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     Date : 19981130

     Dossier : IMM-1158-98

Entre :

     ZHIHONG ZHANG,

     demanderesse,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs concernent une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'une agente des visas par laquelle celle-ci a refusé à la demanderesse sa demande de résidence permanente au Canada. La décision à l'étude est énoncée dans une lettre datée du 11 février 1998, qui se lit en partie comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         La présente fait référence à votre demande de résidence permanente au Canada. J'ai évalué votre demande en fonction du paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, et j'en suis venue à la conclusion que vous ne réunissez pas les conditions pour obtenir le droit d'immigrer au Canada.                 
         J'ai évalué votre profession en fonction de la Classification canadienne descriptive des professions et de la Classification nationale des professions. Vous avez demandé à être évaluée pour la profession suivante :                 
         Secrétaire de direction CCDP 4111 111                 
         J'ai soigneusement examiné votre formation et votre expérience pour la profession indiquée ci-dessus à partir des renseignements que vous avez fournis dans votre demande, et j'ai conclu que vous n'êtes pas qualifiée pour occuper cette profession au Canada, étant donné que vous ne possédez pas les compétences minimales indiquées dans la Classification canadienne descriptive des professions. J'ai examiné si la profession de secrétaire de direction est une des professions pour lesquelles vous " possédez les compétences voulues et que vous êtes prête à exercer au Canada ", conformément à l'article 2 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 . Je note que la profession de secrétaire de direction s'accompagne d'une préparation professionnelle spécifique d'une valeur de 15 points, ce qui suppose de deux ans à quatre ans de formation scolaire régulière afin de pouvoir être considérée comme ayant les compétences voulues. Il n'y a rien dans votre demande officielle ni dans les documents fournis à l'appui de cette demande qui laisse entendre que vous avez suivi cette formation scolaire régulière pour la profession de secrétaire de direction. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que vous avez les compétences voulues ou que vous êtes prête à exercer la profession de secrétaire de direction au Canada, conformément à ce qu'exige l'article 2 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978.                 

[2]      La demanderesse est originaire de Shanghai, en Chine, mais au moment où elle a présenté sa demande de résidence permanente, elle se trouvait au Canada. Elle est titulaire d'un baccalauréat ès arts de l'université Fudan, ce qui suppose quatre années d'études universitaires et, au moment de présenter sa demande, elle avait travaillé pendant près de quatre ans à Shanghai comme secrétaire de direction. Sa demande de résidence permanente a été déposée à la hâte le dernier jour d'application du système d'évaluation fondé sur la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP), pour que sa demande puisse être étudiée au regard de ce système. Par conséquent, la demande et les documents à l'appui ne renferment pas beaucoup de renseignements, ce dont elle convient. La lettre de l'avocate accompagnant la demande et les documents envoyés de Toronto au consulat canadien à Buffalo indiquait ce qui suit :

         [TRADUCTION]                 
         D'autres documents vous seront fournis dès que j'aurai reçu un numéro de dossier.                 

[3]      D'après le dossier de la demanderesse, d'autres documents ont effectivement été envoyés accompagnés d'une lettre d'un avocat en date du 29 septembre 1997. Certains éléments de preuve, qui font également partie du dossier de la demanderesse, indiquent que la lettre et les documents connexes ont été envoyés par messager au consulat canadien à Buffalo. Ces éléments de preuve ne sont pas concluants. Quoi qu'il en soit, la lettre et les documents additionnels ne font pas partie du dossier du tribunal et n'avaient pas été communiqués à l'agente des visas au moment où celle-ci a pris la décision faisant l'objet du contrôle.

[4]      L'agente des visas a accordé à la demanderesse sept (7) points d'appréciation pour la préparation professionnelle spécifique (PPS) et quatre (4) points pour l'expérience. Au total, l'agente des visas a accordé à la demanderesse cinquante-huit (58) points d'appréciation alors qu'il lui fallait obtenir soixante (60) points pour être convoquée en entrevue aux termes de l'alinéa 11.1a) du Règlement sur l'immigration de 19781. Par conséquent, aucune entrevue n'a été tenue.

[5]      Les questions dont la Cour est à bon droit saisie sont les suivantes :

     A)      L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle quand elle a conclu que la demanderesse n'avait pas les compétences voulues pour être évaluée comme secrétaire de direction au motif qu'elle n'avait pas la formation professionnelle spécifique requise ?
     B)      L'agente des visas a-t-elle manqué au principe d'équité procédurale envers la demanderesse quand elle a refusé sa demande sans tenir une entrevue et sans l'informer de ses préoccupations et lui donner la possibilité de les dissiper, alors que l'agente des visas était saisie d'une preuve qui laissait supposer que la demanderesse avait la préparation professionnelle spécifique requise ?

[6]      Le paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration2 stipule qu'une personne comme la demanderesse a le fardeau de prouver qu'elle a le droit d'entrer au Canada ou que le fait d'y être admise ne contreviendrait pas à la Loi ou à ses règlements. Il n'a pas été contesté devant moi que, compte tenu du fait que l'agente des visas ne disposait pas des documents qui auraient été fournis à la fin de septembre 1997, les documents dont celle-ci était saisie contenaient peu de renseignements concernant la préparation professionnelle spécifique de la demanderesse. Cela dit, les documents indiquent clairement que la demanderesse avait presque quatre (4) années d'expérience comme secrétaire de direction, même si les fonctions qu'elle a remplies dans cet emploi n'étaient pas décrites d'une manière qui permettait de les comparer avec celles d'une " secrétaire de direction " décrites dans la CCDP. D'après les documents dont était saisie l'agente des visas, je ne peux conclure que celle-ci a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant qu'il n'y avait rien [TRADUCTION] " [...] dans votre demande officielle ni dans les documents fournis à l'appui de cette demande qui laisse entendre que vous avez suivi cette formation scolaire régulière pour la profession de secrétaire de direction ".

[7]      Cela dit, j'aborde maintenant la question de l'obligation d'agir équitablement envers la demanderesse qui incombe à l'agente des visas.

[8]      La préparation professionnelle spécifique est traitée à l'appendice B de la CCDP. Cet appendice prévoit que la préparation professionnelle spécifique " comprend " une formation de niveau universitaire ou collégial, une formation professionnelle, un apprentissage, une formation en cours d'emploi et de l'expérience dans d'autres emplois. L'agente des visas a examiné la formation universitaire de la demanderesse et a conclu, de façon tout à fait appropriée à mon avis, que la majeure partie de la formation universitaire de la demanderesse ne pouvait être considérée comme une préparation professionnelle spécifique pour la profession de secrétaire de direction. Les documents dont était saisie l'agente des visas ne révèlent aucune autre formation ou expérience préparatoire qu'aurait acquise la demanderesse et qui serait de la nature de celle prévue à l'appendice B de la CCDP.

[9]      Cependant, cela ne répond pas à toutes les questions. L'appendice B n'est pas une description exclusive de ce qui peut constituer une " préparation professionnelle spécifique ". Il ressort clairement de l'introduction de cet appendice que les types de formation, d'apprentissage et d'expérience dans d'autres emplois qui sont énumérés dans l'appendice ne sont que des exemples de ce qui peut constituer une préparation professionnelle spécifique. Il n'est pas inconcevable que l'expérience de la demanderesse à titre de secrétaire de direction à Shanghai puisse constituer une préparation professionnelle spécifique que cela ait été ou non apparent à la lecture des documents dont était saisie l'agente des visas.

[10]      Dans la décision Chatrova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)3, le juge Reed écrit ceci :

         L'avocat de l'intimé soutient que c'est à la requérante de prouver ses compétences. C'est exact, mais, en l'espèce, je pense qu'elle a le droit de s'interroger sur le fait que sa propre évaluation est remise en cause avant d'assumer le fardeau de fournir d'autres éléments de preuve à cet égard.                 

[11]      Je pense que le même raisonnement peut s'appliquer en l'espèce, bien que la question porte sur la " préparation professionnelle spécifique " plutôt que sur les " compétences " et que ce n'est pas la propre évaluation de la demanderesse qui soit en question, mais plutôt l'absence de preuve concernant la préparation professionnelle spécifique. L'agente des visas était au courant, ou elle aurait dû l'être, que la demanderesse avait déposé sa demande au dernier moment afin de profiter du système d'évaluation de la CCDP. La lettre qui accompagnait cette demande indiquait clairement que la demanderesse avait l'intention de fournir d'autres documents. En raison de la situation très particulière dont j'ai pris connaissance, et bien qu'il n'y ait certainement aucune obligation de la part de l'agente des visas de convoquer la demanderesse en entrevue, je suis convaincu que l'obligation d'agir équitablement qui est due à la demanderesse obligeait l'agente des visas à l'informer de ses préoccupations et à lui donner la possibilité de les dissiper. Si cela avait été fait, les observations supplémentaires qui semblent avoir été égarées auraient à tout le moins été portées à l'attention de l'agente des visas.

[12]      Pour les raisons qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l'agente des visas à l'étude est infirmée et l'affaire est renvoyée à l'intimé pour qu'une nouvelle décision soit prise concernant la demande de résidence permanente de la demanderesse conformément à la Classification canadienne descriptive des professions. La demanderesse a soixante (60) jours à compter de la date de mon ordonnance pour fournir des documents supplémentaires dont on pourra tenir compte au moment du réexamen de sa demande.

[13]      À la fin de l'audition de la présente affaire, j'ai accepté de remettre la version préliminaire de mes motifs afin de donner aux avocats la possibilité de soumettre des observations en vue de la certification d'une question grave de portée générale. La version préliminaire de mes motifs a été distribuée.

[14]      L'avocate du défendeur fait valoir que la question suivante devrait être certifiée :

         Lorsqu'un demandeur dépose une demande accompagnée de renseignements incomplets, s'est-il acquitté du fardeau qui lui incombe de prouver son droit d'obtenir la résidence permanente, ou l'agent des visas a-t-il l'obligation de donner au demandeur une autre possibilité de préciser ou d'expliquer la preuve fournie ?                 

[15]      L'avocate du défendeur indique dans ses observations qu'il existe [TRADUCTION] " [...] un courant jurisprudentiel de la Section de première instance qui appuie la proposition selon laquelle aucune obligation générale n'est faite à un agent des visas de demander des précisions quand une demande est ambiguë " [non souligné dans l'original]. L'avocate de la demanderesse soutient que cette affaire ne soulève aucune question grave de portée générale qui mérite d'être certifiée étant donné que, comme il a été indiqué précédemment dans ces motifs, la décision de la Cour se fonde sur la " situation très particulière " entourant le dépôt de la demande en cause.

[16]      J'accepte la position de l'avocate de la demanderesse. La décision en l'espèce se fonde sur la situation très particulière de la demanderesse et sur le moment du dépôt de sa demande. Bien que la question proposée par l'avocate du demandeur soit certainement une question grave, elle n'a pas, d'après les faits de l'espèce, de portée générale.

[17]      Aucune question ne sera donc certifiée.

                         " Frederick E. Gibson "

                                     Juge

Toronto (Ontario)

le 30 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NE DU GREFFE :                      IMM-1158-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              ZHIHONG ZHANG

                             - et -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MERCREDI 18 NOVEMBRE 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          LE JUGE GIBSON

DATE :                          LE LUNDI 30 NOVEMBRE 1998

ONT COMPARU :                      Nancy Myles Elliott

                                 pour la demanderesse

                             Neeta Logsetty

                                 pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      Nancy Myles Elliott

                             Avocate et procureur

                             130, rue Bloor Ouest

                             Bureau 601

                             Toronto (Ontario)

                             M5S 1N5

                                 pour la demanderesse

                             Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général du Canada

                                 pour le défendeur


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                      Date : 19981130
                                                      Dossier : IMM-1158-98
                                                 Entre :
                                                 ZHIHONG ZHANG,
                                                      demanderesse,
                                                 - et -
                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
                                                      défendeur.
                                                
                                                      MOTIFS DE L'ORDONNANCE
                                                
__________________

     1      DORS/78-172 (et ses modifications).

     2      L.R.C. (1985), ch. I-2.

     3      (1996), 34 Imm. L.R. (2d) (C.F. 1re inst.) (IMM-1622-95)

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