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Date : 20050510

Dossier : IMM-7009-04

Référence : 2005 CF 659

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN                              

ENTRE :

                                                     ZENAIDA FORTIN CASTRO

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La demanderesse est arrivée au Canada dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants (PAFR) le 25 novembre 2002, en provenance des Philippines. Elle a tenté d'obtenir le statut de résident permanent pour elle-même, son mari et leur fillette de dix ans. Son mari et leur fillette sont restés aux Philippines et elle a donc été séparée de sa famille pour une période d'environ deux ans pendant qu'elle travaillait au Canada.

[2]                La demanderesse a travaillé pour sa soeur à compter du jour de son arrivée au Canada jusqu'au 31 mars 2004. Elle a trouvé de nouveaux employeurs et a commencé à travailler pour Mme Melinda et M. de Lara le 14 avril 2003. Elle a travaillé pour eux jusqu'au 28 février 2004. Son permis de travail était valable jusqu'au 13 avril 2004. En mars 2004, la demanderesse a trouvé un autre employeur, Mme Grelish, qui a inscrit son nom dans le registre des travailleurs domestiques. Mme Grelish a ensuite présenté à Développement des ressources humaines Canada (DRHC) sa demande pour l'embauche d'un aide familial étranger résidant.

[3]                Mme Grelish n'a toutefois pas reçu de confirmation de DRHC parce qu'elle avait omis d'inscrire son adresse personnelle sur le formulaire de demande. Elle en outre décidé, au beau milieu du processus de demande, que la demanderesse devrait plutôt travailler pour ses parents. Afin que la demanderesse puisse travailler pour le père de Mme Grelish, il fallait réinscrire son nom dans le registre des travailleurs domestiques et soumettre à DRHC une nouvelle demande pour l'embauche d'un aide familial étranger résidant. Lorsque Mme Grelish a reçu une nouvelle lettre de confirmation de DRHC, la demanderesse a immédiatement envoyé sa demande en vue d'obtenir un nouveau permis de travail, accompagnée d'un reçu pour les droits de 150 $. Lorsqu'elle a envoyé cette demande le 23 juin 2004, son permis de travail était échu depuis 71 jours.


[4]                La demanderesse a reçu de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) une lettre datée du 24 juillet 2004 l'informant que sa demande de permis de travail avait été refusée parce qu'elle n'avait pas présenté de demande de rétablissement accompagnée des droits applicables. CIC n'a pas avisé la demanderesse, au cours de la période de deux semaines où elle aurait pu soumettre une demande de rétablissement, qu'elle pouvait procéder ainsi à condition de verser les droits de rétablissement de 200 $.

[5]                La demanderesse sollicite donc le contrôle judiciaire de cette décision en faisant valoir qu'en vertu des principes de l'équité procédurale, on aurait dû lui donner l'occasion de compléter sa demande, c'est-à-dire de présenter une demande de rétablissement de son statut de résidente temporaire ainsi qu'une demande de renouvellement de son permis de travail, afin de proroger son statut dans le cadre du PAFR.

[6]                Il n'est pas contesté que la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas est celle de la décision raisonnable simpliciter (voir Ram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 855).

[7]                Les aides familiaux résidants doivent tout d'abord obtenir un visa de travail pour pouvoir entrer au Canada; une fois au Canada, munis d'une autorisation de travail, ils sont considérés comme des résidents temporaires. Ils peuvent présenter une demande de résidence permanente au Canada après avoir travaillé pendant deux ans à titre d'aide familial résidant, dans les trois ans suivant leur arrivée au pays.

[8]                Les travailleurs peuvent obtenir une prorogation de leur permis de travail en déposant une demande de prorogation avant l'expiration de la durée de validité (voir l'article 181 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement)). Si une personne perd son statut, elle peut présenter une demande de rétablissement dans les 90 jours suivant l'expiration de son statut de résident temporaire (voir l'article 182 du Règlement).

[9]                Le demandeur qui omet de demander la prorogation de son statut doit retourner dans son pays d'origine et reprendre le processus depuis le début. Aucun crédit n'est accordé pour la période pendant laquelle il a déjà résidé au Canada dans le cadre du PAFR. De plus, aux Philippines, le traitement des demandes faites en vertu du PAFR prend environ deux ans; c'est pourquoi le renvoi d'un aide familial parce qu'il a omis de cocher une case et de verser des droits de 200 $ est une mesure plutôt draconienne.

[10]            Les faits de la présente affaire sont quasi identiques à ceux de Lim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 657, où j'ai dit au paragraphe 28 de mes motifs :

Si l'on applique les règles du bon sens à ce processus, la date de réception de la demande, c'est-à-dire le 25 mai 2004, devrait être considérée comme la date déterminante. De toute évidence, la demanderesse ne savait pas (et on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'elle l'ait su à la lecture du guide de prorogation de séjour) qu'elle devait également présenter une demande de rétablissement de statut. Il aurait fallu informer la demanderesse qu'elle devait cocher la case D et envoyer un montant additionnel de 200 $, le tout dans les 19 jours (le délai restant à courir de la période de grâce de 90 jours). C'est tout ce qu'elle avait à faire. Au lieu de cela, CIC a appliqué machinalement l'article 12 du Règlement, déclarant que la demande était hors délai. À mon avis, cette manière de procéder n'est pas conforme au bon sens, pas plus qu'elle ne respecte la décision Choi, précitée.

[11]            Par coïncidence, la demande présentée en l'espèce a également été reçue le 71e jour de la période de grâce de 90 jours prévue à l'article 182 du Règlement. Par conséquent, si on applique mutatis mutandis à la présente instance le raisonnement suivi dans Lim, précitée, le 23 juin 2004 doit être considérée comme la date déterminante. La demanderesse ignorait (et on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'elle l'ait su, à la lecture du guide de prorogation de séjour) qu'elle devait également présenter une demande de rétablissement de statut. Il aurait fallu informer la demanderesse qu'elle devait cocher la case D et envoyer un montant additionnel de 200 $, le tout dans les 19 jours (le délai restant à courir de la période de grâce de 90 jours). Le bon sens et le respect des principes énoncés dans la décision Choi, précitée, exigent qu'il en soit ainsi.

[12]            Par conséquent, la demande sera accueillie.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE l'annulation de la décision rendue le 27 juillet 2004 par le Centre de Vegreville de CIC. L'affaire est renvoyée au Centre de Vegreville de CIC pour un nouvel examen, conformément aux dispositions du paragraphe 11 des présents motifs de l'ordonnance.

            « Konrad von Finckenstein »       

Juge                            

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                                      IMM-7009-04

INTITULÉ :                                                   ZENAIDA FORTIN CASTRO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 28 AVRIL 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 10 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Deanna Okun-Nachoff                          POUR LA DEMANDERESSE

Helen Park                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Deanna Okun-Nachoff

Avocate

Vancouver (C.-B.)                                           POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR              

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