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Date : 20010723

Dossier : IMM-4079-00

Référence neutre : 2001 CFPI 821

ENTRE:

FATAH BESSADI

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Heneghan

INTRODUCTION

[1]                 M. Fatah Bessadi (le demandeur) demande le contrôle judiciaire d'une décision datée du 14 juillet 2000 de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Par cette décision, la Commission a statué que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]                 Le demandeur est un citoyen de l'Algérie. Il a revendiqué au Canada le statut de réfugié au sens de la Convention, soutenant qu'il craignait avec raison d'être persécuté du fait de sa race. C'est un Berbère et on l'a enrôlé dans les forces armées. Il prétend que, par suite, il est cible de persécutions de la part du Groupe islamique armé (le GIA), un groupe intégriste terroriste.

[3]                 Le service militaire du demandeur a débuté en 1994. Il a été grièvement blessé en avril 1995 et hospitalisé. Il lui a fallu six mois pour se rétablir. Le demandeur soutient que, pendant son séjour à l'hôpital, on lui a fait subir de la discrimination parce qu'il était un conscrit berbère.

[4]                 En 1996, le demandeur a été autorisé à quitter l'armée et il est retourné chez lui. Il craignait pour sa sécurité parce que, en raison d'appels téléphoniques faits à ses parents pendant qu'il faisait son service militaire, sa présence au sein de l'armée était connue. Il avait également des motifs de croire que des membres du GIA avaient téléphoné à ses parents et savaient qu'il avait été enrôlé dans les forces gouvernementales.


[5]                 Le demandeur s'est rendu à Alger où il est demeuré pendant deux ans. Il n'y a pas travaillé. Il passait beaucoup de son temps à faire de la plongée sous-marine. Parce qu'il ne s'attendait pas à une amélioration des relations à Alger entre le gouvernement et le GIA, le demandeur a décidé de quitter son pays. Il est arrivé au Canada le 5 avril 1999 et y a revendiqué le même jour le statut de réfugié au sens de la Convention.

[6]                 La Commission a examiné si le demandeur avait bien démontré qu'il craignait avec raison d'être persécuté. Les questions relevées par la Commission avaient trait au groupe ethnique, au clan et à la tribu, au critère du lien, à la crédibilité, au défaut de revendiquer dans un autre pays, au fondement objectif et au changement de circonstances1. La Commission a établi que la « question déterminante » était celle de savoir si le demandeur craignait avec raison d'être persécuté ou arrêté du fait de sa race ou de son origine ethnique berbère.

[7]                 La Commission a décidé que la revendication n'était pas fondée, comme le demandeur n'avait pas présenté de preuve crédible relativement aux fondements tant objectif que subjectif de sa crainte.

QUESTIONS EN LITIGE

[8]                 Le demandeur soulève plusieurs questions dans sa demande de contrôle judiciaire, soit

a)          que la Commission a commis une erreur en se fondant sur les notes prises au point d'entrée, étant donné que celles-ci n'ont pas été présentées dans le cadre d'un témoignage sous serment et ont été prises dans des circonstances inconnues du demandeur;

b)          que la Commission n'a pas tenu compte de sa déposition sur ses occupations à Alger;


c)          que la Commission a fait abstraction d'autres éléments de preuve, de nature documentaire, en déclarant [TRADUCTION] « qu'on ne dénotait pas une tendance des autorités algériennes à agir à l'encontre d'Algériens simplement parce qu'ils sont d'origine berbère » ;

d)          que la Commission a également fait abstraction de la preuve documentaire en concluant qu'il n'y avait pas de preuve digne de foi que les jeunes Algériens, particulièrement ceux d'origine berbère enrôlés dans l'armée, étaient la cible des groupes terroristes islamiques;

e)          que la Commission a analysé de manière superficielle la preuve concernant le changement de la situation en Algérie;

f)           qu'il n'y avait pas de services d'interprétation adéquats à l'audience.

Arguments du demandeur

[9]                 Le demandeur soutient que, comme la Commission s'était fondée sur les notes prises au point d'entrée, sans que leur auteur ne témoigne sous serment, il y avait eu violation de l'obligation d'agir équitablement. Il prétend, plus particulièrement, qu'il n'avait pas de motifs raisonnables de prévoir que la Commission se fonderait sur ces notes pour étayer sa conclusion selon laquelle il lui manquait, pour faire valoir sa revendication, la crainte subjective d'être persécuté.

[10]            Le demandeur soutient que la Commission n'a pas bien saisi l'élément central de sa revendication, à savoir qu'un jeune Berbère enrôlé dans les forces armées gouvernementales risquait d'être persécuté par les groupes islamiques intégristes. Le demandeur affirme que la Commission a fixé son attention sur le gouvernement, et non le GIA, en tant qu'agent de persécution; on peut en déduire que la Commission soit a mal compris la volumineuse preuve documentaire présentée, soit n'en a pas tenu compte.

[11]            Le demandeur soutient, finalement, que la traduction orale de son témoignage était inadéquate.

Arguments du défendeur

[12]            Le défendeur prétend pour sa part que les motifs de la Commission sont clairs et font voir que celle-ci comprend parfaitement la question en litige, soit la crainte du demandeur d'être persécuté par le GIA. Le défendeur affirme, en outre, que la Commission en est arrivée à une conclusion raisonnable, étayée par la preuve qu'elle a examinée, à savoir que le demandeur n'avait pas démontré qu'il ressentait une crainte justifiée d'être persécuté ni qu'existait un motif visé à la Convention.


ANALYSE

[13]            Bien que le demandeur ait mentionné plusieurs questions dans sa demande de contrôle judiciaire, une seule question est en fait en litige : la Commission a-t-elle commis une erreur sujette à révision lorsqu'elle a statué sur la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur? Tel n'est pas le cas, à mon avis.

[14]              Au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, en sa version modifiée (la Loi), l'expression « réfugié au sens de la Convention » est définie comme suit :

« réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

"Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;

[15]            Tout revendicateur du statut de réfugié au sens de la Convention doit démontrer l'existence d'une crainte tant subjective qu'objective d'être persécuté; se reporter à Ward c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1993), 103 D.L.R. (4th) 1 (C.S.C.). Le fardeau de la preuve à cet égard incombe au revendicateur (article 8 de la Loi).

[16]            La Commission est autorisée à apprécier la preuve produite et ses conclusions ne sont pas infirmées lorsqu'elles sont raisonnablement étayées par la preuve; se reporter à Owusu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 64 F.T.R. 13 (C.F. 1re inst.). Le défaut de la Commission de désigner précisément la preuve présentée ne constitue pas une erreur de droit sujette à révision; se reporter à Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.).

[17]            Le renvoi par la Commission aux notes prises au point d'entrée ne constitue pas une erreur révisable. Ces notes faisaient partie de la preuve documentaire fournie au demandeur avant l'audience. La Commission a compétence pour juger de la force probante de ces notes; se reporter à Huang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 66 F.T.R. 178.

[18]            La question du caractère adéquat ou non des services d'interprétation n'a pas été soulevée à l'audience, et rien ne permet de conclure que les services dispensés ont porté préjudice au demandeur.

[19]            Je conclus donc que, compte tenu de la preuve qui lui a été présentée, la Commission en est arrivée à une conclusion raisonnable. Je suis d'avis que le demandeur a obtenu une audition équitable de sa cause par la Commission et que la Cour n'a aucun motif d'intervenir.

[20]            À la demande de l'avocat du demandeur, toute demande en vue de la certification d'une question en vertu de l'article 83 de la Loi doit être présentée dans les 48 heures suivant la réception par lui des présents motifs.

           « Elizabeth Heneghan »          

Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 23 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

Note de fin de document

1            Dossier de demande du demandeur, page 7.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                              IMM-4079-00

INTITULÉ :                                                        Fatah Bessadi c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 18 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Le juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                                     Le 23 juillet 2001

COMPARUTIONS :

Anthony R. Norfolk                                                                        POUR LE DEMANDEUR

Mandana Manazi                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anthony R. Norfolk                                                                        POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Sous-procureur général du Canada                                               POUR LE DÉFENDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

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