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Date : 20200316


Dossier : IMM-2681-19

Référence : 2020 CF 383

Ottawa, Ontario, le 16 mars 2020

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

LORENA CASTILLO AVALOS

HUMBERTO ALEJANDRO GUTIERREZ CASTILLO

KEVIN GUTIERREZ CASTILLO

demandeurs

Et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] en date du 11 février 2019, laquelle a rejeté l’appel des demandeurs et a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [SPR] portant que les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], ni la qualité de personne à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

[2]  La seule question soulevée par les demandeurs est de savoir si la SPR aurait dû suspendre l’audience et conseiller à la demanderesse principale de se faire assister par un avocat.

[3]  Pour les raisons suivantes, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Faits

[4]  La demanderesse principale, Lorena Castillo Avalos, et ses deux fils sont tous citoyens mexicains.

[5]  La demanderesse principale a allégué que son époux a été kidnappé en février 2016 par le Cartel du Golfe, une organisation criminelle mexicaine. Quelques jours plus tard, la demanderesse principale a reçu un appel de menaces contre elle et ses enfants. La personne au téléphone s’est identifiée comme étant le « Canché » et déclaré qu’il appartenait au Cartel du Golfe.

[6]  Suite à cette menace, la demanderesse principale a subi un choc émotionnel et a dû être hospitalisée. Un psychiatre mexicain a conclu qu’elle souffrait d’un délire de persécution et lui recommandait de quitter le pays. Son époux a été retrouvé mort par la suite.

[7]  Les demandeurs ont séjourné en Espagne aux mois de mars et avril 2016. Pendant leur séjour, un des fils de la demanderesse principale a été agressé en raison de sa religion. Les demandeurs ont aussi constaté que le Cartel du Golfe opérait ouvertement en Espagne. Pour ses raisons, les demandeurs ont décidé de quitter l’Espagne pour revenir s’établir au Mexique. Les demandeurs n’ont pas fait de demande d’asile en Espagne.

[8]  Le 5 décembre 2016, les demandeurs ont appris que l’oncle de la demanderesse principale avait été attaqué par des membres du Cartel du Golfe qui recherchaient les demandeurs. Les agresseurs ont informé l’oncle que l’époux défunt de la demanderesse principale leur devait beaucoup d’argent. Les agresseurs ont menacé de tuer les demandeurs.

[9]  Les demandeurs ont quitté le Mexique pour le Canada le 25 décembre 2016 et ont présenté des demandes d’asile dès leur arrivée.

[10]  Les demandeurs craignent être séquestrés, maltraités ou tués par « Canché » et ses acolytes en raison d’une dette impayée par l’époux défunt de la demanderesse principale. Les demandeurs fondent leur demande sur celle de la demanderesse principale.

[11]  La SPR a rejeté leur demande d’asile au motif que les allégations des demandeurs n’étaient pas crédibles.

[12]  Plus précisément, la SPR a conclu que leur séjour en Espagne, suivi d’un retour volontaire au Mexique, constituait un comportement incompatible avec une crainte de persécution. La SPR a aussi tiré une inférence défavorable sur le plan de la crédibilité de la demanderesse principale de ce qu’elle a témoigné que son bureau avait été vandalisé lors de son séjour en Espagne, alors que cet incident n’a pas été mentionné dans le formulaire de Fondement de demande d’asile [FDA].

[13]  De même, la SPR a tiré une inférence défavorable du fait que la demanderesse principale a témoigné qu’une voisine l’avait informée de la présence de personnes suspectes près de sa maison, alors que ce fait était omis du formulaire FDA. La SPR a accordé peu de valeur probante à la preuve documentaire à l’appui de ses allégations. En raison de ces lacunes, la SPR n’a rien cru du récit de persécution et de risque des demandeurs.

[14]  Les demandeurs n’ont pas été représentés par un avocat ou un conseiller juridique au stade de la SPR.

[15]  Ayant maintenant un conseiller juridique, les demandeurs ont porté la décision de la SPR en appel devant la SAR. Les demandeurs ont alors soutenu que la SPR a commis une erreur en omettant de qualifier la demanderesse principale de personne vulnérable en vertu des Directives du Président sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR [Directives], et ce, malgré une lettre d’un psychologue mexicain indiquant que la demanderesse principale présente des symptômes de stress post-traumatique.

[16]  Les Directives prévoient des adaptations d’ordre procédural pour les personnes qualifiées comme vulnérables. La personne vulnérable est définie comme la « personne dont la capacité de présenter son cas devant la CISR est grandement diminuée » (Directives au para 2.1).

[17]  Les demandeurs n’ont pas présenté de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de leur appel.

III.  La décision de la SAR

[18]  La SAR a confirmé la décision de la SPR, à savoir que les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni la qualité de personnes à protéger. Dans sa décision, la SAR s’est penchée sur deux questions, soit la qualification de personne vulnérable et la crédibilité de la demanderesse principale.

[19]  Premièrement, la SAR a conclu que la SPR n’a pas erré en omettant de qualifier la demanderesse principale de personne vulnérable. La SAR a rejeté la lettre du psychologue mexicain parce qu’elle ne constituait pas un rapport psychologique au sens du chapitre 8 des Directives et ne démontrait pas que la demanderesse principale avait une capacité grandement diminuée à défendre sa cause devant la SPR. En particulier, la courte lettre du psychologue mexicain était imprécise quant à la méthodologie du psychologue et sa qualification professionnelle.

[20]  La SAR a ensuite noté que les demandeurs, qui n’ont pas été représentés par un conseil devant la SPR, n’ont pas demandé à ce que la demanderesse principale soit qualifiée de personne vulnérable et n’ont proposé aucune adaptation d’ordre procédural devant la SPR. La SAR a aussi noté que la demanderesse principale a expliqué qu’elle ne voulait pas être représentée par un conseiller lors de l’audience devant la SPR.

[21]  La SAR a écouté l’enregistrement de l’audience tenue devant la SPR et a conclu que rien ne démontrait que la demanderesse principale avait une capacité grandement diminuée de défendre sa cause devant la SPR. De plus, les demandeurs n’ont pas déposé d’éléments de preuve supplémentaires (comme un rapport psychologique fait au Canada) afin d’établir la vulnérabilité de la demanderesse principale. Pour toutes ces raisons, la SAR a confirmé que la demanderesse principale ne peut être considérée comme personne vulnérable.

[22]  Deuxièmement, la SAR a conclu que la SPR n’a pas commis d’erreur dans son analyse de la crédibilité la demanderesse principale. La SAR était également d’avis qu’un séjour en Espagne (sans demander l’asile dans ce pays) et le retour volontaire au Mexique constituent un comportement incompatible avec la crainte alléguée par les demandeurs.

[23]  La SAR était également d’avis que l’omission de mentionner le vandalisme de la maison des demandeurs au Mexique et l’omission de mentionner le fait que des individus suspects s’informaient au sujet de la demanderesse principale dans son formulaire FDA minait la crédibilité de la demanderesse principale. La SAR a conclu que l’état psychologique de la demanderesse principale n’expliquait pas les contradictions et les omissions constatées par la SPR.

IV.  Questions en litige

[24]  La présente affaire soulève deux questions :

  1. La SPR a-t-elle privé les demandeurs de leurs droits à l’équité procédurale en poursuivant l’audience sans que ceux-ci soient représentés par un avocat?

  2. Est-ce que la décision de la SAR est raisonnable?

[25]  Les demandeurs soulèvent une série de questions sans grande précision. Ils affirment que la conclusion quant à la vulnérabilité est erronée. De plus, ils soutiennent que la SAR a mal évalué le témoignage de la demanderesse principale. J’ai donc regroupé ces questions sous la rubrique de la question 2.

[26]  Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en n’analysant pas les éléments de preuve qui ont été jugés irrecevables au stade de la SPR. Les demandeurs ne précisent pas les documents pertinents.

V.  Norme de contrôle

[27]  La première question soulevée dans cette affaire relève des principes d’équité procédurale et peut donc être examinée selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43; Lawal c Canada (Citoyenneté et immigration), 2008 CF 861 au para 15; SCFP c Ontario (Canadian Region), 2003 SCC 29 au para 100; Canada (Procureur général) c Sketchley, 2005 CAF 404 au para 53). Comme je l’ai expliqué à l occasion de l’affaire Weng v Canada (Immigration, Refugees and Citizenship), 2020 FC 151 au paragraphe 18, la jurisprudence Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], ne modifie pas l’analyse de la norme de contrôle en matière d’équité procédurale.

[28]  Par contre, la norme de la raisonnabilité joue quant à la seconde question en litige, puisqu’aucun des cas appelant la dérogation à la forte présomption d’application de la norme de la décision raisonnable ne joue en l’espèce (Vavilov aux paras 17, 23). Suivant la norme de la raisonnabilité, une décision doit être fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et être justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles applicables (Vavilov aux paras 99-101).

VI.  Discussion

A.  La SPR a-t-elle privé les demandeurs de leurs droits à l’équité procédurale en poursuivant l’audience sans que ceux-ci soient représentés par un avocat?

[29]  Les demandeurs n’attaquent aucunement les motifs de la décision rendue par la SAR.

[30]  Ils soutiennent plutôt que la décision de la SPR est entachée par une violation du droit à l’avocat. En conséquence, ils se bornent à soutenir que l’audience devant la SPR n’aurait pas dû avoir lieu. Ils soutiennent maintenant que la décision de la SPR doit être annulée et qu’une nouvelle audience doit être ordonnée.

[31]  Les demandeurs font d’abord valoir que le droit à l’avocat est un droit constitutionnel important au Canada qui est intimement lié à la notion de la primauté du droit. Les demandeurs soutiennent qu’il y a eu manquement à ce droit, et que le commissaire de la SPR n’a pas pris les mesures afin de faire en sorte que la demanderesse principale soit représentée par avocat.

[32]  En particulier, le commissaire de la SPR n’a pas renseigné la demanderesse principale sur les services d’avocat gratuits offerts pour les demandeurs d’asile domiciliés au Québec et n’a pas remis le dossier d’office à une autre date afin que la demanderesse principale soit assistée par avocat à l’audience.

[33]  La demanderesse principale soutient que ces manquements ont eu un effet déterminant sur la décision de la SPR parce qu’elle aurait pu faire admettre des éléments de preuve à l’appui de ses allégations, s’assurer de la cohérence de la trame factuelle, s’assurer que l’intérêt supérieur des enfants soit invoqué et présenter un FDA amendé.

[34]  Je ne constate aucune preuve en ce sens dans la transcription de l’audience devant le SPR, ni dans la décision du SPR. De toute façon, les arguments des demandeurs posent un certain nombre de problèmes.

[35]  Premièrement, cette question n’a pas été soulevée devant la SAR; il s’agit d’un nouvel argument présenté pour la première fois devant moi par le nouvel avocat des demandeurs.

[36]  Dans leur mémoire d’appel devant la SAR, les demandeurs ont présenté trois motifs d’appel. Aucun de ces motifs d’appel ne porte sur la question de la représentation lors de l’audience devant la SPR :

A) The RPD erred in law and/or violated principles of procedural fairness and natural justice by failing to consider whether the Principal Appellant should be considered a "vulnerable person" as per the IRB Guidelines.

B) The RPD erred in law in its treatment of the psychological evidence on record and in failing to consider this evidence in its assessment of the Appellants' credibility.

C) The RPD erred in law or rendered an unreasonable decision in its credibility findings by mischaracterizing, ignoring and/or unjustifiably refusing to admit evidence and/or explanations that were presented.

[37]  En réponse à ces motifs d’appel, la SAR s’est penchée sur ces trois questions, et n’a pas discuté la question de la représentation comme motif d’appel distinct. Cela dit, la SAR a discuté brièvement la question de la représentation à titre de facteur dans le cadre de son analyse du premier motif d’appel, soit la vulnérabilité de la demanderesse principale :

[23] Les appelants, qui n’étaient pas représentés par un conseil devant la SPR, n’ont pas demandé à ce que l’appelante principale soit désignée comme personne vulnérable, et n’ont proposé non plus aucune adaptation d’ordre procédural.

[24] Questionnée par la SPR au sujet de l’absence d’un conseil pour les représenter, l’appelante principale a expliqué qu’elle ne voulait pas être représentée par un conseil et qu’elle avait eu l’aide de sa sœur, qui avait elle-même demandé l’asile au Canada dans le passé, pour remplir la documentation requise, et notamment les formulaires FDA, ainsi que pour déposer en preuve la documentation qu’elle estimait pertinente.

[25] À l’écoute de l’enregistrement de l’audience tenue devant la SPR, je suis d’avis que rien ne démontre que l’appelante principale avait une capacité grandement diminuée de présenter son cas devant un tribunal. Au contraire, l’appelante principale m’est apparue comme n’étant pas plus stressé qu’une personne qui aurait normalement comparu devant un tribunal aurait pu 1'être. Elle a répondu calmement aux questions que la SPR lui a posées toujours dans un climat de délicatesse et de respect. Jamais l’appelante n’a fait état non plus de grandes difficultés à présenter son cas.

[38]  À ma lecture de ces motifs, il est manifeste que la SAR a analysé les raisons pour lesquelles la demanderesse principale n’a pas choisi de retenir les services d’un conseiller juridique, ainsi les effets de ce choix sur le processus administratif devant la SPR.

[39]  Puisque la demanderesse principale n’a jamais soulevé l’argument devant la SAR selon lequel la SPR n’aurait pas respecter son droit à un avocat, je crois qu’il a lieu d’appliquer la règle générale voulant que le pouvoir discrétionnaire du juge dans le cadre du recours en contrôle judiciaire ne doit pas être exercé « au bénéfice du demandeur lorsque la question en litige aurait pu être soulevée devant le tribunal administratif mais qu’elle ne l’a pas été » (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 aux paras 23-25).

[40]  En l’espèce, les demandeurs ont été informés de la possibilité d’être représentés par un conseiller juridique ou autre conseil à ses propres frais par la page frontispice de leurs formulaires FDA, ceci conformément à la Règle 3(4)c) des Règles de la section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256. En effet, la page frontispice du formulaire FDA contient l’avis suivant :

AVIS IMPORTANT CONCERNANT LA REPRÉSENTATION PAR UN CONSEIL ET LES DOCUMENTS À L’APPUI DE VOTRE DEMANDE D’ASILE

Vous avez le droit d’être représenté par un conseil, à vos frais, mais votre conseil doit être disponible à la date prévue de l’audience. […]

[41]  Selon le compte-rendu partiel de l’audience devant la SPR, il est clair que le commissaire de la SPR était conscient du fait que la demanderesse principale n’était pas représentée par un conseiller juridique :

Commissaire : Les demandeurs sont présents, bonjour. Ils ne sont pas représentés par avocat ni consultant, donc pas de conseils aujourd’hui […]

Commissaire : Donc Mme Castillo, vous avez été nommée comme étant la représentante désignée pour la demande d’asile de votre fils Kevin qui est mineur, donc vous avez reçu un formulaire à cet égard là et vous avez retourné le formulaire dûment signé de comme vous acceptiez.

Lorena : Oui.

Commissaire : J’ai reçu le formulaire et la copie signée. Donc vous comprenez bien ce formulaire-là et est-ce que vous acceptez-les responsabilités d’une telle désignation?

Lorena : Oui.

Commissaire : D’autant plus important que vous n’avez pas de conseils aujourd’hui donc je veux m’assurer bien que vous comprenez toutes les responsabilités qui sont dans ce document-là.

[42]  Après quelques questions préliminaires, le commissaire de la SPR a interrogé la demanderesse principale sur les raisons expliquant l’absence d’un conseilleur juridique :

Commissaire : Alors Madame, juste avant qu’on commence l’enregistrement et l’arrivée de l’interprète, vous m’avez remis la liste de documents […] qu’avez soumis en même temps que vos FDA, que vos formulaires de demandes d’asile, là je comprends que vous n’êtes pas représentée par conseil aujourd’hui, est-ce d’un choix de votre part?

Lorena : Non, je n’ai pas d’avocat.

Commissaire : C’est par choix que vous n’avez pas d’avocat?

Lorena : C’est moi qui suis en train de faire tout cela.

Commissaire : Est-ce que c’est par choix que vous faites ça toute seule Madame?

Lorena : Quand je suis arrivée à l’aéroport, on m’a dit que j’avais droit à un avocat, mais j’ai cru que ce n’était pas nécessaire, la dame m’a dit qu’il avait des documents à présenter, moi j’avais apporté avec moi les documents alors je (croyais) que ce n’était pas nécessaire.

Commissaire : Donc à première vue, vous semblez avoir été effectivement aidée pour présenter votre demande d’asile, pour compléter le FDA et pour soumettre les documents?

Lorena : C’est ma nièce qui m’a aidée, c’est la fille de ma sœur, elles habitent ici.

Commissaire Est-ce qu’elle est habituées [sic] présenter des demandes d’asiles ou à aider les gens à présenter des demandes d’asiles?

Lorena : Non, elle est à l’école alors elle parle français et c’est pour ça.

Commissaire : Mais ça va au-delà de la connaissance du français Madame. Vous avez préparé la liste, côté la liste comme les conseils le font ici, ça, ça parait nulle part la façon de coter le document par exemple, c’était déjà côté à l’avance, c’était traduit, il y avait les déclarations et tout.

Lorena : Ça c’est ma sœur Monica qui m’en a parlé parce qu’elle connaît un petit peu comment ça fonctionne étant donné qu’elle avait demandé l’asile alors quand j’ai préparé mes documents, elle a dit : est-ce que tu as mis une côte aux documents, as-tu préparé une liste?, J’ai dit : Non et Monica dit : Eh oui il faut le faire. C’est pour ça que je t’ai présentée--

Commissaire : Donc vous n’avez été aidée par aucun conseil, c’est votre famille qui vous a aidé et une dame à l’aéroport que vous avez vu?

Lorena : C’est ça.

[Je souligne.]

[43]  L’avocat des demandeurs me demande de voir dans les passages soussignés la confirmation que la demanderesse principale a déclaré que ce n’était pas son choix de ne pas faire appel à un avocat. Telle n’est pas ma lecture. Je constate que la demanderesse principale a simplement confirmé qu’elle n’avait pas d’avocat.

[44]  La SPR a, en fait, continué à explorer cette question, et tout le passage semble confirmer que la demanderesse principale n’avait pas d’avocat de son choix.

[45]  Il ressort de la preuve que les demandeurs d’asile ont été informés de la possibilité de se faire représenter par avocat par le formulaire FDA. Il ressort du compte-rendu de l’audience devant la SPR que la demanderesse principale a indiqué qu’elle était prête à témoigner sans l’aide d’un représentant. En effet, elle a témoigné que l’aide d’un conseiller n’était pas nécessaire compte tenu de la nature du dossier.

[46]  De plus, aucun ajournement n’a été demandé par les demandeurs.

[47]  Je suis d’avis que le commissaire de la SPR a suivi le processus approprié quant à la représentation par avocat. Il me semble tout simplement que les demandeurs ont renoncé à leur droit d’être représenté par un conseiller juridique puisqu’ils estimaient que l’aide d’un conseiller n’était pas nécessaire.

[48]  De plus, la SPR n’est pas tenu d’informer les demandeurs d’asile de la disponibilité de services d’aide juridique (Cyril c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1106 aux paras 15-16).

[49]  Deuxièmement, contrairement aux allégations des demandeurs, il n’est pas du ressort de notre Cour d’annuler la décision de la SPR. La demande d’autorisation et de contrôle a été déposée à l’encontre de la décision de la SAR conformément au paragraphe 72(1) de la LIPR. La demande d’autorisation concernant la décision de la SAR a été accueillie par notre Cour le 22 octobre 2019.

[50]  Il est donc clair que la décision ou « objet de la demande » dont je suis saisi est celle de la SAR, et comme aucune conclusion de la SAR concernant les questions qui ont été soulevées devant elle par l’ancien avocat des demandeurs n’est attaquée, je ne vois aucune raison de conclure qu’elle était déraisonnable (paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F-7).

[51]  J’ajouterai que le contrôle judiciaire d’une décision qui a été déjà été portée en appel est inapproprié compte tenu du principe général selon lequel les cours de contrôle ne doivent pas réexaminer les décisions qui ont déjà été réexaminées (Fairhurst c Unifor, section locale 114, 2017 CAF 152 aux paras 10, 15-16; Vidéotron Télécom Ltée c Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, 2005 CAF 90 au para 12). En l’espèce, la décision de la SPR a été portée en appel devant la SAR, laquelle a décidé de confirmer la décision de la SPR (paragraphe 111(1) de la LIPR; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 au para 78).

[52]  Le contrôle judiciaire de la décision de la SPR serait donc inapproprié.

[53]  Les demandeurs affirment qu’ils ont le droit d’être entendus, et que, dans ce cas, la SPR n’a pas respecté les droits des demandeurs à un procès équitable, car elle a exclu certains documents, mais rien de tout cela n’a été soulevé par l’avocat précédent du demandeur devant la SAR.

[54]  Il ressort de l’ensemble de ces facteurs que la demanderesse principale était informée de la possibilité de se faire représenter, mais a plutôt choisi de façon volontaire de ne pas retenir les services d’un avocat ou d’un conseiller juridique (Austria c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 423 aux paras 8-11; Balasingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1368 au para 51; Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 927 au para 37).

[55]  Pour cette raison, il n’est pas nécessaire d’intervenir en l’espèce.

B.  Est-ce que la décision de la SAR est raisonnable?

[56]  Devant moi, les demandeurs n’ont discuté que seule la question de la prétendue atteinte à la justice naturelle car ils ont été autorisés à poursuivre l’audience devant la SPR sans avocat.

[57]  Je discuterai donc les autres questions en me fondant uniquement sur leur mémoire écrite.

[58]  Les demandeurs soutiennent que la décision de la SAR est déraisonnable sur deux points.

[59]  Premièrement, les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve portant que la demanderesse principale est une personne vulnérable. Le mémoire des demandeurs en l’espèce déclare que ce point sera discuté plus en détail à l’audience. Le mémoire ne fait donc pas état de plus de détails.

[60]  Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que la décision de la SAR est susceptible de contrôle judiciaire, car la SAR n’a pas apprécié à sa pleine valeur le témoignage qui aurait dû avoir lieu si la demanderesse principale avait été assistée par un avocat.

[61]  Encore une fois, le mémoire des demandeurs ne fait pas état de plus de détails.

[62]  Dans son mémoire, le défendeur résume les conclusions de la SAR sur la vulnérabilité de la demanderesse principale et conclut qu’elles sont raisonnables. De plus, le défendeur soutient que les conclusions de la SAR sur la crédibilité de la demanderesse principale étaient raisonnables.

[63]  Je noterai d’abord que le mémoire des demandeurs ne relève pas d’erreurs précises dans l’analyse de la vulnérabilité de la demanderesse principale ni dans l’analyse de sa crédibilité.

[64]  Dans sa décision, la SAR a conclu que la SPR n’a pas commis d’erreur en omettant de qualifier la demanderesse principale de personne vulnérable parce qu’il n’a été produit aucune preuve en ce sens. Pour tirer cette conclusion, la SAR a examiné la lettre du psychologue mexicain et a conclu que ce document ne fournissait pas un diagnostic d’un professionnel compétent qui justifie la qualification de personne vulnérable.

[65]  La SAR a écouté l’enregistrement de l’audience et n’a constaté aucun élément dont il ressort que la demanderesse principale avait une capacité grandement diminuée de défendre sa cause devant la SPR. La SAR a noté que la demanderesse principale n’a présenté aucune nouvelle preuve devant elle, et ce, alors qu’elle était représentée par avocat.

[66]  Je ne vois rien de déraisonnable dans les conclusions de la SAR.

[67]  Concernant l’autre motif d’appel, la SAR a conclu que la SPR n’a pas commis d’erreur dans son analyse de la crédibilité.

[68]  La SAR était également d’avis qu’un séjour en Espagne (sans demander l’asile dans ce pays) et le retour volontaire au Mexique constituent un comportement incompatible avec la crainte alléguée par la demanderesse principale. Pour tirer à cette conclusion, la SAR a noté les explications de la demanderesse principale sur la nature du séjour en Espagne.

[69]  La SAR était également d’avis que l’omission de mentionner les actes de vandalisme visant la maison des demandeurs au Mexique et l’omission de mentionner le fait que des individus suspects s’informaient au sujet de la demanderesse principale dans son formulaire FDA minait la crédibilité de la demanderesse principale.

[70]  De plus, la SAR a noté que la demanderesse principale a omis de mentionner son travail au bureau dans son formulaire IMM 5669. La SAR a conclu que l’état psychologique de la demanderesse principale n’explique pas les contradictions et les omissions constatées par la SPR.

[71]  Je ne vois rien de déraisonnable dans cette analyse.

[72]  Les demandeurs n’ont pas identifié de preuve qui a été omise par la SAR. En l’absence d’explications supplémentaires sur la nature des erreurs alléguées, je rejette les arguments des demandeurs.

VII.  Conclusion

[73]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les demandeurs demandent à notre Cour de certifier une question, cependant, ils ne précisent pas cette question. Je ne vois aucune question d’une telle importance à certifier en l'espèce.


JUGEMENT au dossier IMM-2681-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Peter G. Pamel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2681-19

 

INTITULÉ :

LORENA CASTILLO AVALOS,

HUMBERTO ALEJANDRO GUTIERREZ CASTILLO,

KEVIN GUTIERREZ CASTILLO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 mars 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 mars 2020

 

COMPARUTIONS :

Me Robin Desjardin

Pour leS demandeurS

Me Suzon Létourneau

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robin Desjardin Cabinet d’avocats inc.

Montréal (Québec)

 

Pour leS demandeurS

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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