Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                  Date : 20010315

                                                                                                                       Dossier : IMM-2246-00

                                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 182

Entre :

                                                 Laheen CHOUKAR

                                                    Assia STITOU

                                                                                                            demandeurs

                                                             et

                                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                            ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                              défendeur

                                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue par l'agent d'immigration Gilles Perreault (l'agent), du Consulat général du Canada à Rabat, qui a refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par M. Laheen Choukar.

[2]         Le demandeur, M. Choukar (le demandeur), est citoyen du Maroc. Il a présenté sa demande de résidence permanente au Canada sous la catégorie d'immigrant indépendant et a eu une entrevue avec l'agent le 26 janvier 2000. Le demandeur a voulu être évalué relativement à deux professions : Agent aux achats (CNP 1225) et Acheteur des commerces de gros et de détail (CNP 6233).


[3]         Par lettre datée du 20 mars 2000, l'agent d'immigration Amitis Salas a informé le demandeur qu'il n'avait pas reçu suffisamment de points d'évaluation pour être admis comme immigrant au Canada. Même s'il s'est vu accorder un bon nombre de points relativement à tous les autres facteurs, il n'a reçu aucun point sous le facteur expérience pour les deux professions. La demande présentée par le demandeur a été rejetée pour ce motif en vertu du paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le règlement).

[4]         Comme l'a clairement établi la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Chiu Chee To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93, la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires des agents des visas relativement aux demandes d'immigration est la même que celle qui a été énoncée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et al., [1982] 2 R.C.S. 2, où le juge McIntyre a dit aux pages 7 et 8 :

. . . C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. . . .

[5]         Le demandeur conteste au moyen de son principal argument l'évaluation de son expérience faite par l'agent. En vertu du paragraphe 11(1) du règlement, un agent ne peut pas délivrer un visa dans les cas où le facteur expérience fait l'objet d'une évaluation nulle, et ce, peu importe le total des points d'évaluation.


[6]         Il est bien établi que l'agent a l'obligation « d'examiner pleinement les arguments et les renseignements fournis par le requérant » (Saggu c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (28 novembre 1994), T-2186-92 (C.F. 1re inst.)). Après examen du dossier figurant dans le Système de traitement informatisé des dossiers de l'immigration (STIDI), je suis d'avis que contrairement aux arguments du demandeur, l'agent a en fait tenu compte de tout ce qu'il avait devant lui. Il était loisible à l'agent de préférer certains éléments de preuve à d'autres et ce dernier avait parfaitement le droit de préférer la description de poste de l'employeur à celle du demandeur. Il était également loisible à l'agent de préférer la preuve documentaire au témoignage du demandeur. Les décisions de ce genre constituent une partie essentielle de l'ensemble de l'évaluation de la question de savoir si le demandeur est qualifié pour une profession donnée et, à ce titre, elles sont « purement une question de faits qui rel[ève] entièrement de l'agent des visas » (Lim c. M.E.I. (1991), 121 N.R. 241 (C.A.F.)).

[7]         Je suis d'avis que l'absence de point attribué sous le facteur expérience était raisonnablement fondée sur la preuve dont l'agent était saisi.

[8]         Quant aux arguments du demandeur relativement à la violation d'un principe de justice naturelle ou de l'équité procédurale, ils sont insoutenables à la face même du dossier.

[9]         Contrairement à l'argument du demandeur, j'estime que l'agent a fourni, dans sa lettre de refus, des motifs suffisants pour s'acquitter de son obligation d'équité en l'espèce. La partie pertinente de la lettre de refus se lit comme suit :

Vous n'avez pas pu démontrer avoir l'expérience professionnelle requise selon la Classification Nationale des Professions, ni avoir un emploi réservé, et ce, dans l'une ou l'autre des professions évaluées plus haut.

[10]       De toute manière, il n'existe aucune obligation de fournir des motifs en l'absence d'exigence de la loi à cet égard (voir Williams c. M.C.I. (1997), 212 N.R. 63, à la page 76 (C.A.F.)). L'extrait susmentionné suffit également pour dissiper toute crainte relative à la question de savoir si l'agent a évalué le demandeur par rapport aux deux professions proposées.


[11]       Quant au fait que l'agent aurait omis d'obtenir des précisions sur les incohérences, je conviens que l'agent avait l'obligation d'informer le demandeur au cours de l'entrevue de toute réserve relative à ses qualifications pour ses professions envisagées et de lui donner la possibilité de présenter des éléments de preuve pertinents concernant ces qualifications (voir Dhaliwal c. Canada (M.E.I.) (1992), 52 F.T.R. 311). Dans la présente affaire, toutefois, l'agent a signalé au demandeur que les descriptions de poste étaient contradictoires et lui a offert la possibilité d'expliquer les incohérences. J'estime qu'en agissant ainsi, l'agent s'est acquitté de son obligation d'équité sur cette question.

[12]       En ce qui concerne le fait que l'agent aurait omis de poser des questions précises relativement à l'expérience passée ou actuelle du demandeur, je dois insister sur le fait qu'il incombe au demandeur de visa de soumettre à l'agent tous les documents nécessaires pour que celui-ci puisse rendre une décision favorable (voir le paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et la décision Madan c. Canada (M.C.I.) (1999), 172 F.T.R. 262). Il ressort néanmoins du dossier que l'agent a en fait interrogé le demandeur en détail relativement à ses fonctions actuelles. L'agent a également tenu compte de l'expérience antérieure du demandeur, comme l'indiquent ses notes du STIDI :

A PAR LA SUITE TOUJOURS OCCUPÉ DES POSTES DANS LA RESTAURATION SOIT COMME GARÇON, COMMIS DE BAR, CHERF (sic) DE RANG ET MAÎTRE D'HÔTEL.

[13]       Je ne peux pas être d'accord avec l'opinion que l'agent a ajouté une exigence lorsqu'il a dit dans son affidavit que : « je n'ai pas été satisfait que ses activités correspondaient en grande partie à la définition d'agent aux achats ou d'acheteur » . À mon avis, la signification de cet énoncé apparaît plus clairement à la lecture des notes du STIDI de l'agent des visas, lesquelles indiquent :


. . . NOUS AVONS LA DESCRIPTION DE TÂCHES PRODUITE PAR LA PALMERAIE DE LA POSITIOHN (sic) MAÎTRE D'HÔTEL ET LA SEULE RÉFÉRENCE FAIT (sic) AUX BIENS EST « ÉTABLIR LES RÉQUISITIONS EN FONCTION DE LA CONSOMMATION ET ETABLIR LES PARSTOCKS » . TOUTES LES AUTRES FONCTIONS ONT TRAIT AU SERVICE A LA CLIENTÈLE ET AUX FONCTIONS SUPERVISION DU PERSONNEL, AINSI QU'A L'INNOVATIOIN (sic).

[14]       En fait, se fondant sur la description de poste obtenue de l'employeur, l'agent a conclu que seule une des fonctions du demandeur à titre de Maître d'hôtel était semblable aux professions qu'il envisageait. Cette conclusion n'a ajoutéaucune exigence, et elle est compatible avec l'exigence de la CNP qu'une partie ou que l'ensemble des fonctions décrites soient exercées par le demandeur.

[15]       Enfin, étant donné que M. Choukar est le demandeur principal et qu'aucune demande d'évaluation de son épouse n'a été faite, l'agent n'avait pas l'obligation d'évaluer les qualifications de cette dernière (voir Xue Hu Jian c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (10 janvier 2000), IMM-3657-98 (C.F. 1re inst.)).

[16]       Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                  YVON PINARD                         

       J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 15 mars 2001.

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


                                                                                                                                  Date : 20010315

                                                                                                                       Dossier : IMM-2246-00

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2001

En présence de monsieur le juge Pinard

Entre :

                                                 Laheen CHOUKAR

                                                    Assia STITOU

                                                                                                            demandeurs

                                                             et

                                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                            ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                              défendeur

                                                   ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 20 mars 2000 par l'agent d'immigration Gilles Perreault, du Consulat général du Canada à Rabat, est rejetée.

                       YVON PINARD                    

       J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                  IMM-2246-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :     Laheen CHOUKAR et Assia STITTOU c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 16 JANVIER 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :                                     15 MARS 2001

ONT COMPARU

Mme Barbara J. Leiter                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Mme Sherry Rafai Far                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Barbara J. Leiter                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.