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                                                                                                                              Date : 20040130

 

                                                                                                                       Dossier : T-1878-02

 

                                                                                                              Référence : 2004 CF 166

 

 

Ottawa (Ontario), le vendredi 30 janvier 2004

 

 

EN PRÉSENCE DE MADAME LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

 

 

ENTRE :

 

 

                                             AB HASSLE, ASTRAZENECA AB et

                                                 ASTRAZENECA CANADA INC.

 

                                                                                                                                     requérantes

 

                                                                            et

 

 

 

                                    APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

                                                                                                                                               intimés

 

 

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

LA PROTONOTAIRE TABIB

 

[1]               J'ai été saisie d'une requête par laquelle l'intimée, Apotex Inc. (Apotex), cherche à obtenir une ordonnance radiant l'affidavit de Daphne C. Ripley ainsi que des parties de l'affidavit de Peder Oxhammar pour le motif qu'ils constituent une preuve par ouï‑dire.

 


[2]               Les principes applicables en l'espèce sont ceux qui ont été appliqués dans l'arrêt Canadian Tire Corp. c. P.S. Partsource Inc. (2001), 11 C.P.R. 4th 386 (C.A.F.) (Partsource), récemment approuvé dans AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., [2003] A.C.F. no 1909 (C.A.F.), savoir que, dans le cas d'une requête visant à faire radier des éléments de preuve qui constituent du ouï‑dire, il est préférable que le juge des faits tranche ces questions sauf s'il est clair que la preuve constitue du ouï‑dire, que la preuve porte sur une question controversée et que l'autre partie subirait un préjudice si on laissait au juge des faits le soin de trancher cette question.

 

[3]               Apotex a laissé entendre qu'il appartenait aux demanderesses de démontrer que le ouï‑dire  ne porte pas sur une question controversée ou qu'elle ne subirait aucun préjudice si cette question devait être tranchée à l'audience sur le bien‑fondé de la demande.

 

[4]               Je suis bien consciente que, dans la décision Partsource, il a été jugé qu'une fois qu'il est démontré que la preuve constitue du ouï‑dire, il incombe alors à la partie qui présente cette preuve d'établir l'existence de la double exigence fondée sur la fiabilité et la nécessité à titre d'exception au principe interdisant le ouï‑dire. Toutefois, je ne vois pas en quoi il en découle qu'il appartiendrait aussi à la partie qui soumet la preuve de démontrer qu'elle ne porte pas sur une question controversée et qu'elle ne causerait pas de préjudice à l'autre partie si on laissait au juge des faits le soin de trancher cette question. La règle applicable est qu'il est préférable de laisser au juge des faits le soin de déterminer l'admissibilité de la preuve. Une exception peut être faite lorsque les trois conditions énoncées dans la décision Partsource sont présentes. Il incombe clairement à la partie qui demande à la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour s'écarter de la règle et se prononcer sur l'admissibilité de la preuve lors d'une requête interlocutoire d'établir l'existence de ces conditions.

 


[5]               L'affidavit de Daphne Ripley vise simplement à introduire en preuve la lettre reçue d'une maison d'édition américaine indiquant la date de publication d'un livre intitulé Chemical Stability of Pharmaceuticals: Handbook for Pharmacists. Ce livre a été versé en preuve par Apotex elle‑même dans le cadre de la présente instance. La preuve concernant la date de publication constituerait du ouï‑dire. Les demanderesses n'ont pas débattu de la question de la nécessité ou de la fiabilité ni produit d'éléments de preuve à cet égard, mais elles n'ont pas à le faire à ce stade. Si Apotex ne peut pas démontrer que la preuve est controversée ou qu'elle subirait un préjudice si cette question n'était pas tranchée maintenant, la question sera soumise au juge des faits et les demanderesses pourront présenter tous les arguments qu'elles souhaitent quant à la question du ouï‑dire ou quant aux exceptions au principe interdisant le ouï‑dire. Aux fins de la présente requête, je considérerai toutefois que la première condition du critère formulé dans la décision Partsource est remplie.

 

[6]               Pour ce qui est de la question de la controverse, Apotex invoque une déclaration faite dans l'affidavit de H.B. Radomski, savoir que [traduction] « la date de publication de ce livre constitue une question controversée dans la présente espèce ». Cet élément de preuve ne me convainc pas. Le terme « controversée » renvoie à une question au sujet de laquelle il y a débat. Il signifie que chacune des parties a une position claire et contradictoire sur ce point. À l'audience, l'avocat d'Apotex n'a pas pu dire qu'Apotex avait produit des éléments de preuve ou avancé des arguments au sujet de la date de publication de cet ouvrage. Bien qu’un fait puisse  être pertinent, important ou même crucial pour déterminer les questions en litige entre les parties, il n'est pas controversé s'il n'est pas contesté activement par l'autre partie. Je m'empresse d'ajouter, au cas où des précisions seraient nécessaires, que l'absence de controverse ne concerne pas l'admissibilité de la preuve, mais simplement la question de savoir si l'admissibilité devrait être tranchée en tant que question interlocutoire ou laissée à l'appréciation du juge chargé de l'audience.

 


[7]               Je ne suis pas non plus convaincue qu'Apotex subirait un préjudice si on laissait au juge du fond le soin de se prononcer sur l'admissibilité de cet élément de preuve. Le seul préjudice invoqué par Apotex est qu'elle serait en fait privée de l’exercice de son droit de procéder à un contre‑interrogatoire sur cet élément de preuve. La perte du droit d'effectuer un contre‑interrogatoire est la caractéristique déterminante de la preuve par ouï‑dire. S'il s'agissait en soi d'un préjudice suffisant pour remplir la troisième condition du critère formulé dans la décision Partsource, cette condition aurait tout aussi bien pu ne pas être énoncée étant donné qu'il y aurait préjudice chaque fois qu'une preuve par ouï‑dire est présentée. En l'espèce, Apotex n'a pas tenté d'établir l’existence d’une autre forme de préjudice, par exemple qu'elle était incapable sans procéder à un contre‑interrogatoire de vérifier indépendamment la déclaration relatée, de produire des éléments de preuve contradictoires si les déclarations étaient controversées ou d’indiquer pourquoi, dans les circonstances, elle subirait un préjudice si elle devait se soumettre à un tel exercice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond. Dans les circonstances, aucun préjudice de ce genre ne semble probable.

 

[8]               Les commentaires qui ont été faits au sujet de l'affidavit de Ripley en ce qui a trait à la nature controversée de la preuve et au préjudice que subirait Apotex si on laissait au juge des faits le soin de décider cette question s’appliquent également à l'affidavit de M. Oxhammar. De plus, il ressort clairement du libellé de l'affidavit d'Oxhammar que les documents joints aux présentes comme pièces A et B n’ont pas été déposés aux fins d’établir la véracité de leur contenu. Dans leurs observations écrites, les requérantes ont clairement indiqué qu'elles n'invoquent pas la véracité du contenu de ces pièces. Apotex n'a donc pas établi que la preuve constitue du ouï‑dire.

 

[9]               Pendant l'audience, Apotex a fait valoir pour la première fois que si les pièces A et B jointes à l'affidavit de Peder Oxhammar n'ont pas été soumises afin d’établir la véracité de leur contenu, elles ne sont pas pertinentes et devraient être radiées. Non seulement le dossier dont j'ai été saisie est insuffisant pour étayer cette conclusion, mais Apotex n'a absolument pas allégué ni établi qu'elle subirait un préjudice si on laissait au juge des faits le soin de trancher la question de la pertinence.

 


                                                                ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.     La requête d’Apotex visant à obtenir la radiation des affidavits de Daphne C. Ripley et de Peder Oxhammar est rejetée; les dépens suivront l'issue de la cause.

 

 

 

                                                                                  « Mireille Tabib »                

                                                                                                                                         Protonotaire                 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                               T-1878-02

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                   AB HASSLE, ASTRAZENECA AB et ASTRAZENECA CANADA INC.

c.

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA

SANTÉ

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                        OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE D'AUDIENCE :                                            26 JANVIER 2004

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                          MADAME LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

 

DATE DES MOTIFS :                                             30 JANVIER 2004

 

 

COMPARUTIONS :

 

Scott Beezer                                                              POUR LES REQUÉRANTES

J. Sheldon Hamilton                                                 

 

Andrew R. Brodkin                                                    POUR L'INTIMÉE

Daniel G. Cohen                                                       Apotex Inc.

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart et Biggar                                                         POUR LES REQUÉRANTES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Goodmans LLP                                                         POUR L'INTIMÉE

Avocats                                                                      Apotex Inc.

Toronto (Ontario)                                                      

 

Morris Rosenberg                                                     POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada                        le ministre de la Santé


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