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Date : 20200213


Dossier : IMM-3999-19

Référence : 2020 CF 243

Ottawa (Ontario), le 13 février 2020

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

YSLANDE VILME

demanderesse

Et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Yslande Vilme est une citoyenne haïtienne qui conteste la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR], par laquelle la SAR rejette son appel de la décision négative de la Section de la protection des réfugiés [SPR] et, partant, sa demande d’asile au Canada et celle de son fils mineur. La SAR a conclu que puisque la demanderesse était résidente permanente du Brésil au moment de son audition devant la SPR, et puisque sa crainte de persécution à l’égard du Brésil était non fondée, elle est exclue de la protection du Canada en application de l’article 1E de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 RTNU 137 [la Convention] et de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

[2]  Dans son mémoire des faits et du droit, la demanderesse soulève, comme seule erreur de la part de la SAR, la séquence avec laquelle celle-ci a procédé à son analyse; la SAR a d’abord conclu que puisque Mme Vilme était résidente permanente du Brésil au moment de son audience devant la SPR, elle est exclue de la protection du Canada, pour ensuite examiner la crainte alléguée à l’égard du Brésil. Référant la Cour à la décision rendue par la juge Martine St-Louis dans l’affaire Romulus c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2019 CF 172, la demanderesse plaide qu’il s’agit là d’une erreur fatale qui justifie que la décision de la SAR soit cassée et que le dossier lui soit retourné pour une nouvelle analyse. La SAR ne peut pas procéder à une analyse de risque après avoir conclu qu’un demandeur est exclu de la protection du Canada.

[3]  Entre le moment où la demanderesse a déposé son mémoire des faits et du droit et le moment de l’audience dans la présente affaire, le juge Peter Pamel a rendu sa décision dans l’affaire Célestin c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2020 CF 97, dans laquelle il conclut que le texte de l’article 98 de la LIPR ne permet simplement pas à la SAR de faire une analyse du risque fondée sur les articles 96 et 97 de la LIPR, à l’égard du pays de résidence permanente.

[4]  La demanderesse a donc modifié son angle d’attaque lors de l’audience tenue devant la Cour. Se fondant maintenant sur la décision de la Cour dans l’affaire Célestin, la demanderesse plaide que la SAR a commis une erreur fatale en analysant le risque qu’elle encourt advenant son retour au Brésil.

[5]  Or, sans avoir à me prononcer sur la question qui était devant le juge Pamel dans l’affaire Célestin, je suis d’avis que la position de la demanderesse dans la présente affaire est intenable.

[6]  Premièrement, tant dans ses soumissions écrites déposées devant la SPR que dans son mémoire de la partie appelante transmis à la SAR, la demanderesse plaide qu’elle craint la persécution au Brésil en raison de sa race et en lien avec trois agressions graves qu’elle y aurait subies. La demanderesse a même plaidé avoir réfuté la présomption à l’effet que le Brésil est en mesure d’offrir une protection adéquate à ses ressortissants. Elle ne peut pas sérieusement reprocher à la SAR d’avoir traité d’une question qu’elle lui a expressément soumise.

[7]  Deuxièmement, le procureur de la demanderesse a reconnu, en réponse à une question que lui adressait la Cour, que si le fait d’avoir analysé la crainte de persécution à l’égard du Brésil est une erreur (à nouveau, question à laquelle je ne réponds pas), cette erreur est au mieux favorable à la demanderesse ou, au pire, elle n’a aucune conséquence sur la conclusion qui veut que la demanderesse soit exclue de la protection du Canada en application de l’article 1E de la Convention et de l’article 98 de la LIPR . La Cour se doit d’adopter une approche pragmatique dans le traitement des demandes de contrôle judiciaire qui lui sont soumises, dans le but d’éviter un jeu de va-et-vient entre elle et le tribunal administratif (Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) c Vavilov, 2019 CSS 65 au para 142). Puisque le fait d’avoir procédé à une analyse du risque de persécution au Brésil n’a aucune incidence sur la conclusion d’exclusion (laquelle n’est pas contestée par la demanderesse devant la Cour), on peut présumer que la SAR arriverait à la même conclusion si l’affaire lui était retournée.

[8]  Finalement, même si l’argument de la demanderesse était rejeté et que je concluais que la SAR devait analyser le risque de persécution au Brésil, cela ne changerais rien à la situation; la demanderesse n’a soulevé devant la Cour aucune erreur de la part de la SAR dans son analyse de la preuve documentaire et de la crédibilité de la demanderesse à cet égard.

[9]  La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est donc rejetée.

[10]  Les parties n’ont proposé aucune question d’importance générale à certifier et je suis d’avis qu’aucune telle question n’émane de la présente affaire.

 


JUGEMENT dans IMM-3999-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3999-19

 

INTITULÉ :

YSLANDE VILEM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 février 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 FÉVRIER 2020

 

COMPARUTIONS :

Cristian Roa-Riveros

 

Pour la demanderesse

 

Caroline Doyon

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cristian Roa-Riveros

Montréal (QC)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Montréal (QC)

Pour le défendeur

 

 

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