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Date : 20050304

 

Dossier : T‑1945‑02

 

Référence : 2005 CF 317

 

 

OTTAWA (Ontario), le 4 mars 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

 

ENTRE :

 

GLOBAL RESTAURANT OPERATIONS OF IRELAND LIMITED et BOSTON MARKET CANADA COMPANY

 

                                                                                                                              demanderesses

 

 

                                                                            et

 

 

                            BOSTON PIZZA ROYALTIES LIMITED PARTNERSHIP

 

                                                                                                                                  défenderesse

 

 

                                MOTIFS DE LORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               La défenderesse sollicite, par voie de requête présentée conformément à la règle 105 des Règles de la Cour fédérale (1998), une ordonnance portant réunion de la présente demande avec l’action T‑1319‑02 pour qu’elle soit entendue par le même juge sur la base des mêmes preuves et que la demande soit entendue immédiatement après l’action.

 


LE CONTEXTE

 

L’action ‑ T‑1319‑02

 

[2]               Le 15 août 2002, Boston Pizza International Inc. (BP International) a introduit une action contre Boston Market Corporation, Boston Market Canada Company, Global Restaurant Operations of Ireland Ltd. (Global Restaurant) et McDonald’s Restaurants of Canada Ltd. en vue d’obtenir une injonction interdisant aux défenderesses d’utiliser le nom commercial « Boston Market » pour des restaurants et des services de restauration au Canada. Les sociétés Boston Market sont liées à la McDonald’s Corporation, tandis que Global Restaurant est titulaire de certains droits de propriété intellectuelle, notamment ceux qui concernent le nom commercial « Boston Market ». Une autre demanderesse, Boston Pizza Royalties Limited Partnership (BP Partnership), a été ajoutée à l’action en janvier 2003.

 

[3]               Les demanderesses soutiennent que le nom « Boston Market » crée de la confusion avec sept marques de commerce qui leur appartiennent et qu’en utilisant le nom « Boston Market », les défenderesses ont violé leurs droits et déprécié l’achalandage de la marque Boston Pizza contrairement aux articles 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. Les demanderesses réclament également une mesure de réparation pour commercialisation trompeuse en application de l’alinéa 7b) de la Loi.

 


 

[4]               Les défenderesses ont présenté une demande reconventionnelle dans laquelle elles affirment que les marques de commerce Boston Pizza ne sont pas valides parce qu’elles décrivent un style de pizza originaire de la ville de Boston au Massachusetts. Elles soutiennent également que ces marques de commerce ne sont pas distinctives des demanderesses parce que des tiers ont utilisé des noms commerciaux semblables au Canada à l’égard de services de restauration.

 

[5]               En mai 2003, les demanderesses ont présenté une requête en vue d’obtenir le rejet de la demande reconventionnelle. La juge Tremblay‑Lamer a fait droit à la requête en partie et rejeté la demande reconventionnelle des demanderesses pour ce qui est des quatre marques de commerce Boston Pizza qui ne contenaient pas le mot « Boston ». Cette décision a été confirmée en appel.

 

[6]               Les défenderesses, Global Restaurant et Boston Market Canada, ont signifié leurs affidavits de documents le 22 juillet 2004. À la même époque, les défenderesses McDonald’s Restaurants of Canada et Boston Market Corporation ont déposé une requête en vue d’obtenir un jugement sommaire rejetant l’action intentée contre elles. Le juge Hugessen a rejeté la requête le 21 octobre 2004 et jugé que le dossier soulevait une question sérieuse, c’est‑à‑dire celle de savoir si les deux défenderesses participaient activement aux activités alléguées constituant la violation d’une marque de commerce. Le juge Hugessen a également ordonné aux deux défenderesses de déposer leurs affidavits de documents avant le 22 novembre 2004 (ce qu’elles ont fait) et de terminer les interrogatoires préalables avant le 1er mars 2005.


 

[7]               Les parties ont pris des dispositions pour effectuer les interrogatoires préalables en février de sorte que ces interrogatoires doivent être achevés ou presque en ce moment.

 

La demande ‑ T‑1945‑02

 

[8]               Les demanderesses, Global Restaurant et Boston Market Canada, ont présenté une demande le 19 novembre 2002 contre BP Partnership en vue d’obtenir la radiation des sept marques de commerce Boston Pizza. Les demanderesses affirment qu’en juillet 2002, les marques de commerce en question ont été cédées par BP International à BP Partnership dans le cadre d’une opération de financement portant sur des actions. BP International a ensuite obtenu l’autorisation d’utiliser les marques de commerce pendant une période de 99 ans. Les demanderesses soutiennent que BP Partnership est propriétaire des marques de commerce mais que BP International a conservé un contrôle de fait sur ces marques de commerce et que cette société n’a pris aucune mesure pour informer le public du fait que la propriété de ces marques de commerce a été transférée à BP Partnership. Par conséquent, les marques de commerce en question ne sont pas distinctives de BP Partnership et devraient être radiées.

 


[9]               Le 29 novembre 2004, les demanderesses ont déposé une demande d’audience et demandé que soit fixée une date pour l’instruction de la demande. Dans leur demande, les demanderesses mentionnaient que les deux parties avaient signifié et déposé leurs dossiers au milieu de l’année 2004.

 

ANALYSE

 

Les principes juridiques

 

[10]           La Cour possède le pouvoir inhérent d’ordonner que soit modifiée une demande de façon à simplifier l’instance et à réduire les frais pour les parties et pour la Cour. Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1993), 69 F.T.R. 178, au paragraphe 13. De plus, la règle 105 des Règles de la Cour fédérale (1998) autorise expressément la Cour à réunir des instances :


Réunion dinstances

105. La Cour peut ordonner, à l’égard de deux ou plusieurs instances :

(a) quelles soient réunies, instruites conjointement ou instruites successivement;

(b) quil soit sursis à une instance jusqu’à ce quune décision soit rendue à l’égard dune autre instance;

(c) que lune delles fasse lobjet dune demande reconventionnelle ou dun appel incident dans une autre instance.

 

 

Consolidation of Proceedings

 

 

105. The Court may order, in respect of two or more proceedings,

(a) that they be consolidated, heard together or heard one immediately after the other;

(b) that one proceeding be stayed until another proceeding is determined; or

(c) that one of the proceedings be asserted as a counterclaim or cross‑appeal in another proceeding.

 

 

 

 


 


[11]           Les objectifs recherchés par la réunion d’instances consistent à éviter la multiplication des instances et à favoriser un règlement rapide et peu coûteux de ces instances. John E. Canning Ltd. c. Tripap Inc., [1999] A.C.F. n° 715, au paragraphe 27. Lorsque la Cour est saisie d’une demande de réunion d’instances, elle examine la question de savoir s’il s’agit des mêmes parties, si les instances soulèvent des questions juridiques et factuelles communes, des causes d’action semblables, si elles sont basées sur des preuves communes et s’il est probable que l’issue d’une instance aura pour effet de régler l’autre instance. Eli Lilly and Co. v. Apotex Inc. (1994), 55 C.P.R. (3d) 429 et Canning, précité. De plus, la Cour ne doit pas réunir des instances lorsque cette réunion causerait un préjudice à l’une des parties. Eli Lilly, précité.

 

Les arguments

 


[12]           La requérante, BP Partnership, soutient que la réunion des instances se justifie pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, les trois parties à la demande sont également parties à l’action. Deuxièmement, les instances portent sur des questions juridiques et factuelles semblables, étant donné qu’elles concernent le caractère distinctif et l’achalandage des mêmes marques de commerce Boston Pizza. Troisièmement, des preuves semblables seront présentées dans les deux instances au sujet de l’utilisation des marques de commerce par BP Partnership par l’intermédiaire de Boston Pizza International et de divers franchisés. Les trois mêmes témoins seront appelés à déposer dans les deux instances. De plus, BP Partnership soutient que lissue de la demande ne réglera pas les questions soulevées dans laction parce que, même si Boston Market obtient la radiation des marques de commerce, cela ne modifiera pas la demande pour commercialisation trompeuse au sens de la loi présentée par Boston Pizza. BP Partnership soutient également que les chefs de demande mentionnés dans la demande auraient pu et dû être recherchés dans la demande reconventionnelle présentée dans laction.

 

[13]           Avant août 2004, les parties intimées (les demanderesses), Boston Market Canada et Global Restaurant, ont reconnu qu’il était approprié de réunir l’action et la demande. Cependant, le 16 novembre 2004, les demanderesses ont informé BP Partnership qu’elles ne considéraient plus que la réunion des instances était appropriée, compte tenu des retards survenus dans l’instruction de l’action. Les retards mentionnés par les demanderesses concernaient le rejet de la requête en vue d’obtenir un jugement sommaire ainsi que l’absence de diligence des demanderesses dans l’instruction de l’action. En particulier, les demanderesses dans la demande soutenaient que les demanderesses dans l’action n’avaient pas établi de calendrier pour les interrogatoires préalables. La réponse des requérantes indiquent que les interrogatoires préalables devaient avoir lieu en février, de sorte qu’ils devraient être terminés ou presque à l’heure actuelle.

 


[14]           Dans leurs observations, Boston Market Canada et Global Restaurant reconnaissent que les parties à la demande sont identiques à celles de l’action mais elles notent que BP Partnership est représentée par d’autres avocats dans l’instance. En outre, même s’il existe des questions juridiques et factuelles semblables, les principales questions en litige sont différentes. En particulier, la principale question en litige dans l’action est de savoir si les défenderesses ont violé une des marques de commerce Boston Pizza. La Cour sera amenée à examiner si l’expression « Boston Market » crée de la confusion avec une des marques de commerce Boston Pizza. La Cour devra également trancher dans l’action la question de savoir si les défenderesses McDonald’s et Boston Market Corporation ne sont que de simples entrepreneurs ou si elles ont participé aux activités de contrefaçon alléguées. Par contre, la seule question en litige dans la demande est de savoir si les marques de commerce Boston Pizza ont perdu leur caractère distinctif à la suite de l’opération de financement relative à des actions et devraient être radiées. Cette question n’amènera pas le tribunal à examiner l’utilisation du terme « Boston Market », ni les activités des demanderesses dans la demande.

 

[15]           De plus, les demanderesses notent que les sept marques de commerce Boston Pizza sont contestées dans la demande alors qu’à la suite de l’ordonnance prononcée par la juge Tremblay‑Lamer, seules trois de ces marques de commerce peuvent être contestées dans le cadre de l’action. Elles soutiennent également que Boston Pizza n’a pas démontré qu’elle subirait un préjudice si les instances n’étaient pas réunies.

 

[16]           Enfin, les demanderesses soutiennent que, si la demande est entendue avant l’action et qu’elles obtiennent gain de cause, la demande basée sur la contrefaçon de la marque de commerce présentée par les demanderesses dans l’action sera réglée. C’est pourquoi il serait plus commode que la demande soit entendue rapidement et avant l’action.

 


La réunion des instances en l’espèce

 

[17]           La demande et l’action soulèvent des questions juridiques différentes. En particulier, les activités des demanderesses et l’utilisation du nom « Boston Market » ne sont pas en litige dans la demande, alors qu’elles revêtent une importance fondamentale dans l’action. De plus, les motifs pour lesquels les demanderesses soutiennent que les marques Boston Pizza sont dépourvues de caractère distinctif ne sont pas les mêmes dans les deux instances.

 

[18]           Malgré ces différences, j’estime qu’il existe de bonnes raisons pour qu’un même juge instruise l’une après l’autre les deux instances. Les parties à la demande sont les mêmes que pour l’action; le contexte factuel est le même pour les deux instances. En outre, il est probable que les preuves concernant la perception qu’a le public des marques Boston Pizza qui seront présentées dans le cadre de l’analyse du caractère distinctif de ces marques vont se chevaucher. J’estime qu’il serait répétitif et inefficace de demander à deux juges différents d’examiner et analyser les mêmes faits.

 

[19]           Avant le mois d’août 2004, les demanderesses avaient accepté qu’un même juge soit chargé d’instruire les deux instances, l’une après l’autre. La principale raison pour laquelle elles ont modifié leur position est que les demanderesses dans l’action n’ont pas agi avec diligence dans le déroulement de l’action. Étant donné que les interrogatoires préalables prévus dans l’action ont été fixés au mois de février, l’action sera très prochainement en état d’être entendue. Par conséquent, la demande ne sera pas retardée si elle est entendue en même temps que l’action.


 

[20]           Les demanderesses dans la demande soutiennent également que si celle‑ci est entendue avant l’action et qu’elles obtiennent gain de cause, cela aura pour effet de régler l’issue de l’action. Je reconnais que si elles obtiennent gain de cause et que les marques de commerce Boston Pizza sont radiées, cela aura pour effet de circonscrire les questions en litige à instruire (c.‑à‑d., seule la demande fondée sur la commercialisation trompeuse prohibée par la loi demeurera). Cependant, étant donné que l’action en est arrivée au stade des interrogatoires préalables, il est douteux que la demande puisse être instruite et tranchée avant le début de l’instruction de l’action. Le juge devrait alors reporter l’instruction de l’action jusqu’à ce que la décision relative à la demande soit prononcée car il risquerait sinon d’examiner des questions qui pourraient être alors sans objet. Pour éviter une telle situation, il est approprié que la demande soit instruite après l’action par le même juge. De cette façon, les instances seront tranchées de la façon la plus rapide et la plus efficace.

 

[21]           Par conséquent, il est fait droit à la requête présentée par l’intimée. La présente demande sera réunie avec l’action T‑1319‑02 pour qu’elle soit instruite par le même juge sur la base des mêmes preuves et la demande sera instruite immédiatement après l’action.

 


                                                                ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         Il est fait droit à la requête de l’intimée;

2.         La présente demande sera entendue immédiatement après l’action T‑1319‑02 par le même juge;

3.         Les preuves relatives aux deux instances seront réunies pour éviter toute duplication, sous réserve des directives que pourrait fournir le juge;

4.         Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »             

                         Juge                     

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Richard Jacques, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                          T‑1945‑02

 

 

INTITULÉ :                                         GLOBAL RESTAURANT OPERATIONS OF IRELAND LIMITED et BOSTON MARKET CANADA CORP. c. BOSTON PIZZA ROYALTIES LIMITED PARTNERSHIP

 

 

REQUÊTE INSTRUITE PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                        LE 4 MARS 2005

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

 

Glen A. Bloom

Melissa E. Fisher

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Bradley J. Freedman

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

Osler, Hopskin & Harcourt LLP, Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Borden Ladner Gervais LLP, Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE


                         COUR FÉDÉRALE

 

 

Date : 20050304

 

Dossier : T‑1945‑02

 

ENTRE :

 

GLOBAL RESTAURANT OPERATIONS OF IRELAND LIMITED et BOSTON MARKET CANADA CORPORATION

 

 

                                                          demanderesses

 

et

 

BOSTON PIZZA ROYALTIES LIMITED PARTNERSHIP

 

                                                              défenderesse

 

 

 

 

                                                                     

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

                                                                     

 

 

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