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Date : 20010913

Dossier : ITA-3600-97

Référence neutre : 2001 CFPI 1019

Ottawa (Ontario), le jeudi 13 septembre 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

SA MAJESTÉ, REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et par L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

défendeurs

et

RODNEY CHARLES MAXWELL STICKLE

demandeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]         Les présents motifs se rapportent à un tracteur de marque « Ditch Witch » , à une tarière (avec cinq mèches de tarière), à une remorque orange, à deux boîtes à outils Mastercraft et à des outils, à un camion King Cab et à deux véhicules d'époque. Par une ordonnance en date du 20 février 2001, Monsieur le juge Campbell a ordonné la tenue d'une audience, en se fondant sur un témoignage oral et sur la présentation de documents, en vue de déterminer à qui appartenaient ces actifs, la valeur des actifs, à part le camion et les véhicules d'époque, et certaines questions relatives aux dépens. Le juge Campbell a rendu l'ordonnance dans les circonstances suivantes.

[2]         Le 29 avril 1997, un certificat établi en vertu du paragraphe 223(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e supp.), ch. 1 (la Loi) a été déposé devant la présente Cour (le certificat); il y était attesté que M. Stickle devait 238 209,73 $ à Sa Majesté, représentée par le ministre du Revenu national et par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC). Le 29 avril 1997, un bref de saisie et de vente au montant de la dette plus les intérêts et les frais a été délivré. Le 6 décembre 2000, des marchandises ont été saisies par un huissier travaillant pour l'agence Shortridge Civil Enforcement Agency conformément aux instructions d'un représentant de l'ADRC. M. Stickle a alors demandé la main-levée de la saisie à l'égard de certains biens du moins, en affirmant qu'il n'était pas propriétaire de tous les biens qui avaient été saisis.

[3]         Par la suite, le « Ditch Witch » , la tarière et les mèches, la remorque orange, les boîtes à outils Mastercraft et les outils ont été retournés à M. Stickle.


[4]         Le 20 février 2001, après avoir entendu les plaidoiries, le juge Campbell a ordonné qu'une audience soit tenue pour qu'il soit statué sur les questions susmentionnées, et notamment sur la question de savoir qui paierait les frais de retour des véhicules saisis le 6 décembre 2000, véhicules qui, avait-il été conclu, n'appartenaient pas à M. Stickle. En ce qui concerne tout bien exempté de la saisie en vertu de la législation applicable, l'article 88 de la Civil Enforcement Act, S.A. 1994, ch. C-10.5, le juge Campbell a statué que conformément à l'alinéa 37(1)d) du Civil Enforcement Regulations, Alta. Reg. 276/95, l'exemption maximale que M. Stickle pouvait réclamer pour les biens meubles lui appartenant s'élevait à 10 000 $.

[5]         Aucun appel n'a été interjeté contre l'ordonnance du juge Campbell.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[6]         À l'audience qui a eu lieu devant moi, M. Stickle et les défendeurs ont cherché à présenter des requêtes supplémentaires. M. Stickle a cherché à présenter une [TRADUCTION] « Requête visant à la production - Maintien de la réparation » décrite dans un addenda joint à la requête initiale par laquelle il s'opposait à la saisie. Au moyen de la présente requête, M. Stickle cherche fondamentalement à contester l'existence de l'obligation fiscale dont le certificat fait foi. Les défendeurs ont sollicité l'autorisation de présenter à bref délai une requête autorisant la vente des biens saisis.


[7]         La demande de M. Stickle a été rejetée à l'audience et le retour des documents relatifs à la requête qui n'avaient pas été déposés a été ordonné pour le motif que l'ordonnance du juge Campbell prévoyait expressément que seules les questions mentionnées seraient instruites. Aucun appel n'a été interjeté contre cette ordonnance. La demande des défendeurs a été rejetée pour le motif que l'on n'avait établi aucune urgence permettant d'abréger le délai prescrit aux fins de la signification et du dépôt des documents relatifs à la requête.

[8]         Après avoir examiné ces questions préliminaires, la preuve a été fournie par l'entremise de huit témoins. À la fin de l'audition de la preuve fournie par les parties, le juge a rendu une ordonnance exigeant la présentation d'observations écrites limitées aux questions énoncées dans l'ordonnance du juge Campbell et à la preuve présentée à l'audience. Aucun nouvel élément de preuve n'a été soumis.

[9]         Des observations écrites conformes aux restrictions prévues dans l'ordonnance quant au nombre de pages ont été signifiées et déposées dans le délai imparti par l'ordonnance. Toutefois, M. Stickle a présenté de longues plaidoiries au sujet de l'existence de la dette en cause, des présumées erreurs commises par l'ADRC et de la question de savoir si, contrairement à l'ordonnance du juge Campbell, il avait droit aux exemptions en sa qualité d'agriculteur. M. Stickle a également cherché à joindre des documents qui n'avaient pas été produits à l'instruction. Je n'ai pas tenu compte des plaidoiries susmentionnées et de la preuve, et ce, pour les motifs suivants.


[10]       Premièrement, la Loi est un code exhaustif relatif à la perception de l'impôt. Le contribuable qui reçoit un avis de cotisation et qui conteste son obligation peut déposer un avis d'objection et peut interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt. Toutefois, lorsqu'un certificat est déposé devant la présente Cour conformément à l'article 223 de la Loi, la Cour n'a pas compétence pour enquêter sur le bien-fondé de la cotisation. Voir Marcel Grand Cirque Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national) (1995) 107 F.T.R. 18, et par analogie avec la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, voir Olympia Interiors Ltd. c. Canada (1998) 98 DTC 6306.

[11]       Deuxièmement, l'ordonnance du juge Campbell précisait l'exemption applicable à laquelle M. Stickle avait droit. Cette ordonnance n'a pas été portée en appel; elle est déterminante sur ce point.

[12]       Enfin, non seulement l'ordonnance prévoyant la présentation de plaidoiries écrites disait-elle qu'aucun nouvel élément de preuve ne pouvait être soumis, mais aussi l'équité empêche de tenir compte de la preuve documentaire obtenue après l'instruction, laquelle n'avait pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire et n'aurait de toute façon pas été admissible à l'audience à titre de document commercial.

LA CHARGE DE LA PREUVE


[13]       Je crois qu'avant d'examiner la preuve, il est utile de déterminer qui a la charge d'établir à qui appartiennent les biens saisis. La présente Cour a statué que lorsque des biens sont saisis et qu'un tiers déclare être en totalité ou en partie propriétaire des actifs saisis, il incombe au tiers d'établir à qui appartiennent ces actifs : 384238 Ontario Ltd. c. La Reine, [1981] C.T.C. 295 (C.F. 1re inst.); confirmé (1983), 52 N.R. 206 (C.A.F.); autorisation de pourvoi refusée (1984), 8 D.L.R. (4th) 676 (C.S.C.).

[14]       La jurisprudence de l'Alberta, qui s'applique compte tenu de la règle 448 des Règles de la Cour fédérale (1998) puisque la saisie a eu lieu en Alberta, est similaire, eu égard aux circonstances dont la Cour est maintenant saisie. Dans la décision Riczu c. Indigion Holdings Ltd. (1997), 207 A.R. 318, le protonotaire Waller a examiné le droit en faisant les remarques suivantes :

[TRADUCTION]

3              En général, il incombe au créancier saisissant de prouver que les marchandises saisies sont celles du débiteur. Toutefois, dans certaines circonstances, cette charge passe à la partie qui réclame les marchandises.

4              Dans la décision Korpus v. W.F. Botkin Construction Ltd. [1994] S.J. no 6, p. 1, une voiture Pierce Arrow 1935 avait été saisie chez le père du débiteur. Le père avait produit un acte de vente qui, selon le créancier, était factice. Le juge Halverson a examiné comme suit les principes applicables :

[par. 4] En général, il incombe au créancier saisissant de prouver qu'il a le droit de saisir les biens particuliers du débiteur. Cependant, lorsque les marchandises sont en la possession du débiteur, il existe une présomption voulant que ces marchandises appartiennent à celui-ci et que la charge passe au réclamant, qui doit alors établir son titre de propriété (voir Hudson Bay Company v. Macaskill et. al. (1983), 27 Sask.R. 81 (B.R. Sask.)). Si l'on applique cette présomption en l'espèce, le demandeur est tenu d'établir que le véhicule lui appartient.


[par. 5] La jurisprudence a établi trois autres principes utiles. Premièrement, le réclamant doit démontrer l'existence d'une vente véritable accompagnée de la livraison immédiate et d'un changement continu de possession (voir Morrow v. Western Empire Life Assurance Company, Limited, [1933] 2 W.W.R. 393 (C.A. Sask.) et Belair v. Banque d'Hochelaga, [1923] 2 W.W.R. 771 (C.A. Sask.)). Deuxièment, lorsque les marchandises appartenaient au débiteur saisi avant la saisie et qu'elles ont été cédées à un proche parent dans des circonstances suspectes, il incombe encore une fois au réclamant de prouver le droit de propriété (voir Massey-Harris Company, Limited et al. v. Dell, [1919] 1 W.W.R. 1032 (C.A. Sask.)). Troisièmement, il est souhaitable que l'assertion du réclamant soit corroborée lorsque la vente est conclue en faveur d'un parent (voir Kushner v. Yasinka, [1927] 3 W.W.R. 328 (C.A. Sask.) et Avco Financial Services Canada Limited v. Zacharias et al. and Stevens, [1977] 3 W.W.R. 697 (C.D. Sask.)). Comme il en a déjà été fait mention, ces principes ne sont pas obligatoires en l'espèce, mais ils sont utiles lorsqu'il s'agit d'apprécier la charge qui incombe au demandeur.

5              Compte tenu des liens de parenté qui existent en l'espèce et du fait que le locataire débiteur avait les marchandises en sa possession au moment de la saisie-gagerie, je suis convaincu que le père du demandeur a fortement l'obligation de démontrer que les marchandises lui appartiennent. En l'absence de quelque document concret, une déclaration sous serment ne suffit pas.

6              Dans la décision Cisakowski v. Fikete (1984) 35 Alta L.R. (2d) 392, un locataire a tenté d'affirmer que certaines marchandises saisies appartenaient en fait à une société distincte de la sienne. En rejetant la demande, le juge en chef adjoint Miller, de la Cour du Banc de la Reine, définit clairement le degré de preuve nécessaire en faisant les remarques suivantes :

À mon avis, il incombe à 112600 de présenter au moins certains éléments de preuve au lieu de se contenter de fournir une simple déclaration dans un affidavit établissant que 112600 est propriétaire d'Abbotsfield Optical. Si l'on statuait le contraire, le propriétaire serait obligé de prouver que ce n'est pas le cas. À mon avis, il est crucial, en particulier s'il existe certains éléments de preuve contraires, qu'une partie qui déclare être propriétaire des chatels saisis avance à l'appui, s'ils existent, des éléments de preuve convaincants dont elle devrait avoir connaissance.

[Non souligné dans l'original.]

[15]       J'examinerai maintenant le preuve qui a été présentée à l'audience.

LA PREUVE

Le tracteur « Ditch Witch »


[16]       Voici le témoignage de M. Stickle : le « Ditch Witch » appartient à M. Bushfield; cet appareil vaut environ 4 000 $; M. Stickle l'a loué à M. Bushfield conformément à une entente orale; M. Stickle l'avait pour la dernière fois utilisé deux ou trois semaines avant la saisie; voici ce qu'il a dit : [TRADUCTION] « Si je le loue, si je l'utilise, je lui verse une somme en conséquence. » M. Stickle n'a pas produit de document en vue d'établir le droit de propriété ou les frais de location, mais il a dit que pareils documents [TRADUCTION] « étaient probablement quelque part » . M. Stickle a dit que lorsque le « Ditch Witch » a été saisi, il n'y avait pas trop de mauvaises herbes aux alentours.

[17]       M. Bushfield n'a pas témoigné parce que, comme M. Stickle l'a affirmé, il attendait qu'il pleuve pour ses prairies de fauche.

[18]       M. Stickle a cité une représentante de l'ADRC pour qu'elle témoigne au sujet des conversations qu'elle avait eues avec M. Bushfield. La représentante a déclaré que M. Bushfield lui avait dit que le « Ditch Witch » lui appartenait, mais qu'il ne possédait pas de documents à l'appui.

[19]       En ce qui concerne la preuve de la représentante de l'ADRC, je conclus que la preuve relative à l'assertion de M. Bushfield selon laquelle le « Ditch Witch » lui appartenait n'est pas admissible à titre de preuve établissant la véracité de cette assertion. Je tire cette conclusion parce que, à mon avis, la déclaration n'est pas suffisamment digne de foi pour être visée par l'exception relative au ouï-dire et que je ne vois pas la nécessité d'admettre cet élément de preuve en vue d'établir la véracité de la déclaration.


[20]       Compte tenu de la preuve susmentionnée, je suis prête à conclure que M. Stickle ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait de réfuter la présomption mentionnée dans la décision Riczu, précitée, à savoir que les marchandises qui sont en sa possession lui appartiennent. Toutefois, il existe un nombre suffisant d'éléments de preuve, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que je statue sur cette question en me fondant simplement sur la charge de preuve.

[21]       L'huissier qui a effectué la saisie a témoigné qu'au moment de la saisie, M. Stickle ne s'était pas opposé à l'enlèvement du « Ditch Witch » . M. Stickle n'a pas contesté ou contredit cet élément de preuve. L'huissier a également témoigné que le « Ditch Witch » était entouré de mauvaises herbes, qu'il avait fallu 30 minutes pour que le conducteur de la dépanneuse réussisse à le mettre en marche, qu'il n'avait pas de batterie et qu'un pneu était crevé. L'huissier était d'avis que, vu son état, le matériel n'aurait pas pu être utilisé au cours des quelques semaines antérieures.

[22]       À mon avis, l'huissier a témoigné d'une façon sincère et claire. Il a souscrit à un grand nombre de propositions avancées par M. Stickle au cours du contre-interrogatoire, ce qui montrait qu'il avait témoigné avec franchise. Il n'avait rien à gagner directement en témoignant au sujet de questions se rapportant à la question de savoir qui était propriétaire des actifs. Je retiens son témoignage au sujet du « Ditch Witch » .


[23]       J'ai examiné les faibles éléments de preuve présentés par M. Stickle, la preuve de l'huissier selon laquelle M. Stickle ne s'était pas opposé à la saisie du « Ditch Witch » au moment de la saisie (alors qu'il s'opposait à l'enlèvement d'autres articles pour le motif qu'il n'en était pas propriétaire) et la preuve de l'état dans lequel se trouvait le « Ditch Witch » , ce qui était incompatible avec l'assertion de M. Stickle selon laquelle il louait et utilisait le matériel, et je suis convaincue aux fins de la présente espèce que le « Ditch Witch » appartient à M. Stickle.

[24]       J'ai tenu compte du fait que M. Sawatzky, qui aidait M. Stickle à l'audience, a témoigné qu'il avait assisté à la saisie et qu'il avait entendu M. Stickle dire à l'huissier que le « Ditch Witch » appartenait à M. Bushfield. Étant donné que M. Stickle n'a pas témoigné ou contesté la preuve présentée par l'huissier sur ce point, je n'accorde pas d'importance au témoignage de M. Sawatzky. Je note également que M. Stickle avait exclu tous les autres témoins qu'il avait cités, mais que M. Sawatzky n'a pas été exclu et qu'il est resté dans la salle d'audience. Le fait que M. Sawatzky avait entendu les témoignages antérieurs, et notamment celui de la représentante de l'ADRC, et avait entendu M. Stickle dire que M. Bushfield n'allait pas témoigner sont des facteurs qui, à mon avis, tendent également à réduire l'importance à accorder au témoignage de M. Sawatzky.

[25]       Quant à la question de la valeur du « Ditch Witch » , les défendeurs n'ont pas contesté la preuve fournie par M. Stickle sur ce point et je conclus donc que la valeur actuelle du « Ditch Witch » est de 4 000 $.

La tarière et les cinq mèches

[26]       M. Stickle a témoigné que la tarière et les mèches étaient des pièces faisant partie d'un Bobcat, qu'elles valaient de 800 à 1 000 $ et qu'il ne possédait pas de documents indiquant qu'il en était propriétaire parce que les pièces ne lui appartenaient pas.


[27]       L'huissier a témoigné qu'au moment de la saisie, Mme Stickle lui avait dit que l'une des mèches faisait peut-être bien partie du Bobcat, mais que M. Stickle n'en était pas certain. Pendant le contre-interrogatoire, l'huissier a convenu qu'au moment de la saisie, M. Stickle avait réussi à le convaincre que le Bobcat n'appartenait pas à M. Stickle en produisant un document d'achat au nom de Mme Stickle. L'huissier ne souscrivait pas à la proposition selon laquelle [TRADUCTION] « la tarière et les mèches qui étaient fondamentalement toutes de la même couleur que le Bobcat faisaient partie du Bobcat » . L'huissier a dit qu'il avait [TRADUCTION] « déjà saisi d'autres articles qui avaient en fait été achetés à une date ultérieure » .

[28]       Mme Stickle a témoigné. La partie pertinente de son témoignage se lit comme suit :

[TRADUCTION]

17.              Que voulez-vous exactement maintenant?

R.          Je veux que le matériel me soit remis.

17.              C'est-à-dire le camion et la remorque?

R.          Oui.

[...]

18.              M. STICKLE: A-t-on enlevé autre chose qui vous appartient?

R.          Non.


[29]       État donné que Mme Stickle n'a pas témoigné que la tarière et les mèches lui appartenaient, je puis uniquement conclure qu'elles ne lui appartenaient pas, mais qu'elles appartenaient plutôt à M. Stickle. Étant donné que le matériel aurait pu être acquis après l'achat du Bobcat, toute ressemblance existant entre le matériel et le Bobcat sur le plan de la couleur est insuffisante pour établir qui était propriétaire du matériel.

[30]       Les défendeurs n'ont pas contesté le témoignage de M. Stickle selon lequel la tarière et les mèches [TRADUCTION] « pouvaient coûter de 800 à 1 000 $ » . Je conclus que la tarière et les mèches valaient 800 $.

La remorque orange

[31]       M. Stickle a témoigné que la remorque orange appartenait à M. Bushfield, qu'il ne possédait pas de documents lui permettant d'établir son droit de propriété et que la remorque valait de 800 à 1 000 $. La représentante de l'ADRC a confirmé que M. Bushfield lui avait dit que la remorque lui appartenait, mais qu'il ne possédait pas de documents lui permettant d'établir la chose. L'huissier ne se rappelait pas que l'on se soit opposé à la saisie de la remorque orange au moment de la saisie et il n'a pas été contre-interrogé à ce sujet. M. Sawatzky n'a pas fait mention de la remorque.

[32]       Encore une fois, pour les motifs mentionnés ci-dessus à l'égard du « Ditch Witch » , je conclus que la preuve de la représentante de l'ADRC n'établit pas la véracité de l'assertion que M. Bushfield a faite au sujet de la question du droit de propriété.


[33]       Compte tenu de cette preuve, je conclus que M. Stickle ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait d'établir que la remorque orange appartenait à M. Bushfield et, aux fins de la présente espèce, je conclus que la remorque orange appartient à M. Stickle.

[34]       Encore une fois, les défendeurs n'ont pas contesté la preuve que M. Stickle avait présentée au sujet de la valeur de la remorque. Je conclus qu'elle valait 800 $.

Les boîtes à outils Mastercraft et les outils

[35]       M. Stickle a admis que les deux boîtes à outils Mastercraft lui appartenaient et qu'avec les outils, ces boîtes valaient 400 $ chacune, mais il a été dit que certains outils manquaient, sans préciser lesquels et sans indiquer leur valeur, lorsque les boîtes à outils avaient été retournées à M. Stickle.

[36]       Compte tenu de cette preuve, je conclus que les boîtes à outils appartiennent à M. Stickle et qu'ensemble elles valent 800 $.

Le camion King Cab

[37]       Il s'agit en fait d'un camion 1998 de marque Dodge.

[38]       Mme Stickle a déclaré sous serment que ce véhicule lui appartient parce qu'elle s'était servi de ses propres économies pour obtenir la remise du camion lorsqu'il avait été saisi entre les mains de son mari par une banque.


[39]       Pendant le contre-interrogatoire, Mme Stickle a témoigné qu'elle travaillait comme réceptionniste et comme vendeuse et qu'elle élevait des chiens, de sorte que son revenu net mensuel moyen s'élevait à 3 000 $ en tout. Elle verse [TRADUCTION] « presque » toutes les sommes touchées dans son compte bancaire personnel. L'argent nécessaire aux fins de la remise du camion provenait d'un compte conjoint, mais Mme Stickle a dit qu'avant qu'elle effectue un dépôt, il n'y avait pas d'argent dans le compte. Aucun relevé bancaire n'a été produit en vue de démontrer qu'en fait, c'était Mme Stickle qui avait fourni les fonds, même si, en réponse à une question qui lui avait été posée au cours du contre-interrogatoire, Mme Stickle avait déclaré qu'elle n'avait pas les relevés bancaires à sa disposition, mais qu'elle pouvait établir d'où venait l'argent.

[40]       Le véhicule avait initialement été acheté par M. Stickle et il est encore immatriculé à son nom.

[41]       L'huissier a témoigné qu'au moment de la saisie, M. Stickle lui avait fait savoir que le camion lui appartenait. Cette preuve n'a pas été directement contestée pendant le contre-interrogatoire.

[42]       M. et Mme Stickle ont tous les deux été contre-interrogés au sujet de la provenance de l'argent qui avait été déposé dans le compte utilisé aux fins de la remise du camion après la saisie effectuée par la banque. Mme Stickle a répondu avec réticence et ses réponses n'étaient pas très révélatrices. En voici un exemple :


[TRADUCTION]

19.      Vous avez dit que -- combien d'argent versez-vous dans le compte bancaire commun?

R.         1 000 $.

18. Et ce sont là uniquement vos dépenses?

R.       Oui.

Q.      Et le reste est déposé dans votre compte bancaire personnel?

R.       C'est exact.

19. De sorte qu'en moyenne, vous déposez probablement 12 000 $ par année dans ce compte bancaire, n'est-ce-pas?

R.       Je ne pourrais vous le dire. Je ne suis pas comptable, et je vis au jour le jour.

Q.      Cependant, si vous dites que vous contribuez chaque mois habituellement 1 000 $, et il y a douze mois par année, alors 12 fois un donne 12?

R.       Oh, d'accord. C'est exact. Oui.

20. Et combien d'argent M. Stickle verserait-il dans ce compte?

R.      Je ne pourrais vous le dire. Je suppose qu'il y verse suffisamment d'argent pour nous permettre de vivre.

[43]       À mon avis, le témoignage de M. Stickle est évasif sur ce point. Ainsi, il a témoigné ce qui suit :

[TRADUCTION]

20.              Mais l'an dernier, quel aurait été votre revenu net environ?

R.                       J'ai remis beaucoup de choses entre les mains de mon comptable, de sorte que je ne puis -- Comme je le dis, j'essaie simplement d'inscrire des choses dans mes documents comptables pour permettre au comptable de travailler.

21.              Vous ne pouvez donc pas me donner une idée approximative de ce que vous gagniez?

LA COUR:       Mme Tyssen, [dans la salle] au début j'ai expliqué la procédure, et les seuls gens qui participent oralement à l'audience sont les avocats et les témoins, de sorte que ...

R.                       Je crois que je ferai de mon mieux, mais je ne me rappelle pas.

[...]

21.              L'AVOCAT DES DÉFENDEURS : Par conséquent, au mois de mai 2000, avez-vous déposé votre revenu net dans le compte bancaire conjoint, à la Banque royale, à Airdrie?

R.                       Ma conjointe a un compte distinct.

22.              Non, mais où déposiez-vous votre argent, dans quel compte, dans le compte bancaire conjoint à la Banque royale?


LA COUR :      Et je demanderais aux témoins [dans la salle] de ne pas faire de gestes ou de remarques biaisées au témoin parce que cela n'aidera pas, lorsqu'il s'agira de déterminer l'importance à accorder à ce témoignage.

L'AVOCAT DES DÉFENDEURS : Merci.

R.                       Le mieux que je puisse dire, c'est que l'argent est probablement déposé dans le compte commun à la banque quelque part.

Comme on peut le constater, pendant que M. Stickle témoignait, une personne qui était dans la salle et qui avait déjà témoigné, la fille de M. Stickle, avait été avertie à deux reprises de ne pas faire de gestes ou de remarques de façon à suggérer des réponses à M. Stickle.

[44]       Compte tenu du manque de franchise et de sincérité dont étaient à mon avis empreints les témoignages de M. et Mme Stickle en ce qui concerne la provenance des fonds qui avaient servi à la remise du camion lors d'une saisie antérieure n'ayant rien à voir avec la présente affaire, de l'omission de Mme Stickle de produire des documents dont elle disposait, disait-elle, afin de prouver qu'elle avait personnellement fourni les fonds, du fait que le véhicule a continué à être immatriculé au nom de M. Stickle et du témoignage de l'huissier selon lequel M. Stickle avait admis être propriétaire du camion, je conclus qu'aux fins de l'instance, le camion Dodge King Cab 1998 appartient à M. Stickle.

[45]       Je fais des inférences défavorables à partir de l'omission de Mme Stickle de produire des documents bancaires étayant les affirmations qu'elle a faites à l'audience.


[46]       L'ordonnance du juge Campbell n'exigeait pas la tenue d'une enquête sur la valeur de ce camion. Au cas où il serait néanmoins nécessaire de le faire, je retiens la preuve du commissaire-priseur, M. Graham, à savoir que le véhicule vaut maintenant de 16 000 à 17 000 $ et qu'au moment de la saisie, il valait 22 250 $. Je conclus qu'à l'heure actuelle, il vaut 16 000 $.

Les véhicules d'époque

[47]       La fille de M. Stickle, Cathy Tyssen, a témoigné qu'elle était propriétaire de la Rolls Royce Bentley 1964 et d'une motocyclette Virago Yamaha 750 centimètres cube. M. Stickle a précisé que, par « véhicules d'époque » , on entendait ces deux véhicules.

[48]       On n'a présenté aucun élément de preuve à part le témoignage que Mme Tyssen a présenté sous serment au sujet de la motocyclette Virago, et Mme Tyssen n'a pas été contre-interrogée. En l'absence de quelque contradiction relative à l'assertion qu'elle a faite sous serment au sujet de la question de savoir à qui la motocyclette Virago Yamaha 750 centimètres cube appartenait, je conclus qu'elle appartient à Cathy Tyssen aux fins de l'instance.


[49]       Quant à la Rolls Royce Bentley 1964, Mme Tyssen a produit un acte de vente rédigé à la main (qui n'a pas été produit en preuve) en date du 5 octobre 1994, que son père lui avait remis à l'égard de la voiture. L'acte de vente était apparemment libellé au montant de 9 000 $. Mme Tyssen a témoigné que le reste de la valeur de la voiture lui avait été donné comme cadeau de mariage. Mme Tyssen n'a pas versé d'argent à son père à l'égard du montant de 9 000 $ qui était dû selon le présumé acte de vente. Mme Tyssen a dit qu'il s'agissait d'un prêt qui lui avait été consenti et que les [TRADUCTION] « [p]rêts des parents sont parfois des héritages » . Le véhicule n'a jamais été immatriculé en son nom, Mme Tyssen ne l'a jamais utilisé ou retiré de chez ses parents et elle ne l'a jamais assuré. Mme Tyssen a déclaré sous serment qu'elle remettait le véhicule en état, qu'elle avait remplacé une porte, réparé la carrosserie et effectué du travail de finissage. Elle n'a produit aucun reçu à l'appui, mais elle a dit que les documents pertinents étaient probablement chez elle. Mme Tyssen a communiqué avec l'ADRC au sujet de la saisie au mois d'avril 2001, environ quatre mois après la saisie.

[50]       L'huissier a déclaré sous serment que M. Stickle lui avait dit, au moment de la saisie, que la Bentley lui appartenait et qu'il était en train de la remettre en état. Le témoignage de l'huissier n'a pas été directement contesté par la preuve.

[51]       Le commissaire-priseur qui, à l'heure actuelle, est en possession de la Bentley par suite de la saisie a fait savoir que la voiture valait 1 500 $ dans son état actuel, mais que ce montant était peut-être généreux. La Bentley est immatriculée au nom de M. Stickle.


[52]       Je conclus que la preuve présentée par Mme Tyssen et l'acte de vente, qui n'a pas été produit, ne sont pas convaincants, en ce qui concerne la question du droit de propriété. Mme Tyssen a expliqué qu'elle avait laissé la voiture chez son père pour la remettre en état. Pourtant, elle n'a produit aucune preuve documentaire étayant les frais y afférents, même si pareille preuve existe censément. Le témoignage que Mme Tyssen a présenté au sujet des travaux de remise en état a été contredit par la preuve fournie par l'huissier, à savoir qu'à la date de la saisie, M. Stickle avait déclaré que le véhicule lui appartenait et qu'il était en train de le remettre en état. L'allégation relative aux efforts de remise en état n'est pas étayée par la preuve que le commissaire-priseur a fournie au sujet de l'état et de la valeur de la voiture; cette preuve n'a aucunement été contestée et je la retiens.

[53]       À mon avis, la force du témoignage que Mme Tyssen a présenté au sujet de la question de savoir qui était propriétaire du véhicule est également minée par le fait que cette dernière a omis de faire en temps opportun pareille allégation à l'ADRC. De plus, Mme Tyssen est la fille de M. Stickle et, au cours de l'audience, il a fallu l'avertir de ne pas essayer d'aider M. Stickle pendant que celui-ci témoignait. Mme Tyssen sympathisait clairement avec la situation de son père, de sorte qu'il était souhaitable que la preuve présentée soit corroborée. Je conclus que le témoignage le plus crédible est celui de l'huissier qui, comme il en a ci-dessus été fait mention, n'avait aucun intérêt financier direct en l'espèce et qui, à mon avis, a témoigné d'une façon sincère. La preuve fournie par l'huissier n'a pas été contestée en ce qui concerne les aveux que M. Stickle avait faits à la date de la saisie.

[54]       Pour ces motifs, compte tenu de la preuve, je ne suis pas convaincue que la Bentley appartienne à Mme Tyssen. Aux fins de la présente instance, je conclus que la Bentley appartient à M. Stickle.

Les frais de remise de la motocyclette Virago


[55]       Dans leurs observations écrites, les défendeurs ont reconnu qu'ils paieraient les frais de remise des biens saisis qui, a-t-il été jugé, appartenaient à un tiers. L'ADRC sera donc responsable du paiement des frais de remise de la motocyclette Virago. Je conclus également que l'ADRC devrait être responsable des frais d'entreposage associés à cette motocyclette. À mon avis, les frais d'entreposage vont naturellement de pair avec les frais de remise des biens, étant donné en particulier qu'aucun élément de preuve n'a été fourni en vue de contredire l'assertion de Mme Tyssen selon laquelle la motocyclette lui appartenait.

La question des biens matrimoniaux

[56]       Dans son témoignage, Mme Stickle a également affirmé qu'elle était pour la moitié propriétaire de tout ce que M. Stickle possédait par suite de leur mariage.

[57]       À mon avis, cette allégation n'influe aucunement sur la saisie en question. Une personne n'acquiert pas nécessairement un intérêt dans les biens de son conjoint du seul fait de son état civil. En Alberta, le partage des biens matrimoniaux ne se fait que sur octroi d'un jugement conditionnel de divorce, d'une déclaration annulant le mariage, d'un jugement de séparation ou, dans certains cas, lorsque les parties vivent séparément. Voir : Currie (Re) (2000), 258 A.R. 303 (B.R. Alb.). Or, aucune de ces circonstances n'a été établie et il n'a pas été démontré que les biens matrimoniaux avaient été partagés.

[58]       Pour ces motifs,


ORDONNANCE

[59]       LA COUR ORDONNE :

1.          Les défendeurs remettront à leurs frais à Cathy Tyssen la motocyclette Virago Yamaha 750 centimètres cube et paieront tous les frais d'entreposage liés à ce véhicule.

2.          Aux fins de l'instance, la Cour déclare que :

aa          le tracteur « Ditch Witch » appartient à Rodney Stickle et sa valeur est de 4 000 $;

ba         la tarière et les cinq mèches appartiennent à Rodney Stickle et ont ensemble une valeur de 800 $;

ca          la remorque orange appartient à Rodney Stickle et sa valeur est de 800 $;

da         les boîtes à outils Mastercraft et les outils appartiennent à Rodney Stickle et ont ensemble une valeur de 800 $;


ea          le camion Dodge King Cab 1998 appartient à Rodney Stickle. Sa valeur est de 16 000 $, alors qu'à la date de la saisie, il valait 22 250 $; et

fa          la Rolls Royce Bentley 1964 appartient à Rodney Stickle et sa valeur est de 1 500 $.

3.          La question des dépens relatifs à la présente audience sera examinée en même temps que la requête visant à l'obtention d'une ordonnance de vente officielle.

                « Eleanor R. Dawson »       

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                            ITA-3600-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        Rodney Charles Maxwell Stickle,                                                                                        demandeur

c.

Sa Majesté, représentée par le ministre du Revenu national et par l'Agence des douanes et du revenu du Canada, défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 24 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                           MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                     le 13 septembre 2001

ONT COMPARU

M. Rodney Stickle                                                POUR SON PROPRE COMPTE

Mme Jill Medhurst-Tivador                                   POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Morris Rosenberg                                           POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

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