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Date : 20050708

Dossier : T-597-04

Référence : 2005 CF 953

Québec (Québec), le 8 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

MARIA ASSUNTA PEZZENTE

demanderesse

et

ROGERS COMMUNICATIONS INC.,

SHAW CABLESYSTEMS G.P.

et MEL TUGADE

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Maria Assunta Pezzente (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) en date du 26 février 2004, par laquelle la Commission a rejeté la plainte de discrimination sexuelle qu'elle avait déposée contre Rogers Communications Inc. (Rogers), Shaw Cablesystems G.P. (Shaw) et M. Mel Tugade (ci-après collectivement appelés les défendeurs), une discrimination contraire aux articles 7 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi).

LES FAITS

[2]                La demanderesse a commencé à travailler pour Rogers Cable Inc. (Cable) le 4 octobre 1999 comme conseillère du service à la clientèle. Elle prétend que, le 7 septembre 2000, elle a été victime de harcèlement sexuel de la part de M. Mel Tugade, un représentant principal du service à la clientèle qui travaillait pour Rogers AT & T Wireless (Wireless). Elle affirme que, à plus d'une reprise, il lui a tenu des propos obscènes, lui a pris les seins et l'a invitée à dormir dans son lit. Elle prétend aussi qu'elle a été harcelée par d'autres hommes de son étage, qui lui envoyaient des courriels sexuellement explicites.

[3]                Le 15 septembre 2000, elle s'est plainte de la situation au service des ressources humaines de Rogers. Elle soutient que, peu après le dépôt de ses plaintes, ses supérieurs se sont mis à la traiter différemment et elle a été mal notée.

[4]                Le 1er novembre 2000, Shaw faisait l'acquisition des actifs de Cable et la demanderesse fut donc licenciée le 21 novembre 2000. Shaw affirme avoir licencié la demanderesse parce que son dossier indiquait un rendement constamment inférieur à la norme.

[5]                Le 1er juin 2001, la demanderesse a décidé de déposer des plaintes auprès de la Commission contre Rogers et contre M. Mel Tugade. Le 31 juillet 2001, elle a aussi déposé une plainte contre Shaw. Une enquête en règle a eu lieu, et un rapport préliminaire a été remis à la demanderesse et aux défendeurs pour qu'ils y réagissent. Après avoir étudié toutes les réponses, la Commission rejeta, par lettre du 26 février 2004, toutes les plaintes, et décida de ne pas renvoyer l'affaire au Tribunal des droits de la personne.

LES POINTS LITIGIEUX

[6]                1. Quelle est la norme de contrôle à appliquer dans le contrôle judiciaire de

la décision de la Commission canadienne des droits de la personne de rejeter une plainte en la matière en application de l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne?

2. La Commission a-t-elle, en enquêtant sur les plaintes de la demanderesse, manqué aux règles de l'équité procédurale en ce qui concerne :

            a) la liste de témoins fournie par la demanderesse?

            b) le délai de communication de son rapport final à la demanderesse?

3. La Commission a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable en rejetant les plaintes de la demanderesse?

ANALYSE

  1. Quelle est la norme de contrôle à appliquer dans le contrôle judiciaire de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne de rejeter une plainte en la matière en application de l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne?

[7]                La norme de contrôle d'une décision de la Commission de rejeter une plainte commande, de la part de la Cour, un niveau très élevé de retenue (arrêt Hutchinson c. Canada (Ministre de l'Environnement), 2003 CAF 133, [2003] 4 C.F. 580 (C.A.). Lorsqu'il n'y a pas manquement aux principes de l'équité procédurale, la norme de contrôle à appliquer à la décision de la Commission de ne pas renvoyer la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne est celle de la décision manifestement déraisonnable :

La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l'exécution de sa fonction d'examen préalable au moment de la réception d'un rapport d'enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 41 et 44 regorgent d'expressions comme « est convaincue » , « devrait » , « normalement ouverts » , « pourrait avantageusement être instruite » , « des circonstances » , « estime indiqué dans les circonstances » , qui ne laissent aucun doute quant à l'intention du législateur. Les motifs de renvoi à une autre autorité (paragraphe 44(2)), de renvoi au président du Comité du Tribunal des droits de la personne (alinéa 44(3)a)) ou, carrément, de rejet (alinéa 44(3)b)) comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d'opinion (voir Latif c. Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687, à la page 698 (C.A.F.), le juge Le Dain), mais on peut dire sans risque de se tromper qu'en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape. [Non souligné dans l'original.]

(Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113, [1998] A.C.F. no 1609 (C.A.), au paragraphe 38)

Nous convenons que l'enquête et le rapport comportent quelques faiblesses et qu'il est inacceptable qu'il ait fallu quatre ans pour terminer l'enquête. Néanmoins, nous ne sommes pas persuadés que l'enquête soit déficiente au point de constituer une violation de l'obligation d'équité (voir Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.)), ou qu'il soit manifestement déraisonnable pour la Commission d'avoir rejeté la plainte en se fondant sur les documents dont elle disposait. [Non souligné dans l'original.]

(Murray c. Canada (Commission canadienne des droits de l'homme), 2003 CAF 222, [2003] A.C.F. no 763, au paragraphe 4)

[8]                Toutefois, l'arrêt Hutchinson, précité, précisait aussi que, dans certains cas, la norme de contrôle pouvait être celle de la décision raisonnable. Je suis d'avis que, après qu'il est disposé de la question de l'équité procédurale en tant que telle, les points restants seront revus selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, puisque les arguments soulevés par la demanderesse concernent l'approche et la méthode employées par la Commission et ses enquêteurs pour rejeter les plaintes.

Selon l'état du droit concernant la norme de contrôle relative à ces décisions, la norme varie selon le type de décision. Lorsque la contestation est fondée sur l'absence d'équité ou la contravention aux principes de justice naturelle, aucune retenue ne doit être accordée à la décision. Lorsqu'elle concerne les décisions relatives à la façon de mener une enquête au sujet d'une plainte, aux personnes qui seront interrogées ou aux personnes dont le témoignage est crédible, lesquels aspects touchent tous la décision finale de la Commission, la plus grande retenue sera accordée aux décisions en question. Dans la présente affaire, pour des motifs semblables à ceux qui sont exposés dans l'arrêt Hutchinson, j'estime que, lorsqu'une norme de contrôle est applicable, la décision satisfait à la norme du caractère raisonnable, selon laquelle il faut faire preuve d'une moins grande réserve. [Non souligné dans l'original.]

(Murray c. Canada (Agence du revenu), 2004 CF 1541, [2004] A.C.F. no 1874, au paragraphe 11)

[9]                Toutefois, pour les points qui concernent les principes de l'équité procédurale, je me limiterai à dire si ces principes ont ou non été transgressés :

Les questions d'équité procédurale ne sont pas sujettes à l'analyse pragmatique et fonctionnelle. Il appartient aux cours de justice de donner une réponse juridique à ces questions (voir l'arrêt SCFP c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100, juge Binnie).

(Canada (Procureur général) c. Fetherston, 2005 CAF 111, [2005] A.C.F. no 544, au paragraphe 6)

  1. La Commission a-t-elle manqué aux règles de l'équité procédurale en enquêtant sur les plaintes de la demanderesse?

[10]            Je commencerai mon analyse en me décidant si la Commission a observé les principes de l'équité procédurale, tout en gardant à l'esprit que la fonction exercée par la Commission en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi est une fonction éliminatoire de nature administrative et n'appelle donc pas l'examen rigoureux qui s'impose pour un organe judiciaire ou quasi judiciaire (Banks c. Société canadienne des postes), 2004 CF 713, [2004] A.C.F. no 923, au paragraphe 29).

[11]            La demanderesse a fait valoir que l'enquête était gravement viciée et que les enquêteurs qui y ont été affectés n'ont pas fait leur travail consciencieusement. Parmi les nombreux motifs qu'elle a invoqués, la demanderesse soutient que la Commission n'a interrogé aucun de ses témoins, lesquels auraient pu attester l'existence d'un milieu de travail sexualisé. Les tribunaux reconnaissent que la retenue dont ils doivent faire preuve envers la Commission est relativement élevée :

Le fait que l'enquêtrice n'ait pas interrogé chacun des témoins recommandés par la requérante et le fait que la conclusion tirée par l'enquêtrice ne mentionne pas chacun des prétendus incidents de discrimination n'ont pas non plus de conséquence absolue. Cela est encore plus vrai lorsque la requérante a l'occasion de combler les lacunes laissées par l'enquêtrice en présentant subséquemment ses propres observations. En l'absence de règlements qui lui donnent des lignes directrices, l'enquêtrice, tout comme la CCDP, doit être maître de sa propre procédure, et le contrôle judiciaire d'une enquête prétendument déficiente ne devrait être justifiée que lorsque l'enquête est manifestement déficiente. En l'espèce, je constate que l'enquêtrice n'a pas omis d'examiner l'un ou l'autre des aspects fondamentaux de la plainte de la requérante, telle qu'elle était formulée, et qu'il n'y avait aucun autre point, moins important mais néanmoins pertinent, qui ait été traité de façon insatisfaisante et qui n'ait pu être repris dans les observations présentées en réponse par la requérante.

(Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, [1994] A.C.F. no 181, jugement confirmé [1996] A.C.F. no 385, au paragraphe 69) (voir aussi Murray c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2002 CFPI 699, [2002] A.C.F. no 1002, au paragraphe 24.)

[12]            Néanmoins, je ne crois pas que la Commission ait ici atteint ce niveau plutôt faible. J'estime qu'il y a eu manquement aux principes de l'équité procédurale quand la Commission n'a pas même interrogé un seul des témoins que proposait la demanderesse. Deuxièmement, je suis d'avis que la Commission a négligé de traiter globalement les plaintes de la demanderesse, choisissant plutôt de se pencher sur l'un des nombreux points soulevés. Par ailleurs, je suis d'avis que le délai qui s'est écoulé avant que l'enquête sur les trois plaintes ne débute a été exagérément long. Finalement, je suis aussi d'avis que la Commission a commis une erreur manifestement déraisonnable dans l'évaluation de la preuve qui lui a été présentée.

a) la liste de témoins fournie par la demanderesse

[13]            Selon la preuve que j'ai devant moi, il est clair que la Commission a interrogé Sherry Kelly, Lisa Vermeer, Bob Leslie, Jeffrey Mehr et la demanderesse. À l'exception de la demanderesse, ces témoins étaient tous des représentants de Shaw ou de Rogers et ils ont été interrogés à leur demande. La demanderesse a quant à elle remis à la Commission sa propre liste, qui énumérait sept témoins; pas un seul des témoins figurant sur cette liste n'a été interrogé par la Commission. Il importe de mentionner que trois des témoins proposés étaient des personnes qui, selon la demanderesse, avaient contribué au climat très sexualisé du milieu de travail. La demanderesse ne les avait pas nécessairement inscrits sur sa liste pour prouver qu'elle avait été victime de harcèlement sexuel, mais plutôt pour donner une meilleure idée de ce à quoi ressemblait le milieu de travail. Les témoins auraient peut-être nié toute inconduite ou auraient peut-être reconnu y avoir contribué. Si la Commission les avait rencontrés, elle aurait été en mesure de mieux évaluer le niveau de harcèlement sexuel qui avait cours dans le milieu de travail.

[14]            Dans une lettre envoyée à la demanderesse par le directeur des enquêtes de la Commission vers la fin de mars 2002, il y avait le passage suivant :

[TRADUCTION]

Nous avons déjà demandé aux personnes visées par les plaintes de donner leur point de vue sur les allégations, et nous vous en informerons dès que nous les recevrons. Entre-temps, veuillez donner les noms et numéros de téléphone des personnes avec lesquelles vous voudriez que nous communiquions et qui pourraient confirmer vos dires. [Non souligné dans l'original.]

(Page 35 du dossier supplémentaire de la demanderesse)

[15]            Dans une lettre de suivi envoyée par la demanderesse le 28 mars 2002, la demanderesse écrivait qu'elle voulait éclaircir certains détails qu'elle avait donnés, parce que le résumé d'enquête interne rédigé par Rogers ne disait rien sur le climat qui caractérisait le milieu de travail à l'époque. La demanderesse donnait donc les noms de sept personnes qui seraient en mesure de témoigner à propos de ses plaintes.

[16]            Je n'ignore pas la décision Slattery c. Canada, précitée, mais il ne s'agit pas ici d'un cas où seuls quelques-uns des témoins proposés ont été entendus. Au contraire, la Commission n'a communiqué avec aucun d'entre eux, alors même qu'elle avait expressément prié la demanderesse de lui communiquer les noms de témoins susceptibles de confirmer ses allégations contre Rogers, allégations ainsi formulées :

[TRADUCTION]

Rogers Communications Inc. a exercé contre moi, dans mon emploi, une discrimination fondée sur le sexe, en négligeant d'instaurer un milieu de travail exempt de harcèlement, en me traitant différemment et en mettant fin à mon emploi, tout cela contrairement aux articles 7 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. [Non souligné dans l'original.]

(Voir le formulaire de plainte à l'encontre de Rogers Communications Inc., déposé le 1er juin 2001)

[17]            Comme il est indiqué ci-dessus, l'une des plaintes déposées contre Rogers concernait le fait que celle-ci n'avait pas procuré à la demanderesse un milieu de travail exempt de harcèlement. Le rapport de l'enquêtrice comprend deux pages d'analyse portant sur cet aspect, mais en réalité il escamote la question. Au contraire, l'analyse qui en est faite porte presque uniquement sur l'incident du 7 septembre 2000, impliquant M. Tugade, et il y est mentionné que l'enquête interne avait conduit à l'application d'une mesure disciplinaire contre M. Tugade et que l'affaire était considérée comme bien classée.

[18]            L'enquête sur la plainte déposée contre Rogers s'est trop focalisée sur ce qui était arrivé entre la demanderesse et M. Tugade, au point de faire totalement l'impasse sur l'environnement dans lequel la demanderesse travaillait quotidiennement. La seule mention du climat général figure sous le titre « Messages électroniques offensants » . L'enquêtrice balaie la question en écrivant qu'une enquête interne de Rogers n'a pas révélé l'existence de courriels offensants et que la prétention quant à l'existence d'un milieu de travail sexualisé n'était pas justifiée. Je suis d'avis que la Commission a commis une erreur en s'en rapportant uniquement à l'enquête interne et en faisant tout simplement sienne la conclusion de Rogers, se dispensant ainsi d'enquêter elle-même avec diligence sur les allégations de la demanderesse.

[19]            La Commission a l'obligation d'enquêter sur toutes les plaintes qui sont déposées devant elle, et elle a failli ici à son devoir en négligeant d'interroger l'un ou l'autre des témoins de la demanderesse qui auraient pu confirmer ses dires selon lesquels Rogers n'offrait pas un milieu de travail exempt de harcèlement. Je ne crois pas qu'une enquête régulière et impartiale a eu lieu, puisque tous les témoins figurant sur la liste de la demanderesse ont tout simplement été écartés.

[20]            Dans un arrêt récent, Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, [2005] A.C.F. no 543, la Cour d'appel était saisie d'un cas où la Commission avait rejeté la plainte du demandeur, qui alléguait avoir été harcelé, discriminé et finalement renvoyé en raison de sa religion, ou en raison de son origine nationale ou ethnique. Dans cette affaire, le demandeur était l'un des 24 cadets de sa troupe. Le demandeur estimait que certains des cadets auraient dû être entendus, mais l'enquêteur ne l'avait pas entendu de cette oreille :

À mon avis, il est injustifiable que l'enquêteur n'ait pas interviewé les autres cadets de la troupe en ce qui a trait aux allégations précitées, étant donné que ces derniers étaient susceptibles d'être une source d'information importante. Selon l'avocat du ministre, le problème était attribuable à l'écoulement du temps. Les incidents en question se sont produits à l'été et à l'automne 1999 et l'enquête a eu lieu près de trois ans plus tard. Entre-temps, les cadets faisant partie de la troupe de M. Tahmourpour étaient partis ailleurs et n'étaient pas disponibles pour l'entrevue. En outre, même s'ils avaient pu être retrouvés, selon l'avocat, il est peu probable qu'ils se soient rappelés les incidents.

Je ne suis pas du même avis. Étant donné que l'enquêteur n'a tenté de communiquer avec aucun des cadets, on ne peut en déduire qu'ils ne pouvaient être retrouvés ou qu'ils ne pouvaient se souvenir des incidents en question. Ce sont des hypothèses. Je note que les officiers mêlés aux incidents ainsi que leurs collègues se rappelaient suffisamment les incidents pour en arriver à nier les allégations de M. Tahmourpour. [Non souligné dans l'original.]

(Tahmourpour c. Canada, précité, aux paragraphes 34 et 35)

[21]            Comme ce fut le cas dans l'arrêt susmentionné, je suis d'avis que, en se dispensant d'entendre tous les témoins de la demanderesse, l'enquêtrice a négligé de prendre connaissance de faits manifestement capitaux :

Comme je l'ai indiqué dans les motifs connexes, la Cour d'appel fédérale a statué que l'équité procédurale n'exige pas que les membres de la Commission examinent le dossier d'enquête au complet. Ces derniers sont plutôt autorisés à se baser sur le rapport de l'enquêteur pour autant que celui-ci soit divulgué aux parties, que celles-ci aient la possibilité de faire toutes les observations pertinentes en réponse à ce rapport et que ces observations en réponse soient prises en compte par la Commission lorsqu'elle rend sa décision. De plus, l'enquêteur qui prépare le rapport doit mener une enquête rigoureuse. Une intervention est justifiée dans le cadre d'un contrôle judiciaire si l'enquêteur omet d'examiner des preuves manifestement capitales. [Non souligné dans l'original.]

(Tse c. Federal Express Canada Ltd., 2005 CF 598, [2005] A.C.F. no 740, au paragraphe 20)

[22]            L'enquête menée sur les plaintes de la demanderesse ne remplit donc pas le critère de minutie exposé dans la décision Slattery c. Canada, précitée. Le rejet par la Commission de la plainte de la demanderesse devrait donc être annulé du seul fait qu'il constitue un manquement à l'obligation d'équité.

b) le délai de communication de son rapport final à la demanderesse

[23]            La demanderesse fait aussi valoir que la Commission a énormément tardé à conclure son enquête. Les défendeurs affirment tous que le délai n'a pas compromis l'équité de la procédure ni d'une autre manière lésé la demanderesse, mais, selon moi, il y a eu manquement à l'équité procédurale, et cela pour deux raisons : la manière collective dont l'enquête a été menée et le fait qu'une bonne partie du délai est attribuable au mauvais traitement du dossier par la Commission. Dans la décision Hamilton c. Driftpile First Nation Band, 2002 CFPI 405, [2002] A.C.F. no 508, la Cour fédérale a jugé qu'un délai de trois ans pour l'enquête sur une plainte en matière de droits de la personne ne constituait pas un manquement à l'équité procédurale. Toutefois, ma collègue la juge Tremblay-Lamer est arrivée à cette conclusion après avoir examiné les facteurs contextuels de cette affaire :

En appliquant ces facteurs aux faits en l'espèce, je ne crois pas que le délai était excessif au point de constituer un abus de procédure. Bien qu'il soit malheureux que la Commission ait pris plus de trois ans pour rejeter la plainte du demandeur, la capacité du demandeur d'établir le bien-fondé de sa cause ne s'est pas détériorée au fil des ans et il n'est pas parvenu à démontrer qu'il avait subi un préjudice important. Compte tenu des facteurs contextuels en l'espèce, je ne suis pas convaincue que le délai « heurterai[t] le sens de la justice et de la décence de la société » . (Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 132) [Non souligné dans l'original.]

(Hamilton c. Driftpile First Nation Band, précité, au paragraphe 25)

[24]            En l'espèce, deux des plaintes ont été déposées le 1er juin 2001 et la troisième l'a été deux mois plus tard. Une enquêtrice a été affectée au dossier et a commencé son enquête; toutefois, le 5 mars 2002, la lettre suivante était envoyée à la demanderesse :

[TRADUCTION]

Madame,

Je regrette sincèrement la lenteur avec laquelle il est donné suite à vos plaintes. Je suis vraiment désolée de l'inquiétude et du désagrément qui ont pu en résulter car je sais combien ces questions sont importantes - non seulement pour vous, mais aussi pour la Commission. Soyez assurée que je suis consciente de tout cela et que je prendrai tous les moyens requis pour régler le problème. Encore une fois, toutes mes excuses.

Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Gerry de la Garza

Médiatrice

(Voir la pièce O du dossier de la demanderesse.)

[25]            La Commission dit regretter sincèrement le délai entraîné par la gestion négligente des dossiers de la demanderesse, et la médiatrice dit que cette affaire est importante pour la Commission et qu'elle prendra tous les moyens requis pour corriger le problème, mais le traitement de dossiers a de nouveau été retardé lorsque la Commission a décidé de remplacer la première enquêtrice par une autre, quelque temps entre l'été 2002 et l'hiver 2003.

[26]            L'affaire s'est encore envenimée lorsque la nouvelle enquêtrice affectée aux dossiers écrivait à la demanderesse le 10 mars 2003 pour lui dire que son rapport final serait retardé parce qu'elle avait du mal à obtenir des documents ainsi que les coordonnées des témoins. Je puis comprendre la contrariété de la demanderesse, qui à ce stade attendait le rapport final depuis bientôt deux ans. On lui disait maintenant que la Commission avait du mal à trouver les témoins, alors même qu'à plus d'une reprise elle lui avait communiqué les noms et les coordonnées de personnes qui étaient en mesure de témoigner, mais qui n'avaient pas encore été approchées.

[27]            Le 24 juillet 2003, la demanderesse rencontrait donc l'enquêtrice du moment et, dans une lettre de suivi envoyée le 28 juillet 2003, elle affirmait de nouveau qu'elle souhaitait que les témoins inscrits sur sa liste soient entendus. Plus exactement, elle y inscrivait les coordonnées de Caylene Niddrie, l'un de ses témoins clés, et elle y annexait aussi un courriel de M. Sukh Gill - un collègue qu'elle avait inscrit sur sa liste de témoins envoyée auparavant à la première enquêtrice - à titre d'exemple du genre de harcèlement sexuel auquel elle devait se soumettre quotidiennement. Non seulement la nomination d'une deuxième enquêtrice a-t-elle encore ralenti la marche des dossiers, mais, encore une fois, les témoins proposés n'ont pas été joints.

[28]            La Commission savait parfaitement que Shaw avait acquis les actifs de Cable et qu'un fort renouvellement de personnel était probable au sein de la nouvelle entité. Au lieu de retarder son enquête, la Commission aurait dû faire le maximum pour accélérer la procédure, puisqu'elle savait que chaque mois qui passait accroissait le risque de perdre d'éventuels témoins.

[29]            Lorsque le rapport final a été remis à la demanderesse le 26 février 2004, près de trois ans s'étaient écoulés, et aucun des témoins proposés par la demanderesse n'avait été entendu. Compte tenu des facteurs contextuels de la présente affaire, je suis convaincu que le temps écoulé a sapé l'aptitude de la demanderesse à prouver le bien-fondé de ses affirmations et qu'il en a résulté un préjudice pour elle. Je suis aussi convaincu que le temps écoulé répond au critère exposé dans l'arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, à savoir qu'il heurterait l'idée que se fait la collectivité de la justice et de la décence.

  1. La Commission a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable en rejetant les plaintes de la demanderesse?

[30]            J'ai déjà dit que la Commission a manqué à l'équité procédurale dans le traitement et l'étude des plaintes de la demanderesse, mais je suis d'avis que la manière dont elle a conduit l'enquête mérite plus ample examen, ce qui permettra de déterminer si une erreur manifestement déraisonnable a aussi été commise.

[31]            Après avoir examiné attentivement tous les documents que la Commission avait devant elle, ainsi que la manière dont elle a traité les plaintes, je voudrais simplement signaler quelques exemples d'agissements de la Commission qui, d'après moi, sont manifestement déraisonnables, qu'il s'agisse de l'établissement des faits ou des questions posées aux divers témoins à propos de ces faits.

[32]            La demanderesse dit que, le soir du 7 septembre 2000, elle a terminé son travail à 20 heures et que, au moment de quitter l'édifice, M. Tugade s'est approché d'elle et lui a offert de la conduire à sa voiture. Cependant, la preuve produite semble indiquer que M. Tugade avait terminé son poste à 21 heures ce soir-là. Un point controversé a été celui de savoir si la demanderesse avait attendu que M. Tugade termine son poste ou s'il avait pris une pause ou terminé tôt ce jour-là afin de rencontrer la demanderesse vers 20 heures. Une preuve documentaire a été présentée à la Commission pour montrer que la demanderesse est sortie à 20 h 9 min 5 s. Il m'est impossible de comprendre comment il se fait que ce type de document n'a pas été produit pour indiquer les heures d'entrée et de sortie de M. Tugade, ce qui aurait dispensé la Commission durant la procédure d'enquête d'avoir à départager les deux parties à propos des heures en cause. Il aurait été très simple d'obtenir ces registres et de donner une image plus précise de ce qui est véritablement arrivé ce soir-là.

[33]            Un autre exemple des maladresses de la Commission est la manière dont elle a analysé les relevés de téléphone cellulaire de M. Tugade. La demanderesse affirme qu'elle n'a pas appelé M. Tugade sur son téléphone cellulaire, mais que, si elle l'a fait, alors c'était des appels liés au travail. M. Tugade dit que la demanderesse lui a souvent téléphoné à titre personnel. Les relevés de téléphone ont été fournis par Rogers, et il aurait donc été très facile de vérifier le numéro et la durée des appels d'entrée et de sortie échangés entre la demanderesse et M. Tugade. Cela n'a pas été fait par la Commission, et nous sommes donc aux prises avec un autre vide béant dans la preuve.

[34]            Je voudrais aussi dire quelques mots sur le renvoi de la demanderesse par Shaw. Dans ses conclusions, Shaw a affirmé avec énergie que les employés qui avaient passé en revue le dossier de la demanderesse et qui avaient décidé que son mauvais rendement appelait un congédiement n'avaient jamais été mis au fait de ses plaintes de harcèlement sexuel ni de l'enquête interne conduite par le service des ressources humaines de Rogers (puis par celui de Shaw).

[35]            L'avis de licenciement envoyé par Shaw à la demanderesse le 21 novembre 2000 mentionne ce qui suit :

[TRADUCTION]

En conséquence de l'échange d'actions entre Rogers Communications Inc. (Rogers) et Shaw Communications Inc. (Shaw), nous avons étudié attentivement nos besoins en personnel et avons conclu que votre poste n'est plus requis. Par conséquent, la présente confirmera que vos services ne seront plus requis à compter du 21 novembre 2000.

Nous regrettons que cette mesure soit devenue nécessaire, mais, à notre avis, il est impératif pour nous de reconnaître les économies et les gains de productivité que peut nous apporter un regroupement pour garantir la viabilité de nos activités de câblodistribution.

(...)

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à communiquer directement avec le service des ressources humaines de Rogers ou avec notre service des ressources humaines, sans frais, au numéro 1-877-503-9252.

Veuillez agréer, Madame, l'expression de nos sentiments distingués.

SHAW CABLESYSTEMS G.P.

(Voir la pièce H de l'affidavit de Maria Assunta Pezzente, daté du 22 avril 2004)

[36]            La lettre ne dit rien sur les allégations de harcèlement sexuel de la demanderesse, ni sur son mauvais rendement, lequel, d'affirmer Shaw avec énergie, est la raison du congédiement de la demanderesse. Priée d'expliquer pourquoi le motif invoqué dans l'avis de congédiement n'était pas le même que celui qui était allégué, l'avocate de Shaw a répété encore une fois que la demanderesse était licenciée pour des raisons liées à son rendement, et non pour une quelconque autre raison :

[TRADUCTION]

LE JUGE:       Alors pourquoi l'avez-vous congédiée?

Mme IYER:      J'y viens dans un moment, monsieur le juge. La réponse toute simple à cela est exactement celle que vous avez exposée. Rogers n'a pas révélé à Shaw - lorsque le transfert a eu lieu, Shaw a reçu de Rogers les dossiers des employés, les dossiers de personnel et les dossiers de rendement. Shaw les a parcourus et a décidé quels employés l'entreprise allait garder et ceux auxquels elle allait offrir une prime de licenciement. Et elle l'a fait en se fondant sur les évaluations de rendement versées dans les dossiers en question.

LE JUGE:       C'est ce que vous avez écrit dans la lettre?

Mme IYER:      Non, monsieur le juge, ce n'est pas le...

LE JUGE:        La raison pour laquelle vous l'avez congédiée n'est donc pas la raison que vous lui avez donnée? Est-ce bien là ce que vous me dites?

Mme IYER:      Monsieur le juge, comme vous l'avez dit, les chiffres...

LE JUGE:       Est-il question du rendement dans la lettre que vous lui avez envoyée?

Mme IYER:      Non.

JUSTICE:       Mais le rendement est-il la raison de son congédiement?

Mme IYER:      C'est la conclusion de l'enquêtrice.

LE JUGE:       Nous devons donc deviner. Nous devons deviner. L'entreprise a pris une décision fondée sur le rendement, mais vous ne l'avez pas dit à la plaignante. Vous lui avez donné une autre raison.

Mme IYER:      C'est exact, monsieur le juge.

(Transcription de l'audience tenue le 24 mai 2005, à la page 211)

[37]            Si je dois admettre, ainsi que Shaw le prétend, que la demanderesse a été congédiée uniquement en raison de son rendement et que ceux qui ont décidé son renvoi n'étaient pas au courant des plaintes déposées par elle, alors le service des ressources humaines de Shaw et celui de Rogers se sont trouvés pris entre l'arbre et l'écorce.

[38]            D'une part, ils affirment avoir préservé la confidentialité des plaintes de la demanderesse afin que ses collègues ou ses superviseurs ne la voient pas sous un jour différent et ne la traitent pas différemment à cause de cela. D'autre part, ils n'ont rien fait pour intervenir dans le congédiement de la demanderesse, alors même qu'ils étaient au fait des circonstances dans lesquelles se trouvait la demanderesse et qui empoisonnaient son quotidien.

[39]            Le comble, c'est que l'avis de licenciement adressé à la demanderesse précise que, si elle a des questions à propos de son renvoi, elle devrait les adresser au service des ressources humaines de Rogers ou à celui de Shaw. Les mêmes services qui étaient censés aider la demanderesse à venir à bout du harcèlement sexuel et qui étaient donc au courant de la tension constante dans laquelle elle vivait sont aujourd'hui priés de justifier son renvoi.

[40]            Lorsque le service des ressources humaines est au courant de faits susceptibles d'expliquer le mauvais rendement d'un employé qui est congédié précisément pour cause de mauvais rendement et que ce service des ressources humaines n'intervient pas en révélant l'existence de circonstances atténuantes, alors l'enquête interne destinée à venir en aide à l'employé lui cause en réalité un préjudice.

[41]            Je sais que les lois empêchent la divulgation des plaintes internes, afin de protéger la vie privée des intéressés, mais on n'obtient rien de bon lorsqu'on dispose de plaintes d'une manière qui fait totalement abstraction des activités de l'intéressé au sein de l'organisation. Affirmer le contraire serait hypocrite envers le plaignant et tournerait en dérision les propres procédures d'enquête interne suivies par l'organisation.

[42]            Néanmoins, je m'éloigne des nombreuses autres erreurs que la Commission a commises dans la manière dont elle a évalué la preuve et conduit l'enquête. Les erreurs recensées dans mon analyse ci-dessus font que la Commission a agi de manière manifestement déraisonnable dans le traitement des plaintes de la demanderesse.

[43]            Puisque selon moi la Commission a agi d'une manière manifestement déraisonnable et que le traitement global des plaintes de la demanderesse, le délai de communication d'un rapport final et l'absence d'audition d'un quelconque témoin proposé par la demanderesse constituent de graves manquements à l'équité procédurale, je suis d'avis que les trois plaintes doivent être renvoyées à la Commission pour nouvelle décision. Je fais donc droit à la demande de contrôle judiciaire.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

·          La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

·          La décision de la Commission datée du 26 février 2004 est annulée;

·          L'affaire est renvoyée à la Commission pour nouvel examen des plaintes de la demanderesse et nouvelle décision selon une procédure accélérée, compte tenu des circonstances propres à la demanderesse;

·          L'affaire sera instruite par un enquêteur qui n'est pas intervenu auparavant dans le dossier.

« Pierre Blais »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.
DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6

44. (1) L'enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l'enquête.

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

(2) La Commission renvoie le plaignant à l'autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l'article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

(i) d'une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

(ii) d'autre part, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-597-04

INTITULÉ :                                        MARIA ASSUNTA PEZZENTE

c.

ROGERS COMMUNICATIONS INC., SHAW CABLESYSTEMS G.P. et MEL TUGADE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 24 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :              LE 8 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Maria Assunta Pezzente                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Israel Balter                                                                               POUR LES DÉFENDEURS,

ROGERS COMMUNICATIONS INC. ET MEL TUGADE

Nitya Iyer                                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE,

                                                                                                SHAW CABLESYSTEMS G.P.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Maria Assunta Pezzente                                                            DEMANDERESSE

(a comparu en sonpropre nom)

Lang Michener LLP                                                                   POUR LES défendeurs,

(Toronto)                                                                                  ROGERS COMMUNICATIONS INC. ET MEL TUGADE

Heenan Blaikie LLP                                                                   POUR LA DÉFENDERESSE,

(Vancouver)                                                                              SHAW CABLESYSTEMS G.P.

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