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Date : 20060626

Dossier : IMM-6011-05

Référence : 2006 CF 810

OTTAWA (ONTARIO), LE 26 JUIN 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

DMITRI ZLOBINSKI

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        M. Zlobinski est arrivé au Canada accompagné de sa mère en 1992 à l'âge de 14 ans. Il a été interdit de territoire au Canada pour grande criminalité et une mesure d'expulsion valide a été prise contre lui. M. Zlobinski a par conséquent demandé à la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI) d'ordonner le sursis de cette mesure d'expulsion.

 

[2]        Pour pouvoir surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion, la SAI devait être convaincue de l'existence de « motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales » (voir le paragraphe 68(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27). La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle la SAI a refusé de surseoir à la mesure de renvoi de M. Zlobinski parce qu'à son avis il n'y avait pas motifs d’ordre humanitaire justifiant de lui accorder cette réparation.

 

[3]        Dans sa décision, la SAI a fait observer qu'elle se guidait sur les facteurs qui ont été jugés pertinents dans la décision Ribic c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] I.A.B.D. no 4, et qui ont été approuvés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84. Voici les conclusions que la SAI a tirées au sujet de chacun de ces facteurs :

·        M. Zlobinski avait été reconnu coupable de neuf infractions, dont trois concernaient des introductions par effraction et deux, le défaut de se conformer à une ordonnance de probation. Après sa première condamnation  pour introduction par effraction, M. Zlobinski avait été averti par écrit que toute récidive entraînerait son expulsion. En dépit de cette mise en garde, M. Zlobinski a récidivé. Il a été jugé que les infractions dont il avait été reconnu coupable [traduction] « appartenaient à la catégorie des crimes graves et que son casier judiciaire révèle l'existence d'un profil criminel, ce qui joue beaucoup contre lui ».

 

·        M. Zlobinski n'était pas un bon candidat à la réadaptation, compte tenu de ses échecs antérieurs à ce chapitre. La SAI a signalé que M. Zlobinski avait consommé de l'héroïne pendant une dizaine d'années et que ses antécédents judiciaires témoignaient de son besoin de financer sa dépendance aux drogues. La SAI a estimé qu'il n'avait pas révélé toute l'ampleur de sa consommation d'héroïne à sa fiancée ou à sa famille, à qui il avait également dissimulé une partie de ses problèmes d'immigration. La SAI en a conclu que M. Zlobinski refusait de reconnaître la gravité de son problème de consommation de drogues.

 

·        M. Zlobinski a établi peu de liens avec le Canada, [traduction] « si ce n'est avec sa jeune fiancée ». Ses antécédents professionnels sont « partiels », il a peu d'argent à la banque, n'a pas de voiture et n'a aucun intérêt financier dans la maison familiale. La SAI a conclu qu'il avait établi certains liens au Canada, dans la mesure où il n'a aucune parenté en Ukraine, le pays dont il a la citoyenneté. Toute sa famille vit au Canada, sauf pour deux de ses grands-parents, qui vivent aux États-Unis.

 

·        M. Zlobinski serait exposé à des difficultés et à des bouleversements s'il était expulsé. Malgré le fait qu'il serait séparé de sa famille s'il était expulsé du Canada, il n'a pas cherché à obtenir leur aide pour résoudre ses problèmes. Il est possible que les programmes de désintoxication qui sont offerts en Ukraine aux héroïnomanes soient différents de ceux qui existent ici, mais il n'en demeure pas moins que M. Zlobinski [traduction] « ne s'est pas prévalu des programmes qui étaient à sa disposition au Canada d'une façon assez constante ou systématique pour résoudre son problème. Je suis persuadée que les difficultés qu'il évoque au sujet des programmes de désintoxication qu'il pourrait suivre en Ukraine sont compensées par le fait qu'il a mal utilisé les ressources qui étaient mises à sa disposition au Canada ». La SAI a admis que l'expulsion de M. Zlobinski occasionnerait des difficultés à sa famille.

 

[4]        Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable dans le cas d'un appel fondé sur des motifs d'ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable pour la décision dans son ensemble et celle de la décision manifestement déraisonnable en ce qui concerne les conclusions de fait tirées par la SAI. J'accepte qu'il s'agit des normes de contrôle applicables et ce, pour les motifs exposés par la juge Layden-Stevenson dans le jugement Rajendran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 658, au paragraphe 6.

 

[5]        L'avocat de M. Zlobinski affirme que la SAI :

 

·        n'a pas tenu compte de la totalité du témoignage donné par le médecin de M. Zlobinski en sa qualité d'expert, négligeant ainsi la longue période durant laquelle M. Zlobinski était abstinent et suivait une thérapie;

·        n'a pas mentionné dans ses motifs le témoignage du père de M. Zlobinski;

·        a mal calculé la période durant laquelle M. Zlobinski avait vécu au Canada et qui constituait un facteur pertinent pour déterminer son degré d'établissement.

 

[6]        En somme, l'avocat de M. Zlobinski affirme que son client avait droit à une analyse plus fouillée pour démontrer que la SAI avait régulièrement examiné la preuve, ainsi que tous les faits dont elle disposait.

 

[7]        Malgré l'habile plaidoyer de son avocat et la sympathie que la situation de M. Zlobinski m'inspire, je conclus que la SAI n'a pas commis d'erreur dans ses conclusions de fait ou dans son appréciation de l'existence des motifs d'ordre humanitaire.

 

[8]        En ce qui concerne les erreurs précises qui sont reprochées à la SAI, ainsi que l'avocat de M. Zlobinski l'a admis, le témoignage du médecin de M. Zlobinski aurait pu être plus positif. Ce médecin a en effet déclaré, dans son témoignage, que [traduction] « s'il ne se fait pas davantage soigner pour sa dépendance aux drogues, il risque grandement de rechuter et de recommencer à consommer des drogues ». Il a également signalé qu'au moment de l'audience, il n'était pas prévu de façon ferme que M. Zlobinski suivrait un programme de désintoxication. Cette question devait être abordée plus tard. Ainsi que l'avocate du ministre l'a souligné, au moment de l'audience qui s'est déroulée devant la SAI le 28 janvier 2005, M. Zlobinski avait consommé de l'héroïne le mois précédent et avait acheté de la méthadone illégalement le 9 janvier 2005. Il était loisible à la SAI de conclure, vu l'ensemble de la preuve, que M. Zlobinski n'était pas un bon candidat pour la réadaptation.

 

[9]        Il est vrai que la SAI ne mentionne pas explicitement dans ses motifs le témoignage du père de M. Zlobinski. La SAI a toutefois évoqué les difficultés qu'une expulsion en Ukraine occasionnerait à M. Zlobinski et à sa famille. Ce sont des éléments au sujet desquels le père de M. Zlobinski a témoigné. Après avoir examiné le témoignage du père de M. Zlobinski dans toute son intégralité, je ne suis pas convaincue que ce témoignage permet de conclure que le défaut de la SAI d'en faire expressément mention donne à penser qu'elle a ignoré des éléments de preuve importants.

 

[10]      Enfin, c'est avec raison que l'on signale que, dans ses motifs, la SAI affirme à tort que M. Zlobinski est arrivé au Canada en 1995 à l'âge de 17 ans. Toutefois, dans le paragraphe suivant, la SAI écrit à juste titre que M. Zlobinski est arrivé au Canada en 1992 et qu'il y est resté. La première erreur ne tire pas à conséquence.

 

[11]      Après avoir assujetti la décision de la SAI à un examen assez poussé, je conclus qu'elle repose sur des motifs qui, à leur tour, sont valablement fondés sur la preuve.

 

[12]      La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Les avocats n'ont proposé aucune question à certifier et je suis convaincue que la présente affaire n'en soulève aucune.

 

JUGEMENT

 

[13]      LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6011-05

 

INTITULÉ :                                       DMITRI ZLOBINSKI

demandeur

 

                                                            et

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 12 JUIN 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 26 JUIN 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

LORNE WALDMAN                                                             POUR LE DEMANDEUR

 

MARY MATTHEWS                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LORNE WALDMAN                                                             POUR LE DEMANDEUR

TORONTO (ONTARIO)

 

JOHN H. SIMS, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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