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Date : 20200313


Dossier : IMM‑2810‑19

Référence : 2020 CF 373

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 mars 2020

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

Abdulaziz Abdullah AL FARES,

Iman Hassan AL SAWAL

ET Oday AL FARES

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  M. Abdulaziz Al Fares [le demandeur principal], son épouse et son fils [tous trois désignés collectivement ci‑après les « demandeurs »] sollicitent, sous le régime du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], le contrôle judiciaire de la décision rendue à leur égard par un agent de migration [l’agent] le 2 mars 2019. L’agent a reçu le demandeur principal en entrevue à Beyrouth (Liban), et n’était pas convaincu que son témoignage était véridique et crédible. Il a donc conclu que le demandeur ne remplissait pas les conditions énoncées à l’article 96 de la LIPR et à l’article 147 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. Par conséquent, il ne pouvait pas être convaincu que le demandeur, comme l’exige la Loi, soit admissible au Canada et ne soit pas interdit de territoire.

II.  LE CONTEXTE

[2]  Les demandeurs sont des citoyens syriens vivant au Liban depuis 2013. Ils sont tous trois inscrits comme réfugiés syriens auprès de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés [le HCR].

[3]  Le demandeur principal, selon ses dires, est un conscrit de l’armée syrienne, dans laquelle il a servi comme caporal de 2010 à 2013. Il aurait reçu une instruction militaire générale en 2010, suivie d’une instruction spécialisée dans les blindés. Cependant, il affirme que l’armée syrienne l’a principalement affecté à des tâches administratives, au secrétariat de son unité. Pendant ce temps, la guerre a éclaté en Syrie, et jusqu’en 2013, l’armée syrienne l’aurait envoyé dans diverses zones, mais il affirme n’avoir jamais participé aux combats.

[4]  Toujours selon le demandeur principal, l’armée syrienne l’a affecté à un bataillon de tanks, dans lequel on exigeait de lui qu’il tue des civils et bombarde des quartiers civils près de Tell Abyad. Il affirme avoir refusé de tirer sur des civils, de sorte que, une fois revenu au camp, il a été battu publiquement pour avoir désobéi aux ordres. On lui aurait cassé une jambe pendant ce passage à tabac. L’armée syrienne l’aurait ensuite emprisonné, mais il aurait réussi à s’évader avec l’aide d’un gardien.

[5]  Plus tard, entre juillet et octobre 2013, raconte le demandeur principal, il a essayé d’entrer au Liban au moyen d’un faux passeport, ce qui lui a valu une détention de trois mois. Son frère, qui vivait au Liban, aurait acheté sa libération. Une fois libéré, il est immédiatement allé s’inscrire comme réfugié syrien auprès du HCR. Il vit au Liban depuis ces événements. La demanderesse est entrée au Liban lorsqu’elle a appris que le demandeur principal s’y trouvait. C’était à l’époque où les autorités libanaises le détenaient. Peu après l’arrivée de la demanderesse, leur fils est né au Liban. Le demandeur principal n’a toujours pas de statut juridique au Liban, contrairement à sa femme et à son fils. 

[6]  Les demandeurs ont ensuite sollicité la résidence permanente au Canada en tant que membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de celle des personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières. Le demandeur principal a déclaré dans sa demande de protection qu’il avait été caporal dans l’armée syrienne durant trois ans, soit de 2010 à 2013. Cependant il ne disposait pas d’exemplaires de ses papiers d’identité ni de son livret militaire syriens. Il a toutefois rempli le formulaire « Détails sur le service militaire ».

[7]  En novembre 2017, le gouvernement canadien a accueilli la demande de parrainage d’une famille syrienne présentée par les répondants des demandeurs. Le 16 janvier 2018, il a aussi accueilli leur demande de parrainage des demandeurs. En conséquence, l’agent a reçu le demandeur principal en entrevue le 8 février 2019, à Beyrouth (Liban).

III.  LA DÉCISION CONTRÔLÉE

[8]  L’agent a conclu que le demandeur principal ne remplissait pas les conditions prévues à l’article 96 de la LIPR ni celles prévues à l’article 147 du RIPR. Par conséquent, il ne remplissait pas la condition énoncée à l’alinéa 139(1)e) du RIPR. L’agent a constaté que les affirmations formulées, et les renseignements communiqués, par le demandeur principal étaient parfois incompatibles ou contradictoires. Il en a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que ses déclarations étaient plus probablement fausses que véridiques, pour le motif qu’elles n’étaient pas crédibles.

[9]  Premièrement, constate l’agent, le demandeur principal a déclaré que son service militaire comprenait six mois d’instruction, y compris une spécialisation de tankiste. Or il ne savait pas de quelle sorte d’obus était équipé le tank à partir duquel l’armée syrienne lui avait ordonné de tirer. En outre, plus tard dans l’entrevue, il a déclaré ne pas avoir reçu de formation spécialisée, parce qu’on l’avait muté au secrétariat. Cette contradiction a inspiré à l’agent des doutes sur sa crédibilité.

[10]  Deuxièmement, comme les opérations de combat comportaient la manœuvre d’engins de grande valeur tels que des tanks, l’agent a conclu qu’il était difficile de croire que l’armée syrienne fasse bombarder la ville de Tell Abyad par des soldats n’ayant pas reçu la formation voulue. À ce propos, le demandeur principal lui avait expliqué que l’armée syrienne souffrait d’une pénurie de soldats bien entraînés, de sorte qu’on l’avait affecté à la recherche d’objectifs et à la visée, plutôt qu’au poste de canonnier du tank. Pendant qu’il remplissait cette fonction, le demandeur principal a déclaré qu’il avait reçu l’ordre de tirer sur des civils, ordre auquel il avait désobéi. Il a expliqué qu’il n’avait pas les capacités techniques pour le faire et que, même s’il les avait eues, il aurait refusé.

[11]  Le demandeur principal a aussi essayé de dissiper les doutes de l’agent en expliquant que, lorsqu’il était entré dans l’armée, il avait reçu une instruction de base durant six mois, puis avait été muté au secrétariat. Il a aussi expliqué que l’équipage d’un tank se compose de quatre personnes : 1) le commandant ou chef de char; 2) celui qui vise et tire, fonction qu’il était censé remplir; 3) le conducteur, et 4) la personne qui s’occupe des munitions. Lorsque le bataillon était prêt à partir en mission, selon ses dires, on attribuait ces quatre postes de manière aléatoire. Il a ajouté que l’armée syrienne ne se souciait pas de savoir si les tankistes avaient ou non reçu la formation nécessaire, parce que les soldats étaient en nombre insuffisant, raison pour laquelle on l’avait muté hors du secrétariat.

[12]  En outre, le demandeur principal a produit trois documents de permission de l’armée syrienne tendant à corroborer ses déclarations comme quoi il y avait servi. Cependant, l’agent a constaté que ces documents portaient tous des numéros d’unité différents.

[13]  En conséquence, l’agent a conclu que le demandeur principal lui avait fait des déclarations contradictoires, portant d’abord qu’il avait reçu, puis qu’il n’avait pas reçu de formation sur le maniement du canon du tank T‑55. En contradiction avec sa seconde réponse, selon laquelle il n’avait pas reçu cet entraînement spécial, l’armée syrienne l’avait placé dans un tank pour tirer sur des civils. L’agent n’a pas jugé cet exposé crédible. Il a en outre constaté que le demandeur principal n’avait pas produit de papiers militaires au soutien de sa demande. Donc, puisque sa demande était fondée sur ses propres déclarations, l’agent n’était pas convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, les renseignements fournis par le demandeur soient crédibles. Par conséquent, il n’était pas convaincu non plus que le demandeur principal, comme l’exige la Loi, soit admissible au Canada et ne soit « pas interdit de territoire ».

IV.  LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[14]  Le défendeur soulève la question préliminaire de savoir si la Cour devrait accorder une quelconque valeur probante à l’affidavit de Mme Michelle Mallard.

[15]  Le défendeur fait valoir qu’un demandeur souhaitant obtenir le contrôle judiciaire d’une décision d’immigration doit produire un affidavit attestant les faits sur lesquels il appuie sa demande. De plus, il allègue qu’un demandeur possédant une connaissance personnelle du processus de décision doit signer cet affidavit, parce que celui‑ci sert de source fondamentale d’information à la Cour. Selon le défendeur, la Cour ne devrait accorder aucune valeur probante à un affidavit signé par un tiers n’ayant pas personnellement connaissance du processus en question.

[16]  Par conséquent, le défendeur soutient, à titre préliminaire, que la Cour ne devrait accorder aucun poids à l’affidavit déposé par Mme Michelle Mallard, pour le motif qu’il contient des affirmations par ouï‑dire. Mme Mallard est membre du comité directeur de la Brooklyn Refugee Mission, association communautaire formée pour parrainer une famille de réfugiés syriens. Le défendeur allègue qu’elle n’a donc pas personnellement connaissance des faits liés à l’entrevue et que, en l’absence d’un affidavit des demandeurs, la Cour a des motifs suffisants de rejeter la présente demande (Ismail c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 446, aux par. 20 et 21; et Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 491, au par. 13).

V.  LES QUESTIONS EN LITIGE

[17]  Les questions soulevées par la présente demande sont les suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il porté atteinte au droit des demandeurs à l’équité procédurale?

  2. Les conclusions de l’agent sur la crédibilité sont-elles raisonnables?

  3. L’agent était‑il tenu de prendre en considération le profil du demandeur principal?

  4. L’agent a‑t‑il justifié sa conclusion selon laquelle le demandeur principal était interdit de territoire parce qu’il avait menti?

  5. Existe‑t‑il des raisons spéciales de s’écarter de la règle générale selon laquelle les demandes formées sous le régime de la LIPR n’entraînent pas de dépens, ou de formuler des directives?

VI.  LA NORME DE CONTRÔLE

[18]  La présente demande a été plaidée après la publication de deux arrêts récents de la Cour suprême du Canada : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], et Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66. Cependant les demandeurs avaient déposé leurs mémoires avant ces deux arrêts. Leurs observations écrites quant à la norme de contrôle applicable sont donc fondées sur le cadre d’analyse défini par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. Toutefois, compte tenu des circonstances de l’espèce et des observations formulées par la Cour suprême du Canada au paragraphe 144 de l’arrêt Vavilov, la Cour n’a pas jugé nécessaire d’inviter les parties à présenter des observations écrites supplémentaires sur la norme de contrôle. J’ai examiné la présente demande selon le cadre d’analyse Vavilov, sans que cela ne change les normes de contrôle applicables ni mes conclusions.

[19]  Aux paragraphes 23 à 32 de l’arrêt Vavilov, les juges majoritaires ont cherché à simplifier la façon dont les cours choisissent la norme de contrôle applicable aux questions dont elles sont saisies. Ils ont écarté l’approche contextuelle et catégorielle adoptée dans l’arrêt Dunsmuir, pour la remplacer par une présomption d’application de la norme de la décision raisonnable. Cependant la majorité a énoncé que cette présomption peut être écartée : 1) lorsque le législateur prescrit clairement une autre norme de contrôle (Vavilov, aux par. 33 à 52), et 2) dans certains cas où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte, à savoir lorsqu’il s’agit de questions constitutionnelles, de questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ou de questions liées à la délimitation des compétences respectives de deux ou plusieurs organismes administratifs (Vavilov, aux par. 53 à 64).

[20]  Les demandeurs soutiennent que la norme de la décision correcte doit être appliquée par la Cour lors de son examen du manquement allégué à l’équité procédurale, ainsi que les pures questions de droit que soulèverait la présente demande de contrôle judiciaire. Quant au contrôle sur le fond de la décision attaquée, les demandeurs font valoir que la Cour devrait y appliquer la norme de la décision raisonnable.

[21]  Le défendeur soutient de son côté que la norme du caractère raisonnable s’applique à l’examen par la Cour : 1) de la décision de l’agent portant rejet de la demande fondée sur le statut de réfugié au sens de la Convention outre‑frontières ou sur celui de personne de pays d’accueil; 2) du point de savoir si les demandeurs remplissent les conditions prévues aux paragraphes 11(1) et 16(1) de la LIPR, et 3) du contenu essentiel des notes consignées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], ou des motifs de la décision attaquée en général.

[22]  Exception faite du manquement allégué à l’équité procédurale, je conviens que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’examen par la Cour des questions en litige dans la présente instance, puisque rien ne vient ici réfuter la présomption d’application de cette norme.

[23]  Une certaine jurisprudence enseigne que la norme de contrôle applicable aux allégations de manquement à l’équité procédurale est celle de la « décision correcte » (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79; et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux par. 59 et 61 [Khosa]). La Cour suprême du Canada n’examine pas dans l’arrêt Vavilov le point de savoir quelle est la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale (Vavilov, au par. 23). Cependant, il serait plus juste sur le plan doctrinal de dire qu’aucune norme de contrôle n’est applicable à ces questions. La Cour suprême du Canada a énoncé, dans l’arrêt Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, que la question de l’équité procédurale

n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier (MoreauBérubé, au paragraphe 74).

[24]  En ce qui concerne la norme de contrôle à laquelle la Cour doit soumettre les conclusions de l’agent sur la crédibilité, l’application de la norme de la décision raisonnable est conforme à la jurisprudence antérieure à l’arrêt Vavilov. Voir par exemple les décisions Ikeme c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 21, au par. 15; et George c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1385, au par. 27.

[25]  L’application de la norme de la décision raisonnable à l’appréciation de la preuve par l’agent en l’espèce est aussi compatible avec la jurisprudence antérieure à Vavilov. Voir par exemple les décisions Iqbal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 299, au par. 12; et Saifee c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 589, au par. 25.

[26]  Lorsque le contrôle d’une décision est effectué selon la norme de la décision raisonnable, son analyse portera sur la question de savoir si « la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »  (Vavilov, au par. 99). « La raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte » (Vavilov, au par. 89, où l’on cite le paragraphe 59 de l’arrêt Khosa). Ces contraintes d’ordre contextuel « cernent les limites et les contours de l’espace à l’intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solutions qu’il peut retenir » (Vavilov, au par. 90). Autrement dit, la cour de révision ne doit intervenir que si la décision attaquée « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au par. 100). La Cour suprême du Canada définit deux catégories de lacunes fondamentales qui rendent une décision déraisonnable : 1) le manque de logique interne du raisonnement du décideur ; et 2) le caractère indéfendable de la décision « compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur [elle] » (Vavilov, au par. 101).

VII.  LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES

[27]  L’article 96 de la LIPR est ainsi libellé :

Définition de réfugié

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

[28]  Le paragraphe 139(1) et l’article 147 du RIPR, reproduits ci‑dessous, sont également applicables en l’espèce.

Dispositions générales

General

Exigences générales

General requirements

139 (1) Un visa de résident permanent est délivré à l’étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l’accompagnent si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

139 (1) A permanent resident visa shall be issued to a foreign national in need of refugee protection, and their accompanying family members, if following an examination it is established that

a) l’étranger se trouve hors du Canada;

(a) the foreign national is outside Canada;

b) il a fait une demande de visa de résident permanent au titre de la présente section conformément aux alinéas 10(1)a) à c) et (2)c.1) à d) et aux articles 140.1 à 140.3;

(b) the foreign national has submitted an application for a permanent resident visa under this Division in accordance with paragraphs 10(1)(a) to (c) and (2)(c.1) to (d) and sections 140.1 to 140.3;

c) il cherche à entrer au Canada pour s’y établir en permanence;

(c) the foreign national is seeking to come to Canada to establish permanent residence;

d) aucune possibilité raisonnable de solution durable n’est, à son égard, réalisable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada, à savoir :

(d) the foreign national is a person in respect of whom there is no reasonable prospect, within a reasonable period, of a durable solution in a country other than Canada, namely

(i) soit le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle,

(i) voluntary repatriation or resettlement in their country of nationality or habitual residence, or

(ii) soit la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays;

(ii) resettlement or an offer of resettlement in another country;

e) il fait partie d’une catégorie établie dans la présente section;

(e) the foreign national is a member of one of the classes prescribed by this Division;

f) selon le cas :

(f) one of the following is the case, namely

(i) la demande de parrainage du répondant à l’égard de l’étranger et des membres de sa famille visés par la demande de protection a été accueillie au titre du présent règlement,

(i) the sponsor’s sponsorship application for the foreign national and their family members included in the application for protection has been approved under these Regulations,

(ii) s’agissant de l’étranger qui appartient à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières, une aide financière publique est disponible au Canada, au titre d’un programme d’aide, pour la réinstallation de l’étranger et des membres de sa famille visés par la demande de protection,

(ii) in the case of a member of the Convention refugee abroad class, financial assistance in the form of funds from a governmental resettlement assistance program is available in Canada for the foreign national and their family members included in the application for protection, or

(iii) il possède les ressources financières nécessaires pour subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille visés par la demande de protection, y compris leur logement et leur réinstallation au Canada;

(iii) the foreign national has sufficient financial resources to provide for the lodging, care and maintenance, and for the resettlement in Canada, of themself and their family members included in the application for protection;

g) dans le cas où l’étranger cherche à s’établir dans une province autre que la province de Québec, lui et les membres de sa famille visés par la demande de protection pourront réussir leur établissement au Canada, compte tenu des facteurs suivants :

(g) if the foreign national intends to reside in a province other than the Province of Quebec, the foreign national and their family members included in the application for protection will be able to become successfully established in Canada, taking into account the following factors:

(i) leur ingéniosité et autres qualités semblables pouvant les aider à s’intégrer à une nouvelle société,

(i) their resourcefulness and other similar qualities that assist in integration in a new society,

(ii) la présence, dans la collectivité de réinstallation prévue, de membres de leur parenté, y compris celle de l’époux ou du conjoint de fait de l’étranger, ou de leur répondant,

(ii) the presence of their relatives, including the relatives of a spouse or a common‑law partner, or their sponsor in the expected community of resettlement,

(iii) leurs perspectives d’emploi au Canada vu leur niveau de scolarité, leurs antécédents professionnels et leurs compétences,

(iii) their potential for employment in Canada, given their education, work experience and skills, and

(iv) leur aptitude à apprendre à communiquer dans l’une des deux langues officielles du Canada;

(iv) their ability to learn to communicate in one of the official languages of Canada;

h) dans le cas où l’étranger cherche à s’établir dans la province de Québec, les autorités compétentes de cette province sont d’avis que celui‑ci et les membres de sa famille visés par la demande de protection satisfont aux critères de sélection de cette province;

(h) if the foreign national intends to reside in the Province of Quebec, the competent authority of that Province is of the opinion that the foreign national and their family members included in the application for protection meet the selection criteria of the Province; and

i) sous réserve des paragraphes (3) et (4), ni lui ni les membres de sa famille visés par la demande de protection ne sont interdits de territoire.

(i) subject to subsections (3) and (4), the foreign national and their family members included in the application for protection are not inadmissible.

Catégorie de personnes de pays d’accueil

Member of country of asylum class

147 Appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes :

147 A foreign national is a member of the country of asylum class if they have been determined by an officer to be in need of resettlement because

a) il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

(a) they are outside all of their countries of nationality and habitual residence; and

b) une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui.

(b) they have been, and continue to be, seriously and personally affected by civil war, armed conflict or massive violation of human rights in each of those countries.

VIII.  LES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A.  Les demandeurs

1)  Les conclusions de l’agent sur la crédibilité sont‑elles raisonnables?

[29]  Premièrement, les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas effectué une appréciation d’ensemble de la crédibilité, du fait qu’il n’a pas pris en considération la totalité des éléments de preuve (Jamil c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 792). Au lieu de cela, ils affirment que l’agent n’a tenu compte que du type de formation militaire reçu par le demandeur principal. Les demandeurs prétendent que, même si l’exposé relatant la formation militaire du demandeur principal est entaché d’une contradiction, l’agent ne peut se fonder sur celle‑ci pour refuser de croire le reste de ses déclarations.

[30]  En outre, les demandeurs font valoir qu’il n’est pas évident que le demandeur principal se soit effectivement contredit. Plus précisément, ils reprochent à l’agent de ne pas avoir consigné avec précision les questions qu’il a posées au demandeur principal tout au long de l’entrevue, ce qui permettrait à une cour de révision de comprendre le fondement de sa conclusion sur la crédibilité.

[31]  Les demandeurs rappellent à ce propos que le paragraphe intitulé « Enregistrer l’entrevue » des Instructions relatives à l’exécution des programmes prescrit aux agents de faire en sorte que leurs notes soient « détaillées et reflètent le déroulement de l’entrevue ». Or, les demandeurs font valoir qu’aucun élément de la section [traduction] « Questions et réponses » des motifs écrits produits en application de l’article 9 des Règles ne permet à la Cour de voir où le demandeur principal se serait contredit. Ils soutiennent que ni l’exposé circonstancié du demandeur principal ni le formulaire « Détails sur le service militaire » rempli par lui ne disent quoi que ce soit sur une quelconque catégorie de tanks.

[32]  Les demandeurs allèguent que l’agent, en omettant de produire une trace écrite valable de la partie de l’entrevue contenant la contradiction, a commis une entorse à la justice naturelle et a privé le demandeur principal de son droit à un véritable contrôle judiciaire.

[33]  Les demandeurs font aussi valoir que l’agent semble se fonder sur le formulaire « Détails sur le service militaire » pour appuyer sa conclusion quant à l’existence d’une contradiction commise par le demandeur principal lors de l’entrevue. Or, puisque ce formulaire n’est ni daté ni signé et qu’il a été rempli avec une personne non identifiée dans un bureau autre que l’ambassade du Canada, les demandeurs soutiennent qu’il était inapproprié de la part de l’agent de se fonder sur le formulaire.

[34]  Les demandeurs soutiennent également que l’agent a conclu à l’invraisemblance des déclarations du demandeur principal sur la base de conjectures et en ne tenant pas compte de la preuve sur la situation dans le pays. Ils renchérissent en mentionnant que l’agent ne cite aucun document au soutien de sa conjecture selon laquelle l’armée syrienne n’enverrait pas au combat des soldats n’ayant pas reçu la formation voulue. En outre, la décision Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, enseigne que le décideur ne peut conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents, et la présente espèce n’est pas un tel cas. En fait, les demandeurs sont d’avis que, selon la preuve documentaire sur la situation dans le pays, preuve que l’agent était tenu de prendre en considération, il était de notoriété publique que l’armée syrienne envoyait des soldats non formés au combat en raison de l’insoumission, des désertions et des défections qui dégarnissaient ses rangs. L’agent n’a pas donné au demandeur principal la possibilité de dissiper ses doutes relatifs à la vraisemblance en lui permettant de déposer des éléments documentaires. Par conséquent, les demandeurs prétendent que l’agent a manqué à l’équité procédurale.

2)  L’agent était‑il tenu de prendre en considération le profil du demandeur principal?

[35]  Les demandeurs soutiennent que l’agent a omis de prendre en considération les documents sur la situation dans le pays et font valoir qu’il a choisi de ne pas apprécier le risque de persécution auquel le demandeur principal serait exposé. Ils poursuivent en mentionnant que, même si l’agent ne prêtait pas foi à la déclaration du demandeur principal selon laquelle il avait défié les ordres, il n’en restait pas moins tenu d’apprécier les autres motifs de risque possible de persécution. Or, selon les demandeurs, la preuve démontre clairement que le demandeur principal serait exposé à un tel risque en Syrie en tant que déserteur et qu’homme sujet à la conscription en raison de son âge. L’agent, font‑ils remarquer, ne paraît pas douter que le demandeur principal ait été soldat. Par conséquent, étant donné les éléments de preuve établissant que ce dernier s’est enfui au Liban, on ne peut guère douter non plus qu’il ait déserté.

3)  L’agent a‑t‑il justifié sa conclusion selon laquelle le demandeur principal était interdit de territoire parce qu’il avait menti?

[36]  Les demandeurs soutiennent que la conclusion suivante de l’agent est inintelligible :

[traduction] 
Vos déclarations se rapportent aussi directement à votre admissibilité au Canada. Faute d’un témoignage véridique et crédible, je ne suis pas convaincu que vous ne soyez pas interdit de territoire canadien.

Je ne peux pas être convaincu que le demandeur, comme l’exige la Loi, soit admissible au Canada et n’y soit pas interdit de territoire.

[37]  Selon les demandeurs, les deux manières dont l’agent a formulé sa conclusion font en sorte qu’il est impossible de comprendre ce qu’il a en fait conclu.

[38]  De plus, ils font observer que, si l’agent a conclu à l’interdiction de territoire, sa conclusion est également inintelligible en raison de son caractère trop général. Il était tenu de préciser le fondement de ses réserves relatives à l’interdiction de territoire, mais il n’a effectué aucune analyse des critères législatifs applicables à quelque motif que ce soit d’interdiction de territoire. Par conséquent, les demandeurs allèguent que l’agent s’est rendu coupable d’un déni de justice naturelle envers le demandeur principal, parce que ce dernier ne devrait pas être obligé de deviner le motif de son interdiction de territoire. Ils allèguent en outre que la Cour ne peut valablement contrôler les préoccupations quant à l’interdiction de territoire sans en connaître le fondement.

[39]  À titre subsidiaire, les demandeurs soutiennent que, si la conclusion de l’agent signifie qu’il ne peut effectuer un examen de l’admissibilité, elle est également erronée. À cet égard, les demandeurs prétendent qu’un agent ne peut simplement affirmer qu’il a été empêché de procéder à l’appréciation de l’admissibilité; il doit au moins indiquer les motifs apparents d’interdiction de territoire qu’il ne peut examiner.

4)  Existe‑t‑il des raisons spéciales de s’écarter de la règle générale selon laquelle les demandes formées sous le régime de la LIPR n’entraînent pas de dépens, ou de formuler des directives?

[40]  Les demandeurs soutiennent que les circonstances particulières de la présente espèce justifient l’adjudication de dépens, étant donné les erreurs énumérées ci‑dessus et le refus de protection que l’agent leur a opposé (Johnson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1262, au par. 26, et Qin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] ACF no 1576, au par. 34).

B.  Le défendeur

1)  Les conclusions de l’agent sur la crédibilité sont-elles raisonnables?

a)  L’agent était raisonnablement fondé à conclure que le demandeur principal n’est pas crédible

[41]  Le défendeur allègue que le paragraphe 11(1) de la LIPR exige des demandeurs qu’ils fournissent à l’agent les renseignements nécessaires pour le convaincre qu’ils remplissent les conditions pour immigrer au Canada (Alkhairat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 285, au par. 11; et Muthui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 105, au par. 33).

[42]  Le défendeur fait aussi valoir que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de la conclusion sur la crédibilité tirée par un agent qui a eu l’avantage de recevoir le demandeur principal en entrevue (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732, au par. 4 (CAF), et Samandar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1117, au par. 31 [Samandar]).

[43]  Le défendeur fait observer qu’en l’espèce, le demandeur principal a proposé des déclarations contradictoires sur sa formation militaire. Par conséquent, étant donné que le demandeur principal n’est pas un témoin crédible, l’agent s’est trouvé dans l’incapacité d’établir s’il était interdit de territoire au Canada. De plus, le défendeur soutient que le dossier appuie les conclusions de l’agent sur la crédibilité. En fait, le demandeur principal a déclaré aussi bien dans son entrevue que dans son exposé circonstancié et dans le formulaire « Détails sur le service militaire » qu’il avait reçu une formation de tankiste et de canonnier. Cependant, plus tard dans l’entrevue, il a changé sa version des faits pour affirmer cette fois qu’il n’avait pas reçu cette formation. En outre, relève le défendeur, le demandeur principal a de nouveau changé sa version lorsque l’agent l’a mis en présence de cette contradiction. Qui plus est, il n’a produit aucun élément tendant à corroborer l’une ou l’autre de ses versions des faits. Par conséquent, selon le défendeur, il était raisonnable de la part de l’agent de conclure à l’impossibilité d’établir si le demandeur principal n’était pas interdit de territoire au Canada.

[44]  Le défendeur prétend en outre que l’agent devait établir s’il était crédible que le demandeur principal eût refusé d’obéir aux ordres et de tirer sur des civils ainsi qu’il l’affirmait. Comme le demandeur principal avait déclaré avoir été caporal dans un bataillon qui tuait des civils, le défendeur soutient que son exposé sur ce point touchait à l’essence de sa demande. Par conséquent, compte tenu de la contradiction et de l’absence de preuve corroborante, l’agent était raisonnablement fondé à conclure qu’il ne pouvait être convaincu que le demandeur principal ne soit pas interdit de territoire.

b)  Les notes consignées au SMGC forment une preuve fiable concernant le contenu de l’entrevue

[45]  Le défendeur fait valoir que les notes prises au moment de l’entrevue et enregistrées dans le SMGC jouissent d’une présomption d’exactitude et doivent être préférées aux affidavits signés plus tard, en particulier dans la présente affaire, puisque le demandeur principal n’a pas produit d’affidavit (Sidhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1139, au par. 13, et Bashir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 868, au par. 4).

[46]  Le défendeur prétend que l’agent n’est pas tenu de prendre ses notes sous une forme déterminée. À cet égard, les agents chargés d’examiner les demandes de visa ne sont pas soumis aux mêmes normes que les tribunaux administratifs (Ozdemir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 331, au par. 11, et Kumarasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 203, au par. 47). Par conséquent, le défendeur affirme que, même si une partie des notes de l’agent se présente sous forme de questions et réponses et une autre partie sous une autre forme, ces notes rendent un compte minutieux et détaillé des déclarations du demandeur principal sur sa formation militaire. Il ajoute que les notes en question contiennent des éléments d’information précis qui ne laissent guère de place aux conjectures sur ce que le demandeur principal a dit (Wei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 982, au par. 23 [Wei]).

[47]  Selon le défendeur, les notes de l’agent remplissent les critères de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité, de sorte qu’elles permettent à la Cour de comprendre le raisonnement qui a mené à la décision (Noori c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1095, aux par. 8 et 12 [Noori]; et Vavilov, aux par. 81 et 84).

c)  Les conclusions de l’agent ne sont pas incompatibles avec la situation dans le pays

[48]  Le défendeur soutient qu’il était loisible à l’agent de conclure à l’invraisemblance que l’armée syrienne confie à un soldat dépourvu de la formation voulue la tâche de manœuvrer du matériel militaire coûteux. En outre, l’agent avait le droit d’utiliser sa connaissance des conditions locales en Syrie, et aucun des éléments de preuve documentaire sur la situation dans le pays produits par les demandeurs ne dit que l’armée syrienne charge des soldats inexercés de manœuvrer des engins militaires importants tels que des tanks (Al Hasan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1155, aux par. 10 et 11; et Yuzer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 781).

[49]  Le défendeur ajoute que l’agent a tiré cette conclusion en essayant de déterminer laquelle des versions proposées par le demandeur principal était plus susceptible d’être vraie. Par conséquent, il lui était permis de conclure à l’invraisemblance du fait que l’armée syrienne aurait ordonné au demandeur principal de manœuvrer un tank pour tirer sur des civils sans qu’il ait reçu la moindre formation de tankiste (Garcia Porfirio c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 794, au paragraphe 46).

2)  L’agent était‑il tenu de prendre en considération le profil du demandeur principal?

[50]  Le défendeur soutient que l’agent n’était pas tenu d’établir si le demandeur principal serait exposé à des risques en tant que déserteur ou en tant qu’homme sujet à la conscription en raison de son âge. L’agent avait plutôt à établir tout simplement si ses déclarations touchant ses antécédents militaires étaient crédibles. Parce qu’il n’a pas dit la vérité, le demandeur principal n’a pas réussi à convaincre l’agent qu’il n’était pas interdit de territoire. Par conséquent, l’agent n’avait pas l’obligation d’exposer de motifs sur le point de savoir si le demandeur principal remplissait les conditions énoncées aux articles 139, 145 et 147 du RIPR (Kabran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 115, aux par. 36 et 38 [Kabran], et Samandar, aux par. 21 à 24).

[51]  Qui plus est, poursuit le défendeur, l’examen par l’agent de la question de savoir si les demandeurs seraient exposés à des risques futurs en Syrie n’aurait rien changé au résultat de leur demande. En effet, il fait remarquer que le paragraphe 139(1) du RIPR oblige aussi bien les membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières que ceux de la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières à convaincre l’agent qu’ils ne sont pas interdits de territoire. Donc, même si l’agent avait examiné le point de savoir si les demandeurs remplissaient les conditions de la LIPR, il restait que ceux‑ci ne remplissaient pas celle de l’alinéa 139(1)i) du RIPR. Par conséquent, conclut le défendeur, le sort de la demande était déjà scellé.

3)  L’agent a‑t‑il justifié sa conclusion selon laquelle le demandeur principal était interdit de territoire parce qu’il avait menti?

[52]  Le défendeur soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur principal ne l’a pas convaincu qu’il n’était [traduction] « pas interdit de territoire » n’est nullement entachée d’ambiguïté. Faute d’éléments de preuve crédibles sur les antécédents de celui‑ci, l’agent se trouvait dans l’impossibilité d’établir s’il était ou non interdit de territoire (Kabran, aux paragraphes 38, 39 et 47; et Noori, aux paragraphes 17 et 18).

4)  Existe‑t‑il des raisons spéciales de s’écarter de la règle générale selon laquelle les demandes formées sous le régime de la LIPR n’entraînent pas de dépens, ou de formuler des directives?

[53]  Le défendeur fait observer que les demandeurs n’ont pas présenté d’observations écrites touchant les directives qu’ils souhaitent obtenir. Or il ne devrait pas leur être permis de faire valoir lors de l’audience des arguments ne figurant pas dans leurs conclusions écrites (Radha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1040, aux par. 16 à 18, et Dunova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 438, aux par. 18 à 20). Le défendeur rappelle à ce propos l’enseignement de la Cour d’appel fédérale portant que l’émission de directives ou d’instructions déroge à la logique du contrôle judiciaire (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Yansane, 2017 CAF 48, au par. 18).

[54]   Le défendeur affirme que les demandeurs n’ont ni exposé ni établi l’existence de raisons spéciales qui justifieraient l’adjudication de dépens, comme l’oblige l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22. En l’occurrence, il est raisonnable de la part du défendeur de défendre la décision de l’agent et, même dans le cas où la Cour accueillerait la présente demande de contrôle judiciaire, la position du défendeur aurait tout de même un certain fondement (Dhaliwal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 201, au par. 33, et Alam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 639, aux par. 23 à 26). Le défendeur ajoute qu’il n’a pas agi de manière inéquitable, abusive ou inappropriée et qu’on ne peut lui reprocher un manquement aggravé par la mauvaise foi. Le défendeur affirme qu’il n’y a pas lieu d’adjuger de dépens, puisque le seuil à atteindre pour établir l’existence de raisons spéciales est élevé et que les demandeurs ne l’ont pas atteint.

IX.  ANALYSE

A.  Introduction

[55]  Il se peut qu’une malheureuse erreur ou un regrettable malentendu se soit produit dans la présente espèce, mais vu la preuve admissible versée au dossier dont je dispose, cela n’a pas été établi.

[56]  Il ressort à l’évidence des notes du SMGC que les éléments de preuve produits par le demandeur principal devant l’agent étaient entachés d’une importante contradiction propre à susciter des doutes sur sa crédibilité, lesquels doutes, après en avoir reçu la possibilité, il n’a pas réussi à dissiper.

[57]  Mme Mallard essaie d’introduire dans son affidavit, pour le compte du demandeur principal, des éléments de preuve visant à réfuter les conclusions de l’agent, mais qui sont manifestement inadmissibles dans la présente instance et qui, à certains égards, contredisent les déclarations du demandeur principal qui ont été consignées dans les notes du SMGC.

[58]  Je suis conscient des difficultés exposées au paragraphe 2 de l’affidavit de Mme Mallard et je comprends pourquoi les demandeurs ne souhaitent pas se présenter devant des fonctionnaires, avocats ou notaires publics au Liban pour signer un affidavit. Mais il ne s’ensuit pas pour autant que la Cour puisse tout simplement permettre à Mme Mallard de produire des éléments de preuve par ouï‑dire sur la question centrale en litige, éléments que le défendeur se trouve incapable de contester par un contre‑interrogatoire.

[59]  Quoi qu’il en soit, même si les demandeurs avaient produit directement ces éléments de preuve, il est peu probable que ceux‑ci l’auraient emporté sur la jurisprudence générale de la Cour qui pose la présomption d’exactitude des notes du SMGC, parce qu’elles sont contemporaines (ou presque contemporaines) du déroulement de l’entrevue qu’elles consignent, et que les agents sont hautement qualifiés et n’ont aucun intérêt personnel dans le résultat des demandes qu’ils examinent. Je reprends ici à mon compte les observations que la Cour a récemment formulées sur ce point dans la décision Wei :

[23]  En général, il s’agit d’un cas très rare où un demandeur qui est animé par des motivations fortement intéressées pourra convaincre la Cour qu’un agent des visas formé a falsifié des documents dans les notes qu’il a prises lors de l’entrevue, et ce, sans preuve très claire à l’appui de l’allégation. La Cour doit s’en remettre à un employé qui a acquis une expertise dans ces types de demandes à caractère économique et qui est en mesure de déterminer qu’il n’y a pas suffisamment de preuves convaincantes pour conclure qu’il est probable que le demandeur donne suite à ses plans d’affaires après avoir obtenu la résidence permanente. Agir autrement obligerait la Cour à réévaluer la preuve.

[60]  L’avocat des demandeurs a déployé beaucoup d’efforts et de talent pour résoudre les évidentes difficultés qui grèvent la cause de ses clients, et j’examinerai ses arguments un à un.

B.  Les erreurs dont seraient entachées les conclusions sur la crédibilité

1)  Une seule contradiction

[61]  Les demandeurs font valoir que l’agent fonde la totalité de son analyse de la crédibilité sur une seule contradiction alléguée : [traduction] « Le demandeur a fait des déclarations contradictoires, portant d’abord qu’il avait reçu, puis qu’il n’avait pas reçu, d’instruction sur le maniement du canon du tank T‑55. »

[62]  Les demandeurs poursuivent en ces termes :

[traduction] 
28.  Même si cette contradiction s’est produite, ce que nous contestons, l’agent ne peut se fonder sur elle pour ne pas prêter foi à la demande. Il était tenu d’effectuer une appréciation d’ensemble de la crédibilité, prenant en considération la totalité de la preuve, plutôt que de se focaliser sur un seul aspect du dossier et de se fonder sur cet aspect pour ne pas croire tout le reste.

[63]  Je ne dispose d’aucun élément de preuve admissible tendant à établir qu’une importante contradiction n’aurait pas entaché les déclarations des demandeurs ni que cette contradiction n’aurait pas joué un rôle essentiel dans la question de savoir s’ils étaient interdits de territoire.

[64]  Comme le montrent les notes du SMGC, l’agent avait [traduction] « des doutes sur la crédibilité des affirmations du [demandeur principal] touchant son service militaire » parce qu’il avait [traduction] « fait des déclarations contradictoires, portant d’abord qu’il avait reçu, puis qu’il n’avait pas reçu, d’instruction sur le maniement du canon du tank T‑55 ». Les renseignements qu’il avait donnés sur sa formation militaire souffraient d’une [traduction] « contradiction interne, et il ne dispos[ait] d’aucune pièce pour étayer l’une ou l’autre de ses versions contradictoires des faits ».

[65]  Les notes consignées au SMGC portent ensuite que l’agent a exposé au demandeur principal les doutes que cette contradiction suscitait chez lui et lui a donné la possibilité de les dissiper.

[66]  La réponse du demandeur principal est aussi consignée – textuellement – dans les notes du SMGC. Ses premiers mots ont été : [traduction] « Non, non, ce que vous avez dit est tout à fait exact » (italiques ajoutés). Donc le demandeur principal a reconnu que l’agent rapportait ses paroles de manière [traduction] « tout à fait exact[e] ». Il n’est pas rassurant de le voir affirmer maintenant dans la présente instance – par l’intermédiaire de Mme Mallard et de son avocat – qu’[traduction] « il n’a jamais dit à l’agent qu’il avait été entraîné à diriger ou à tirer le canon du tank », et qu’il [traduction] « n’a pas changé sa version sur la formation de tankiste au cours de l’entrevue ».  

[67]  Le demandeur principal n’a pas répondu à l’agent : « Je n’ai jamais dit cela » ou « Vous m’avez mal compris », ce qu’il aurait naturellement fait si son interlocuteur avait mal rapporté ses paroles.

[68]  Le demandeur principal prie par conséquent la Cour de croire, sans aucune preuve, que l’agent ment, que les notes consignées dans le SMGC sont rédigées d’une manière qui fait en sorte qu’on y trouve une contradiction fictive et, pire encore, que le passage [traduction] « ce que vous avez dit est tout à fait exact » est une interpolation mensongère supplémentaire de l’agent.

[69]  Inutile de dire que la Cour n’accepte pas les affirmations infondées et non prouvées de ce genre.

[70]  Suivant mon interprétation des notes consignées dans le SMGC, le demandeur principal prend acte des doutes de l’agent sur ses déclarations, pour proposer ensuite un éclaircissement : [traduction] « Il y a un point que je voudrais clarifier. Je n’ai pas changé ma version des faits. »

[71]  Puis le demandeur principal donne l’« éclaircissement » en question, qui, considéré en fonction de ce qu’il avait reconnu avoir dit plus tôt, constitue en fait un changement de sa version des événements et un changement par rapport à son formulaire « Détails du service militaire », selon lequel il avait [traduction] « suivi des cours et exercices supplémentaires de formation militaire, et reçu un complément de formation en tir de char » (dossier certifié du tribunal, à la page 103). Il prétendait donc maintenant qu’il avait suivi une instruction de base durant six mois, mais avait ensuite été muté au [traduction] « secrétariat », de sorte qu’il n’avait pas reçu de [traduction] « formation spécialisée ». Mais cela ne clarifie ni ne résout la contradiction centrale dont découlent les doutes de l’agent sur sa crédibilité. Selon mon interprétation de son explication, le demandeur principal affirme n’avoir suivi qu’une formation de base qui avait duré six mois et ne pas avoir reçu de formation spécialisée de tankiste. Or, il avait écrit ce qui suit dans l’exposé circonstancié joint à sa demande de résidence permanente :

[traduction] 
Après les six mois d’instruction générale, on nous a assigné des spécialités. On m’a affecté aux blindés, pour y suivre une instruction spécialisée (de conducteur de tank) sous les ordres du colonel Asaad Muhriz, du 98e bataillon. Dans cette spécialité, j’ai d’abord appris à conduire en général, puis à conduire des tanks. Dans l’armée syrienne, les spécialités sont imposées aux soldats. Je n’ai pas eu le choix de ma spécialité.

[72]  Donc le problème pour l’agent était que le demandeur principal avait [traduction] « fait des déclarations contradictoires, portant d’abord qu’il avait reçu, puis qu’il n’avait pas reçu, d’instruction sur le maniement du canon du tank T‑55 ».

[73]  Or, aux fins d’établir si le demandeur principal était ou non interdit de territoire, l’agent devait évidemment déterminer avec certitude le rôle qu’il avait joué dans l’armée. Le demandeur principal avait déjà précisé avoir reçu, sous une forme ou sous une autre, une formation spécialisée de tankiste, y compris en matière de tir.

[74]  L’éclaircissement donné par le demandeur principal à l’agent pour dissiper ses doutes concernant cette importante question est celui selon lequel il n’aurait suivi qu’une formation militaire de base pour être ensuite muté au secrétariat. Cela n’explique pas pourquoi il avait déclaré auparavant avoir suivi une instruction spécialisée de tankiste et [traduction] « reçu un complément de formation en tir de char ».

[75]  Il était donc tout à fait raisonnable de la part de l’agent de nourrir des doutes sur le rôle du demandeur principal dans l’armée, et ce que le dossier révèle, ce sont les efforts déployés par ce dernier pour minimiser ce rôle. Comme l’agent l’écrit, après avoir examiné [traduction] « la demande, l’entrevue, les pièces justificatives et les réponses données par le demandeur à [ses] préoccupations pendant l’entrevue », il n’était pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que

[traduction] 
les renseignements communiqués soient crédibles, vu en particulier la fraude et la corruption régnant dans ce milieu, ni que le demandeur se soit conformé à l’article 16 de la Loi. Faute de renseignements crédibles, je ne peux pas être convaincu que le demandeur, comme l’exige la Loi, soit admissible et ne soit pas interdit de territoire.

[76]  Étant donné le dossier dont disposait l’agent, cette conclusion n’a rien de déraisonnable. Le rôle joué par le demandeur principal dans l’armée est à l’évidence de la plus haute importance pour établir s’il est ou non interdit de territoire au Canada, et il a manifestement essayé de minimiser ce rôle d’une manière qui a engendré des contradictions dans ses déclarations, contradictions qu’il n’a pas résolues à la satisfaction raisonnable de l’agent.

[77]  Le demandeur principal nie maintenant l’existence de ces contradictions et affirme que, même dans le cas où elles se seraient produites, l’agent était tenu [traduction] « d’effectuer une appréciation d’ensemble ».

[78]  L’appréciation effectuée par l’agent suffisait à répondre à la question clé de [traduction] « l’admissibilité ». Le point de savoir si le demandeur principal a dit ou non la vérité sur d’autres aspects de sa demande (par exemple les risques auxquels il serait exposé) n’est pas pertinent quant à cette question. Il est possible que le demandeur principal soit exposé aux risques invoqués, mais il ne s’ensuit pas pour autant qu’il soit admissible au Canada.

2)  Le défaut de consigner l’entrevue avec précision

[79]  Les demandeurs affirment que l’agent n’a pas consigné l’entrevue avec la précision voulue, de sorte qu’il est impossible d’établir si le demandeur principal s’est contredit ou non.

[80]  Le constat de contradiction ne se fondait pas seulement sur l’entrevue. L’agent note explicitement qu’il a aussi tenu compte de la demande et des pièces justificatives.

[81]  Les demandeurs font aussi valoir que [traduction] « [n]i la réponse de la nature visée à l’article 9 des Règles ni le dossier obtenu par le demandeur sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information ne contiennent le procès‑verbal exact et complet de l’entrevue que l’agent aurait dû dresser ».

[82]  Il n’y a tout simplement aucun élément de preuve tendant à établir que les renseignements sur lesquels l’agent s’est fondé et/ou les notes consignées dans le SMGC soient inexacts ou insuffisants sous un quelconque aspect substantiel concernant la formation militaire reçue par le demandeur principal.

[83]  Les Instructions relatives à l’exécution des programmes prescrivent simplement aux agents de faire en sorte que leurs notes de cas soient « détaillées et reflètent le déroulement de l’entrevue ».

[84]  On n’a produit devant moi aucun élément de preuve tendant à établir que l’agent ne se serait pas conformé à ces instructions ou que je ne disposerais pas d’un dossier suffisant pour décider si les demandeurs ont bénéficié d’une appréciation complète et équitable de la question de leur admissibilité.

3)  Les conjectures

[85]  Les demandeurs affirment que l’agent s’est livré à des conjectures et a omis de tenir compte de la preuve sur la situation dans le pays pour conclure à l’invraisemblance que l’armée ait envoyé le demandeur principal au combat sans instruction suffisante.

[86]  Il est vrai que l’agent exprime son incrédulité devant l’idée que l’armée syrienne [traduction] « ordonnerait à des soldats inexercés de manœuvrer au combat un engin de grande valeur », mais les éléments de preuve sur la situation dans le pays qu’invoquent les demandeurs à l’encontre des conclusions de l’agent sur la crédibilité ne tendent pas à établir que cette armée confie des tanks à des soldats dépourvus de la formation voulue, conscrits ou non. L’incrédulité de l’agent se fonde sur l’évidence qu’une personne n’ayant pas reçu de formation spéciale ne peut pas manœuvrer un tank ni diriger le tir de son canon. Il se peut qu’un soldat sans formation soit capable de combattre comme fantassin, mais on voit mal (sans explications de la part du demandeur principal) comment il pourrait manœuvrer un tank au combat.

C.  Le défaut de prendre les risques en considération

[87]  Les demandeurs soutiennent que, même si le refus de l’agent de croire que le demandeur principal ait défié les ordres reposait sur un certain fondement raisonnable, cela n’aurait pas dû mettre fin à son examen. Il devait tout de même traiter de tous les motifs de risque possible de persécution.

[88]  Cette affirmation est inexacte à deux égards. La décision attaquée ne se fonde pas sur le refus de l’agent de croire que le demandeur principal ait défié les ordres : elle repose principalement sur la discordance des déclarations de ce dernier concernant son instruction militaire.

[89]  Deuxièmement, l’agent n’était pas tenu d’examiner tous les motifs de risque possible de persécution. Il en est ainsi, parce que ses conclusions relevant du paragraphe 11(1) de la LIPR scellaient le sort de la demande (voir Kabran, aux par. 36 et 38; et Samandar, aux par. 21 à 24).

[90]  Le demandeur principal n’a pu convaincre l’agent qu’il n’était « pas interdit de territoire ». Le paragraphe 139(1) du RIPR dispose que les demandeurs appartenant aussi bien à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières qu’à celle des personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières doivent, entre autres, établir qu’ils ne sont pas interdits de territoire. Or, comme il ressort à l’évidence de la décision, les demandeurs en l’espèce n’ont pas rempli la condition énoncée à l’alinéa 139(1)i). Donc, même si le demandeur principal est exposé à un risque futur en Syrie, il ne s’ensuit pas pour autant que les demandeurs ne soient « pas interdits de territoire », et l’agent n’est nullement tenu d’invoquer un motif précis d’interdiction de territoire. Faute d’information sûre concernant le rôle joué par le demandeur principal dans l’armée syrienne, l’agent se trouvait dans l’impossibilité d’établir s’il était ou non interdit de territoire pour l’un des motifs prévus par la Loi.

[91]  Les demandeurs ont avancé plusieurs affirmations selon lesquelles l’agent était tenu de désigner le motif précis de ses réserves quant à l’interdiction de territoire, mais ils n’ont cité aucun précédent pertinent au soutien de cet argument qui, à mon sens, va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour (voir Zeweldi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 114, au par. 81; et Samandar, aux par. 21 à 24).

D.  Les dépens

[92]  Les demandeurs ont sollicité les dépens afférents à la présente instance, mais n’ont établi l’existence d’aucune raison spéciale qui en justifierait l’adjudication.

E.  Question à certifier

[93]  Les avocats des parties s’accordent à penser qu’il n’y a aucune question à certifier, et j’en conviens avec eux.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑281019

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour de mai 2020

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2810‑19

 

INTITULÉ :

ABDULAZIZ ABDULLAH AL FARES ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JANVIER 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE Russell

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 MarS 2020

 

COMPARUTIONS :

Leigh Salsberg

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leigh Salsberg

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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