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Date : 20040414

Dossier : IMM-277-03

Référence : 2004 CF 559

Ottawa (Ontario), le 14 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                       ROZALIA TUNDE ORBAN

                                                                   ATTILA PAL

                                                                VIVIEN ORBAN

                                                                ATTILA JR. PAL

                                                             TIBOR MILASKICS

                                                             ZSANETT KOSZEGI

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             

et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                Les demandeurs sont des citoyens hongrois d'origine rome. Ils sont venus au Canada en 2000, et ils ont revendiqué le statut de réfugiés en alléguant qu'ils avaient été victimes de mauvais traitements dans leur pays à cause de leur origine ethnique. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté leurs demandes. La Commission a estimé que les demandeurs ont omis de fournir des éléments de preuve suffisants à l'appui de leurs demandes et de démontrer que les autorités de l'État hongrois n'étaient pas en mesure de les protéger. Les demandeurs font valoir que la Commission a commis une erreur en tirant ces conclusions et ils me demandent d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué.

[2]                Je ne vois aucun motif d'infirmer la décision de la Commission et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Questions en litige

[3]    Les demandeurs ont soulevé deux questions clés :

1.    La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant des conclusions défavorables quant à la crédibilité des demandeurs?

2.    La Commission a-t-elle analysé de façon adéquate la preuve relative à la protection de l'État?


II. Analyse

[4]    Je ne peux pas ordonner la tenue d'une nouvelle audience si les conclusions de la Commission sont raisonnables compte tenu de la preuve dont elle disposait. En ce qui concerne les deux questions soulevées par les demandeurs, je conclus que la décision de la Commission est raisonnable.

A. La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant des conclusions défavorables quant à la crédibilitédes demandeurs?

[5]    Il s'agit d'une question à deux volets. Premièrement, il y a eu une certaine confusion auprès de la Commission concernant les exposés circonstanciés contenus dans les formulaires sur les renseignements personnels des demandeurs. Il y avait apparemment deux versions des exposés en question. Les demandeurs ont dit qu'ils n'étaient pas satisfaits de la première traduction anglaise des exposés, alors on les a retraduits. Toutefois, il semble que certaines divergences n'étaient pas imputables aux problèmes de traduction. Dans les circonstances, la Commission avait des préoccupations au sujet de l'équité procédurale, et elle a proposé aux demandeurs la tenue d'une nouvelle audience. L'avocat qui représentait les demandeurs à l'époque a conclu que ces développements n'étaient pas préjudiciables à ses clients, et qu'il n'y avait donc aucune raison de ne pas continuer. La Commission a mentionné certaines des divergences entre les exposés circonstanciés lorsqu'elle a conclu que la preuve soumise par les demandeurs n'était pas crédible.

[6]    Deuxièmement, la Commission n'a pas ajouté foi au témoignage de Mme Koszegi, qui a prétendu avoir été victime de violence familiale. La Commission a relevé plusieurs contradictions dans son témoignage, et elle a rejeté cet aspect de sa demande. La Commission a dit à ce sujet : _ étant donné le manque généralisé de crédibilité de la demandeure, le tribunal estime qu'il ne dispose pas d'une preuve suffisamment crédible ou digne de foi pour statuer que les demandeurs sont des réfugiés au sens de la Convention _ [non souligné dans l'original]. Les demandeurs reprochent à la Commission de les avoir tous pénalisés en raison des contradictions dans le témoignage de Mme Koszegi.

[7]    J'ai examiné le dossier et il me semble que, compte tenu de la preuve dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement tirer les conclusions au sujet de la crédibilité des demandeurs qu'elle a tirées. De plus, la Commission a pris soin de s'assurer que l'équité procédurale était respectée, et elle a proposé aux demandeurs la tenue d'une nouvelle audience. Quoi qu'il en soit, même si elle avait des réserves au sujet de la crédibilité des demandeurs sur certains points, la Commission a admis que les demandeurs avaient été persécutés, et elle s'est ensuite penchée sur la question de savoir s'ils pouvaient bénéficier de la protection de l'État. Je ne vois aucune raison d'infirmer les conclusions de la Commission touchant la question de la crédibilité. En bout de ligne, c'est la question de la protection de l'État qui a déterminé l'issue de l'affaire aux yeux de la Commission.


B.    La Commission a-t-elle analysé de façon adéquate la preuve relative à la protection de l'État?

[8]    Les demandeurs font valoir que la Commission a analysé la preuve concernant la protection de l'État de façon superficielle, et qu'elle s'est peut-être laissé influencer par ses réserves au sujet de la crédibilité. Je ne puis accepter une telle qualification des motifs de la Commission.

[9]    Les demandeurs ont décrit plusieurs agressions violentes dont ils ont été victimes et dont certaines ont été perpétrées par des groupes de skinheads. Malgré cela, la Commission a conclu que la Hongrie prenait des mesures significatives pour améliorer le sort des Rom. Les mesures en question comprennent des améliorations sur le plan de l'éducation, des prestations sociales et de la protection de la police. Les demandeurs soutiennent que la Commission a omis d'étudier la question de savoir si ces mesures pouvaient effectivement les protéger contre le genre d'actes de violence dont ils ont été victimes, et plus particulièrement contre les skinheads. De plus, ils font valoir que la Commission a omis de tenir compte des éléments de preuve selon lesquels la police elle-même commettait parfois des agressions contre les Rom.

[10]            À mon avis, la Commission a analysé de façon adéquate la preuve documentaire concernant la protection de l'État. La preuve révélait qu'aux cours des dernières années les incidents au cours desquels des Roms ont été victimes d'actes de violence commis par les skinheads étaient peu nombreux et que leur nombre déclinait. Lorsque de tels actes sont commis, leurs auteurs sont poursuivis avec diligence par autorités d'État.


[11]            Les demandeurs se sont rendus au bureau de police une seule fois, et ils n'étaient pas satisfaits de la réponse qu'ils ont reçue. Toutefois, la Commission a mentionné que les relations entre les Rom et la police s'étaient grandement améliorées aux cours des dernières années. Sa conclusion selon laquelle les demandeurs auraient dû insister davantage pour obtenir l'aide de la police n'est pas déraisonnable.

[12]            De plus, la Commission a souligné qu'il existe d'autres organismes soutenus par l'État hongrois qui aident les Rom à résoudre les différents problèmes auxquels ils peuvent se heurter en raison d'une discrimination généralisée. La Commission n'a pas commis d'erreur en mentionnant que, en plus de faire appel à la police, les demandeurs auraient pu requérir les services des divers organismes de défense soutenus par l'État : Szucs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1614 (C.F. 1re inst.) (QL).

[13]            La Commission n'a pas mentionné la preuve relative aux agressions policières contre les Rom, et ce, malgré le fait que la preuve documentaire dont elle disposait faisait état de ce problème. Cette preuve traite d'incidents isolés d'agressions policières. De tels événements sont évidemment inquiétants, mais ils semblent s'inscrire dans le cadre plus large de l'amélioration des relations entre les Rom et la police dont la Commission a fait mention. Je suis d'avis que, compte tenu de la preuve dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement conclure que les demandeurs pouvaient bénéficier de la protection de l'État hongrois.


[14]            Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties n'ont proposé aucune question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n'est énoncée.

                                                                             

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.    La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.    Aucune question de portée générale n'est énoncée.

                                                                                                                          _ James W. O'Reilly _          

                                                                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                                                             

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-277-03

INTITULÉ :                                       ORBAN ET AL.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :               LE LUNDI 5 AVRIL 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                     LE 14 AVRIL 2004

COMPARUTIONS:

Peter Ivanyi                                          POUR LES DEMANDEURS

Mielka Visnic                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

ROCHON GENOVA                         POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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