre de cerner à tout le moins quels sont les éléments précis à contester. En ratissant aussi large, Jazz donne l’impression d’avoir spéculé sur les agissements de l’APT et d’avoir orchestré une opération exploratoire complexe pour connaître les arrangements conclus par les parties Deluce.


Or, l’article 302 des Règles exige qu’une demande de contrôle judiciaire se limite à une seule décision. Dans certains cas, une demande peut viser plusieurs décisions, mais elles doivent être interreliées et révéler une manière d’agir ou une situation permanente. Cela ne signifie pas pour autant que cette exception vaut pour toutes les décisions et les négociations complexes qui se sont étendues sur plusieurs années. Les décisions et les mesures mises en cause ici ont été prises à des moments différents, elles ne font pas toujours intervenir les mêmes considérations et leurs objectifs semblent varier. Certaines des décisions et mesures mentionnées mettaient en cause Jazz et l’APT (refus de location, ultimatum au sujet de l’AETC, refus de négocier, imposition d’une échéance arbitraire). D’autres ont été prises par l’APT et les parties Deluce, à l’insu de Jazz dans certains cas, ce qui ne l’empêche pas de soulever une objection (elles concernent par exemple l’AETC et l’accès aux installations de Porter Airlines, ou les créneaux et les routes qui lui été attribués). Jazz prétend que, pour certaines de ses décisions qui la concernent elle et les parties Deluce, l’ATP a été motivée par un prétendu complot illégal qu’elle aurait ourdi avec les parties Deluce.

Il s’agit certes d’allégations intrigantes, mais la lecture de l’avis de demande commande un constat assez banal somme toute : les décisions contestées ne sont pas clairement exposées, contrairement à ce qu’exigent les Règles, leur nombre exact n’est pas connu et, conséquemment, les motifs de contrôle ne sont pas décrits ou énoncés de manière complète et concise.

  b)  La conversion en une action

  Le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit que si la Cour l’estime indiqué, elle peut ordonner qu’une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s’il s’agissait d’une action. Les facteurs à prendre en considération sont les suivants :

  L’instruction des questions en litige exige-t-elle des témoignages de vive voix?

  Y a-t-il lieu de traiter une multiplicité de procédures dans le cadre d’un procès?

  Au vu de la nature des questions en litige, les processus et les procédures d’un procès conviendraient-ils davantage à leur instruction qu’une procédure de demande?

(Chen v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] 3 F.C.R. 82 (F.C.); Drapeau v. Canada (Minister of National Defence) (1995), 179 N.R. 398 (F.C.A.); Macinnis v. Canada (Attorney General) (1994), 113 D.L.R, (4th) 529)

  Je conclus que ces trois facteurs s’appliquent à l’espèce.

Témoignage de vive voix

De sérieuses allégations de complot, de mauvaise foi ainsi que de négociations commerciales arbitraires et discriminatoires ont été portées. Pour établir qu’il y a eu violation de l’article 45 de la Loi sur la concurrence, Jazz doit démontrer :

  l’existence d’un accord ou d’un arrangement entre l’APT et les parties Deluce;

  que l’APT et les parties Deluce ont sciemment conclu ledit accord ou arrangement;

  que la mise en œuvre dudit accord ou arrangement diminuerait indûment la concurrence dans le marché;

   que les parties savaient, ou auraient dû savoir, que ledit accord ou arrangement, s’il est démontré qu’il a été conclu, diminuerait ou empêcherait indûment la concurrence.

Pour rendre une décision éclairée concernant les allégations de complot criminel et établir les intentions subjectives des parties et leurs connaissances, la Cour devrait tout d’abord avoir la possibilité d’évaluer la crédibilité des témoins. Je donne raison aux parties Deluce quand elles soutiennent que des témoignages de vive voix seront essentiels, et qu’une preuve par affidavit ou une procédure sommaire ne permettraient pas de rendre une décision éclairée sur les questions en litige.

Multiplicité des procédures

Dans l’arrêt Drapeau v. Canada (Minister of National Defence), la Cour d’appel fédérale a souligné que, dans une requête en conversion en une action, le principal élément d’analyse était la question de savoir si les allégations formulées dans la demande de contrôle judiciaire ouvraient également droit à des dommages-intérêts :

[traduction]
[...] un juge des requêtes qui a été saisi d’une requête en conversion d’une demande de contrôle judiciaire en une action [...] ne commet pas d’erreur en tenant compte de l’avantage qu’il y aurait à éviter de multiplier les procédures. En l’espèce, le juge des requêtes devait examiner des contestations d’une série de décisions prétendument entachées de mauvaise foi et contraires à la justice naturelle et, partant, préjudiciables à la demanderesse.

De la même façon, Jazz conteste plusieurs décisions qui, affirme-t-elle, ont été prises de mauvaise foi et dans le cadre d’un complot. Les mesures qui, aux dires de Jazz, donnent ouverture à un contrôle judiciaire sont les mêmes qui fondent son action en dommages-intérêts intentée devant la Cour supérieure de l’Ontario. Actuellement, l’APT et les parties Deluce doivent composer avec le risque que les allégations graves de complot criminel dont elles font l’objet soient examinées sommairement par la Cour fédérale dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, et probablement à leur détriment dans le cadre d’une action subséquente devant la Cour supérieure de l’Ontario. Là encore, je souscris aux observations des parties Deluce, qui estiment que le risque d’un tel préjudice devrait être évité et qu’il faut trancher la question des procédures parallèles.

Litige commercial

  Le litige sous-jacent en l’espèce, de nature commerciale, soulève la question de savoir lequel ou lesquels parmi les transporteurs aériens exploiteront un service régulier de transport de passagers à l’Aéroport du centre-ville de Toronto, et selon quelles modalités. Pour régler le litige entre Jazz, l’APT et les parties Deluce, il faudra prendre en compte l’historique des relations commerciales entre les parties et les projets de l’APT quant à la mise en place d’un aéroport viable sur le plan commercial sur les îles de Toronto, et trancher les questions entourant les allégations de complot en violation de la Loi sur la concurrence. Pour rendre une décision avisée sur ces questions, et par souci d’équité pour les parties, il faut s’assurer qu’elles puissent se prévaloir des processus et procédures qui seraient à leur disposition dans le cadre d’une action, et en particulier la production et la communication de la preuve, de même qu’une audition et une évaluation complètes de celle-ci lors d’un procès (voir Radil Bros. Fishing Co. c. Canada (Directeur Général du Ministère des Pêches et Océans, Région du Pacifique), [1998] A.C.F. no 292 [QL - C.F. 1re inst.]; (1998), 158 F.T.R. 313 [C.F. 1re inst.]).

c)  Le préjudice

  Telle qu’elle est constituée actuellement, la demande de contrôle judiciaire n’est pas conforme aux Règles des Cours fédérales et pose de ce fait à la fois un problème de forme et de fond. La demande est alambiquée et complexe, et elle n’ouvre pas droit aux garanties et aux avantages d’une action sur le plan de la procédure. Déjà, des difficultés importantes ont compliqué la préparation et de la soumission du dossier (compilation, respect des échéances de soumission, notification d’avis aux tiers eu égard à la divulgation possible de leurs accords ou d’autres documents confidentiels, délivrance d’ordonnances visant à protéger la confidentialité en application de l’article 151 des Règles des Cours fédérales). L’étape préliminaire sera longue, ce qui en soi indique clairement que les décisions de l’APT qui sont visées par la présente demande (en supposant, sans en décider, que ces décisions de l’APT soient celles d’un office fédéral, ou que Jazz ait qualité pour solliciter un contrôle des accords conclus par Deluce) ne se prêtent pas à un contrôle judiciaire.

[13]  Par ailleurs, les questions soulevées par Jazz exigent de déterminer en quoi consistent au juste les décisions contestées et s’il est opportun d’en entamer le contrôle, et d’examiner des allégations graves d’inconduite, tout cela sur la seule foi de documents sur papier et sans que les parties puissent se prévaloir des procédures préliminaires d’un procès et du procès lui-même. À l’instar de mon collègue dans la décision Agustawestland International Ltd. v. Canada (Minister of Public Works and Government Services) 2005 FC 1640 (QL - C.F.), j’estime que la nature des faits de l’espèce ne pourrait pas être établie ou appréciée de manière satisfaisante par un examen du dossier et de la preuve par affidavit. La Cour doit entendre des témoignages de vive voix pour bien comprendre la preuve et établir la véracité des allégations soulevées.

[14]  Enfin, comme il a déjà été souligné, l’issue de l’audience devant la Cour fédérale, quelle qu’elle soit, pourrait influer sur le procès pour dommages en cours devant la Cour supérieure de l’Ontario.

[15]  Conséquemment, je conclus que l’impérative nécessité d’instruire complètement et équitablement les questions soulevées par la voie d’une action l’emporte sur tout préjudice qui pourrait en découler pour Jazz. La question des délais et du préjudice pour Jazz a déjà été examinée, et je rapporte ici la décision rendue par le juge Spence concernant la demande d’injonction soumise par Jazz :

[traduction]
Les activités de Jazz qui ont un lien avec l’Aéroport des îles de Toronto ne représentent pas une part significative de ses activités globales. Les revenus de Jazz proviennent presque totalement des redevances que lui verse Air Canada pour l’usage de sa capacité, peu importe que les vols soient liés à l’Aéroport des îles ou à l’Aéroport Pearson. Il n’a pas été démontré que Jazz subirait une perte importante de revenus. Puisque cette perte pourrait être calculée, il est vraisemblable que les dommages pourraient être quantifiés et qu’ils ne pourraient donc pas être considérés comme irréparables.

ORDONNANCE

  LA COUR ORDONNE :

1. que la requête en conversion de la présente demande de contrôle judiciaire en une action soit accueillie;

2. que la demanderesse dépose sa déclaration au plus tard 20 jours après la date de la présente ordonnance et, sous réserve de toute autre ordonnance ou directive de la Cour, que les étapes procédurales et le calendrier de l’action qui ont été établis conformément aux Règles des Cours fédérales soient respectés;

3. que les dates prévues pour l’audition de la présente demande, soit les 5 et 6 septembre 2006, soient annulées;

4. que, si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur les dépens liés à la présente requête, elles fassent connaître, au plus tard 20 jours après la date de la présente ordonnance, leurs disponibilités en vue d’une conférence téléphonique au cours de laquelle la question des dépens sera tranchée.

« Martha Milczynski »

Protonotaire



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER : T-431-06

INTITULÉ : JAZZ AIR LP c. AUTORITÉ PORTUAIRE DE TORONTO ET. AL.

LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE : LE 31 MAI 2006

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE : LA PROTONOTAIRE MILCZYNSKI

DATE DES MOTIFS : LE 6 JUIN 2006

COMPARUTIONS :

Earl Cherniak  POUR LA DEMANDERESSE, JAZZ AIR LP

Peter Jervis

Brian Radnoff   

David W. Scott    POUR LA DÉFENDERESSE, ADMINISTRATION

Freya Kristjanson   PORTUAIRE DE TORONTO

Colleen Shannon 

Robert Armstrong   POUR LES DÉFENDEREURS, CITY

Orestes Pasparakis  CENTRE AIR LTD., REGCO

Sarah McLean  HOLDINGS INC., PORTER AIRLINES INC.

et ROBERT J. DELUCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lerners LLP  POUR LA DEMANDERESSE, JAZZ AIR LP

Toronto (Ontario) 

Borden, Ladner, Gervais LLP  POUR LA DÉFENDERESSE, AUTORITÉ

Toronto (Ontario)   PORTUAIRE DE TORONTO

Ogilvy Renault s.e.n.c.r.l.    POUR LES DÉFENDERESSES,

Toronto (Ontario)    CITY CENTRE AIR LTD., REGCO

  HOLDINGS INC., PORTER AIRLINES

   INC. et ROBERT J. DELUCE

 

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