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Date : 20191101


Dossier : T-351-18

Référence : 2019 CF 1379

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2019

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO.,

BRISTOL-MYERS SQUIBB HOLDINGS

IRELAND UNLIMITED COMPANY

ET PFIZER INC.

demandeurs

et

APOTEX INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une requête présentée par la défenderesse en vue de signifier et déposer un rapport en réplique de M. Alan Parr [le rapport en réplique]. Le rapport en réplique porte sur le rapport signifié et déposé par l’expert des demandeurs, M. Martyn C. Davies, en réponse au rapport d’expert initial de M. Parr.

[2]  Les demandeurs s’opposent à la requête de la défenderesse et soutiennent que si la défenderesse est autorisée à déposer le rapport en réplique, ils devront à leur tour être autorisés à déposer un rapport en surréplique de M. Davies [le rapport en surréplique].

[3]  Le dépôt de ces rapports a été soulevé comme question en litige par les parties dans la semaine précédant le procès. Chacune des parties a déposé un dossier de requête, et la Cour a entendu les plaidoiries par téléconférence le jeudi 31 octobre 2019, en après‑midi. Le début du procès est prévu pour le lundi 4 novembre 2019. Étant donné le court délai, seulement des motifs succincts seront fournis.

[4]  Les principes qui régissent l’admissibilité d’une contre‑preuve (et d’une contre‑preuve en réplique) ont récemment été examinés par le juge Manson dans la décision Janssen Inc. c Teva Canada Limited, 2019 CF 1309, aux par. 16 et 17, citant le juge Pelletier dans la décision Halford c Seed Hawk Inc., 2003 CFPI 141, au par. 15 :

1. La preuve qui sert uniquement à corroborer une preuve déjà soumise au tribunal n’est pas admissible.

2. La preuve qui porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre-interrogatoire et qui aurait dû faire partie de la preuve principale du demandeur n’est pas admissible. Toute autre nouvelle question qui se rapporte à une des questions en litige et qui ne vise pas uniquement à contredire un des témoins de la défense est admissible.

3. La preuve qui sert uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale n’est pas admissible.

4. J’ajoute un autre principe à ceux que je viens d’exposer. Le tribunal acceptera d’examiner la preuve qui est exclue parce qu’elle aurait dû être présentée dans le cadre de la preuve principale, pour déterminer s’il doit admettre cette preuve en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

[5]  Comme l’a fait observer le juge Manson au paragraphe 17 :

Un simple désaccord avec les énoncés d’un autre témoin ne peut faire l’objet d’une contre-preuve. Les désaccords entre experts peuvent être réglés par voie de contre-interrogatoire.

[6]  La présente requête est présentée dans le cadre d’une action en contrefaçon de brevet intentée au titre du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133. Les demandeurs allèguent la contrefaçon du brevet canadien no 2,791,171 [le brevet 171]. La défenderesse nie la contrefaçon, alléguant l’invalidité du brevet pour cause d’évidence, de portée excessive et d’insuffisance.

[7]  Les rapports de M. Parr et de M. Davies, déposés dans cet ordre, traitent des connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art et de l’état de la technique à l’époque pertinente. M. Davies, se prononçant sur le rapport et l’opinion de M. Parr, cite 16 antériorités qui n’ont pas été soulevées par M. Parr dans son rapport [les nouveaux éléments de preuve].

[8]  Dans le rapport en réplique proposé, M. Parr affirme qu’il ne pouvait pas prévoir que M. Davies présenterait les nouveaux éléments de preuve et qu’il tirerait les conclusions qu’il a tirées, lesquelles conclusions sont en bonne partie incorrectes selon M. Parr. Celui‑ci affirme aussi qu’il ne pouvait pas prévoir que M. Davies déclarerait que le brevet 171 explique que son invention comporte l’établissement d’une CIVIV. De l’avis de M. Parr, le brevet ne fait que décrire une CIVIV.

[9]  Après lecture des dossiers et examen des observations des parties, j’estime que la défenderesse doit être autorisée à déposer le rapport en réplique.

[10]  Le rapport en réplique ne traite pas des 16 nouveaux éléments de preuve soulevés par M. Davies; il n’en aborde que 6. Il s’agit d’une réponse extrêmement précise de 21 pages. Les nouveaux éléments de preuve abordés n’avaient pas été soumis à la Cour auparavant. Ils ont été soulevés pour la première fois par M. Davies dans son rapport initial. Je souligne toutefois que les demandeurs ont su que M. Davies renverrait à ces éléments dès le 28 février 2018, soit dès le moment où M. Davies a fait connaître aux demandeurs son opinion sur les connaissances générales courantes. Les demandeurs n’ont jamais produit les nouveaux éléments de preuve et n’en ont jamais fait mention lors des interrogatoires. Je conviens que M. Parr et la défenderesse n’ont appris l’existence des nouveaux éléments de preuve que lorsque M. Davies les a divulgués le 11 octobre 2019, date à laquelle son rapport a été signifié et déposé. Il s’agit donc de nouveaux éléments de preuve.

[11]  Les demandeurs soutiennent que les nouveaux éléments de preuve font partie des connaissances générales courantes dont M. Parr aurait dû être au fait et auxquelles il aurait pu renvoyer dans son rapport initial. Même si tel était le cas, M. Parr affirme qu’au moment où il a rédigé son rapport initial, il n’aurait pas pu prévoir l’utilisation de ces éléments par M. Davies, ni l’interprétation que celui‑ci en a fait. J’en conviens.

[12]  Il est dans l’intérêt de la justice que le dépôt du rapport en réplique soit autorisé. Je suis d’accord avec la défenderesse pour dire que même si le contenu du rapport en réplique aurait pu être obtenu par le témoignage en interrogatoire principal de M. Parr et le contre‑interrogatoire de M. Davies, il est manifestement plus rapide, étant donné le court délai prévu pour l’instruction de l’action (neuf jours), que le rapport en réplique soit déposé et inscrit comme ayant été lu plutôt que de prendre le temps d’obtenir les réponses oralement. En outre, il reste la question de savoir si une opposition à procéder de cette manière serait retenue au procès si le rapport en réplique n’est pas déposé.

[13]  En revanche, je suis d’avis que le rapport en surréplique proposé n’est pas admissible puisque ce sur quoi il porte n’est pas nouveau pour M. Davies. Il porte sur les nouveaux éléments de preuve soulevés par M. Davies, sur lesquels celui‑ci s’est déjà prononcé. Les demandeurs peuvent exposer le rapport en surréplique portant sur les opinions de M. Parr quant aux nouveaux éléments de preuve lors du témoignage en interrogatoire principal de M. Davies.

[14]  De plus, le rapport en surréplique est simplement de nature confirmative. Même si les demandeurs citent des paragraphes précis de la surréplique dans le but de montrer que le document ne constitue pas seulement une confirmation du rapport initial de M. Davies, je ne suis pas convaincu. Après un examen attentif de chaque exemple donné, je suis d’avis que ce que les demandeurs présentent comme une critique directe à l’endroit de M. Parr n’est en fait qu’une affirmation de M. Davies disant qu’il avait raison dans son rapport initial et que M. Parr a fait une interprétation erronée des nouveaux éléments de preuve. Il s’agit essentiellement d’une preuve confirmative.

[15]  Par conséquent, la requête présentée par la défenderesse en vue de signifier et déposer un rapport en réplique est accueillie, et la requête des demandeurs en vue de signifier et déposer un rapport en surréplique est rejetée. La défenderesse a droit à des dépens.


ORDONNANCE dans le dossier T-351-18

LA COUR STATUE que la requête de la défenderesse en vue de signifier et déposer le rapport en réplique de M. Parr est accueillie, et que la requête des demandeurs en vue de signifier et déposer le rapport en surréplique de M. Davies est rejetée. Les dépens sont adjugés à Apotex selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tarif B.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour d’avril 2020.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-351-18

 

INTITULÉ :

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO, BRISTOL‑MYERS SQUIBB HOLDINGS IRELAND UNLIMITED COMPANY ET PFIZER INC c APOTEX INC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 OCTOBRE 2019

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

lE 1ER NOVEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

David Tait

James Holtom

POUR LES DEMANDEURS

Harry Radomski

Richard Naiberg

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MCCARTHY TÉTRAULT LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

GOODMANS LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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