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Date : 20200309


Dossier : IMM‑3542‑19

Référence : 2020 CF 349

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mars 2020

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

TIBOR LAKATOS, ETELKA FAJKO,

ERIK TIBOR LAKATOS,

ET MARKO JOZEF LAKATOS,

REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE

TIBOR LAKATOS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a rejeté leur demande de report de leur renvoi en Hongrie, qui était prévu pour le 10 juin 2019. La demande de contrôle judiciaire est déposée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.  Aperçu et analyse

[3]  Les antécédents d’immigration des demandeurs au Canada sont décrits dans la décision. Brièvement, les demandeurs sont une famille de Roms hongrois qui ont présenté une demande d’asile en 2011. Leur demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés en 2013, et les demandeurs ont reçu une réponse défavorable à leur demande d’évaluation des risques avant renvoi en décembre 2016.

[4]  Les demandeurs devaient être renvoyés du Canada le 10 juin 2019. Ils ont demandé le report de leur renvoi dans une lettre adressée à l’ASFC le 14 mai 2019, laquelle a été complétée le 4 juin 2019. La demande de report était fondée sur les éléments suivants :

  1. Une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire visant M. Tibor Lakatos, Mme Fajko et plus particulièrement leur fils mineur était en suspens;

  2. Une demande de résidence permanente à titre de personne à protéger visant la conjointe de M. Erik Lakatos était en suspens. M. Lakatos avait demandé à être ajouté à la demande à titre de personne à charge accompagnant la demanderesse. Il a fait valoir que son renvoi du Canada n’était pas dans l’intérêt supérieur de son enfant âgé d’un an;

  3. Les problèmes de santé graves de M. Tibor Lakatos, qui n’était pas en état de prendre l’avion. Son cardiologue a indiqué que M. Lakatos ne devrait pas prendre l’avion avant d’avoir subi une opération visant à lui installer un défibrillateur.

[5]  La décision est datée du 7 juin 2019. L’agent de l’ASFC a rejeté la demande de report des demandeurs, jugeant qu’aucune des demandes de résidence permanente ne justifiait un report de leur renvoi. L’agent n’a pas tenu compte non plus de l’état de santé de M. Lakato, faisant remarquer que ce dernier était apte à prendre l’avion selon un examen médical indépendant.

[6]  Les demandeurs ont déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision le 6 juin 2019 et, le 7 juin 2019, ils ont présenté à la Cour une demande de sursis provisoire à l’exécution de la mesure de renvoi en Hongrie prononcée contre eux. Le juge Zinn a accueilli la demande le 10 juin 2019 et a sursis à l’exécution du renvoi des demandeurs. Il a conclu que l’agent avait commis une erreur dans son analyse de la preuve médicale concernant M. Lakatos et qu’il n’avait pas tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants touchés par le renvoi prévu de la famille.

[7]  Par la suite, les parties ont discuté du règlement de cette demande. Le défendeur a sollicité une ordonnance accueillant la demande, avouant que l’agent avait commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi des demandeurs.

[8]  Les demandeurs se sont opposé à la requête du défendeur au motif que celle‑ci n’abordait pas les questions de fond soulevées dans la demande. Ils demandent à la Cour d’évaluer les lacunes alléguées de la décision. Les demandeurs soutiennent que ces questions demeurent en suspens et doivent être abordées si leur renvoi du Canada est de nouveau prévu.

[9]  J’ai examiné la décision, les observations que les deux parties ont formulées dans le contexte de la requête en sursis des demandeurs, l’ordonnance du juge Zinn sursoyant au renvoi et les observations présentées par les parties dans le cadre de la présente demande. J’ai également examiné les segments pertinents de la preuve présentée par les demandeurs à l’appui de leur demande de sursis.

[10]  La question que je dois trancher est celle de savoir si l’agent a commis une erreur dans son examen de la demande de report des demandeurs, comme en témoignent les motifs énoncés dans la décision.

[11]  Les parties soutiennent que la décision doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, et je souscris à leur opinion (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au par. 10 (Vavilov); voir aussi Galusic c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 223, au par. 15 (Galusic); Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au par. 43 (Lewis)). Aucune des situations identifiées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov permettant de s’écarter de la norme de contrôle présumée ne s’applique en l’espèce.

[12]  Je souscris à l’opinion des parties et je conclus que la décision n’est pas raisonnable. L’agent a commis une erreur dans son examen de la preuve médicale concernant M. Tibor Lakatos dont il disposait à ce moment‑là. Il a également omis de tenir compte de l’intérêt supérieur du demandeur alors mineur ainsi que de l’enfant de M. Erik Lakatos (voir Huang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 446).

[13]  Les demandeurs soutiennent également que l’agent a commis une erreur en refusant de reporter leur renvoi en raison des deux demandes de résidence permanente en suspens. Malgré le fait que l’agent se soit trompé relativement à la date à laquelle Erik a été ajouté comme personne à charge accompagnant la demanderesse dans la demande de sa conjointe, je conclus qu’il n’a pas commis d’erreur dans sa conclusion selon laquelle les demandes restantes ne justifiaient pas un report du renvoi en raison de considérations spéciales ou d’une décision imminente (Lewis, aux par. 56‑57, 80; Forde c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1029, au par. 36; Galusic, au par. 25).

[14]  À mon avis, il n’est pas nécessaire d’aborder de façon plus approfondie les lacunes importantes de la décision, étant donné que le défendeur a convenu que la décision était déraisonnable. La décision était fondée sur des faits et des éléments de preuve, notamment sur l’état des demandes de résidence permanentes en suspens, qui sont maintenant très désuets. Je souscris à l’observation du défendeur selon laquelle si une nouvelle date de renvoi est fixée pour les demandeurs et lorsque cela sera fait, ils auront l’occasion de présenter des éléments de preuve à jour à l’agent de l’ASFC pour chacune des trois questions qu’ils ont soulevées auprès de l’agent de l’ASFC en juin 2019.

[15]  Le défendeur a convenu que, si les demandeurs font de nouveau l’objet d’une mesure de renvoi, ils recevront un préavis d’au moins 21 jours et auront l’occasion de mettre à jour leur demande de report avant qu’une nouvelle décision soit rendue par un autre agent de l’ASFC. Mon ordonnance inclura le consentement du défendeur à ce que les demandeurs aient l’occasion de fournir des éléments de preuve médicaux concernant M. Tibor Lakatos, de mettre à jour l’état de leurs demandes de résidence permanente en cause et de présenter des observations concernant l’intérêt supérieur des enfants de la famille.

II.  Conclusion

[16]  La demande est accueillie.

[17]  Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑3542‑19

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Si les demandeurs font de nouveau l’objet d’une mesure de renvoi du Canada, ils recevront un préavis d’au moins 21 jours de la date de leur renvoi et auront l’occasion de mettre à jour leur demande de report avant qu’une nouvelle décision relative au report ne soit rendue par un autre agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’ASFC.

  3. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour d’avril 2020

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3542‑19

 

INTITULÉ :

TIBOR LAKATOS, ETELKA FAJKO, ERIK TIBOR LAKATOS ET MARKO JOZEF LAKATOS, REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE TIBOR LAKATOS c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 MARS 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 9 MARS 2020

 

COMPARUTIONS :

Daniel Kingwell

 

POUR LES DEMANDEURS

 

John Loncar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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