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Date : 20200312


Dossier : IMM‑4317‑19

Référence : 2020 CF 368

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2020

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

ZHI MING ZOU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, monsieur Zhi Ming Zou, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision (la décision) de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SAI a rejeté l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre d’une mesure d’exclusion prise contre lui par la Section de l’immigration (la SI) le 21 avril 2016, au motif qu’il était interdit de territoire pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  M. Zou a admis ses fausses déclarations faites à la SI et ne conteste pas la validité de la mesure d’exclusion. La seule question soumise à la SAI consistait plutôt à savoir s’il y avait lieu de faire droit à l’appel de M. Zou pour des motifs d’ordre humanitaire.

[3]  Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

I.  Le contexte

[4]  M. Zou a épousé sa première épouse, Mme Laio, le 8 juin 2005. Peu de temps après, Mme Laio a présenté une demande en vue de parrainer M. Zou pour lui permettre d’obtenir un visa de résident permanent. La demande a été refusée en février 2006, et Mme Laio a interjeté appel du refus auprès de la SAI. L’appel a été accueilli le 28 septembre 2006 sur le consentement du ministre. M. Zou a obtenu la résidence permanente à son arrivée au Canada, à Toronto (Ontario), le 27 février 2007.

[5]  Le cas de M. Zou a, par la suite, été porté à l’attention de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Un agent de l’ASFC a établi un rapport conformément au paragraphe 44(1) de la LIPR, dans lequel il remettait en question le caractère authentique du mariage de M. Zou et de Mme Laio. À l’audience devant la SI, M. Zou a admis qu’il avait contracté un mariage de convenance dans le but d’obtenir un statut d’immigrant au Canada. La SI a conclu que M. Zou était interdit de territoire pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) et a pris une mesure d’exclusion. M. Zou fait l’objet d’une période d’exclusion de cinq ans à compter de son renvoi, conformément à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR.

[6]  Depuis 2011, M. Zou a une relation authentique avec son épouse actuelle, Mme Ma. Cette dernière est née en Chine et est une citoyenne canadienne, qui est devenue résidente permanente en 2005. Le couple a trois jeunes enfants qui sont nés au Canada.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[7]  La décision est datée du 18 juin 2019. La SAI a d’abord examiné les circonstances entourant les fausses déclarations de M. Zou au sujet de son mariage contracté en 2005 avec Mme Laio, et a conclu qu’il avait délibérément trompé les autorités de l’immigration canadiennes puisqu’il était conscient que le fait de contracter un mariage non authentique contrevenait à la loi. Le tribunal a soutenu que M. Zou avait agi dans son propre intérêt en manipulant le processus d’immigration canadien afin de fuir la pauvreté en Chine.

[8]  La SAI a alors structuré son examen des motifs d’ordre humanitaire dans le dossier de M. Zou en fonction de la liste non exhaustive des facteurs enoncés dans la décision Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4 (QL) (Ribic) et modifiée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3.

[9]  La SAI a qualifié les fausses déclarations de M. Zou de graves et de délibérées, et a estimé que celui‑ci avait exprimé peu de remords authentiques. Le tribunal a examiné la preuve de M. Zou étayant sa vie familiale au Canada et a reconnu que celui‑ci est établi avec son épouse et ses enfants à Toronto, que le couple est propriétaire d’une maison et que M. Zou travaille comme rénovateur de résidences. Ces faits font pencher la balance en faveur de M. Zou dans l’évaluation de la SAI mais, étant donné que les fausses déclarations ont permis à celui‑ci de rester au Canada, le tribunal n’a pas accordé beaucoup de poids à son établissement.

[10]  L’analyse effectuée par la SAI de l’intérêt supérieur des enfants et l’analyse des difficultés que le renvoi risquait de causer à M. Zou et à sa famille se recoupent. Le tribunal a tenu compte de la capacité de M. Zou de réintégrer la société chinoise à titre de citoyen; de la capacité de son épouse à retourner en Chine; de la capacité de la famille à parler cantonais; de l’expérience de travail des parents en Chine, et de la présence de la famille de M. Zou et de celle de son épouse en Chine. La SAI s’est également longuement penchée sur la situation des enfants et sur l’effet perturbateur qu’aurait pour eux un déménagement dans un nouveau pays. Le tribunal a souligné qu’il ne disposait que de peu d’éléments de preuve crédibles au sujet de l’accès à l’éducation pour les enfants et de l’accès aux services de soins de santé pour la famille en Chine.

[11]  La SAI a conclu que ni les difficultés éventuelles entraînées par le renvoi de M. Zou en Chine, seul ou avec sa famille, ni l’intérêt supérieur des enfants ne permettaient de surmonter les fausses déclarations délibérées de M. Zou. La SAI n’était donc pas disposée à exercer son pouvoir discrétionnaire et à faire droit à l’appel de M. Zou pour des motifs d’ordre humanitaire.

III.  La question en litige et la norme de contrôle applicable

[12]  La question en litige déterminante dans la présente demande consiste à savoir si l’évaluation par la SAI des facteurs d’ordre humanitaire dans le dossier de M. Zou à la lumière des fausses déclarations qu’il avoue avoir faites était raisonnable.

[13]  Les parties soutiennent – et je suis d’accord avec elles – que la décision doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au par. 10 (Vavilov)). Aucune des situations décrites par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov qui permettent de s’écarter de la présomption de contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne s’applique en l’espèce.

[14]  Dans l’arrêt Vavilov, les juges majoritaires ont établi des balises à l’intention des cours de révision concernant l’application de la norme de la décision raisonnable. J’ai appliqué ces balises lors de mon examen, en faisant preuve de retenue, mais en procédant à un contrôle rigoureux de la décision afin de déterminer si celle‑ci est intrinsèquement correcte et justifiée (Vavilov, aux par. 12 à 15, 85 et 86 et 99; voir aussi Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, aux par. 28 et 29).

IV.  Analyse

[15]  M. Zou a interjeté appel auprès de la SAI en application du paragraphe 63(3) de la LIPR. Les circonstances dans lesquelles la SAI peut accueillir un appel fondé sur le paragraphe 63(3) sont énoncées au paragraphe 67(1) de la LIPR. Les dispositions pertinentes sont les suivantes : 

Fondement de l’appel

Appeal allowed

67 (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

67 (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

[...]

[…]

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

[16]  L’évaluation par la SAI des motifs d’ordre humanitaire en application de l’alinéa 67(1)c) est discrétionnaire et varie selon les faits propres à chaque dossier. Conformément à la jurisprudence antérieure à l’arrêt Vavilov, la révision de l’exercice de cette discrétion appelle une retenue considérable (Islam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 80, aux par. 7 et 8; Vavilov, au par. 85).

[17]  Les facteurs de la décision Ribic invoqués en l’espèce constituent le cadre d’analyse reconnu permettant à la SAI d’établir s’il y a lieu de prendre une mesure spéciale d’ordre humanitaire contre le renvoi (El Houkmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1306, au par. 12). M. Zou soutient que, dans son cas, la SAI a accordé une attention déraisonnable aux fausses déclarations qu’il admet avoir faites, au point qu’aucun facteur d’ordre humanitaire ne puisse justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Il fait valoir que le tribunal a omis de correctement tenir compte des autres facteurs favorables établis dans la décision Ribic, plus précisément son établissement au Canada et l’intérêt supérieur de ses enfants.

[18]  L’assertion de M. Zou voulant que la SAI ait été [traduction] « aveuglée » par l’aversion pour le comportement qu’il avait adopté en 2005 en contractant un mariage de convenance, ne trouve pas appui dans la décision. Le tribunal a conclu de façon raisonnable que M. Zou et sa première épouse se sont livrés d’une manière soutenue à une conduite qui a trompé les autorités de l’immigration canadienne et qui a permis à M. Zou d’entrer au Canada grâce à un mariage de convenance. La SAI a établi que les fausses déclarations constituaient une grave tentative de manipuler le système d’immigration canadien, mais la désapprobation qu’elle a nettement exprimée à l’égard de la conduite de M. Zou n’a pas imprégné le reste son analyse.

[19]  Dans la décision, le tribunal a examiné l’établissement de M. Zou au Canada mentionnant la nature authentique de sa relation actuelle; ses antécédents de travail au Canada et le fait qu’il est le seul soutien de famille; le fait qu’il est propriétaire d’une maison; sa situation financière; et son implication auprès de ses trois enfants. La SAI a examiné les difficultés que risquerait de subir la famille si M. Zou était renvoyé en Chine ainsi que les répercussions d’un déménagement en Chine sur la famille dans son ensemble et sur les trois enfants, en accordant une attention particulière à leur accès à l’éducation et aux soins de santé en Chine. Le tribunal a également examiné les répercussions du renvoi de M. Zou seul, sans sa famille. Enfin, la SAI a effectué une analyse distincte de l’intérêt supérieur des enfants. La conclusion de la SAI que les facteurs d’ordre humanitaire invoqués par M. Zou ne l’emportaient pas sur la gravité de ses fausses déclarations et ne justifiaient pas la prise d’une mesure spéciale ne signifie pas que le tribunal a été aveuglé par les fausses déclarations ou que son évaluation des facteurs établis dans la décision Ribic n’était pas raisonnable (Nguyen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 27, au par. 35).

[20]  M. Zou conteste en particulier le fait que la SAI a apparenté sa conduite de 2005 à une manipulation du processus d’immigration canadien, et précisé que « cela ne peut être toléré ». Il affirme qu’en s’exprimant en ces termes, le tribunal ne tient pas compte du principe fondamental sous‑tendant l’alinéa 67(1)c) de la LIPR, lequel présuppose que le demandeur a fait preuve d’inconduite et prévoit que la SAI est tenue d’effectuer une évaluation des facteurs d’ordre humanitaire et d’envisager la prise d’une mesure spéciale.

[21]  Je ne trouve pas l’argument de M. Zou convaincant. Ce n’est pas parce que l’alinéa 67(1)c) présuppose une inconduite antérieure qu’il n’est pas loisible à la SAI de tenir compte des circonstances et de la gravité de l’inconduite dans son examen d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. En fait, la gravité des fausses déclarations figure parmi les facteurs établis dans la décision Ribic. De plus, il faut lire la décision dans son ensemble, et non pas comme une série de déclarations indépendantes les unes des autres. Comme il est mentionné plus haut, la vive désapprobation exprimée à l’égard de la conduite de M. Zou n’a pas incité la SAI à écarter ou à minimiser de façon déraisonnable les éléments de preuve pertinents en ce qui concerne les autres facteurs établis dans la décision Ribic.

[22]  M. Zou soutient que la SAI a commis une erreur dans l’appréciation des remords qu’il avait exprimés. Il fait valoir que le remords est un sentiment intime et que la conclusion du tribunal laisse entendre qu’à moins qu’un demandeur n’avoue son inconduite de sa propre initiative, il ne pourra jamais manifester suffisamment de remords. Pour sa part, le défendeur soutient que la SAI a examiné de façon raisonnable les remords qu’a exprimés M. Zou à la lumière du fait que lui et sa première épouse ont constamment nié l’existence d’un mariage de convenance lors de leur appel accueilli par la SAI en 2006.

[23]  Je ne trouve pas d’erreur dans l’appréciation que fait la SAI des remords exprimés par M. Zou. Ce dernier a persévéré dans ses fausses déclarations jusqu’à ce qu’il fasse l’objet d’une enquête par l’ASFC, et rien dans les observations que M. Zou à présentées en 2003 à l’ASFC pour demander une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne permet de croire qu’il regrettait les actes qu’il avait commis en 2005. M. Zou a présenté des excuses pour ses fausses déclarations à la SI en 2006, ce que la SAI reconnaît, mais le tribunal n’a relevé aucun élément de preuve permettant de conclure à l’existence de véritables remords. En fait, M. Zou a plutôt justifié sa conduite et n’a présenté des excuses que tard dans les démarches d’exécution de la loi en matière d’immigration. Je conclus que le dossier et la jurisprudence appuient la conclusion de la SAI (voir, p. ex., Pu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF, aux par. 17 à 19).

[24]  M. Zou affirme aussi que la SAI a essentiellement compté deux fois la gravité de son inconduite en 2005. Selon lui, alors que le tribunal a établi que son établissement représentait un facteur favorable, il a aussi évalué l’établissement en fonction des fausses déclarations et a écarté de manière déraisonnable ses efforts et ses réalisations. Il ajoute que la SAI a commis une erreur en concluant que son établissement reposait sur ses fausses déclarations.

[25]  La SAI a évalué l’établissement de M. Zou au Canada et a déclaré qu’il s’agit clairement d’un facteur favorable dans l’évaluation de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Le tribunal a évalué l’établissement à travers le prisme des fausses déclarations de M. Zou et a attribué peu d’importance à l’établissement. Je conclus que la SAI n’a pas commis d’erreur dans son évaluation des deux facteurs établis dans la décision Ribic pour arriver à sa décision. Comme l’a fait observer le juge Southcott dans la décision Shen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 620, aux paragraphes 24 à 27 (Shen), la SAI n’est pas tenue d’évaluer chacun des facteurs établis dans la décision Ribic séparément puis d’en faire la somme en fin d’exercice (Wang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 705, aux par. 24 et 25). Il importe d’insister sur le fait que le tribunal n’a pas compté deux fois les fausses déclarations dans ses conclusions. En effet, après avoir comparé le poids des fausses déclarations à celui du degré d’établissement de la famille au Canada, la SAI a procédé à l’analyse des autres facteurs établis dans la décision Ribic sans faire mention des fausses déclarations. Enfin, la SAI n’a pas commis d’erreur en soulignant que les fausses déclarations de M. Zou avaient facilité son établissement (Shen, aux par. 25 et 27).

[26]  Il reste à établir si la SAI a tenu compte de façon raisonnable de l’intérêt supérieur des enfants de M. Zou. Ce dernier affirme que les enfants n’auraient pas accès à des services d’éducation ni à des services de soins de santé en Chine et que la SAI a commis une erreur dans son analyse de cet aspect. Or, il incombait à M. Zou d’établir l’existence de motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier la prise d’une mesure spéciale. M. Zou était conscient de l’éventualité d’un déménagement en Chine pour sa famille; il lui appartenait donc de faire la preuve de facteurs qui auraient empêche un tel déménagement et de tous les effets défavorables particuliers sur les enfants, au‑delà de la perturbation (Fouda c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 1176, au par. 40). Le dossier contient peu d’éléments de preuve corroborant l’argument de M. Zou selon lequel les enfants ne bénéficieraient pas d’une éducation et de soins de santé adéquats en Chine. La SAI a explicitement traité de ce manque de preuves dans la décision, en faisant remarquer que les documents fournis par M. Zou au sujet des soins de santé en Chine n’étaient pas suffisamment lisibles. Je conclus que l’analyse de la SAI était raisonnable au vu du dossier.

[27]  M. Zou soutient que l’analyse de la SAI contraste de manière frappante avec d’autres décisions de la SAI dans des dossiers dont les faits et les éléments de preuve étaient très semblables aux siens (Li c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CanLII 129859 (14 septembre 2018) et Wang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), dossier de la SAI no TB6‑14318 (17 juillet 2019) (collectivement appelées « les décisions de la SAI »).

[28]  J’ai examiné l’argument de M. Zou ainsi que la récente déclaration de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov portant sur l’importance de l’uniformité des décisions administratives (Vavilov, aux par. 129 à 132). La Cour suprême a souligné que les décideurs administratifs ne sont pas liés par leurs décisions antérieures ni par la règle du stare decisis, mais que, s’ils s’écartent d’une pratique de longue date ou d’une jurisprudence interne constante, il leur appartient d’expliquer cet écart dans leurs motifs (Vavilov, au par. 131) :

[131]  La question de savoir si une décision en particulier est conforme à la jurisprudence de l’organisme administratif est elle aussi une contrainte dont devrait tenir compte la cour de révision au moment de décider si cette décision est raisonnable. Lorsqu’un décideur s’écarte d’une pratique de longue date ou d’une jurisprudence interne constante, c’est sur ses épaules que repose le fardeau d’expliquer cet écart dans ses motifs. Si le décideur ne s’acquitte pas de ce fardeau, la décision est déraisonnable. […]

[29]  M. Zou ne prétend pas que les décisions de la SAI reflètent une pratique de longue date ou une jurisprudence interne constante de la SAI; il ne prétend pas non plus que la SAI est liée par les décisions. Il reconnaît aussi que le tribunal n’avait pas été saisi de ces décisions au moment de l’examen de son appel. Cela étant dit, M. Zou affirme qu’il était inéquitable et déraisonnable pour la SAI d’arriver, dans son dossier, à une conclusion contraire à celle d’autres dossiers dont les faits sont semblables.

[30]  J’ai examiné les décisions de la SAI à la lumière de la situation de M. Zou, des éléments de preuve dont disposait le tribunal ainsi que de la décision, en gardant à l’esprit que la SAI a pour tâche, dans chaque dossier, d’évaluer les éléments de preuve et les témoignages qui lui sont présentés et de tirer une conclusion raisonnable. En l’espèce, le dossier contenait peu d’éléments de preuve sur le droit chinois ou sur l’accessibilité des soins de santé ou de l’éducation en Chine pour la famille Zou. En revanche, dans les décisions de la SAI, le tribunal décrit en détail les éléments de preuve dont il a été saisi sur ces aspects et leur pertinence pour les familles en cause.

[31]  En l’espèce, il était loisible à la SAI de conclure que les observations et les éléments de preuve présentés par M. Zou à l’appui de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants pour justifier la prise d’une mesure discrétionnaire, compte tenu des fausses déclarations de 2005 et de l’absence de remords authentiques. Les motifs sur lesquels le tribunal a fondé sa conclusion sont justifiés dans la décision en l’espèce. Par conséquent, la demande est rejetée.

[32]  Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et il ne s’en pose aucune en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4317‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28jour d’avril 2020.

Semra Denise Omer, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4317‑19

 

INTITULÉ :

ZHI MING ZOU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 MARS 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 12 MARS 2020

 

COMPARUTIONS :

Leonard H. Borenstein

 

POUR lE DEMANDEUR

 

Melissa Mathieu

 

POUR le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leonard H. Borenstein

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR lE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR le défendeur

 

 

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