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Date : 19980731


Dossier : T-2998-91

ENTRE :


THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

et GLAXO WELLCOME INC.,


demanderesses,

- et -


NOVOPHARM LTD.,


défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WETSTON

[1]      La présente action concerne le brevet canadien n 980,688 (le brevet), portant sur la formulation d"un comprimé contenant comme ingrédients médicinaux actifs une 2,4-diaminopyrimidine avec un sulfamide, les plus connus étant le sulfaméthoxazole (SMX) et le triméthoprime (TMP); cette formulation est destinée à l"administration orale et utilisée pour le traitement d"infections microbiennes. Les demanderesses prétendent que la défenderesse a contrefait certaines revendications du brevet. La défenderesse fonde sa contestation de la validité du brevet sur l"évidence, ayant abandonné tous les autres moyens de contestation avant l"audience.

[2]      La demanderesse Wellcome Foundation Ltd. (Wellcome) est une société par actions constituée selon les lois du Royaume-Uni; elle s'occupe, directement et par l"entremise de filiales et autres sociétés du groupe, de l"élaboration, de la fabrication et de la distribution de produits pharmaceutiques au Royaume-Uni et dans le monde entier.

[3]      La demanderesse Glaxo Wellcome Inc. (Glaxo) est une société par actions constituée selon les lois du Canada. Elle s"occupe, au Canada, de la fabrication et de la distribution de produits pharmaceutiques sous forme posologique.

[4]      Glaxo résulte de la fusion de Burroughs Wellcome Inc. (BW) et de Glaxo Canada Inc. le 1er juillet 1995.

[5]      BW était une société par actions constituée selon les lois du Canada et s"occupait au Canada de la fabrication et de la distribution de produits pharmaceutiques sous forme posologique.

[6]      La défenderesse Novopharm Limited (Novopharm) est une société par actions constituée selon les lois du Canada; elle s'occupe au Canada de la fabrication et de la distribution, notamment, de produits pharmaceutiques sous forme posologique.

FORMULATION DU COMPRIMÉ

[7]      Un comprimé est un mélange compact de un ou plusieurs principe(s) actif(s) et de diverses substances non médicamenteuses. Il sert à recevoir une quantité prédéterminée de principe actif et à l"administrer au patient de telle manière que soit réalisée une concentration sanguine de médicament dont le profil de variation en fonction du temps soit thérapeutiquement acceptable.

[8]      Le choix de la méthode de fabrication d"un comprimé est dicté par plusieurs facteurs, dont la solubilité et la concentration du principe actif ainsi que ses autres propriétés physiques. Dans la préparation des comprimés, on utilise diverses substances telles que les excipients, les liants, les agents de granulation, les lubrifiants et les désintégrants. Les excipients apportent du volume et agissent comme porteurs pour la petite quantité d"ingrédient actif. Les liants assurent la cohésion des particules qui composent le comprimé. Les agents de granulation entrent dans la préparation des comprimés par les techniques de granulation. Leur ajout au mélange de principe actif et de substances non médicamenteuses entraîne la formation de granulés, qui sont ensuite compactés pour former les comprimés. Les lubrifiants réduisent la friction au cours du processus de fabrication, facilitant l"écoulement des principes actifs et des substances non médicamenteuses dans les appareils ainsi que l"éjection des comprimés de la matrice. Les désintégrants provoquent la désintégration du comprimé lorsqu"il est exposé aux sucs digestifs, facilitant ainsi la pénétration du principe actif dans la circulation sanguine.

[9]      Les comprimés sont habituellement formés par compression directe ou par granulation. Dans la compression directe, le principe actif et les substances non médicamenteuses sont mélangés à sec et comprimés dans une presse à comprimer. Ce processus peut être employé si les propriétés du principe actif et des substances non médicamenteuses permettent la préparation d"un comprimé stable, c"est-à-dire si le principe actif et les substances non médicamenteuses sont suffisamment cohésifs et fluides pour être directement comprimés.

[10]      La principale méthode de granulation est la granulation par voie humide. Dans ce procédé, les granulés sont formés par ajout aux substances en poudre d"un solvant, qui peut être de l"eau ou un solvant organique tel que l"alcool. Un liant ou un agent de granulation y est généralement incorporé; il peut être ajouté en solution ou en suspension au liquide de granulation, ou ajouté sec aux autres composants avant le mélange en masse humide. Le liant vise à raffermir le granulé et à améliorer ses propriétés physiques lors du séchage. Les étapes de la granulation par voie humide sont le mélange des poudres, la formation d"une masse humide, le tamisage ou broyage des granulés pour ajuster leur taille, et enfin le séchage. D"autres substances non médicamenteuses telles que des désintégrants ou des lubrifiants peuvent être ajoutées aux granulés avant le stade de la compaction.

[11]      En général, les comprimés fortement dosés, qui renferment plus de 35 % environ de principe actif, sont fabriqués par la technique de la granulation par voie humide.

[12]      Il est difficile de dire quelle est la taille idéale pour un comprimé. Celui-ci doit être assez grand pour être facile à voir et à manipuler, mais sa masse ne devrait pas dépasser 400 à 500 mg, car il risquerait alors d"être difficile à avaler.

[13]      Des comprimés contenant une combinaison des ingrédients actifs SMX et TMP ont été introduits par Hoffman LaRoche en 1968 sous le nom commercial BACTRIM. La même année, Wellcome a introduit des comprimés contenant les ingrédients actifs SMX et TMP sous le nom commercial SEPTRIN. Le contexte des accords entre Hoffman-LaRoche et Wellcome à l"égard de la commercialisation des comprimés contenant la combinaison SMX/TMP est exposé par Madame le juge Reed dans Apotex Inc. c. Hoffmann LaRoche Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.).

[14]      L"administration des comprimés de SEPTRIN posait souvent des difficultés en raison de leur grosseur. On disait qu"ils étaient difficiles à avaler, ce qui a suscité des inquiétudes concernant leur acceptation par les patients.

[15]      Le 13 février 1975, Wellcome a déposé la demande de brevet canadien n 219,982. Dans cette demande, elle a revendiqué la priorité en invoquant la demande de brevet n 6758/74 qui avait été déposée en Grande-Bretagne le 14 février 1974, et qui a finalement donné lieu à la délivrance du brevet canadien n 988,688, soit le brevet en cause dans la présente instance. Le brevet canadien a été délivré à Wellcome le 30 décembre 1975. Wellcome en a été le titulaire inscrit jusqu"à son expiration le 30 décembre 1992. BW a détenu une licence à l"égard du brevet du 30 décembre 1975 au 30 décembre 1992.

FAITS CONVENUS

[16]      Pour exposer le contexte du litige entre les parties, je me reporte aux faits sur lesquels les parties se sont entendues dans leur exposé conjoint des faits.

a.      Les comprimés de Septrin de Wellcome

[17]      Vers 1968, Wellcome a commencé à vendre une préparation pharmaceutique contenant du SMX et du TMP, sous le nom SEPTRIN.

[18]      La description et les constituants des comprimés de SEPTRIN ainsi que de SEPTRIN DS Mark I (gros) et Mark II (petit) de Wellcome tels qu"ils étaient vendus étaient conformes aux formules originales suivantes, à compter des dates exposées dans chacune :

     a)      SEPTRIN Mark I (concentration simple) document confidentiel, IA, 15;
     b)      SEPTRIN Mark II (concentration simple) document confidentiel, 1A, 19;
     c)      SEPTRIN Mark II (concentration double) document confidentiel, 1A, 22.

[19]      Les mêmes formulations s"appliquaient aux comprimés vendus par BW au Canada sous les noms SEPTRA et SEPTRA DS. Dans les comprimés SEPTRA vendus à compter de 1968, la dimension maximale des particules indiquée pour le SMX et le TMP était de 90 Fm. Cela n"était pas de notoriété publique. Dans les comprimés de SEPTRA, tels qu"ils ont été commercialisés à compter de 1968, la dimension des particules de la combinaison de SMX et de TMP, mesurée comme diamètre médian du poids, et déterminée de la manière exposée dans le Particle Size Report (Rapport sur la dimension des particules) de Susan Ann Taylor, chercheuse en sciences pharmaceutiques, daté du 13 septembre 1995, était inférieure à 40 Fm. Cela n"était pas de notoriété publique.

[20]      En 1968, un produit appelé Primojel était déjà disponible dans le commerce en vue de l"utilisation comme désintégrant dans la fabrication des comprimés en Europe. En 1970, après l"enregistrement par la FDA d"un fichier principal de médicament (Drug Master File) sous le numéro 1635 pour le Primojel, le produit est aussi devenu disponible pour l"industrie pharmaceutique américaine.

[21]      Primojel était alors et a continué d"être un produit fabriqué par des personnes autres que Wellcome et qui était disponible dans le commerce en vue de l"utilisation par les fabricants de comprimés.

[22]      En novembre 1973 environ, Wellcome a mis au point le test exposé dans le brevet 3688 pour mesurer la capacité de gonflement de divers désintégrants, dont Primojel. La capacité de gonflement du Primojel, déterminée de la manière exposée dans le Swelling Capacity Report (Rapport sur la capacité de gonflement) de Susan Ann Taylor, chercheuse en sciences pharmaceutiques, daté du 13 septembre 1995, était, en 1973 et à toutes les dates pertinentes depuis 1973, supérieure à 5 ml/g.

[23]      Wellcome a continué de vendre sa formulation originale de comprimés de SEPTRIN jusqu"en 1978 au moins, et de 1975 à 1978 se trouva à vendre deux formulations des comprimés de SEPTRIN, l"une comportant environ 70 pour cent de principes actifs et l"autre (utilisant le Primojel) comportant environ 95 pour cent de principes actifs.

[24]      Pendant toute la période de 1968 à 1992, la dimension maximale des particules de SMX et de TMP utilisées par Wellcome était de 90 Fm, et la dimension des particules de la combinaison de SMX et de TMP, mesurée comme diamètre médian du poids et déterminée de la manière exposée dans le Particle Size Report (Rapport sur la dimension des particules) de Susan Ann Taylor, chercheuse en sciences pharmaceutiques, daté du 13 septembre 1995, était inférieure à 40 Fm, mais ces points n"étaient pas de notoriété publique.

b.      Le comprimé de Novo-Trimel de Novopharm

[25]      Dès juin 1980, Novopharm a fabriqué et vendu au Canada des comprimés contenant du triméthoprime (TMP) et du sulfaméthoxazole (SMX) sous les noms Novo-Trimox et Novo-Trimox DS, et par la suite Novo-Trimel et Novo-Trimel DS.

[26]      Les comprimés de Novo-Trimel contenaient 400 mg de sulfaméthoxazole et 80 mg de triméthoprime.

[27]      Les comprimés de Novo-Trimel DS contenaient 800 mg de sulfaméthoxazole et 160 mg de triméthoprime.

[28]      Les comprimés à concentration double avaient un poids total de 1 400 mg, correspondant à environ 68 pour cent de principe actif, et les comprimés à concentration simple avaient un poids de 700 mg, correspondant à environ 68 pour cent de principe actif.

[29]      Chacun des comprimés contenait, en outre, un désintégrant, notamment ceux qui sont vendus sous les noms commerciaux Primojel et Explotab.

[30]      Ces comprimés contenaient également comme ingrédients du lactose, de la gélatine, de l"acide stéarique, de la glycérine, du glycolate sodique d"amidon, du stéarate de magnésium et du talc.

[31]      Entre juin 1980 et avril 1981, Novopharm a fabriqué des comprimés de Novo-Trimel contenant moins de 80 % de la combinaison de TMP et de SMX.

[32]      Le désintégrant dans ces comprimés était Explotab, et l"agent de granulation était de l"eau purifiée, de la gélatine et de la glycérine.

[33]      En 1981 ou vers cette date, Novopharm est passée à un comprimé plus petit. La raison de ce changement était qu"on s"attendait à une meilleure acceptation par les patients.

[34]      Depuis cette époque, la combinaison de sulfaméthoxazole et de triméthoprime dans les comprimés de Novo-Trimel et de Novo-Trimel DS de Novopharm n"a jamais représenté moins de 89 % du poids des comprimés. La combinaison du désintégrant et de l"agent de granulation n"a pas non plus représenté plus de 11 % du poids des comprimés.

[35]      Tous les comprimés de Novo-Trimel vendus par Novopharm au cours de la période de contrefaçon alléguée étaient conformes à la description donnée dans les formules originales fournies par Novopharm, et en particulier aux documents suivants : interrogatoire préalable de Sidney Smith, pièce 8, onglets 1 à 18, plus particulièrement les documents mentionnés dans l"affidavit supplémentaire de documents de Sidney Smith, daté du 20 mai 1994.

[36]      La dimension des particules de la combinaison de SMX et de TMP, avant son incorporation dans les comprimés, mesurée d"après le diamètre médian du poids, déterminée de la manière exposée dans le Particle Size Determination Report (Rapport sur la détermination de la dimension des particules) de Susan Ann Taylor, chercheuse en sciences pharmaceutiques, daté du 13 septembre 1995, était comprise entre 40 Fm et 1 Fm.

[37]      La capacité de gonflement du désintégrant dans les comprimés, déterminée de la manière exposée dans le Swelling Capacity Report (Rapport sur la capacité de gonflement) de Susan Ann Taylor, chercheuse en sciences pharmaceutiques, daté du 13 septembre 1995, était supérieure à 5ml/g.

[38]      Wellcome était au courant que, depuis environ 1980, Novopharm vendait au Canada des comprimés contenant une combinaison de TMP et de SMX, et elle s'est procurée dès janvier 1984 des échantillons de ces comprimés en vue de procéder à des tests.

[39]      Wellcome a surveillé régulièrement le marché canadien.

c.      Les tests effectués par Wellcome sur les comprimés de Novo-Trimel

[40]      Les comprimés de Novopharm ont figuré dans le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques dès 1981, sous les noms commerciaux Novo-Trimox et Novo-Trimox DS et, à compter de 1982, sous les noms commerciaux Novo-Trimel et Novo-Trimel DS.

[41]      Wellcome, par elle-même ou par l"entremise de BW, a fait l"acquisition d"échantillons de comprimés de Novo-Trimel de temps à autre au cours de la période commençant dès janvier 1984 et allant jusqu"en décembre 1992.

[42]      Parmi ces échantillons acquis par Wellcome se trouvent les échantillons de comprimés de Novo-Trimel acquis par M. Keene de BW et envoyés à Wellcome en vue de tests en janvier 1984, juillet 1985, septembre 1987 et janvier 1988.

[43]      Les échantillons envoyés à Wellcome par M. Keene ont été testés dans les laboratoires de Wellcome.

[44]      En septembre 1994, des échantillons du SMX et du TMP de Novopharm, identifiés respectivement QC. n 41181 et QC. n 41252, ont été fournis à Wellcome par Novopharm, à la demande de Wellcome; ces échantillons ont été testés par Wellcome en vue de déterminer la dimension des particules de la combinaison TMP/SMX dans les comprimés de Novopharm.

[45]      Avant l"introduction de la présente action, Novopharm n"a fourni aucune information directement à Wellcome au sujet de la composition de ses comprimés de Novo-Trimel.

d.      Les allégations de contrefaçon

[46]      En mars 1988, le conseil d"administration de Wellcome a autorisé l"envoi d"une lettre d"avertissement à Novopharm et, à défaut de réponse satisfaisante, l"introduction d"une action en contrefaçon de brevet, une fois que l"analyse confirmatoire des comprimés de Novopharm serait terminée. Aucune action n"a été intentée contre Novopharm à cette époque.

[47]      Le ou vers le 30 mai 1988, Kevin Murphy, agent de brevets canadien représentant Wellcome, a écrit une lettre à M. Leslie Dan, président de Novopharm, alléguant que Novopharm contrefaisait le brevet. C"était la première fois que Wellcome alléguait une contrefaçon du brevet 3688 par Novopharm.

[48]      Par la suite, il y a eu une correspondance entre M. Dan, M. Malcolm Johnston, avocat représentant Novopharm, et M. Murphy, qui se termina par une lettre du 15 novembre 1988, de M. Murphy à M. Johnston. Ni M. Johnston ni Novopharm n"ont répondu à cette lettre.

[49]      Wellcome n"est pas entrée en rapport avec Novopharm jusqu"en novembre 1991, date à laquuelle M. I. Goldsmith, c.r., a écrit à M. Johnston.

e.      La licence obligatoire de Novopharm

[50]      En vertu de la Loi sur les brevets qui était alors en vigueur, Novopharm a, le 18 mai 1977, fait la demande d"une licence obligatoire à l'égard des brevets canadiens nos 689,179; 898,814, 904,865 et 978,954, appartenant tous à Wellcome et se rapportant notamment au triméthoprime et aux procédés de préparation de celui-ci.

[51]      Cette demande a été approuvée. Le ou vers le 17 novembre 1978, le commissaire des brevets a accordé à Novopharm la licence obligatoire n 406 sur ces brevets portant sur le triméthoprime/sulfaméthoxazole .

[52]      La licence obligatoire 406 est restée en vigueur jusqu"à l"expiration du brevet n 978,954, qui a été délivré le 2 décembre 1975 et a expiré le 2 décembre 1992.

[53]      Sauf pour le deuxième trimestre de 1988 et pour toute l"année 1990, Novopharm a payé les redevances à Wellcome et lui a présenté des rapports sur les redevances comme l"exigeait la licence obligatoire 406.

[54]      Du 17 novembre 1978 jusqu"au 2 décembre 1992, Wellcome n"a jamais manifesté l"intention de mettre fin à la licence obligatoire 406, ni notifié à Novopharm une contravention aux modalités de celle-ci.

[55]      Novopharm aurait pu demander une licence obligatoire sur le brevet en cause dans la présente affaire jusqu"au 1er octobre 1989, mais elle ne l"a pas fait. Si elle avait présenté cette demande, elle aurait probablement obtenu une licence obligatoire sur le brevet.

[56]      Une telle licence obligatoire accordée à Novopharm serait restée en vigueur (en l"absence de contravention aux modalités de la licence par Novopharm) jusqu"au 2 décembre 1992 au moins.

[57]      La déclaration dans la présente affaire a été déposée le 2 décembre 1991.

INTERPRÉTATION DU BREVET

[58]      Avant d"aborder les questions de la contrefaçon et de la validité, il faut examiner le brevet pour établir la bonne interprétation et la portée des revendications : Unilever PLC c. Procter & Gamble Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 499, à la page 506 (C.A.F.). L"interprétation du brevet doit se faire séparément, sans égard à la validité des revendications ou à la contrefaçon. Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. (1990), 33 C.P.R. (3d) 1, à la page 12 (C.F. 1re inst.), confirmé par 45 C.P.R. (3d) (C.A.F.). C"est une erreur d"introduire des questions de validité ou de contrefaçon dans l"interprétation des revendications : Dableh c. Ontario Hydro (1996), 68 C.P.R. (3d) 129, à la page 143 (C.A.F.).

[59]      Bien que l"interprétation d"un brevet relève de la Cour, celle-ci doit interpréter les revendications de la façon dont elles seraient comprises par une personne versée dans l'art. Cette façon de comprendre est démontrée par le témoignage des experts reçu lors du procès : Unilever PLC c. Procter & Gamble Inc , précité. Il faut donner une interprétation téléologique du brevet, et non adopter une approche purement littérale ou technique : Catnic Components Ltd. v. Hill & Smith Ltd., [1981] F.S.R. 60, confirmé par [1982] R.P.C. 83 (H.L.). La Cour doit lire et interpréter le brevet avec un esprit disposé à comprendre : Lister v. Norton Brothers and Co. (1886), 3 R.P.C. 199, à la p. 203 (Ch.D.).

[60]      Glaxo présente des observations sur l"effet de la présomption de validité prévue à l"article 45 de la Loi sur les brevets , L.R.C. (1985), ch. P-4 (la Loi). Elle s"appuie sur l"affaire McPhar Engineering v. Sharpe (1960), 35 C.P.R. 105 (C.É.), dans laquelle le président Thorson est revenu sur les observations qu"il avait formulées dans Unipak Cartons Ltd. v. Crown Zellerbach Canada Ltd. (1960), 33 C.P.R. 1 à la page 38 (C.É.). Dans la décision McPhar, il écrit à la page 129 :

             [TRADUCTION] La présomption légale n"est pas limitée à la valeur inventive, mais s"étend aux autres qualités qu"une invention doit avoir pour être brevetable aux termes de la Loi, c"est-à-dire la nouveauté et l"utilité. On présume que les trois qualités du caractère brevetable, soit la nouveauté, l"utilité et la valeur inventive, se retrouvent dans une invention pour laquelle un brevet a été accordé, tant que la preuve contraire n"a pas été clairement établie.             
             Après réflexion, je suis d"avis que cette affirmation n"est pas aussi large que le permet la Loi. Il faut déduire de la disposition de la Loi qu"un brevet accordé en vertu de cette Loi " est par la suite prima facie valide " et accorde au breveté et à ses représentants légaux, pendant la durée du brevet, un avantage, savoir que la charge de prouver que le brevet est invalide incombe à la personne qui conteste le brevet, quel que soit le motif de contestation, et que la présomption légale de validité subsiste tant qu"il n"a pas été clairement prouvé que le brevet est invalide.             

[61]      S"appuyant sur ces observations du président Thorson, Glaxo avance l'argument que la Cour doit interpréter le brevet de manière à exclure toute interprétation qui le rendrait invalide. Puisque Novopharm a abandonné tous les moyens de contestation de la validité autres que l"évidence de l"invention, Glaxo soutient que l"interprétation du brevet examiné doit exclure une interprétation qui le rendrait invalide pour cause, par exemple, d'absence d"utilité ou de portée excessive des revendications, soulignant que le brevet doit s"interpréter de manière telle qu"il soit, prima facie, valide à tous égards.

[62]      Je conviens qu'aux fins de l"interprétation la Cour doit aborder le brevet en présumant de sa validité. Le défendeur doit rapporter des éléments de preuve d"invalidité avant que l"invalidité puisse être considérée, bien que le degré de preuve nécessaire dépende des circonstances : Tye-Syl Corp. c. Diversified Products Corp (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 (C.A.F.), à la page 359; Rubbermaid (Canada) Ltd. c. Tucker Plastic Products Ltd. (1972), 8 C.P.R. (2d) 6 (C.F. 1re inst.), à la page 14.

[63]      J"hésite, cependant, à adopter pleinement la position de Glaxo selon laquelle la présomption légale de validité implique qu"on écarte des interprétations qui rendent le brevet invalide pour des moyens qui ont été abandonnés ou qui n"ont pas été plaidés. Que les moyens d"invalidité aient été plaidés ou non, il va de soi que les principes d"interprétation empêchent de lire le brevet d"une manière qui l"invalide. Comme je l"ai indiqué plus haut, le brevet doit s"interpréter sans égard aux questions de validité ou de contrefaçon.

[64]      Novopharm et Glaxo soutiennent toutes deux que c"est une erreur d"avoir recours à la divulgation de l"invention ou aux experts si l"on peut comprendre clairement les revendications. Certes, on trouve une jurisprudence selon laquelle le droit exclusif du breveté doit se trouver dans les revendications seulement : Procter & Gamble Co. c. Beecham Canada Ltd. et al . (1982), 61 C.P.R. (2d) 1 (C.A.F.); Farberwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning v. Commissioner of Patents, [1966] R.C.S. 604. Cependant, pour interpréter les revendications, la Cour a le droit d"examiner le brevet pris dans son ensemble : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 145 (C.S.C.), à la page 157. La Cour peut faire appel au reste du mémoire descriptif pour aider à la compréhension des termes employés dans les revendications. Elle ne doit pas, cependant, utiliser la divulgation pour limiter les revendications lorsqu"il n"existe pas de telles limites d"après une interprétation raisonnable des revendications : Procter & Gamble Co. c. Beecham Canada Ltd. et al ., précité; Nekoosa Packaging Corp. c. A.M.C.A. International Ltd. (1994), 56 C.P.R. (3d) 470, à la page 475 (C.A.F.). Donc, pour l"interprétation d"un brevet, la divulgation peut aider à l"interprétation, dans la mesure où une telle aide est nécessaire.

[65]      Les experts peuvent également aider à la compréhension de l"invention et à l"interprétation des revendications, bien que leur rôle soit nettement différent de celui de la divulgation. On ne peut attendre du juge qu"il interprète les revendications de la façon dont elles sont comprises par une personne compétente dans la technique à laquelle se rapporte le brevet, lorsque cette technique n"a pas été exposée. Des disciplines comme la chimie organique et les sciences pharmaceutiques ne sont pas immédiatement accessibles ou évidentes. Il faut qu"on enseigne au juge les concepts et la terminologie propres à la discipline en cause pour que celui-ci en arrive à une interprétation informée et exacte des revendications et c"est là l"apport des experts. Évidemment, les experts doivent jouer ce rôle d"enseignement sans interpréter eux-mêmes le brevet, puisqu"il appartient à la Cour de l"interpréter : Monsanto Co. c. Commissaire des brevets (1979) 42 C.P.R. (2d) 161 (C.S.C.).

[66]      Les experts dont le témoignage est pertinent quant à la question de l"interprétation en l"espèce sont M. John Rees et M. Christopher Rhodes. M. Rees a témoigné pour Glaxo. Il a une vaste expérience industrielle et universitaire dans le domaine de la pharmaceutique. Il a été professeur à l"École de pharmacie de l'iniversité de Bath jusqu"en novembre 1977 et après sa retraite il est devenu consultant en sciences pharmaceutiques, plus particulièrement dans le domaine de la formulation des comprimés. Il a déposé dans une affaire parallèle en Angleterre en 1992, concernant le brevet du Royaume-Uni en fonction duquel est établie la date de priorité du brevet en cause. Selon certaines indications, son expertise est surtout concentrée dans le domaine des enrobages, mais Novopharm et M. Rhodes reconnaissent qu"il a la compétence pour donner des opinions sur l"ensemble des questions reliées à la formulation des comprimés.

[67]      M. Rhodes a témoigné pour Novopharm. Il est professeur de sciences pharmaceutiques appliquées à l'université du Rhode Island. Il s"occupe, depuis plus de quarante ans, de sciences pharmaceutiques et plus particulièrement de l"élaboration de formes posologiques de médicaments à administrer par voie orale; il a travaillé avec des sociétés pharmaceutiques de marques renommées, des fabricants et fournisseurs de substances non médicamenteuses, des organismes de recherche, des groupes de normalisation et des fabricants de médicaments génériques. Il a témoigné comme expert au Canada, aux États-Unis, en Israël et en Corée.

[68]      M. Rees et M. Rhodes s"accordent pour dire que le brevet s"adresse à des personnes compétentes en pharmaceutique, qui s"occupent de la formulation de comprimés au moyen de principes actifs connus, en particulier le SMX et le TMP, et à ceux qui font de la recherche et de la consultation en matière de formulation de comprimés. Je considère que la technique à laquelle se rapporte le brevet est le domaine de la pharmaceutique. Je considère également que le brevet s"adresse au technicien spécialisé dans ces sciences.

[69]      La date à laquelle le brevet doit être interprété est la date de la demande : AT & T Technologies Inc. c. Mitel Corp. (1989) 26 C.P.R. (3d) 238, aux pages 260 et 261 (C.F. 1re inst.); Minerals Separation North American Corp. (1952), 15 C.P.R. 133, à la page 141 (C.J.C.P.). En l"espèce, la date de la demande est fondée sur la date de la demande du brevet du Royaume-Uni dont la priorité est revendiquée, soit le 14 février 1974, date acceptée comme la date de l"invention. Aucune date antérieure d"invention n"est revendiquée.

[70]      Le brevet comprend au total 22 revendications, portant toutes sur la formulation d"un comprimé contenant la combinaison d"une 2,4-diaminopyrimidine avec un sulfamide, cette formulation étant destinée à l"administration orale et devant être utilisée pour le traitement d"animaux et d"êtres humains atteints d"une infection microbienne.

[71]      L"invention est révélée dans la revendication 1 du brevet, qui la définit ainsi :

             [TRADUCTION] Un comprimé, qui comprend de 80 % à 98 % (p/p) d"une combinaison d"une 2,4-diaminopyrimidine avec un sulfamide, le rapport de la 2,4-diaminopyrimidine au sulfamide étant compris entre 1:20 et 20:1, un désintégrant et un agent de granulation, la quantité totale de ces deux agents ne représentant pas plus de 20 % (p/p) du comprimé, la dimension des particules mesurée comme le diamètre médian du poids étant inférieure à 40 Fm et le désintégrant ayant une capacité de gonflement supérieure à 5 ml/g.             

[72]      La divulgation fournit la définition de plusieurs termes techniques utilisés dans la revendication 1. Le terme " p/p " est défini comme le rapport entre le poids d"une substance non médicamenteuse ou d"un ingrédient actif donné et le poids total du comprimé. Le terme " combinaison " est défini comme une combinaison d"une 2,4-diaminopyrimidine avec un sulfamide. Le terme " dimension des particules " de l"ingrédient actif est défini en termes de " diamètre médian du poids ", où chaque particule est considérée comme une sphère ayant un volume identique à la particule réelle et où le diamètre médian du poids est le diamètre par rapport auquel 50 % en poids des sphères hypothétiques ont un diamètre plus grand que ce chiffre et 50 % (en poids) ont un diamètre plus petit.

[73]      La divulgation enseigne qu"on peut déterminer le diamètre médian du poids à l"aide d"un compteur Coulter dans lequel l"ingrédient médicamenteux est introduit dans une solution aqueuse, puis passé dans un tube de part et d"autre duquel est immergée une électrode. M. Rees a cependant témoigné qu"il existe de nombreuses façons de mesurer la dimension des particules d"une substance en poudre, notamment l"utilisation d"un tamis métallique. Il a attiré l"attention sur le mot peut à propos de l"utilisation du compteur Coulter.

[74]      La revendication 1 contient seulement une référence au diamètre médian du poids, à savoir que la dimension des particules de la combinaison doit être inférieure à 40 Fm. Je conviens que la façon de mesurer le diamètre médian du poids, c"est-à-dire la méthode utilisée pour mesurer la dimension des particules des principes actifs, ou s"il faut mesurer les principes actifs ensemble ou séparément, n"est pas une partie essentielle de l"invention, pour autant que le résultat des mesures combinées est inférieur à 40 Fm.

[75]      M. Rees a déposé qu"une personne versée dans l'art comprendrait que la revendication 1, et plus spécifiquement le terme " un comprimé ", implique un comprimé comportant les caractéristiques d"un bon comprimé, telles que le temps de désintégration, la dureté et la friabilité, cette dernière étant une mesure de la perte de poids subie par un comprimé exposé à l"abrasion ou à un choc, selon la définition donnée dans la divulgation à la p. 13 du brevet, suivie par un test de friabilité aux p. 13 et 14. Au soutien de cette opinion, il a rappelé le problème que l"invention prétend résoudre, lequel est exposé dans la divulgation à la p. 3 du brevet à propos de comprimés contenant une combinaison de 2,4-diaminopyrimidine avec un sulfamide, de la façon suivante :

             [TRADUCTION] À l"heure actuelle, l"administration de ces comprimés se heurte souvent à des difficultés en raison de leur grosse dimension, même lorsque la quantité d"ingrédient actif n"est que de 400 mg et constitue une proportion du comprimé de l"ordre de 80 % (p/p). En outre, ces difficultés augmentent lorsqu"une quantité plus grande d"ingrédient actif, par exemple plus de 600 mg, est donnée à un patient adulte en une dose unique, comme c"est souvent le cas. On constate ordinairement que le patient est réticent à avaler de tels comprimés, à moins que leur dimension ne soit réduite.             
             De plus, il est malheureux qu"une augmentation de la proportion de l"ingrédient actif au-dessus de 80 % (p/p), qui permet de réduire la dimension d"ensemble du comprimé, a jusqu"à maintenant entraîné des caractéristiques médiocres de comprimé, comme un temps élevé de désintégration ou de dissolution, une friabilité élevée ou une dureté faible. Ces caractéristiques revêtent évidemment une très grande importance, d"abord pour la raison qu"elles peuvent ne pas être conformes à certaines normes médicales exigées par les autorités sanitaires dans de nombreux pays. Par exemple, des caractéristiques de comprimé médiocres peuvent entraîner l"abrasion ou la fragmentation des comprimés pendant le transport, de sorte que le patient ne recevrait pas la quantité voulue de l"ingrédient actif.             

[76]      Novopharm fait valoir que le temps de désintégration, la dureté et la friabilité ne sont pas définies par la revendication 1 comme l"affirme M. Rees, et qu"en les intégrant dans l"interprétation de la revendication on se trouverait à y introduire des limites qui n"y ont pas été spécifiées. Si je puis convenir qu"une personne versée dans l'art déduirait de la lecture du problème en regard de la revendication 1 que le temps de désintégration, la dureté et la friabilité ont été des facteurs qui ont conduit à rejeter la solution d"une simple réduction de la quantité de substances non médicamenteuses, je ne suis pas convaincu qu"ils constituent des caractéristiques essentielles de l"invention.

[77]      Les caractéristiques essentielles de l"invention selon Glaxo sont : 1) un pourcentage élevé d"ingrédient actif, dans la fourchette de 80 % à 98 % (p/p), d"une combinaison de 2,4-diaminopyrimidine avec un sulfamide, le rapport entre la 2,4-diaminopyrimidine et le sulfamide étant compris entre 1:20 et 20:1, 2) un désintégrant avec une capacité de gonflement supérieure à 5 ml/g et un agent de granulation, la quantité totale des deux agents ne représentant pas plus de 20 % (p/p) du comprimé, et 3) une dimension des particules mesurée en termes de diamètre médian du poids de la combinaison inférieure à 40 Fm.

[78]      On prétend donc que la revendication 1 définit une invention formée de la combinaison des caractéristiques essentielles, à savoir le pourcentage élevé de principes actifs, la dimension des particules de la combinaison SMX/TMP inférieure à 40 Fm, et l"utilisation d"un désintégrant avec une capacité de gonflement supérieure à 5 ml/g, le désintégrant représentant avec l"agent de granulation 20 % (p/p) ou moins du comprimé.

[79]      M. Rees a expliqué que l"invention ne consistait pas seulement à faire un comprimé plus petit, mais à faire un comprimé qui combine et équilibre les trois caractéristiques essentielles de l"invention de manière à obtenir un comprimé présentant de bonnes caractéristiques de comprimé. Glaxo a également relevé que le brevet n"aborde pas les dosages et que la revendication est formulée en termes de fourchettes de pourcentages pour chacun des trois éléments essentiels.

[80]      M. Rhodes n"était pas d"accord pour dire que le technicien à qui le brevet s"adresse comprendrait que la revendication 1 porte sur une combinaison des éléments essentiels comme le prétend M. Rees. Il définit l"invention comme la solution à la difficulté provenant du besoin de faire un comprimé plus petit que les gros comprimés de SEPTRIN déjà commercialisés, qui pouvaient être difficiles à avaler. Il formule l"invention de la façon suivante : fournir un comprimé ayant un pourcentage élevé, de l"ordre de 80 % à 98 % (p/p), de l"ingrédient actif, à savoir le SMX et le TMP, dans lequel la dimension des particules de la combinaison, mesurée comme diamètre médian du poids, est inférieure à 40 Fm et la capacité de gonflement du désintégrant est supérieure à 5,0 ml/g.

[81]      Je conviens avec M. Rhodes que la revendication 1 ne porte pas sur une invention dont l"essence consiste en la combinaison des éléments essentiels. À mon avis, le technicien à qui le brevet s"adresse ne serait pas porté à supposer, en lisant la revendication, que l"invention consiste en une combinaison, puisque les revendications de formulation d"un comprimé comprennent le plus souvent la combinaison de principes actifs et de substances non médicamenteuses. Je suis persuadé que le problème que veut résoudre le brevet est celui de faire un comprimé plus petit pour améliorer l"acceptabilité du marché en rendant le comprimé plus facile à avaler, ainsi qu"il est dit dans la divulgation. La revendication définit l"invention qui est la solution, telle qu"elle est exprimée par les termes de la revendication.

[82]      Les revendications 2 et 3 augmentent le pourcentage de la combinaison d"ingrédients actifs de 80 % à 85 % et à 90 % (p/p) respectivement.

[83]      La revendication 11 fait mention d"une dimension minimale des particules de 1 Fm. Toutefois, M. Rees a concédé qu"une personne versée dans l'art n"utiliserait pas une dimension de particule aussi faible en raison des problèmes de fluence et d"électricité statique.

[84]      Les revendications 12 et 13 dépendent de la revendication 11 et précisent des quantités de SMX et de TMP dans le comprimé.

[85]      Les revendications 17, 19 et 20 indiquent des médicaments particuliers et des quantités particulières dans le comprimé.

[86]      La revendication 22 fait expressément mention de l"utilisation du désintégrant Primojel.

L"ÉVIDENCE

[87]      Le seul moyen que fait valoir Novopharm contre la validité du brevet est que l"invention était évidente compte tenu des connaissances générales et de l"état de la technique au moment de l"invention alléguée.

[88]      Il incombe à Novopharm d"établir l"évidence, laquelle est en dernière analyse une question de fait : Lovell Manufacturing Co. and Maxwell Ltd. c. Beatty Bros. Ltd., précité; McPhar Engineering c. Sharpe Instruments, précité, à la page 129. La Cour apprécie si une invention manque de valeur inventive en se reportant à l"état des connaissances générales à la date de l"invention : Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289, à la page 294 (C.A.F.). En l"espèce, il est convenu que cette date est le 14 février 1974, date de la demande dont la priorité est revendiquée.

[89]      Le critère de l"évidence a été défini dans l"arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy , précité :

             La pierre de touche classique de l"évidence de l"invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d"esprit inventif ou d"imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d"intuition; un triomphe de l"hémisphère gauche sur le droit. Il s"agit de se demander si, compte tenu de l"état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l"invention a été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C"est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.             

[90]      La question générale qu"il faut résoudre consiste à savoir si l"invention alléguée exigeait ou non une activité inventive : Windsurfing International Inc. et al. c. Trilantic Corporation (1985), 8 C.P.R. (3d) 241 (C.A.F.). La Cour doit d"abord déterminer les connaissances générales courantes qu"il faut prêter au technicien de référence, puis, compte tenu de toutes les antériorités pertinentes, apprécier si l"invention exigeait une activité inventive : Savage v. Harris (1896), 13 R.P.C. 364, à la page 370; General Tyre & Rubber Co. v. Firestone Tyre & Rubber Co Ltd. (1972), R.P.C. 457, à la page 497 (H.L.).

[91]      En l"espèce, le technicien de référence doit, comme nous l"avons vu, être une personne versée dans les sciences pharmaceutiques. Les deux parties ont soutenu qu'aux fins de l"interprétation il fallait considérer que le brevet s"adressait à M. Rees et à M. Rhodes. Toutefois, lorsqu"il s"agit d"apprécier l"évidence, le technicien de référence n"est pas un expert si hautement qualifié et si inventif, mais plutôt un technicien compétent en sciences pharmaceutiques et dépourvu d"imagination. En ce qui concerne le témoignage de M. Rees et de M. Rhodes au sujet de l"évidence, je garde à l"esprit la mise en garde du juge Hugessen dans Beloit c. Valmet Oy , précité, à la page 295 :

             Bien que, à mon avis, le témoignage d"un expert soit à juste titre recevable même quand il porte sur une question " décisive " comme l"évidence de l"invention, il me semble qu"il doit être considéré avec beaucoup de soins.             
             Une fois qu"elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l"infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : " j"aurais pu faire cela "; avant d"accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : " Pourquoi ne l"avez-vous pas fait? "             

[92]      Novopharm invoque le principe voulant qu"il n"y ait pas d"activité inventive à suivre un cheminement évident et bien défini, en utilisant des techniques et des procédés connus sur des compositions connues, à moins que l"inventeur ne rencontre des difficultés qui n"auraient pas pu raisonnablement être prévues par une personne versée dans l'art ou être surmontées par l"application d"une compétence ordinaire : Burns & Russell of Canada v. Day and Campbell Ltd. (1965), 48 C.P.R. 207 (C.É.); Genentech Inc.'s Patent, [1989] R.P.C. 147, aux pages 240 à 244, 273 à 286 (C.A.). Novopharm fait valoir que les améliorations d"atelier ne comportent pas d"activité inventive : Leithiser et al. c. Pengo Hydra-Pull of Canada Ltd. (1974), 17 C.P.R. (2d) 110 (C.A.F.); Burns & Russell of Canada v. Day and Campbell Ltd., précité; Genentech Inc.'s Patent, précité.

[93]      Glaxo, de son côté, met l"accent sur le fait qu"il s"agit d"une invention de combinaison. Elle plaide que, dans le cas de brevets portant sur une combinaison, on ne doit pas analyser la combinaison en ses composants pour décider si l"utilisation de chaque composant était évidente ou non. Elle s"appuie sur l"affaire Wood v. Gowshall (1937), 54 R.P.C. 37 (C.A.), dans laquelle lord Greene a déclaré à la page 40 :

             [TRADUCTION] La dissection d"une combinaison en divers éléments et l"analyse de chacun d"eux pour savoir si son usage était évident ou non constituent, à notre avis, une méthode à appliquer avec une grande prudence, car elle tend à cacher le fait que la conception de la combinaison est normalement ce qui régit et précède le choix des éléments qui la composent et que le caractère évident ou autre de chaque acte de sélection doit généralement être analysé en fonction de cet aspect. La véritable question est, en définitive, la suivante : la combinaison est-elle évidente?             

Ces propos de lord Greene ont reçu l'approbation de la Cour suprême du Canada dans Wandscheer v. Sicard Ltd., [1948] 1 S.C.R. 1, aux pages 12 et 13.

[94]      Je passe à la première étape de l"appréciation, soit déterminer les connaissances générales qu"il faut prêter au technicien de référence qui prend connaissance du brevet et des antériorités.

[95]      Les parties ont convenu, dans leur exposé conjoint des faits, des antériorités suivantes :

     1.      Les brevets suivants ont été délivrés aux dates ou vers les dates indiquées ci-dessous; des copies des brevets sont devenues accessibles au public à ces dates ou dans un court délai après ces dates.

     a)      Brevet américain n 2,888,455, délivré le 26 mai 1959.

     b)      Brevet américain n 3,034,911, délivré le 15 mai 1966.

     c)      Brevet américain n 3,424,842, délivré le 28 janvier 1969.

     d)      Brevet américain n 3,619,292, délivré le 9 novembre 1971.

     e)      Brevet américain n 3,622,677, délivré le 23 novembre 1971.

     f)      Brevet américain n 3,632,778, délivré le 4 janvier 1972.

     g)      Brevet américain n 3,639,169, délivré le 1er février 1972.

     h)      Brevet américain n 3,679,794, délivré le 25 juillet 1972.

     i)      Brevet américain n 3,725,556, délivré le 3 avril 1973.

     j)      Brevet belge n 671,982, délivré le 9 mai 1966.

     k)      Brevet canadien n 887,036, délivré le 30 novembre 1971.

     2.      Les articles suivants ont été publiés ou sont parus dans des publications aux dates ou vers les dates indiquées et, dans tous les cas, avant le 14 février 1974.

     a)      Khan and Rhodes, " Efficiency of Disintegrants in Tablet Formulations ", Manufacturing Chemist & Aerosol News, 1973 (September), p. 48;
     b)      " Martindale - The Extra Pharmacopoeia ", 1972, p. 575;
     c)      Khan and Rhodes, " A Comparative Evaluation of Some Alginates as Tablet Disintegrants ", Pharmaceutica ACTA Helvetiae, vol. 47, p. 41, 1972;
     d)      Mendell, " Direct Compression Method of Producing Solid Dosage Forms ", Manufacturing Chemist & Aerosol News, 1972 (June), p. 31;
     e)      Eyles and Coleman, " Synergistic Effect of Sulfadiazine and Daraprim Against Experimental Toxoplasmosis in the Mouse ", Antibiotics and Chemother, vol. III, no. 5, p. 483 (May 1953);
     f)      Jaminet, Delattre et al., " Influence des adjuvants sur la vitesse de solubilisation in vitro du phénobarbital à partir de différentes formules de comprimés ", Pharm. ACTA Helv. 44, 1969, p. 418;
     g)      Khan and Rhodes, " Effect of Disintegrant Concentration on Disintegration and Compression Characteristics of Two Insoluble Direct Compression Systems ", Canadian Journal of Pharmaceutical Science, vol. 8, no. 3, 1973, p. 77;
     h)      Hitchings, " A Biochemical Approach to Chemotherapy ", The New York Academy of Sciences, pp. 700-708.

[96]      La principale préoccupation de l"industrie pharmaceutique jusqu'aux années 60 était simplement de mettre la bonne quantité de principes actifs dans un comprimé stable. Toutefois, cela ne garantissait pas toujours que la bonne quantité de principes actifs entrait dans la circulation sanguine du patient. Au début des années 60, il y a eu un intérêt croissant pour la question de la biodisponibilité, c"est-à-dire le temps et le taux de pénétration d"un médicament dans la circulation sanguine du patient.

[97]      Jusqu"aux années 60, il n"y avait pas de moyen immédiat pour mesurer la concentration de médicament dans l"appareil cardio-vasculaire. Avec l"élaboration de méthodes de mesure, il est devenu possible d"effectuer plus de recherches sur les facteurs qui influent sur cette concentration. La Direction générale de la protection de la santé du Canada a joué un rôle important dans les efforts en vue de définir des normes de biodisponibilité pour divers médicaments.

[98]      L"un des facteurs importants pour la biodisponbilité d"un médicament, déjà reconnu dans les années 60, était l"aire totale sous la courbe. Cette aire est la mesure de la quantité de médicament en contact avec les liquides corporels. L"aire sous la courbe d"une quantité donnée de médicament a un effet sur la vitesse d"absorption dans l"organisme. Lorsqu"on moud un médicament en une poudre fine, on augmente son aire sous la courbe, de sorte qu"on peut s"attendre à une augmentation de sa vitesse de dissolution.

[99]      La dimension des particules a été reconnue de façon générale comme un facteur dans la biodisponibilité vers 1965.

[100]      Il a également été reconnu vers le milieu des années 60 que les temps de désintégration pour un comprimé non enrobé ordinaire ne devraient pas être supérieurs à 15 minutes, et devraient de préférence être inférieurs à 10 minutes ou même à 5 minutes. Cela était indiqué dans l"ouvrage British Pharmacopeia, qui définissait aussi le test permettant de mesurer le temps de désintégration. Les personnes versées dans l'art chercheraient, en pratique, à obtenir des temps de désintégration nettement inférieurs à 15 minutes.

[101]      Les facteurs qui influent sur le temps de désintégration des comprimés ont été étudiés dans les années 60. Ils comprenaient notamment l"appareil mécanique utilisé pour fabriquer les comprimés, la manière dont les comprimés étaient produits, les formulations employées et les techniques utilisées dans la formulation des comprimés. En général, un temps de désintégration d"environ 15 secondes à une minute est souhaitable : une désintégration rapide du comprimé permet d"exposer tout son contenu dans l"estomac.

[102]      M. Rees et M. Rhodes ne s"entendent pas tout à fait sur le point de savoir si, à l"époque, on connaissait de manière exacte le fonctionnement des désintégrants. Selon M. Rees, le mécanisme d"action n"était pas connu, avec la conséquence qu"on ne connaissait pas non plus les paramètres à prendre en compte pour le choix d"un désintégrant. Il a soutenu qu"un désintégrant qui était bon dans un système pouvait ne pas être nécessairement efficace ou souhaitable dans un autre système contenant des principes actifs différents. Il a insisté sur le fait que cette observation s"appliquait particulièrement dans le cas de comprimés comportant un pourcentage élevé de principes actifs, comme c"était le cas pour les 2,4-diaminopyrimidines et les sulfamides dans le brevet en question, qui représentaient un pourcentage de principes actifs supérieur à 80 %.

[103]      De façon générale, M. Rees a décrit les connaissances communes au sujet de la formulation des comprimés en 1974 comme incertaines. Au cours de l"interrogatoire, il a souvent repris l"observation que, vu l"interaction complexe entre les facteurs intervenant dans la formulation des comprimés et la nécessité d"établir un équilibre entre ces facteurs, surtout dans les cas où l"on doit obtenir un pourcentage élevé de principes actifs, la formulation était extrêmement difficile et ne pouvait être réalisée sans tâtonnements. Il a déclaré par exemple que, dans le cas de médicaments à fort dosage comportant des propriétés peu propices à la fabrication de comprimés, il est hautement souhaitable d"avoir la plus grande souplesse en ce qui concerne la quantité et la gamme de substances non médicamenteuses. Il était donc extrêmement difficile, à son avis, d"obtenir des comprimés de petite dimension.

[104]      M. Rees a déclaré qu"en 1974 il était relativement rare qu"on définisse des exigences à l"égard des propriétés physiques des particules solides d"ingrédients utilisés dans la fabrication de comprimés par voie de compression directe. Il a également dit que les effets de la dimension des particules sont complexes, du fait qu"ils dépendent étroitement de facteurs qui influent sur la déformation, tels que la structure chimique du principe actif et la présence d"impuretés, de sorte qu"on ne les connaissait pas bien en 1974.

[105]      M. Rhodes a accordé beaucoup moins d"importance à l"incertitude dans la description qu"il a donnée des connaissances communes qui se sont développées entre le début des années 60 et 1974. Selon sa déposition, au début des années 60, des travaux ont été publiés sur divers désintégrants qui indiquaient certaines limites de substances non médicamenteuses communément utilisées à l"époque. L"amidon de maïs et d"autres amidons comme l"amidon de pomme de terre et l"amidon de riz étaient couramment utilisés jusque dans les années 60. Toutefois, ces amidons comportaient des désavantages, comme la variabilité, une faible efficacité de désintégration et des risques de contamination microbiologique grave.

[106]      Il a témoigné qu"en 1962 le brevet américain n 3,034,911 a été délivré pour un amidon non gélatinisé (semi-synthétique) amélioré dispersible dans l"eau froide. On a reconnu que les nouveaux amidons donnaient de meilleurs désintégrants, lesquels permettaient une réduction importante de la quantité de désintégrant nécessaire, jusqu"à 1 % (p/p) seulement de la formulation du comprimé, avec des temps de désintégration du comprimé inférieurs à 5 minutes.

[107]      Dans les années 60, de nombreux groupes étudiaient ce qu"on appelait les " super-désintégrants ", notamment Roquette Frères et Buckeye Cellulose. L"un de ces nouveaux super-désintégrants était un glycolate sodique d"amidon sous la marque Primojel, vendu par Edward Mendell Co. Inc., une société appartenant à Edward Mendell. Dans l"exposé conjoint des faits, il est reconnu que le Primojel est devenu disponible dans le commerce en 1968.

[108]      M. Rhodes a témoigné qu"à cette époque Mendell donnait des démonstrations des propriétés du Primojel directement aux fabricants de produits pharmaceutiques. Il plaçait des comprimés contenant seulement 1 à 2 % de désintégrant dans l"eau dans une boîte de Pétri montée sur un rétroprojecteur. Les représentants des fabricants pouvaient constater la désintégration rapide du comprimé en fines particules. M. Rhodes avance que, l"aire effective des fines particules étant beaucoup plus grande que celle du comprimé initial, on pouvait raisonnablement conclure que la dissolution du médicament, et donc probablement sa biodisponibilité, pouvaient être améliorées par l"utilisation du Primojel.

[109]      Mendell a également rédigé un article, publié lors du Symposium international sur les comprimés tenu à Bâle en mai 1972; il y arrivait à la conclusion que le Primojel devrait être évalué pour toutes les formulations dans lesquelles on ne pouvait obtenir, avec les amidons seulement, une désintégration suffisamment rapide.

[110]      En 1971, M. Rhodes a rédigé en collaboration un article pour la British Pharmaceutical Conference, tenue à Glasgow. Cet article, dont il est convenu qu"il fait partie des antériorités, était intitulé " Effect of Disintegrant Concentration on Disintegration and Compression Characteristics of Two Insoluble Direct Compression Systems " (Effets de la concentration du désintégrant sur les caractéristiques de désintégration et de compression de deux systèmes insolubles à compression directe); il y évaluait les propriétés de cinq désintégrants et les effets de la concentration des désintégrants sur le temps de désintégration, la densité et la dureté du comprimé, ainsi que les profils de dissolution. Ses résultats indiquaient que le glycolate sodique d"amidon (Primojel) donnait des temps de désintégration nettement moindres que l"amidon de maïs, à concentrations égales, et que la concentration efficace minimale était inférieure à 2,5 % pour le glycolate sodique d"amidon par rapport à 15 % pour l"amidon de maïs.

[111]      L"article de Jaminet, qui fait partie des antériorité dont sont convenues les parties, arrivait à la conclusion que la plupart des comprimés contenant un désintégrant bien réparti dans tout le comprimé donnaient de meilleurs résultats tant pour la vitesse que pour l"étendue de la désintégration. Une autre conclusion de l"article était que le Primojel possédait d"excellentes propriétés de désintégration et pouvait être employé à des concentrations moindres que les autres désintégrants. Selon M. Rhodes, cette recherche indiquait clairement aux fabricants de comprimés que l"emploi de nouveaux désintégrants de ce type rendait possibles des concentrations de désintégrant inférieures aux concentrations qu"exigeaient les désintégrants ordinaires.

[112]      Novopharm plaide que l"invention était évidente puisque l"intervention de Glaxo se limitait à substituer à ses anciens désintégrants des super-désintégrants comme Primojel, qui était un produit connu, disponible dans le commerce, et à employer des agents de granulation tels que Povidone, également un produit connu, disponible dans le commerce, en vue de réduire la dimension de ses comprimés. Elle fait valoir que la réduction de la dimension des comprimés résulte directement du passage des substances antérieures à des produits comme Primojel et Povidone. Conformément aux principes exposés dans Burns & Russell of Canada v. Day and Campbell Ltd. , précité, et Genentech Inc.'s Patent, précité, elle soutient que l'invention alléguée n"est que le résultat d"une méthode bien établie de solution du problème consistant à réduire la dimension des comprimés.

[113]      Glaxo concède que, pris séparément, les éléments essentiels, c"est-à-dire la réduction de la dimension des particules, l"utilisation des super-désintégrants et les agents de granulation de marque, étaient connus. Cependant, Glaxo plaide, en se fondant sur Wood v. Gowshall , précité, que l"invention consiste dans la combinaison des éléments essentiels. Elle soutient que l"invention est une combinaison définissant les fourchettes à l"intérieur desquelles on peut employer les ingrédients actifs pour faire un comprimé plus petit contenant une plus forte proportion de principes actifs avec les caractéristiques d"un bon comprimé. L"invention n"est donc pas évidente, puisqu"une telle combinaison ne faisait pas partie des connaissances générales à l"égard du SMX et du TMP, pour lesquels, compte tenu d"un pourcentage élevé de principe actif - de 80 à 90 % (p/p) -, la dimension des particules mesurée comme diamètre médian du poids de la combinaison SMX/ TMP est limitée à moins de 40 Fm, et la capacité de gonflement du désintégrant est supérieure à 5,0 ml/g, le désintégrant ne devant pas dépasser avec l"agent de granulation la proportion de 20 % (p/p).

[114]      Glaxo soutient fondamentalement, en se fondant sur le témoignage de M. Rees, que rien dans les antériorités n"enseigne l"équilibre qu"il faut établir entre la quantité de principe actif, la dimension des particules et l"emploi d"un désintégrant avec une capacité de gonflement supérieure à 5,0 ml/g et d"un granulant ne dépassant pas avec l"agent de granulation la proportion de 20 % (p/p). Selon M. Rees, on ne pouvait généralement pas prédire les résultats qu"on obtiendrait en combinant ensemble les caractéristiques essentielles, surtout lorsqu"on devait employer une grande quantité de principe actif, ce qui entraînait une réduction proportionnelle des substances non médicamenteuses, si bien qu"on ne pouvait savoir, en se fondant sur les antériorités, si une telle combinaison fonctionnerait sans procéder à des essais et étudier les résultats.

[115]      Novopharm fait valoir que la prévisibilité n"est pas nécessaire pour établir l"évidence. Elle soutient que la question de l"évidence ne porte pas sur l"invention telle qu"elle est exprimée dans les revendications, mais sur la façon dont les inventeurs sont arrivés en fait à l"invention et sur la présence ou non de l"activité inventive nécessaire.

[116]      Novopharm relève le peu de preuve sur les étapes suivies par Glaxo pour arriver à l"invention, et cela me paraît exact. Il s"est écoulé une longue période entre la commercialisation des comprimés SEPTRIN Mark I et II en 1968 et la demande du brevet dont la priorité est revendiquée, faite en 1974. On n"a guère présenté de preuve sur les activités qui ont eu lieu au cours de cette période, ou sur la durée de ces activités.

[117]      Novopharm soutient que l"une des caractéristiques essentielles du brevet est l"exigence que la dimension des particules mesurée comme diamètre médian du poids de la combinaison SMX/TMP soit inférieure à 40 Fm. Toutefois, il n"y a aucune indication d"un changement des dimensions des particules de la combinaison SMX /TMP lorsque la formulation a été modifiée en 1975 selon le brevet. Cela a été confirmé lors de l"interrogatoire préalable de M. Jackson, qui comparaissait pour le compte de Glaxo. Selon l"argumentation de Novopharm, l"activité inventive n"avait rien à voir avec la dimension des particules et a plutôt consisté à opérer la substitution aux anciennes substances non médicamenteuses du Primojel et de ses équivalents et du Povidone ou de ses équivalents.

[118]      Cet argument se trouve renforcé du fait qu"un expert du domaine hésiterait à changer la dimension des particules en raison du risque de répercussions sur la biodisponibilité, ce qui entraînerait des répercussions sur l"acceptabilité du produit par rapport aux normes internationales. Glaxo hésiterait vraisemblablement à prendre un tel risque avec un comprimé qui se vendait bien simplement pour le rendre plus petit. M. Rees a admis, en contre-interrogatoire, que s"il s"était avéré qu"il fallait changer la dimension des particules par rapport à la formule originale, Glaxo aurait dû retourner à la case départ.

[119]      J'estime que les activités de Mendell pour faire connaître le succès de Primojel comme désintégrant avec la possibilité de permettre une réduction importante des substances non médicamenteuses, ainsi que ses publications et celles de M. Rhodes, amèneraient le technicien de référence, soucieux de ne pas changer la dimension des particules, à employer Primojel avec un agent de granulation de marque, surtout dans le cas où l"on souhaite obtenir un pourcentage élevé de principes actifs et un pourcentage moindre de substances non médicamenteuses. En particulier, l"article de Mendell publié en 1974, et présenté en 1972, concernant le remplacement d"Avicel représentant un pourcentage de 21,7 % (p/p) par Primojel ne représentant qu"un pourcentage de 2,5 % (p/p), avec une proportion de principes actifs de 86,5 % (p/p), est convaincant à cet égard.

[120]      Si le technicien de référence peut trouver que l"emploi d"un super-désintégrant comme Primojel constitue une solution évidente en vue de réduire la dimension du comprimé, il se peut qu"il ne puisse pas définir les fourchettes permettant d"établir un équilibre entre le facteur complexe de la dimension des particules et l"utilisation d"un désintégrant et d"un agent de granulation. Glaxo soutient que la dimension des particules de sa formule SMX /TMP n"était pas connue du public. Toutefois, M. Rhodes a témoigné qu"à sa connaissance, toutes les combinaisons de SMX et de TMP disponibles dans le commerce étaient dans la fourchette indiquée dans le brevet, et il a relevé que le brevet ne contenait aucune comparaison avec les propriétés de comprimés faits de particules ayant une dimension en dehors de cette fourchette.

[121]      J'estime par conséquent qu"il n"y a pas d"activité inventive à établir un équilibre entre la caractéristique essentielle de la dimension des particules et les substances non médicamenteuses pour obtenir un comprimé plus petit contenant une proportion plus élevée de principes actifs et comportant de bonnes caractéristiques. D"après la preuve, l"activité inventive aurait consisté à maintenir la dimension des particules en employant un super-désintégrant pour remplacer un désintégrant moins efficace ainsi qu"un agent de granulation. Cette méthode avait été clairement préconisée par Mendell et recommandée par M. Rhodes, notamment, avant 1974 et ne supposait donc pas d"activité inventive.

[122]      Je conclus que le brevet est invalide pour le motif que l"invention était évidente à la date retenue comme date de l"invention.

CONTREFAÇON

[123]      Pour le cas où mes conclusions sur les questions de l"interprétation ou de l"évidence seraient erronées, je vais examiner la question de la contrefaçon.

[124]      Novopharm concède que certains des produits fabriqués par elle depuis 1985, au moment où elle a introduit un comprimé plus petit contenant une combinaison de SMX/TMP, contrefaisaient au moins les revendications 1 et 2 du brevet. Toutefois, Novopharm ne fait cette concession que pour le cas où les limites proposées par M. Rees concernant les caractéristiques du comprimé souhaitables comme le temps de désintégration, la dureté et la friabilité, ne seraient pas jugées constituer une partie essentielle de l"invention. Novopharm fait valoir qu"on n"a établi aucune preuve au sujet de la dureté et de la friabilité des comprimés Novo-Trimel. Si le temps de désintégration, la dureté et la friabilité sont jugés constituer des caractéristiques essentielles de l"invention, Novopharm plaide que Glaxo n"a pas établi la contrefaçon à l"égard des caractéristiques essentielles que seraient la dureté et le friabilité et elle reviendrait sur sa concession par laquelle elle admet qu"elle a contrevenu au moins aux revendications 1 et 2 du brevet depuis 1985. Or j'estime que que les caractéristiques de comprimé proposées par M. Rees ne constituent pas des caractéristiques essentielles de l"invention. L"admission par Novopharm qu"elle a contrefait, depuis 1985, au moins les revendications 1 et 2 du brevet tient donc toujours.

[125]      Je note que, de l"avis de Glaxo, le Particle Size Determination Report établi par Susan Ann Taylor n"a pas été contredit. Toutefois, Novopharm a fait valoir que ce rapport n"était pas fiable. Elle a soutenu que la valeur ou la fiabilité du rapport étaient incertaines parce que les dates et les heures auxquelles les tests ont été réalisés sont inexactes. M. Rees, qui était présent durant les tests, a expliqué qu"il ne s"agissait que d"un défaut technique, probablement attribuable au mauvais réglage des horloges des ordinateurs. Je considère que Novopharm n"est pas arrivée à créer de doute sur la valeur de ce rapport.

[126]      Novopharm a également fait valoir que la méthode employée dans ce rapport pour déterminer le diamètre médian du poids était différente de la méthode prévue dans le brevet. Elle prétend que, selon le brevet, il faudrait déterminer le diamètre médian du poids au moyen d"un compteur Coulter et que les principes actifs TMP et SMX doivent être mesurés en combinaison, plutôt que séparément. J"estime que la revendication 1 n"exige pas que le diamètre médian du poids soit déterminé seulement au moyen d"un compteur Coulter, ni que les principes actifs soient combinés avant de mesurer la dimension des particules.

[127]      Si j"avais conclu que le brevet était valide, j"aurais jugé, sur le fondement des admissions de Novopharm, de l"exposé conjoint des faits et du rapport Taylor, que Novopharm a contrefait les revendications 1, 2, 3, 11, 12, 13, 17, 19, 20 et 22.

CONCLUSION

[128]      Je note, en conclusion, que les parties ont présenté une argumentation détaillée sur le choix entre les dommages-intérêts et la restitution des bénéfices. Glaxo a soutenu que, dans l"hypothèse où je jugerais que le brevet est valide et a été contrefait, elle devrait avoir le choix entre les dommages-intérêts ou la restitution des bénéfices. Du fait que j"ai jugé que le brevet est invalide et qu"il n"y a pas eu contrefaçon, je ne crois pas nécessaire d"exposer la longue argumentation au soutien de la position de Glaxo. J"ai récemment exprimé ma position sur le choix entre les dommages-intérêts et la restitution des bénéfices dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 79 C.P.R. (3d) 193. Je ne vois pas de raison de m"écarter de cette position en l"espèce. En particulier, on n"a fait valoir aucune raison pour laquelle les dommages-intérêts ne constitueraient pas un redressement tout à fait satisfaisant et plus efficace en l"espèce. Donc, dans l"hypothèse de la contrefaçon, j"accorderais les dommages-intérêts plutôt que la restitution des bénéfices.

[129]      Le brevet est invalide en raison de l"évidence. L"action en contrefaçon est en conséquence rejetée.

[130]      Les dépens sont adjugés à la défenderesse.

                         Howard I. Wetston     
                        
                             Juge

Ottawa (Ontario)

Le 31 juillet 1998

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.


Date : 19980731


Dossier : T-2998-91

OTTAWA (ONTARIO), LE 31 JUILLET 1998

PRÉSENT :      M. LE JUGE WETSTON

ENTRE :

     THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

     et GLAXO WELLCOME INC.,

     demanderesses,

     - et -

     NOVOPHARM LTD.,

     défenderesse.

     JUGEMENT

     LA COUR STATUE COMME SUIT :

     a)      le brevet n 980,688 est invalide;
     b)      l"action en contrefaçon est rejetée;                 
     c)      les dépens sont adjugés à la défenderesse.                 

     Howard I. Wetston

     Juge

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.

COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :                  T-2998-91
INTITULÉ DE LA CAUSE :          THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED ET AL. c. NOVOPHARM LTD.

    

LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          DU 14 AU 22 AVRIL 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE WETSTON

EN DATE DU :                  31 JUILLET 1998

ONT COMPARU :

IMMANUEL GOLDsMITH              POUR LES DEMANDERESSES
JOHN MORRISSEY     

et BRADLEY LIMPERT

DOUGLAS DEETH                      POUR LA DÉFENDERESSE

et DIANE LACALAMITA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMART & BIGGAR                  POUR LES DEMANDERESSES

TORONTO (ONTARIO)

DEETH WILLIAMS WALL              POUR LA DÉFENDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

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