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Date : 20200310


Dossier : T-1673-17

Référence : 2020 CF 323

[TRADUCTION FRANÇAISE]

RECOURS COLLECTIF

ENTRE :

CHERYL TILLER, MARY-ELLEN COPLAND ET DAYNA ROACH

demanderesses

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

(Honoraires d’avocat)

LE JUGE PHELAN

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une requête présentée par les avocats du groupe visant l’approbation des honoraires à payer en application de l’article 334.4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Les honoraires en cause sont de six millions de dollars (plus les taxes applicables) que la défenderesse a accepté de payer au titre des honoraires des avocats du groupe ainsi qu’un pourcentage additionnel de 15 % (plus les taxes applicables) de l’indemnisation individuelle allouée à chaque membre du groupe admissible aux termes de l’accord de règlement.

[2]  Conformément à l’article 334.4 des Règles, tout paiement à un avocat à l’issue d’un recours collectif doit être approuvé par la Cour. La Cour doit veiller à ce que les honoraires d’avocats accordés à l’avocat du groupe soient « justes et raisonnables » dans l’ensemble des circonstances (voir la décision Manuge c Canada, 2013 CF 341, au paragraphe 28 [Manuge]).

II.  Contexte

[3]  Les détails du recours collectif et de l’accord de règlement sont énoncés dans les motifs de l’ordonnance dans lesquels est approuvé l’accord de règlement.

[4]  Les honoraires des avocats du groupe dans la présente action ont été négociés séparément après une entente sur les modalités essentielles de l’accord. La convention d’honoraires initiale établie entre les parties a été remplacée par la convention d’honoraires du 24 juin 2019 (la convention d’honoraires) qui fait l’objet de la présente requête.

[5]  La convention d’honoraires fait état d’une contribution aux honoraires des avocats du groupe de la part de la défenderesse de 6 millions de dollars (taxes en sus). Selon la convention, chaque membre du groupe est tenu de payer 15 % (taxes en sus) de leur indemnité versée, à l’exception de tout montant d’argent payé en application de l’accord de règlement pour le remboursement des coûts engagés pour obtenir des documents médicaux et des frais de déplacement pour se rendre à une entrevue en personne avec l’évaluateur.

[6]  La convention d’honoraires couvre la période allant jusqu’à l’approbation de l’accord de règlement. Les avocats du groupe ne sont pas tenus d’offrir de services après l’approbation, mais si l’un des membres du groupe retient les services des avocats de Klein Lawyers ou de Higgerty Law pour aider à préparer une demande, les honoraires seront de 18 % du recouvrement des membres du groupe – il n’y aura pas d’honoraires ni de frais pour l’interrogatoire préalable en l’absence de recouvrement.

[7]  Les parties soulignent qu’avec une contribution de 6 millions de dollars et des honoraires de 15 % de chaque versement, et en supposant un paiement total au titre du règlement de 100 millions de dollars, les honoraires des avocats du groupe s’élèvent en fait à 21 % du paiement présumé.

[8]  Conformément à la convention d’honoraires, 70 % des honoraires seront payables à Klein Lawyers et 30 %, à Higgerty Law. Les cabinets sont d’avis qu’une telle répartition représente de manière juste le travail effectué par chacun des cabinets.

[9]  Des dispositions ont été prises quant à la contribution de la demanderesse, à la retenue de la distribution de celle-ci jusqu’à l’issue des appels et aux détails administratifs habituels concernant les sommes d’argent en fiducie en attendant un règlement définitif. Fait important, c’est l’administrateur qui calcule les honoraires de 15 % dans chaque cas et qui verse les proportions susmentionnées.

[10]  La Cour souligne que rien n’indique d’opposition à la convention d’honoraires.

III.  Analyse

[11]  Tel qu’il est indiqué dans la décision McLean c Canada, 2019 CF 1077, en ce qui a trait aux honoraires, sans égard à un accord entre les avocats du groupe et le défendeur, la Cour est tenue de déterminer ce qui est « juste et raisonnable », une tâche qui se complique lorsqu’il n’y a pas d’autres observations à faire valoir sur la question en litige, comme celles d’un intervenant désintéressé ou une opposition.

[12]  La Cour fédérale a fixé un ensemble établi de facteurs non exhaustifs qui lui permet de déterminer ce qui est « juste et raisonnable ». Dans la décision Condon c Canada, 2018 CF 522, au paragraphe 82 [Condon]; la décision Merlo c Canada, 2017 CF 533, aux paragraphes 78 à 98 [Merlo-Davidson] et Manuge, au paragraphe 28, les facteurs comprennent notamment les suivants :

  • les résultats obtenus;

  • les risques pris;

  • le temps consacré;

  • la complexité de l’affaire;

  • l’importance de l’affaire pour les demanderesses;

  • le niveau de responsabilité assumé par les procureurs;

  • les qualités et la compétence des procureurs;

  • la capacité du groupe à payer;

  • les attentes du groupe;

  • les honoraires dans des cas semblables.

[13]  Les observations de la Cour suivent, mais il convient de garder à l’esprit que les facteurs ont un poids différent d’une affaire à l’autre et que le risque et les résultats demeurent les facteurs essentiels de toute analyse (Condon, au paragraphe 83).

A.  Résultats obtenus

[14]  Les avocats du groupe ont été chargé de l’affaire pendant deux ans et ont entrepris d’importantes négociations en vue d’un règlement. Le groupe couvert est vaste et comprend les femmes qui ont travaillé ou pratiqué le bénévolat au sein de la Gendarmerie royale du Canada – mais qui n’étaient pas employées par la Gendarmerie royale – et qui ont fait l’objet de harcèlement ou de discrimination fondé(e) sur le genre ou l’orientation sexuelle dans un lieu de travail contrôlé par la Gendarmerie royale du Canada.

[15]  La structure et les montants d’argent du règlement sont très semblables à ceux de Merlo-Davidson. Le bien-fondé de l’accord de règlement a déjà été abordé. Il offre d’importants avantages sans le fardeau d’une procédure contentieuse.

B.  Risques

[16]  Sans vouloir amoindrir les efforts des avocats du groupe, les risques allégués, bien qu’ils existent, sont exagérés. Il n’est pas raisonnable de s’être attendu à ce que la Gendarmerie royale du Canada ne reconnaisse pas la conduite transgressive de ses membres à l’égard de personnes qui ne font pas partie de ses membres, en particulier après Merlo-Davidson et la déclaration du commissaire dans laquelle il exprime ses regrets ainsi qu’un changement de la culture de l’organisation.

[17]  Dans Manuge, le juge Barnes a mis l’accent sur les risques qui peuvent être évalués au moment où le dossier est pris en charge par les avocats et non avec le recul. Au moment où Merlo-Davidson a été introduite, les risques étaient considérablement différents des risques pris en l’espèce.

[18]  Même si une certaine forme de règlement était raisonnablement prévisible dans un ou plusieurs appareils judiciaires, la Cour a reconnu qu’il existe des risques inhérents au processus de règlement même, y compris la nécessité de l’approbation de la Cour. Comme il a été dit dans l’arrêt Parsons v Canadian Red Cross Society, 49 OR (3d) 281, au paragraphe 37, [2000] OJ No 2374 [Parsons] :

[traduction]

[37]  De plus, la législation autorisant les recours collectifs introduit plusieurs caractéristiques qui distinguent ces actions d’un litige ordinaire. Un des aspects qui alourdit le risque inhérent aux recours collectifs est l’exigence que tout règlement conclu soit approuvé par la cour. De longues négociations nécessitent que les avocats et les parties y consacrent du temps et des ressources. Cependant, la cour n’approuvera pas un règlement de recours collectif qu’elle juge ne pas être dans le meilleur intérêt du groupe, et ce, sans égard à la question de savoir si les avocats du groupe sont d’avis contraire. Par conséquent, les avocats du groupe peuvent se trouver dans la situation d’avoir consacré du temps et des ressources en vue de la négociation d’un règlement, qu’ils croient être dans le meilleur intérêt du groupe, seulement pour réaliser que la cour n’approuvera pas le règlement qui a été conclu. […]

[19]  Le risque, abordé dans Parsons, qu’un défendeur fasse durer les négociations et augmenter le coût assumé par les avocats du groupe ne s’est pas produit en l’espèce et il n’était pas vraisemblable qu’il se produise. En réalité, cette affaire entrée dans une phase de négociation de bonne foi peu après l’introduction de la demande.

[20]  Il est incontestable que la prise en charge de la présente affaire n’a pas été sans difficultés, y compris, sans s’y limiter, la collecte de renseignements, la diversité des liens avec la Gendarmerie royale du Canada, le moment où la demande a été présentée et les potentiels délais de prescriptions des demandes. Au vu de l’expérience acquise dans Merlo-Davidson, Klein Lawyers était bien placé pour traiter ces questions qui reviennent dans la majeure partie de ce type de procédure contentieuse.

[21]  Par conséquent, il n’est pas surprenant qu’aucun autre cabinet n’ait essayé d’introduire une demande. Rien ne prouve qu’aucun des potentiels membres du groupe n’a abordé d’autres avocats pour introduire une demande. L’absence de cabinet concurrent n’est pas une preuve de risque, mais d’une position privilégiée sur le marché des avocats du groupe.

[22]  Le risque assumé, et plus particulièrement, le fardeau de s’occuper du dossier, était cependant assez important compte tenu de la taille des deux cabinets juridiques. Comme le montrent les éléments de preuve du dossier, les cabinets ont consacré des ressources considérables à ce dossier. Les membres des équipes juridiques ont mis en suspens les autres dossiers dont s’occupe leur cabinet, bien que cela soit un risque que doit prendre tout avocat qui accepte un mandat de représentation.

[23]  De plus, il n’est pas nécessaire que les avocats du groupe [traduction] « jouent le tout pour le tout » (tel qu’il a été indiqué dans Parsons). Il convient d’admettre que les avocats ont pris certains risques dont on ne peut nier l’existence, même s’ils ne sont pas aussi importants que l’ont affirmé les avocats du groupe.

C.  Temps consacré

[24]  La Cour est convaincue que les avocats du groupe ont consacré beaucoup de temps et de ressources à la clôture de ce dossier. Le type de travail accompli est indiqué dans l’affidavit Tanjuatco; il s’agit des activités habituelles d’avocats chargés de négocier un règlement et d’y parvenir.

[25]  L’expérience acquise par les avocats du groupe lors du règlement Merlo-Davidson leur a permis de bénéficier d’avantages dont un nouvel avocat n’aurait pas forcément pu profiter.

[26]  Sans qu’il soit nécessairement déterminant, le temps consacré est un facteur à prendre en compte. Notre Cour a écarté l’application automatique d’un multiplicateur sur lequel fonder les honoraires. La question a été examinée de manière approfondie par le juge Barnes dans la décision Manuge, plus précisément au paragraphe 49 :

[49]  La défenderesse met considérablement l’accent sur la valeur relativement faible des heures de travail professionnel consacrées par les avocats du groupe et elle fait ensuite valoir que le modificateur habituel, situé entre 1,5 et 3,5, devrait être employé. Cela me semble simpliste et en grande partie insensible aux facteurs militant en faveur d’un recouvrement majoré. Il convient de récompenser l’efficacité dont les avocats ont fait preuve dans l’obtention d’un excellent résultat, et non de la décourager au moyen de l’application rigide d’un multiplicateur aux heures de travail consacrées. En l’espèce, je souscris aux opinions exprimées par le juge George Strathy dans la décision Helm c Toronto Hydro-Electric System Ltd, 2012 ONSC 2602, [2012] OJ no 2081, aux paragraphes 25 à 27 :

[traduction]

25  Les honoraires proposés représentent une majoration importante en comparaison à une situation où ils seraient calculés en fonction de la multiplication du temps consacré par les taux horaires réguliers. Est‑ce que cela justifie pour autant de refuser de tels honoraires? Seraient‑ils plus appropriés, ou moins appropriés, si le règlement avait été conclu quatre années plus tard, à la veille du procès, alors que plus d’un million de dollars en heures de travail facturable auront été accumulées? Les avocats ne devraient-ils pas être récompensés pour avoir réussi à obtenir une conclusion rapide et louable quant au présent litige? Ne devraient-ils pas être félicités pour avoir adopté une stratégie dynamique et innovatrice à l’égard du jugement sommaire, laquelle a fait en sorte que le demandeur a pu entreprendre des négociations de règlement sérieuses et qui se sont en fin de compte avérées productives?

26  Les avocats du demandeur sont des professionnels sérieux, responsables, engagés et efficaces en matière de recours collectif. Ils font preuve d’esprit d’initiative. Ils accepteront certaines causes qu’ils perdront, ce qui leur occasionnera des conséquences importantes sur le plan financier. Ils accepteront des mandats relatifs à des affaires, pour lesquels ils ne seront pas payés pendant des années. À mon avis, ils devraient être généreusement compensés lorsqu’ils obtiennent des résultats excellents de manière rapide, comme en l’espèce.

27  Pour les présents motifs, j’approuve les honoraires.

[27]  Les avocats du groupe affirment qu’ils ne conservent pas de relevés de temps contemporains (« dossiers »). Certains avocats du groupe ont parfois laissé entendre que ce défaut avait tendance à entraîner une sous-estimation du travail. Puisque les heures de travail consacrées à un dossier sont un des facteurs utilisés pour déterminer des honoraires raisonnables, les avocats du groupe devraient peut-être revoir leur approche de gestion concernant l’enregistrement des dossiers de recours collectif.

Bien qu’une sous-estimation soit possible, la Cour doit tout de même tenir compte des éléments de preuve présentés.

[28]  Les avocats du groupe réclament environ 4,2 millions de dollars pour le temps consacré au dossier. Malgré la mise en garde de la Cour fédérale quant à l’utilisation de multiplicateurs, les avocats du groupe demandent en fait une multiplication par cinq.

[29]  Un fait plus pertinent, à mon avis, est que la contribution de la défenderesse représente environ 150 % de la valeur du temps consacré. Un surplus de 50 % par rapport au temps enregistré constitue un supplément conséquent dans la plupart des litiges.

D.  Complexité de l’affaire

[30]  Cette demande, comme presque tous les recours collectifs, présentait certaines difficultés; le droit procédural, le droit substantiel, les moyens de défense, la vaste portée géographique de la demande, les conditions de travail et les délais sont d’importants facteurs. Étant donné que les demanderesses n’entretiennent pas toutes les mêmes liens avec la Gendarmerie royale du Canada, cet aspect du litige aurait été plus complexe que dans la décision Merlo-Davidson.

[31]  Certains des risques ou des difficultés se sont effacés ou ont été grandement atténués à la suite du règlement Merlo-Davidson et parce que le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada a reconnu sa responsabilité relativement aux actes discriminatoires qui sont à la base de cette demande.

E.  Importance de l’affaire pour les demanderesses

[32]  L’importance du litige pour les représentantes des demandeurs et pour bon nombre des membres du groupe ne fait aucun doute. Les éléments de preuve contenus dans les affidavits et les rapports d’expert témoignent des préjudices psychologique, émotionnel et physique subis par les membres du groupe principal.

[33]  Bien que l’indemnisation soit généralement bien accueillie et qu’elle soit importante pour les membres du groupe, la reconnaissance publique des abus et la prise de responsabilités de la Gendarmerie royale du Canada pourraient, dans bien des cas, l’emporter de loin sur le gain financier. L’aspect émotionnel et l’aspect concret du règlement sont donc importants.

F.  Niveau de responsabilité assumé par l’avocat

[34]  L’action, engagée en 2017, découlait directement du règlement Merlo-Davidson. Compte tenu de l’importance des avocats du groupe (Klein Lawyers) dans Merlo-Davidson, comme je l’ai déjà dit, il n’est peut-être pas surprenant qu’aucun autre cabinet n’ait intenté de recours collectif. Le cabinet a été le « premier sur le marché » et en a tiré parti.

[35]  Toutefois, les avocats du groupe ont assumé l’entière responsabilité du dossier géré par deux petits cabinets; il n’y avait pas de consortium de cabinets d’avocats comme on en voit souvent dans les recours collectifs. Ils ont donc accepté une responsabilité importante, même si le niveau de risque n’était pas aussi élevé qu’ils le revendiquent. Ils ont démontré ce sens des responsabilités tout au long de l’instance.

G.  Qualités et compétences des avocats

[36]  Klein Lawyers est un cabinet réputé spécialisé dans les recours collectifs et Angela Bespflug est une avocate de haut rang dans ce domaine. Patrick Higgerty compte 32 années d’expérience dans les domaines pertinents et a travaillé à un certain nombre de recours collectifs.

[37]  Notre Cour, ayant également assuré la gestion de cette instance, a pu observer et confirmer le très grand professionnalisme des avocats du groupe et de ceux de la défenderesse.

H.  Capacité de payer des membres du groupe

[38]  Il n’y a que peu d’éléments de preuve directe concernant cette question, mais vu les niveaux d’indemnisation et puisqu’il n’y a pas d’actions individuelles concernant ces dommages-intérêts, on peut raisonnablement tirer l’une des conclusions suivantes : soit les membres du groupe ne pouvaient pas se permettre une poursuite de taille face à la Gendarmerie royale du Canada, soit l’analyse coûts-avantages à l’échelle individuelle ne justifiait généralement pas d’agir.

I.  Attentes du groupe

[39]  Les mandats de représentation conclus avec les avocats du groupe prévoyaient des honoraires d’avocat équivalant à 33 % de l’indemnité accordée. Ce pourcentage serait facile à justifier dans le cas d’une procédure contentieuse, mais il n’est pas justifié en l’espèce et les avocats du groupe n’ont pas l’intention de le facturer.

[40]  Les avocats du groupe proposent des honoraires de 15 % en plus de la contribution de six millions de dollars de la défenderesse. Ces honoraires s’inspirent de ceux de Merlo-Davidson, où la contribution était de 12 millions de dollars et les honoraires, de 15 %.

[41]  La défenderesse appuie les honoraires de 15 % pour assurer une certaine parité avec les membres du groupe dans Merlo-Davidson. Toutefois, la défenderesse se contente de verser une contribution équivalente à seulement 50 % de ce qu’elle a versé dans Merlo-Davidson.

[42]  La contribution combinée dans Merlo-Davidson (12 millions de dollars plus 15 %) a donné, dans les faits, des honoraires de 27 %. En appliquant les mêmes facteurs en l’espèce, on obtient des honoraires de 21 %.

[43]  Peu importe le bien-fondé des honoraires dans la décision Merlo-Davidson, chaque dossier doit être examiné selon ses circonstances propres. Le fait qu’un groupe ait payé des honoraires trop élevés (ou trop faibles) ne justifie pas un résultat identique dans une autre affaire.

[44]  La notion de parité réelle ne pourrait émerger que si les avocats du groupe remboursaient une somme indéterminée, mais appropriée, au groupe de la décision Merlo-Davidson. Or, rien de tel n’a été proposé.

[45]  Il n’existe pas de chiffre établi ou parfait pour établir le pourcentage des frais; ce dernier doit être juste et raisonnable. Il n’y a aucune raison d’appliquer à l’espèce la base de 15 % établie dans Merlo-Davidson puisque les difficultés, le travail et le risque différaient considérablement. La défenderesse a semblé reconnaître que sa responsabilité devrait se limiter à 50 % de ce qui a été établi dans Merlo-Davidson. On pourrait soutenir que les avocats du groupe ne devraient pouvoir réclamer que 50 % de ce pourcentage d’honoraires.

J.  Honoraires dans des affaires comparables

[46]  Il n’est pas inhabituel de voir, dans un mandat de représentation, des honoraires conditionnels de 33,33 %. Dans un contexte de règlement, les honoraires ont tendance à être moins élevés que cela et, dans de nombreux cas, ils sont nettement inférieurs à ce pourcentage.

[47]  Dans l’affaire de l’hépatite C (Parsons), les honoraires étaient de 3,5 %; dans Adrian v Canada (Minister of Health), 2007 ABQB 377 (Convention de règlement relative à l’hépatite C visant la période antérieure à 1986 et la période postérieure à 1990), ils étaient de 3,7 %; pour les pensionnats indiens (Baxter v Canada (Attorney General) (2006), 83 OR (3d) 481, au paragraphe 12, [2006] OJ No 4968), ils étaient de 4,5 %; pour la Rafle des années 1960 (Riddle c Canada, 2018 CF 641, et Brown v Canada (Attorney General), 2018 ONSC 5456), ils étaient de 4,6 %; enfin, dans Manuge, ils s’élevaient à 3,9 %.

[48]  Ces affaires permettent d’estimer que des honoraires de 15 % ne sont ni justes ni raisonnables. Il faut toutefois établir des distinctions quant à certains de ces précédents qui étaient des règlements de grande envergure. Cela pourrait aller dans le sens d’un léger rajustement à la hausse dans ce règlement plus modeste que les exemples cités et pour lequel on n’a pas le volume de réclamations prévu.

[49]  Je constate que contrairement à certaines des affaires susmentionnées, les avocats du groupe, en l’espèce, n’incluent pas dans leurs honoraires la prestation de services après le règlement.

IV.  Conclusion

[50]  Les avocats du groupe reçoivent une prime sur le temps consacré au dossier; leurs honoraires ne prévoient pas la prestation de services après le règlement. En tenant compte de tous les facteurs examinés plus haut et en reconnaissant la contribution limitée fournie par la défenderesse, j’estime que des honoraires conditionnels de 7 % constituent une indemnisation juste et raisonnable vu toutes les circonstances.

[51]  Une ordonnance en ce sens sera rendue.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

le 10 mars 2020

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1673-17

 

INTITULÉ :

CHERYL TILLER, MARY-ELLEN COPLAND ET DAYNA ROACH c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 octobre 2019

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

le 10 mars 2020

 

COMPARUTIONS :

Angela Bespflug

David Klein

Janelle O’Connor

 

Pour les demandeurs

CHERYL TILLER ET MARY-ELLEN COPLAND

 

Patrick Higgerty, c.r.

POUR LA DEMANDERESSE

DAYNA ROACH

Donnaree Nygard

Mara Tessier

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Klein Lawyers LLP

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour les demandeurs

CHERYL TILLER ET MARY-ELLEN COPLAND

 

Higgerty Law

Avocats

Calgary (Alberta)

 

Pour la demanderesse

DAYNA ROACH

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour la défenderesse

 

 

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