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Date : 20200316


Dossier : IMM-4626-19

Référence : 2020 CF 385

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2020

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

SALTANAT JUMALIEVA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Saltanat Jumalieva (la demanderesse) demande le contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent des visas (l’agent) le 25 mai 2019. Dans cette décision, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes, au sens du paragraphe 88(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

[2]  La demanderesse, citoyenne du Kirghizstan, a présenté une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes, en sa qualité d’architecte d’intérieur. L’agent a rejeté la demande au motif que la preuve n’était pas suffisante pour établir que la demanderesse répondait à la définition de « travailleur autonome » énoncée au paragraphe 88(1) du Règlement.

[3]  La demanderesse fait valoir devant moi que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale. Plus précisément, elle soutient que le manquement découle du fait que l’agent ne lui a pas donné la possibilité de dissiper ses préoccupations concernant son admissibilité et qu’il lui a enjoint de soumettre un plan d’activité. La demanderesse fait valoir que ce manquement enfreint le principe de l’attente légitime.

[4]  La demanderesse invoque l’article 5.14 et la section 11 du guide opérationnel « Traitement des demandes à l’étranger 8 : Entrepreneurs et travailleurs autonomes » (le Guide opérationnel) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et prétend qu’elle avait une attente légitime que l’agent lui fasse part de toute préoccupation à propos de sa demande et qu’il n’exige pas qu’elle soumette un plan d’activité sans lui formuler une demande expresse à cet égard.  

[5]  La demanderesse fait également valoir que la décision était fondée sur des conclusions de fait déraisonnables. Elle soutient que l’agent n’a pas expliqué pourquoi la preuve qu’elle avait soumise était insuffisante, qu’il n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve, notamment une liste de clients et un portefeuille, et qu’il a évalué son plan d’activité de manière déraisonnable.

[6]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’a eu lieu et que la décision est raisonnable.

[7]  En réponse aux arguments de la demanderesse, le défendeur a déposé les affidavits de Mme Tracy Burtt et de Mme Hailey Dang.

[8]  Mme Burtt est la directrice adjointe de l’équipe d’Entrée express et des programmes économiques de la Direction générale de l’orientation du programme d’immigration d’IRCC.

[9]  Mme Dang est adjointe juridique à la section de l’immigration du bureau régional de l’Ontario du ministère de la Justice.

[10]  Mme Burtt a déclaré que des instructions sur l’exécution des programmes d’IRCC pour la catégorie des travailleurs autonomes ont remplacé la section 11 du Guide opérationnel en août 2016. Elle a joint à son affidavit la mise à jour concernant l’exécution des programmes qui explique ce changement ainsi qu’une copie des instructions en question.

[11]  Mme Dang a joint à sa déclaration sous serment une copie d’extraits du Guide opérationnel et des instructions sur l’exécution des programmes, à titre de pièces justificatives.

[12]  Toute question relative à l’équité procédurale est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : voir l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), [2019] 1 RCF 121.

[13]  Conformément au récent arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, les conclusions de fait et la conclusion ultime de l’agent sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[14]  Selon l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit justifiable, transparente et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[15]  Après avoir examiné et pris en considération les documents versés au dossier certifié du tribunal, les dossiers de la demande déposés par les parties ainsi que les arguments, autant ceux produits par écrit que ceux formulés de vive voix, je ne suis pas convaincue qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

[16]  La demanderesse appuie ses arguments relatifs au principe de l’attente légitime, qui constitue un aspect de l’équité procédurale, sur l’article 5.14 et la section 11 du Guide opérationnel.

[17]  L’article 5.14 du Guide opérationnel est libellé ainsi :

Lorsque l’agent s’interroge sur la recevabilité de la demande ou l’admissibilité du demandeur, il doit donner au demandeur la possibilité de corriger ou de contredire ses interrogations. Le demandeur doit avoir la possibilité de réfuter le contenu de toute évaluation provinciale négative qui pourrait influer sur la décision finale.

L’agent est tenu de procéder à une évaluation juste et approfondie conformément au libellé et à l’esprit de la législation applicable et selon les exigences de l’équité procédurale.

[18]  La section 11 du Guide opérationnel prévoyait notamment ce qui suit :

[…]

Les documents exigés doivent fournir la preuve de la situation financière du demandeur et de ses expériences de travail autonome antérieur. Il doit fournir des preuves permettant d’établir que la demande mérite d’être étudiée dans le cadre du programme.

Les agents peuvent exiger des travailleurs autonomes qu’ils présentent la preuve qu’ils ont étudié le marché de l’emploi canadien et adopté un plan réaliste pouvant raisonnablement mener à un travail autonome.

Toutefois, on ne doit pas encourager le travailleur autonome à présenter un plan d’activité officiel qui entraînerait des dépenses inutiles et un fardeau administratif.

[…]

[19]  Le défendeur soutient que la demanderesse s’est appuyée sur un Guide opérationnel périmé. Il ressort clairement de l’affidavit de Mme Burtt que la section 11 a été remplacée par autre chose, à savoir les instructions sur l’exécution des programmes, pour les besoins des demandes déposées après le 2 août 2016.

[20]  La demanderesse a déposé sa demande le 23 janvier 2019.

[21]  Il n’y a pas eu de violation du principe de l’attente légitime, ou toute autre violation de l’équité procédurale.

[22]  L’agent n’était pas convaincu que la preuve présentée par la demanderesse était suffisante pour démontrer qu’elle satisfaisait aux exigences du Règlement. La crédibilité de la demanderesse n’était pas en cause. L’agent n’était pas tenu d’informer la demanderesse des préoccupations découlant des exigences législatives ni de lui donner l’occasion de justifier la présentation d’une demande lacunaire.

[23]  Je passe maintenant aux arguments de la demanderesse concernant les conclusions de fait qui seraient déraisonnables.

[24]  Il incombe à la demanderesse d’établir qu’elle répond à la définition de « travailleur autonome ».

[25]  Ces arguments soulèvent des questions susceptibles de contrôle selon la norme du caractère raisonnable.

[26]  Je ne suis pas convaincue que l’agent n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve présentés par la demanderesse. Je ne suis pas persuadée que la conclusion de l’agent selon laquelle il n’était pas convaincu que la preuve était suffisante pour satisfaire à l’exigence prévue par la loi est déraisonnable.

[27]  L’agent n’a pas exigé que la demanderesse soumette un plan d’activité; il a simplement procédé à l’évaluation du plan qu’elle avait soumis avec sa demande. L’agent avait le mandat d’évaluer les documents soumis par la demanderesse, et c’est ce qu’il a fait. La décision satisfait à la norme du caractère raisonnable.

[28]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[29]  La présente affaire ne soulève aucune question aux fins de la certification.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4626-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

L’affaire ne soulève aucune question aux fins de la certification.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour d’avril 2020.

Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4626-19

 

INTITULÉ :

SALTANAT JUMALIEVA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 MARS 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 16 MARS 2020

COMPARUTIONS :

Leo Rayner

POUR LA DEMANDERESSE

Meva Motwani

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Legally Canadian

Avocats

Mississauga (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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