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                                                         IMM-504-96

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 19 DÉCEMBRE 1996

 

 

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE HEALD

 

 

ENTRE

 

 

                    PATRICK FRANCIS WARD,

 

                                                         requérant,

 

                                 et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                            intimé.

 

 

 

 

                             ORDONNANCE

 

 

 

           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.  Il n'y a pas lieu à adjudication des dépens.

 

 

                                                Darrel V. Heald  

                                                     J.S.

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                          

                                    Tan Trinh-viet


 

 

 

 

 

 

                                                         IMM-504-96

 

 

ENTRE

 

 

                    PATRICK FRANCIS WARD,

 

                                                         requérant,

 

                                 et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                            intimé.

 

 

 

                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

 

           Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 13 février 1996 dans laquelle un arbitre, Mme A. Martens, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, section d'arbitrage, a pris une mesure d'expulsion contre le requérant.

 

LES FAITS

 

           Les faits de la présente demande ne sont pas contestés.  Le requérant est citoyen du Royaume-Uni et de l'Irlande.  En 1983, il s'est joint à l'Irish National Liberation Army (l'INLA), organisation que le requérant lui-même qualifie d'[TRADUCTION] «organisation paramilitaire impitoyable».  Après s'être joint à l'INLA, le requérant a reçu l'ordre de garder sous surveillance et de tuer un otage de l'INLA.  Toutefois, pour des raisons de conscience, le requérant a décidé de ne pas le tuer et il l'a plutôt aidé à s'évader.


           L'INLA a soupçonné le rôle du requérant dans l'évasion de l'otage, et le requérant a été détenu, torturé et condamné à mort par un «tribunal illégal» de l'INLA.  Le requérant a alors demandé la protection de la police.  Craignant que le requérant donne à la police des éléments de preuve sur les membres de l'INLA, celle-ci a tenu en otage la femme et deux filles du requérant, dans une démarche préventive visant à empêcher le requérant de devenir informateur.   Le requérant, quant à lui, a été accusé par la police de séquestration.  Il a plaidé coupable relativement à l'accusation devant un tribunal pénal spécial de Dublin le 25 janvier 1984, et il a été condamné à trois ans d'emprisonnement.

 

           À la suite de sa libération en 1985, le requérant est venu au Canada, et il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention.  Après une série d'appels et de nouvelles auditions, le 4 octobre 1994, il a été conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention.  Sa demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision et une requête en rouverture de la revendication du statut de réfugié ont également été rejetées.

 

           Par directive et rapport datés du 26 janvier 1995, le requérant a reçu l'ordre de comparaître devant un arbitre pour que ce dernier détermine s'il était une personne visée à l'alinéa 27(2)a) et au sous-alinéa 19(1)(c.1)(i).  Ces dispositions

portent :

 

27.(2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapporté écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle‑ci, selon le cas :

 

a) appartient à une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c);

 

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à la catégorie non admissible :

 

...

 

(c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger :

 

(i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans.

 

 

LA DÉCISION DE L'ARBITRE

 

 

           Le 24 janvier 1996, l'arbitre a conclu que le requérant était une personne visée à l'alinéa 27(2)a) de la Loi sur l'immigration, en ce sens qu'il était une personne qui appartenait à une catégorie non admissible, particulièrement, cette catégorie de personnes visée au sous-alinéa 19(1)(c.1)(i).  L'arbitre était convaincu que l'infraction de common law dont le requérant a été déclaré coupable, c'est-à-dire «false imprisonment» (détention arbitraire), équivalait à l'infraction canadienne de «séquestration» visée au paragraphe 279(2) du Code criminel.

 

           L'arbitre a conclu notamment qu'il n'existait aucune contestation fondamentale quant aux éléments de preuve.  Le requérant a été déclaré coupable de l'infraction de common law de détention arbitraire;  en fait, le requérant lui-même a témoigné qu'il était impliqué dans la détention d'otages, et qu'il n'existait aucune autorisation légitime pour cet acte.  Les éléments essentiels de l'infraction équivalente au Canada -- le fait de séquestrer, d'emprisonner ou de saisir de force sans autorisation légitime -- avaient donc été prouvés.  L'arbitre a en outre décidé que, puisque l'infraction dont le requérant avait été déclaré coupable était un crime de common law, on pouvait présumer que l'élément mens rea était une condition nécessaire.

 

           Après être parvenu à cette décision, l'arbitre a accordé au requérant un ajournement jusqu'au 13 février 1996 pour lui permettre de donner aux procureurs généraux du Canada et des provinces un avis de question constitutionnelle, conformément à l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale.  Le requérant a alors saisi l'arbitre d'une requête en renvoi d'une question constitutionnelle devant la Cour fédérale.  Le 13 février 1996, l'arbitre a rejeté la requête du requérant, décidant qu'il n'était pas inconstitutionnel pour un arbitre à une enquête de prendre une mesure de renvoi et que, de plus, il était prématuré de faire valoir que le renvoi du requérant violerait les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.  À son avis, le moment approprié pour l'argumentation fondée sur la Charte serait celui où l'intimé prenait des dispositions en vue de l'exécution de la mesure de renvoi.

 

LES POINTS LITIGIEUX

 

           Voici les deux questions soulevées par la présente demande :

 

1.Équivalence :

a)L'arbitre a-t-elle eu tort de conclure à l'équivalence entre l'infraction irlandaise de «false imprisonment» (détention arbitraire) et l'infraction canadienne de séquestration compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait?

 

b)l'arbitre a-t-elle eu tort d'appliquer les dispositions du Code criminel en vigueur à l'époque de la mesure d'expulsion?

 

c)L'arbitre a-t-elle eu tort de ne pas conclure que le crime dont le requérant avait été déclaré coupable était de nature politique?

 

2.Charte canadienne des droits et libertés :

 

a)La mesure d'expulsion prise par l'arbitre violait-elle les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés?

 

 

 

1.Équivalence

 

 

a)Équivalence de condamnation

 

     L'arbitre a conclu que la condamnation du requérant par le tribunal pénal spécial pour l'infraction de «false imprisonment» (détention arbitraire) équivalait à l'infraction de séquestration prévue au paragraphe 279(2) du Code criminel canadien.  Ce paragraphe est ainsi rédigé :

 

279.(2) Est coupable d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximum de dix ans quiconque, sans autorisation légitime, séquestre, emprisonne ou saisit de force une autre personne.

 

 

 

 

           Dans son argumentation tant écrite qu'orale, le requérant soutient que, bien que l'arbitre ait énoncé avec exactitude le critère de la détermination de l'équivalence, elle a eu tort d'appliquer ce critère aux faits de l'espèce.  Le requérant soutient particulièrement qu'il n'aurait pas été déclaré coupable d'une infraction canadienne semblable parce qu'on l'a forcé à plaider coupable de manière à obtenir la libération de sa femme et de ses enfants et, en conséquence, on l'a privé de son droit de répondre complètement et de se défendre à l'accusation.  De plus, le requérant n'avait pas le mens rea requis pour l'infraction, parce que, selon lui, il avait l'intention, non pas de séquestrer Richard Hill, mais d'assurer sa libération sans risque.  En dernier lieu, le tribunal qui a condamné le requérant n'était pas un tribunal indépendant impartial, puisque les membres du tribunal pénal spécial sont nommés et peuvent être révoqués selon la volonté du gouvernement, que leur rémunération est payée par le gouvernement et que le procureur général influe considérablement sur les questions judiciaires.

 

           L'intimé soutient que les circonstances entourant la condamnation du requérant, si elles avaient été révélées à son procès, auraient pu se rapporter à sa condamnation.  La question n'est toutefois pas de savoir si le requérant aurait été condamné si les faits complets étaient révélés au procès, ni de savoir s'il avait été jugé et condamné au Canada.  Il s'agit de déterminer s'il existe des motifs raisonnables de croire, compte tenu des faits et des aveux du requérant au procès, que la condamnation à l'étranger équivaut à une condamnation en droit canadien.  L'intimé note que l'actus reus et le mens rea ont été démontrés au procès.  Pour ce qui est de la question de l'impartialité du tribunal qui a condamné le requérant, l'intimé fait remarquer que l'arrêt Valente (Valente c. La Reine (1985), 24 D.L.R. (4th) 161 (C.S.C.) cité par le requérant, abordait une contestation, fondée sur la Charte, de la nomination des juges des cours provinciales.  Selon l'intimé, rien n'étaye la prétention qu'il y a partialité institutionnelle découlant des processus et des procédures judiciaires irlandais, et il était loisible à l'arbitre, compte tenu des faits dont elle était saisie, de rejeter cet argument.

 

           Le critère à appliquer lorsqu'il s'agit de déterminer l'équivalence a été énoncé dans la décision Brannson c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1980), [1981] 2 C.F. 141 (C.A.).  Dans cette affaire, le juge Urie a fait remarquer que, en premier lieu, il devait exister la preuve que les éléments essentiels constitutifs de l'infraction au Canada comprenaient les éléments essentiels constitutifs de l'infraction relevant de la compétence étrangère, et que, en second lieu, il devrait y avoir la preuve que les circonstances entraînant l'accusation qui avaient été invoquées pour intenter l'action pénale devant la juridiction étrangère, si elles avaient eu lieu au Canada, constitueraient une infraction punissable par voie de mise en accusation au Canada.  Ce critère a été développé par le juge dans une affaire ultérieure, Hill c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1987), 1 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.F.), où il a dit que l'équivalence pouvait être déterminée de trois façons : en premier lieu, par une comparaison du libellé précis dans les lois; en second lieu, par l'examen de la preuve produite par le tribunal pour déterminer si cette preuve suffisait à établir que les éléments constitutifs de l'infraction au Canada avaient été prouvés dans les procédures étrangères, et, en troisième lieu, par une combinaison des première et seconde exigences.

 

           Certes, le requérant reconnaît que l'arbitre a à juste titre énoncé le critère de l'équivalence; mais il soutient que, si les circonstances qui avaient donné lieu à la condamnation étrangère du requérant avaient eu lieu au Canada, le requérant n'aurait pas été déclaré coupable de l'équivalente infraction canadienne.  Autrement dit, si je comprends bien la position du requérant, l'arbitre a commis une erreur dans son application de la seconde partie du critère, savoir que la preuve n'était pas suffisante pour établir que les éléments essentiels de l'infraction au Canada avaient été prouvés devant la juridiction étrangère.


           Les circonstances se rapportant à la perpétration de l'infraction entraînant la condamnation du requérant comprenaient la preuve irréfutable que le requérant avait l'intention, du moins au début, de séquestrer son otage.  Contrairement aux affirmations du requérant selon lesquelles il agissait sous contrainte, il faudrait noter qu'il a délibérément participé à la détention d'otages sans autorisation légitime.  Il a plaidé coupable relativement à cette infraction, et il n'a jamais allégué qu'on l'avait privé de la possibilité de répondre pleinement et de se défendre à cette accusation.  En fait, selon les remarques de l'arbitre, M. Ward a témoigné qu'on avait laissé entendre qu'il devrait révéler son rôle au tribunal, dire aux juges qu'il avait libéré les otages et qu'il ne serait pas condamné à un jour de prison.  La question ne se pose pas de savoir si le requérant aurait été déclaré coupable si les faits tout entiers avaient été révélés au procès, ni de savoir s'il aurait été condamné au Canada compte tenu de ces faits.  Il s'agit de déterminer plutôt s'il existe des motifs raisonnables de croire, compte tenu des faits au procès et des aveux du requérant, que la condamnation étrangère équivaut à une condamnation selon le droit canadien.  Ainsi que le juge Strayer l'a dit dans l'arrêt Li c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (7 août 1996), A-329-95 (C.A.F.) (non publié) :

 

La Loi [sur l'Immigration] ne prévoit pas un nouveau jugement de la cause avec application des règles de preuve canadiennes.  Elle ne prévoit pas non plus l'examen de la validité du verdict de culpabilité prononcé dans le pays étranger.  Il en est ainsi peu importe que l'on invoque la Charte, une loi écrite ou la common law pour faire valoir les normes canadiennes de procédure ou de preuve. 

 

 

Les circonstances de la condamnation du requérant étaient celles où il avait l'option d'un procès.  Il a toutefois choisi de plaider coupable, et il a reconnu les éléments de l'infraction, y compris l'actus reus et le mens rea.  Il avait également le droit d'interjeter appel de la condamnation, droit qu'il n'a pas exercé.  À mon avis, l'arbitre n'a pas eu tort de conclure que ces éléments de preuve, entre autres, suffisaient à établir que les éléments essentiels de l'infraction au Canada avaient été prouvés dans les procédures étrangères.  J'estime donc que l'arbitre n'a pas eu tort de conclure qu'il existait des motifs raisonnables de croire que, compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait, la condamnation étrangère équivaut à une condamnation selon le droit canadien.

 

b) Les dispositions applicables du Code criminel

 

           Le requérant prétend également que l'arbitre a examiné l'équivalence à partir d'une mauvaise période.  En 1983 et 1984, l'époque de la condamnation du requérant, le paragraphe 247(2) du Code criminel définissait l'infraction de séquestration, et prévoyait une peine d'emprisonnement de cinq ans.  À la date de la mesure d'expulsion, la peine prévue pour l'infraction était un emprisonnement maximal de dix ans.  Le requérant prétend que je devrais distinguer la décision Robertson c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1979] 1 C.F.; (1978), 91 D.L.R. (3d) 93 (C.A.F.), dans laquelle la Cour a décidé que c'était la date de la mesure d'expulsion qui déterminait quel texte du Code criminel se rapportait aux fins de l'alinéa 19(1)c) de la Loi sur l'immigration, dans sa version en vigueur à l'époque.   L'avocat de l'intimé répond que le sous-alinéa 19(1)(c.1)(i) de la Loi sur l'immigration parle au présent, et qu'il était donc loisible à l'arbitre de conclure que le principe énoncé dans la décision Robertson s'appliquait à l'espèce.

 

           Dans l'affaire Robertson, il a été décidé que, comme la disposition de la Loi sur l'immigration était en vigueur à l'époque, le texte applicable du Code criminel aux fins de la détermination de l'appartenance à une catégorie non admissible était elle en vigueur au moment où la mesure d'expulsion a été prise.  Dans l'affaire Robertson, le requérant avait été déclaré coupable au Canada de l'infraction d'avoir en sa possession un bien volé valant plus de 50 $.  Entre la date de la condamnation et la date de l'expulsion, tant la définition de [TRADUCTION] «avoir en sa possession un bien valant plus de» que la peine pour perpétration de l'infraction ont été modifiées.  La disposition applicable de la Loi sur l'immigration était ainsi rédigée :

 

19. (1) Ne sont pas admissibles

 

           ...

 

c) les personnes qui ont été déclarées coupables d'une infraction qui constitue, qu'elle ait été commise au Canada ou à l'étranger, une infraction qui peut être punissable, en vertu d'une loi du Parlement, d'une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement, à l'exception de celles qui établissent à la satisfaction du gouverneur en conseil qu'elles se sont réhabilitées et que cinq ans au moins se sont écoulés depuis l'expiration de leur peine;

 

Dans l'affaire Robertson, il a été décidé que le présent du mot «constitue», lorsqu'on le rapproche de l'article 10 de la Loi d'interprétation, signifiait que le texte applicable du Code criminel aux fins de déterminer l'admissibilité sous le régime de la Loi sur l'immigration était celui qui était en vigueur au moment de la prise de la mesure d'expulsion.

 

           La disposition de la Loi sur l'immigration en litige dans l'affaire Robertson n'est plus formulée de la même façon. Néanmoins, le sens est, à mon avis, le même.  En fait, sur le plan grammatical, le membre de phrase «would constitute» fait partie d'un présent, contrairement à un énoncé conditionnel de faits.  «Would» indique le mode subjonctif et ne renvoie pas un passé.  La seule mention d'un passé dans l'alinéa en cours de la loi est le membre de phrase «ont été déclarées coupables» qui signifie que la personne a été, à un moment dans le passé, réellement déclarée coupable d'une infraction.  Il n'y a pas lieu de distinguer le principe énoncé dans l'affaire Robertson de la situation factuelle de l'espèce.  L'arbitre n'a pas eu tort d'examiner la sanction de l'infraction à la date de la mesure d'expulsion.

 

c) Nature politique de l'infraction

 

           Le requérant soutient que sa conduite dans les événements qui ont donné lieu à sa condamnation en Irlande pour détention arbitraire [TRADUCTION] «peut être qualifiée de politique».  Les dispositions du sous-alinéa 19(1)(c.1)(i) font état de ce qui peut être mentionné comme des [TRADUCTION] «crimes ordinaires» et non des crimes politiques.  En conséquence, selon lui, l'infraction dont il a été déclaré coupable ne devrait pas être considérée comme une infraction de common law qui pouvait équivaloir à un crime au Canada.

 

           L'intimé soutient que la Cour suprême du Canada, dans sa décision concernant la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par le requérant (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689), n'a pas conclu que l'infraction de séquestration dont le requérant avait été déclaré coupable était un crime politique aux fins de la Convention ou pour toute autre fin.  Qui plus est, l'intimé note que le requérant, dans son affidavit déposé à l'appui, dit que l'infraction dont il a été déclaré coupable était une infraction criminelle de common law.

 

           J'estime que l'argument du requérant n'est pas soutenable.  Il n'a jamais été admis en droit criminel canadien que, parce quelqu'un avait un motif particulier dans la perpétration d'un crime, il n'avait pas l'intention de commettre l'acte.  Le requérant à l'instance, bien que, dans la prise d'otages, il ait peut-être été motivé par des raisons politiques, il avait néanmoins toujours l'intention d'en prendre.  L'arbitre n'a pas eu tort de décider qu'il n'y avait pas lieu de conclure que l'infraction du requérant devrait être considérée comme un crime politique et ne devrait pas être considérée aux fins du sous-alinéa 19(1)(c.1) de la Loi sur l'immigration.

 

LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

 

           Le requérant reconnaît que la Charte n'a pas d'effet extraterritorial, et que l'arbitre n'est pas tenu d'examiner la constitutionnalité d'un crime étranger.  Le requérant soutient toutefois que l'arbitre n'aurait pas dû prendre une mesure d'expulsion qui aura pour effet de violer les droits qu'il tient de la Charte, particulièrement son droit à la sécurité de la personne sous le régime de l'article 7 de la Charte et son droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités sous l'empire de l'article 12 de la Charte.   L'arbitre, selon l'argument du requérant, savait que le requérant avait raison de craindre d'être persécuté en Irlande et en Irlande du Nord du fait de ses opinions politiques.  Puisque, selon le droit britannique, le requérant pouvait être [TRADUCTION] «renvoyé en Irlande ou en Irlande du Nord» dans les trois sans de son entrée en Grande Bretagne, la menace de préjudice physique pour le requérant existe s'il était expulsé du Canada.  Une telle menace viole le droit du requérant à la sécurité de sa personne.  En conséquence, le requérant prétend que l'arbitre a commis une erreur de droit en prenant une mesure d'expulsion contre le requérant.

 

           En l'espèce, j'estime que l'argument du requérant sur ce point est prématuré.  Il existe une jurisprudence substantielle de la Cour préconisant que le pouvoir de l'arbitre se limite à la prise d'une mesure d'expulsion.  Elle ne peut déterminer l'endroit où le requérant sera expulsé.  Dans l'arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration , [1992] 1 R.C.S. 711, la Cour suprême a décidé que l'expulsion n'était pas en soi inconstitutionnelle et que l'expulsion n'équivalait pas à des peines cruelles et inusitées.  Tant dans l'affaire Nguyen c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration)(1993), 18 Imm. L.R. (2d) 165 (C.A.F.) que dans l'affaire Barrera c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 99 D.L.R. (4th) 264 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale, suivant l'arrêt Chiarelli de la Cour suprême, a décidé qu'il existait une différence de fond entre la prise d'une mesure d'expulsion par un arbitre et l'exécution de cette mesure.  En l'absence de la décision de refouler réellement le requérant vers un pays particulier et étant donné la jurisprudence de la Cour, je ne saurais conclure que la prise d'une mesure d'expulsion violait de quelque façon que ce soit les droits que le requérant tient de la Charte.  L'argument du requérant sur ce point doit être rejeté.

 

           Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. 

 

           L'avocat du requérant a présenté trois questions graves de portée générale aux fins de la certification en application de l'article 83 de la Loi sur la Cour fédérale.  Elles sont ainsi rédigées :

 

 

           [TRADUCTION]

 

1)La comparaison des éléments essentiels pour prouver et établir l'équivalence inclut-elle les moyens de défense dont dispose l'intéressé en application du paragraphe 650(3) du Code criminel et de l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits?

 

2)Le sous-alinéa 19(1)(c.1)(i) renvoie-t-il à des infractions politiques?

 

3)La décision de la Cour d'appel fédérale Robertson c. M.E.I. (1978) 91 D.L.R. (3rd) 93 est-elle fondée puisqu'elle s'applique lorsqu'il y a changement de peine entre la date d'une condamnation pénale et la date d'une mesure d'expulsion alors que ce changement est au détriment de l'intéressé?

 

 

 

           Pour ce qui est de la première question, je conviens avec l'avocat de l'intimé que la décision de la Cour d'appel fédérale Li c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, 7 août 1996, A-329-95, y a répondu complètement.  Quant à la deuxième question, je conviens que l'arrêt de la Cour suprême du Canada Chiarelli c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 711, (1992) 16 Imm. L.R. (2d), page 1, y a répondu.   Quant à la troisième question, je suis d'accord pour dire que l'arrêt Chiarelli supra est aussi une réponse complète à cette question.

 

           En conséquence, je ne certifie aucune des questions proposées ci-dessus par l'avocat du requérant.


Les dépens

 

           Il n'y a pas lieu à adjudication des dépens puisqu'aucune raison spéciale n'a été invoquée à cet égard.

 

 

                                         Darrel V. Heald            

                                                J.S.

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 19 décembre 1996

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                          

 

                                    Tan Trinh-viet


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-504-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :PATRICK FRANCIS WARD c. MCI

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 20 novembre 1996

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE HEALD

 

 

EN DATE DU19 décembre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Irvin Sherman                        pour le requérant

 

 

Donald Macintosh                     pour l'intimé

Leena Jakkimainen

 

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Irvin Sherman                        pour le requérant

 

 

George Thomson

Sous-procureur général

  du Canadapour l'intimé

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