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Date : 20040225

Dossier : T-1135-02

Référence : 2004 CF 277

ENTRE :

RONALD BRESCIA, ROSA CARROLL, DEBRA JOLICOEUR

et TERRENCE MATSON

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                          - et -

                                   SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le CONSEIL DU TRÉSOR et

LA COMMISSION CANADIENNE DES GRAINS

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN


A:                  Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision de M. Barry W. Senft, commissaire en chef de la Commission canadienne des grains, datée du 18 juin 2000 qui rejetait les griefs déposés par les demandeurs en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (LRTFP). Les demandeurs, des employés permanents à temps plein, contestaient la décision qui avait pour effet de les placer en situation d'inactivité non rémunérée pour des périodes pouvant aller jusqu'à trois mois.

LE CONTEXTE

B:                   La question en litige est de savoir si le gouvernement a le droit de placer ses employés permanents « en situation d'inactivité » , sans rémunération, pendant trois mois, lorsqu'il y a une pénurie de travail.

C:                  Les demandeurs affirment que leur employeur n'avait pas le pouvoir de les placer, eux et 65 autres employés à plein temps, « en situation d'inactivité » sans rémunération. L'expression « mise en situation d'inactivité » désigne le fait de placer des employés dans une situation où ils ne travaillent pas, où ils ne sont pas rémunérés, mais où ils continuent à être employés et à bénéficier d'avantages sociaux, comme le droit à une pension, tout en étant temporairement au chômage.

D:                  Les demandeurs présentent la demande pour leur propre compte, étant donné que la Cour a déjà jugé que leur agent négociateur, l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) n'avait pas la qualité nécessaire pour contester la décision de la Commission canadienne des grains. Voir la décision prononcée par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor) (2001), 205 F.T.R. 270, confirmée par la Cour d'appel fédérale (2002), 293 N.R. 325.

LES FAITS


E:                   Les demandeurs sont des employés à temps plein qui travaillent dans les installations de la Commission canadienne des grains (CCG) situées à Thunder Bay. Près de 105 employés non saisonniers travaillent dans cette installation qui fournit des services à l'industrie du grain dans le port de Thunder Bay. Les céréales arrivent par chemin de fer à Thunder Bay et elles sont ensuite transportées par navire par la voie maritime du Saint-Laurent. L'installation de Thunder Bay offre les services suivants : inspection et pesée des expéditions de grain, contrôle des infestations, gestion des documents d'expédition et vérification du niveau des stocks dans le terminus.

F:                   Les employés travaillent de façon continue mais la quantité de travail diminue de façon importante en hiver parce que la voie maritime est fermée. C'est le programme chemin de fer de la Commission canadienne du blé (CCB) qui occupe alors ces employés. Au cours de l'hiver 1999-2000, la CCB a décidé de ne pas faire passer de wagons céréaliers par Thunder Bay. La décision a été transmise à la CCG le 6 décembre 1999. C'était la première fois depuis au moins vingt ans que la CCB n'avait pas de programme de transport par chemin de fer pendant l'hiver à Thunder Bay. La CCG a alors décidé de placer trois groupes d'employés en situation d'inactivité : (1) les inspecteurs de produits primaires (PI-CGC); (2) le soutien technique et scientifique (EG); et (3) les manoeuvres-manutentionnaires et peseurs de grain (GL-GHW). Le nombre des employés concernés s'élève à 69.


G:                  La décision a été communiquée officiellement à tous les employés concernés par une lettre datée du 21 décembre 1999 mais ces derniers avaient déjà été informés du fait qu'ils seraient probablement placés en situation d'inactivité avant qu'ils ne reçoivent l'avis officiel. Tous les employés concernés ont été officiellement informés du fait qu'ils seraient placés en situation d'inactivité du 10 janvier 2000 au 3 avril 2000 au plus tard; tous les employés concernés ont en fait repris le travail avant le 13 mars 2000. La décision de les placer en situation d'inactivité a été mise en oeuvre de la façon suivante :

a)         quelques semaines plus tard, certains employés ont été rappelés au travail pour des périodes de une à deux semaines;

b)         les employés ont été rappelés selon l'ordre alphabétique de leur nom;

c)         lorsque l'employé n'était pas là pour répondre à l'appel téléphonique, on communiquait avec le nom suivant sur la liste alphabétique des employés;

d)         on appelait les employés le jeudi ou le vendredi précédant le lundi, jour où on leur demandait de retourner au travail;

e)         les employés qui avaient choisi de prendre un congé avec étalement du revenu de façon à réduire l'effet de leur situation d'inactivité n'étaient pas contactés;

f)          un employé saisonnier a travaillé pendant deux semaines, du 17 au 30 janvier;

g)         tous les employés ont repris le travail avant le 13 mars 2000.

Motifs de la décision de placer les employés en situation d'inactivité

H:                  Le 9 décembre 1999, tous les employés de Thunder Bay ont reçu une note de service émanant du directeur régional dans laquelle il les informait du risque d'une pénurie de travail et mentionnait les conséquences possibles. La note de service se lit ainsi :

[traduction] Comme vous le savez tous, l'activité dans les terminaux portuaires sera sensiblement réduite cet hiver, encore plus qu'au cours des années précédentes. Par conséquent, il faudra prendre des décisions difficiles à l'égard du personnel. D'après les informations dont nous disposons à l'heure actuelle, nous prévoyons prendre les mesures suivantes.


Tout le personnel employé pour une période déterminée sera licencié à mesure que diminuera le volume des céréales. Le personnel saisonnier sera placé en congé saisonnier, possiblement à partir du 31 décembre 1999. Le personnel saisonnier reprendra le travail dès que la charge de travail le permettra.

La majorité du personnel titularisé aux niveaux PI-1, PI-3, EG-3 et GL-GHW-7 (y compris ceux qui sont rémunérés au niveau GHW-7A1) seront placés en situation d'inactivité. Cela pourrait se faire dès le 10 janvier 2000. Il est prévu que la situation d'inactivité pourrait se prolonger jusqu'au début du mois d'avril 2000. [...] Le début et la fin de la période d'inactivité sera la même pour tout le personnel concerné. [Non souligné dans l'original]

[...]

Le personnel concerné pourra utiliser les crédits de congé de façon à compenser l'effet du congédiement saisonnier et de la mise en situation d'inactivité. En outre, les demandes concernant d'autres types de congé, comme les congés avec étalement du revenu, congés sans rémunération pour des raisons personnelles, seront examinés avec beaucoup d'attention.

[...]

Le 20 décembre, un courriel a été envoyé à tous les employés de Thunder Bay pour confirmer les préoccupations mentionnées dans la note de service du 9 décembre. Ce courriel énonce :

[traduction] Il semble aujourd'hui que les craintes exposées dans la note du service du 9 décembre 1999 sont maintenant confirmées. Il n'y aura pratiquement pas de travail cet hiver. [Non souligné dans l'original]

Le personnel saisonnier et les employés à durée déterminée seront mis en disponibilité à la fin du mois de décembre. La situation d'inactivité pour le personnel visé par elle débutera probablement le 10 janvier 2000. Les niveaux de classification sont les mêmes que ceux qui étaient indiqués dans la note de service antérieure : les niveaux PI-1, PI-3, GHW-7 (y compris les employés rémunérés au taux de GHW-7A1) et EG-3. Les employés seront informés directement par lettre de leur placement en situation d'inactivité.

Les griefs

I:                     Le 21 décembre 1999, tous les employés concernés ont reçu un avis officiel les informant de leur mise en situation d'inactivité, qui se lisait ainsi :


[traduction] La diminution de la quantité de céréales qui va transiter par le port au cours des trois prochains mois nous oblige à placer un certain nombre d'employés en inactivité. À la suite de cette décision, vous serez placé en situation d'inactivité à partir du 10 janvier 2000. Vous serez rappelé au travail le 3 avril 2000 au plus tard. Nous tenterons de vous fournir du travail pendant cette période en fonction des exigences opérationnelles, des besoins en formation et de notre capacité à mettre sur pied des projets. Nous nous efforcerons de vous prévenir le plus tôt possible de la reprise du travail. [Souligné dans l'original]

[...]

L'ampleur de la réduction du volume de travail que nous allons connaître cet hiver nous empêche d'envisager d'autres solutions que la mise en situation d'inactivité. Nous allons continuer à essayer de mettre au point des projets et des initiatives de formation raisonnable de façon à réduire les répercussions de cette période d'inactivité.

J:                     Les demandeurs ont alors déposé des griefs conformément à l'article 91 de la LRTFP et demandé que leur soient versées les sommes qu'ils n'ont pas touchées pendant la période d'inactivité. Le commissaire a rejeté leurs griefs et les mesures de réparation demandées dans une lettre datée du 18 juin 2002, qui se lisait ainsi :

[traduction]

[...]

La mise en inactivité a été décidée à cause d'une pénurie temporaire de travail. L'article 25.01 de la convention collective des Services techniques précise que « la durée du travail prévue à l'horaire d'un employé-e ne doit pas être considérée comme une garantie d'une durée minimale ou maximale du travail » .

La gestion du travail ou de la pénurie de travail ne constitue pas un abus de pouvoir. Votre grief est donc rejeté et la mesure de redressement demandée, à savoir « le remboursement de toutes les sommes et heures de travail correspondant à la période d'inactivité » , est refusée.

K:                  Le 24 juin 2002, l'agent négociateur des demandeurs, l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), a demandé au commissaire d'où il tirait légalement le pouvoir de placer ces employés en situation d'inactivité. Le commissaire a répondu par une lettre datée du 28 juin 2002 que le pouvoir découlait de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, (LGFP) et de la jurisprudence de la Cour fédérale :

[traduction] Le pouvoir de la CCG de gérer les ressources humaines découle de la Loi sur la gestion des finances publiques (la LGFP). Voici les dispositions pertinentes de cette Loi :


7. (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l'égard des questions suivantes :

a) les grandes orientations applicables à l'administration publique fédérale;

b) l'organisation de l'administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie;

[...]

e) la gestion du personnel de l'administration publique fédérale, notamment la détermination de ses conditions d'emploi;

f) les autres questions que le gouverneur en conseil peut lui renvoyer.

11. (2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

a) déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

[...]

d) déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique, leurs horaires et leurs congés, ainsi que les questions connexes;

[...]

i) réglementer les autres questions, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent paragraphe, dans la mesure où il l'estime nécessaire à la bonne gestion du personnel de la fonction publique.

Nous notons en outre que la Cour fédérale du Canada a confirmé ce droit dans l'arrêt A.F.P.C. c. Canada (Commission canadienne des grains). La Cour a jugé que l'employeur pouvait, dans ses activités de gestion, faire ce qui n'était expressément interdit par la loi ou par la convention collective.

D'après ce qui précède, nous pensons que le pouvoir que possède l'employeur de mettre des employés en situation d'inactivité a été reconnu. Les seules limitations que l'on peut apporter à ce pouvoir de gestion sont celles que prévoit expressément la loi ou une convention collective.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

1.          La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35



Définitions

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

Definitions

2. (1) In this Act,

[...]

« employeur » "employer"

« employeur » Sa Majesté du chef du Canada représentée :

a) par le Conseil du Trésor, dans le cas d'un secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I;

b) par l'employeur distinct en cause, dans le cas d'un secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

[...]

"employer" « employeur »

"employer" means Her Majesty in right of Canada as represented by,

(a) in the case of any portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I, the Treasury Board, and

(b) in the case of any portion of the public service of Canada specified in Part II of Schedule I, the separate employer concerned;

[...]




Droit de déposer des griefs

Droit du fonctionnaire

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement -- administratif ou autre --, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

Right to Present Grievances

Right of employee

91. (1) Where any employee feels aggrieved

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) a provision of a statute, or of a regulation, by-law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or

(b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii),

in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.


Restrictions

(2) Le fonctionnaire n'est pas admis à présenter de grief portant sur une mesure prise en vertu d'une directive, d'une instruction ou d'un règlement conforme à l'article 113. Par ailleurs, il ne peut déposer de grief touchant à l'interprétation ou à l'application à son égard d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale qu'à condition d'avoir obtenu l'approbation de l'agent négociateur de l'unité de négociation à laquelle s'applique la convention collective ou la décision arbitrale et d'être représenté par cet agent.

Limitation

(2) An employee is not entitled to present any grievance relating to the interpretation or application, in respect of the employee, of a provision of a collective agreement or an arbitral award unless the employee has the approval of and is represented by the bargaining agent for the bargaining unit to which the collective agreement or arbitral award applies, or any grievance relating to any action taken pursuant to an instruction, direction or regulation given or made as described in section 113.

Droit d'être représenté par une organisation syndicale

(3) Le fonctionnaire ne faisant pas partie d'une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée peut demander l'aide de n'importe quelle organisation syndicale et, s'il le désire, être représenté par celle-ci à l'occasion du dépôt d'un grief ou de son renvoi à l'arbitrage.

Right to be represented by employee organization

(3) An employee who is not included in a bargaining unit for which an employee organization has been certified as bargaining agent may seek the assistance of and, if the employee chooses, may be represented by any employee organization in the presentation or reference to adjudication of a grievance.

Idem

(4) Le fonctionnaire faisant partie d'une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée ne peut être représenté par une autre organisation syndicale à l'occasion du dépôt d'un grief ou de son renvoi à l'arbitrage.

S.R., ch. P-35, art. 90.

Arbitrage des griefs

Renvoi à l'arbitrage

Renvoi d'un grief à l'arbitrage

Idem

(4) No employee who is included in a bargaining unit for which an employee organization has been certified as bargaining agent may be represented by any employee organization, other than the employee organization certified as bargaining agent, in the presentation or reference to adjudication of a grievance.

R.S., c. P-35, s. 90.

Adjudication of Grievances

Reference to Adjudication

Reference of grievance to adjudication

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to


a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,                 b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4),

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty,

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.


Approbation de l'agent négociateur

(2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

Approval of bargaining agent

(2) Where a grievance that may be presented by an employee to adjudication is a grievance described in paragraph (1)(a), the employee is not entitled to refer the grievance to adjudication unless the bargaining agent for the bargaining unit, to which the collective agreement or arbitral award referred to in that paragraph applies, signifies in the prescribed manner its approval of the reference of the grievance to adjudication and its willingness to represent the employee in the adjudication proceedings.

Exclusion

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Termination under P.S.E.A. not grievable

(3) Nothing in subsection (1) shall be construed or applied as permitting the referral to adjudication of a grievance with respect to any termination of employment under the Public Service Employment Act.



2.          La Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11


Attributions du Conseil du Trésor

7. (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l'égard des questions suivantes :

Responsibilities of Treasury Board

7. (1) The Treasury Board may act for the Queen's Privy Council for Canada on all matters relating to

a) les grandes orientations applicables à l'administration publique fédérale;

(a) general administrative policy in the public service of Canada;

b) l'organisation de l'administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie;

[...]

(b) the organization of the public service of Canada or any portion thereof, and the determination and control of establishments therein;

[...]

e) la gestion du personnel de l'administration publique fédérale, notamment la détermination de ses conditions d'emploi;

(e) personnel management in the public service of Canada, including the determination of the terms and conditions of employment of persons employed therein;

e.1) les conditions d'emploi des personnes nommées par le gouverneur en conseil qui ne sont pas prévues par la présente loi, toute autre loi fédérale, un décret ou tout autre moyen;

(e.1) the terms and conditions of employment of persons appointed by the Governor in Council that have not been established under this or any other Act of Parliament or order in council or by any other means; and

f) les autres questions que le gouverneur en conseil peut lui renvoyer.

(f) such other matters as may be referred to it by the Governor in Council.


Gestion du personnel

11. (2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

Powers and functions of Treasury Board in relation to personnel management

11. (2) Subject to the provisions of any enactment respecting the powers and functions of a separate employer but notwithstanding any other provision contained in any enactment, the Treasury Board may, in the exercise of its responsibilities in relation to personnel management including its responsibilities in relation to employer and employee relations in the public service, and without limiting the generality of sections 7 to 10, a) déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

[...]

(a) determine the requirements of the public service with respect to human resources and provide for the allocation and effective utilization of human resources within the public service;

[...]

c) assurer la classification des postes et des employés au sein de la fonction publique;

(c) provide for the classification of positions and employees in the public service;

d) déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique, leurs horaires et leurs congés, ainsi que les questions connexes;

[...]

(d) determine and regulate the pay to which persons employed in the public service are entitled for services rendered, the hours of work and leave of those persons and any matters related thereto;

[...]

g) prévoir, pour des raisons autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur des personnes employées dans la fonction publique et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

[...]

(g) provide for the termination of employment, or the demotion to a position at a lower maximum rate of pay, for reasons other than breaches of discipline or misconduct, of persons employed in the public service, and establishing the circumstances and manner in which and the authority by which or by whom those measures may be taken or may be varied or rescinded in whole or in part;

[...]

i) réglementer les autres questions, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent paragraphe, dans la mesure où il l'estime nécessaire à la bonne gestion du personnel de la fonction publique.

(i) provide for such other matters, including terms and conditions of employment not otherwise specifically provided for in this subsection, as the Treasury Board considers necessary for effective personnel management in the public service.


Pouvoirs limités du Conseil du Trésor

(3) Le Conseil du Trésor ne peut exercer ses pouvoirs et fonctions à l'égard des questions visées au paragraphe (2) et dans une autre loi lorsque celle-ci régit la matière expressément et non par simple attribution de pouvoirs et fonctions à une autorité ou à une personne déterminée; il ne peut non plus exercer des pouvoirs ou fonctions expressément conférés à la Commission de la fonction publique sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, ni mettre en oeuvre des méthodes de sélection du personnel dont l'application relève, sous le régime de cette loi, de la Commission.

Limitation of powers and functions of Board in relation to matters expressly determined


3.              La Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-32


Disponibilité

Mise en disponibilité

29. (1) L'administrateur général peut, en conformité avec les règlements de la Commission, mettre en disponibilité le fonctionnaire dont les services ne sont plus nécessaires faute de travail, par suite de la suppression d'une fonction ou à cause de la cession du travail ou de la fonction à l'extérieur de la fonction publique, sauf si le fonctionnaire a été licencié dans les circonstances prévues à l'alinéa 11(2)g.1) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Lay-Offs

Laying off employees

29. (1) Where the services of an employee are no longer required by reason of lack of work, the discontinuance of a function or the transfer of work or a function outside the Public Service, otherwise than where the employment of the employee is terminated in the circumstances referred to in paragraph 11(2)(g.1) of the Financial Administration Act, the deputy head, in accordance with the regulations of the Commission, may lay off the employee.

Effet de la mise en disponibilité

(2) Le fonctionnaire mis en disponibilité en vertu du paragraphe (1) perd sa qualité de fonctionnaire.

Effect of being laid off

(2) An employee ceases to be an employee when the employee is laid off pursuant to subsection (1).


4.          La convention collective entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la fonction publique du Canada (convention collective concernant les Services techniques)

ARTICLE 6

RESPONSABILITÉS DE LA DIRECTION

6.01 Sauf dans les limites indiquées, la présente convention ne restreint aucunement l'autorité des personnes chargées d'exercer des fonctions de direction dans la fonction publique.

ARTICLE 25

DURÉE DU TRAVAIL

[...]

25.01 La durée du travail prévu à l'horaire d'un employé-e ne doit pas être considérée comme une garantie d'une durée minimale ou maximale du travail.


LA QUESTION EN LITIGE

L:                   La seule question en litige que soulève la demande est de savoir si la CCG avait le pouvoir de placer les demandeurs en inactivité sans rémunération. Les deux parties reconnaissent que la norme de contrôle applicable est celle du bien-fondé de la décision.

La position des demandeurs

M:                 Les demandeurs soutiennent que les textes législatifs concernant l'emploi dans la fonction publique fédérale (la fonction publique) ne contiennent aucune disposition qui prévoit le droit de placer des employés en situation d'inactivité sans rémunération. Les demandeurs soutiennent que l'expression « situation d'inactivité » , ou un terme équivalent, n'est pas définie, ni même utilisée, dans la LGFP, la LRTFP, la LEFP, et les règlements d'application ou les conventions collectives pertinentes. Les demandeurs affirment que le pouvoir implicite de placer des employés en « situation d'inactivité » reconnu par la Cour dans l'arrêt Alliance de la fonction publique du Canada et al. c. Commission canadienne des grains et Canada (Conseil du Trésor) et al. (1986), 5 F.T.R. 51 (ci-après appelé la « A.F.P.C. c. Commission canadienne des grains) n'est plus conforme à la jurisprudence, à la législation et aux directives régissant l'emploi dans la fonction publique.


N:                  Les demandeurs soutiennent en outre que le pouvoir qu'exerce le Conseil du Trésor en qualité d'employeur est limité par les paragraphes 11(3) et 11(4) de la LGFP qui lui interdisent expressément de prendre des mesures dans les domaines réglementés par d'autres lois, y compris la LEFP, et qui limitent donc son pouvoir de congédier un employé, qui ne peut être exercé que dans les cas où il est possible de démontrer qu'il existe une cause valable de le faire. Les demandeurs soutiennent que ces restrictions ont été adoptées en 1992 et sont postérieures à l'arrêt de la Cour A.F.P.C. c. Commission canadienne des grains, précité. Les demandeurs soutiennent qu'il faut en conclure que le législateur a expressément réservé toutes les formes de cessation d'emploi, à l'exception des congédiements pour cause, à la réglementation de la LEFP et sous la surveillance de la Commission de la fonction publique.

O:                  Les demandeurs soutiennent que le principe du mérite établi par la LEFP s'applique aux congédiements en cas de pénurie de travail et que les défendeurs auraient dû appliquer ce principe de façon à congédier en premier les employés les moins méritants et en rappelant en premier les candidats les plus méritants, plutôt que de suivre l'ordre alphabétique. Les demandeurs soutiennent que les défendeurs n'ont pas le pouvoir absolu de créer et de doter les postes comme ils l'entendent, et que la LEFP ainsi que le droit de congédiement accordé au Conseil du Trésor par la LGFP constituent un code complet des différentes situations où un employé de la fonction publique peut être congédié. Les demandeurs invoquent Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489; Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503 et Lucas c. Canada (Comité d'appel de la Commission de la fonction publique), [1987] 3 C.F. 354 (C.A.)


P:                   Les demandeurs soutiennent que le législateur aurait fort bien pu fixer des normes concernant la suspension temporaire sans rémunération mais qu'il a délibérément choisi de ne pas le faire. Les demandeurs soutiennent qu'en 1978, le législateur avait effectivement envisagé les suspensions temporaires, en cas de pénurie de travail, dans le projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui n'a jamais été adopté en troisième lecture ni reçu la sanction royale. Les demandeurs affirment que, si le Conseil du Trésor avait déjà le pouvoir de suspendre temporairement les employés en vertu de la LGFP, la modification que l'on voulait apporter à la LRTFP n'aurait pas été nécessaire.

Q:                  Enfin, les demandeurs soutiennent que le Conseil du Trésor n'a pas le pouvoir, ni exprès ni implicite, de demander aux fonctionnaires d'utiliser leurs congés accumulés, comme les congés payés et les crédits pour les vacances, dans le but d'atténuer les répercussions financières de sa décision. Les demandeurs affirment que leur poste a été unilatéralement transformé en poste saisonnier et que cela constitue une interprétation « scandaleuse et abusive » de la LGFP et de la LEFP.

La position des défendeurs

R:                   Les défendeurs soutiennent que la jurisprudence des commissions arbitrales des relations de travail et celle de la Cour reconnaissent que l'employeur a le pouvoir de mettre les employés en situation d'inactivité. Ils soutiennent que les restrictions apportées aux pouvoirs de la direction doivent être expressément contenues dans une loi ou une convention collective. Ils affirment que les faits à l'origine de la demande ne constituent pas une mise en disponibilité et que, par conséquent, les règlements et les mécanismes de la LEFP ne trouvent pas application.


S:                   Les défendeurs affirment que les demandeurs invitent la Cour à écarter la jurisprudence pertinente et le texte de la LEFP en affirmant que la situation « d'inactivité » est en fait analogue à une mise en disponibilité aux termes de la LEFP. Les défendeurs soutiennent que ce point de vue aurait pour effet de priver l'employeur de ses pouvoirs de gestion traditionnels qui lui permettent de mettre des employés en situation d'inactivité et de lui imposer un fardeau non voulu par le législateur.

T:                   Les défendeurs soutiennent que les conventions collectives applicables ont été négociées après l'arrêt de la Cour dans l'affaire A.F.P.C. c. Commission canadienne des grains, précitée. Ils affirment qu'aucune des conventions collectives applicables ne prévoit ce genre de restriction et que les demandeurs n'ont invoqué aucune disposition en ce sens. Les défendeurs soutiennent que les conventions collectives préservent les pouvoirs accordés à la direction et reconnaissent le principe traditionnel selon lequel lorsqu'il n'y a pas de travail, il n'y a pas de rémunération.

U:                  Les défendeurs soutiennent qu'avec la présente demande, les demandeurs essaient d'obtenir auprès des tribunaux ce qu'ils n'ont pu obtenir en négociant leur convention collective, à savoir, un nombre minimal d'heures de travail. Les défendeurs soutiennent que ces avantages ont été obtenus récemment à la table des négociations et que la demande doit donc être rejetée.


V:                  Les défendeurs soutiennent que l'expression « situation d'inactivité » n'est pas un terme imaginé mais décrit une situation reconnue depuis longtemps dans laquelle s'applique le principe, pas de travail, pas de rémunération. À la différence des travailleurs saisonniers, la durée de l'inactivité constitue un emploi continu, puisque les employés concernés accumulent des crédits pour la pension et des avantages sociaux, tout comme s'ils travaillaient effectivement. Les défendeurs soutiennent que les demandeurs ont manifestement été traités différemment que les travailleurs saisonniers et les employés mis en disponibilité.

W:                Enfin, les défendeurs soutiennent que le dossier montre que l'employeur a été confronté à une diminution du travail, indépendante de sa volonté, et a pris des mesures efficaces, efficientes et généreuses en conséquence. Ils soutiennent que l'essentiel des griefs des demandeurs porte sur le nombre des heures de travail et la rémunération, aspects qui sont couverts par les conventions collectives des demandeurs et qui ne devraient donc pas, pour cette raison, faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire. Les défendeurs affirment que la position adoptée par les demandeurs a été rejetée par les tribunaux. Les défendeurs affirment que les demandeurs essaient de contourner le processus de résolution des griefs créé par la LRTFP et que la présente demande est mal fondée.

ANALYSE

X:                  Les demandeurs sont des employés du Conseil du Trésor étant donné que la CCG figure dans la partie I de l'annexe I de la LRTFP qui définit l'employeur de la façon suivante :

« employeur » Sa Majesté du chef du Canada représentée :

a) par le Conseil du Trésor, dans le cas d'un secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I;

b) par l'employeur distinct en cause, dans le cas d'un secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.


Les pouvoirs attribués au Conseil du Trésor par des dispositions législatives

Y:                  La LGFP confie au Conseil du Trésor divers pouvoirs en matière de gestion de la fonction publique, et prévoit notamment :

a)         aux alinéas 7(1)b) et e) :

·            la gestion du personnel de l'administration publique fédérale, notamment les conditions d'emploi;

b)         aux alinéas 11(2)a), d) et i) les pouvoirs :

·            de déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique;

·            d'assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

·            de déterminer et de réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique, leurs horaires et leurs congés;

·            de réglementer les autres questions, notamment les conditions de travail non prévues expresse par le présent paragraphe, dans la mesure où il l'estime nécessaire à la bonne gestion du personnel de la fonction publique.

Z:                   Le paragraphe 11(3) de la LGFP énonce toutefois que le Conseil du Trésor ne peut exercer ses pouvoirs et fonctions à l'égard des questions visées expressément par une autre loi. La LRTFP établit un mécanisme pour le licenciement ou la mise en disponibilité des employés. L'article 29 de la LRTFP limite le pouvoir du défendeur de mettre en disponibilité les demandeurs. Cependant, ceux-ci ne soutiennent pas qu'ils ont été mis en disponibilité, puisqu'il n'a pas été mis fin à leur contrat de travail et qu'une date a été fixée pour leur retour au travail.


AA:             Les demandeurs soutiennent qu'il est illogique que l'employeur ait le pouvoir de placer soixante-quinze pour cent de ses employés permanents en « situation d'inactivité » , sans rémunération pendant trois mois, alors que le même employeur ne peut légalement licencier ou mettre en disponibilité ces mêmes employés, sans rémunération. Il est évident qu'un employé permanent est gravement lésé lorsque l'employeur lui demande de rester chez lui sans traitement pendant trois mois.

BB:              La Cour a jugé dans A.F.P.C. c. Commission canadienne des grains, précité, que le fait de placer des employés en situation d'inactivité sans rémunération n'est pas une mise en disponibilité de fait visée par l'article 29 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP). Les demandeurs ne contestent pas ce point. Ils conviennent qu'une mise en disponibilité temporaire n'est pas une mise en disponibilité, telle que définie par la LEFP pour laquelle ils ont droit à des indemnités.

CC:             Les demandeurs soutiennent ici que la LGFP ne donne pas à l'employeur le pouvoir de les placer en situation d'inactivité, sans rémunération.

DD:             La Cour a examiné cette question dans l'arrêt A.F.P.C. c. Commission canadienne des grains, précité, et a jugé ce qui suit :

(1)        les pouvoirs généraux attribués au Conseil du Trésor en matière de gestion du personnel comprennent le pouvoir de placer les employés en « situation d'inactivité » sans rémunération, comme l'étaient les demandeurs. Le juge Joyal a déclaré au paragraphe 50 :

[...] Je conclus sans hésitation que le pouvoir général du Conseil du Trésor en matière de gestion de personnel prévu aux articles 5 et 7 de la Loi sur l'administration financière comprend notamment le pouvoir de recourir à l'état de non-rémunération dans les circonstances décrites aux présentes.


(2)        dans le cadre de ses attributions en matière de gestion, le Conseil du Trésor peut faire ce qui ne lui est pas expressément ou implicitement interdit par la loi ou par une convention collective et cela comprend le fait de placer des fonctionnaires en situation d'inactivité. Le juge Joyal a déclaré au paragraphe 53 :

Je dois par conséquent entériner le principe selon lequel l'employeur peut, dans l'exercice de ses fonctions de gestion, faire ce qui ne lui est pas expressément ou implicitement interdit par la loi. Il est sûr que le processus de mise en état de non-rémunération ne va pas à l'encontre du bon sens, ni de l'esprit et de l'intention des lois publiques visant les fonctionnaires. En particulier, ce régime semblerait-il compatible avec l'exercice du pouvoir général dont jouit le conseil du Trésor selon l'alinéa 7(1)i) de la Loi sur l'administration financière, « de régler toutes les autres questions, ... que le Conseil du Trésor estime nécessaires pour la direction efficace du personnel de la fonction publique.

EE:               Le juge Joyal conclut au paragraphe 71 :

Je dois conclure que le régime prévoyant « la radiation d'un employé de la liste de paie » relève de la compétence législative attribuée au Conseil du Trésor en vertu de la Loi sur l'administration financière. J'estime également que le régime en question n'équivaut pas à une véritable mise en disponibilité au sens de l'article 29 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. J'arrive aussi à la conclusion qu'à défaut dans la convention collective d'une disposition d'interdiction, le régime susmentionné ne constitue pas, en raison des conséquences qu'il entraîne, une atteinte aux conditions prévues dans la convention collective, et il ne va pas non plus à l'encontre des objets de cette dernière. J'ajouterais que la radiation d'un employé de la liste de paie établit un bon équilibre entre les dispositions législatives, d'une part, et les dispositions contractuelles, d'autre part, et qu'elle ne viole aucune de ces dispositions. Enfin je suis d'avis que les mesures discrétionnaires envisagées par la direction pour faire face au problème temporaire du personnel excédentaire ou au manque de travail sont légales. [Non souligné dans l'original]

Les modifications postérieures à la décision de 1986 du juge Joyal

FF:               Les demandeurs soutiennent que les modifications législatives apportées à la LGFP après 1986 entraînent un résultat différent. Je ne peux retenir cet argument. J'ai examiné les modifications et les projets de modifications visant la LGFP. J'estime qu'elles n'interdisent pas à l'employeur de réglementer les conditions d'emploi, y compris la mise d'employés permanents en situation d'inactivité temporaire, sans rémunération, en raison d'un manque de travail.


GG:             On m'a cité le projet de loi C-28, Loi modifiant la LRTFP, présenté en 1978 mais qui n'a pas été adopté. Ce projet de loi énonce que l'employeur a le droit de mettre à pied des employés sans rémunération lorsqu'il y a une grève. J'estime que, si ce projet de loi avait été adopté, il n'aurait pas modifié le droit de l'employeur, tel que l'a reconnu le juge Joyal en 1986, de placer des employés permanents en situation d'inactivité en cas de manque de travail. De toute façon, le projet de loi C-28 n'est pas postérieur à la décision prononcée par le juge Joyal en 1986. En outre, ce projet de loi portait directement sur les situations de grève et non pas sur les situations de travail normales.

La jurisprudence en matière de relations de travail

HH:             La seule autre décision pertinente de la Cour fédérale dans laquelle la « situation d'inactivité » a été examinée est l'arrêt Canada (PG) c. Gray (1977), 18 N.R. 393 (C.A.F.), dans laquelle le juge Pratte a jugé au paragraphe 5 :

Dans le langage commun, l'expression « mis en disponibilité » n'implique pas nécessairement une suppression d'emploi. Mais le litige, en l'espèce, n'est pas relié au sens ordinaire de l'expression, ni même au sens de celle-ci dans les dictionnaires, mais à celui qu'elle a dans la convention collective. Il n'y a aucun doute, pour quelqu'un bien au courant de la législation applicable à la Fonction publique, qu'on ne peut pas dire qu'un fonctionnaire est mis en disponibilité lorsque son emploi n'a pas été supprimé. [Voir Note 3 ci-dessous]. Je pense que les parties à la convention collective impliquées dans la présente espèce, laquelle concerne les conditions de travail des fonctionnaires, doivent être censées bien connaître la terminologie de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Par conséquent, à mon avis, lorsque l'expression « mise en disponibilité » est utilisée dans la convention collective, il faut présumer, en l'absence d'indication en sens contraire, qu'il s'agit d'une suppression d'emploi. Contrairement au plaidoyer de l'avocat de l'intimé, je ne crois pas possible de tirer des conclusions opposées à cette interprétation du fait que le sens d'autres mots, utilisés par ailleurs dans la convention, est éclairé par des renvois exprès à la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. [Non souligné dans l'original]


II:                   La seule autre jurisprudence pertinente est celle des commissions des relations de travail et des conseils arbitraux. Leurs décisions indiquent que l'employeur a le pouvoir de placer les employés en situation d'inactivité, dans le cadre de ses pouvoirs généraux de déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique ainsi que les heures de travail et la rémunération de ces employés.

JJ:                  Dans G. Zadow et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Postes), 7 janvier 1981, C.R.T.F.P. n ° de dossier 166-2-9448 (1981) (non rapportée), à la page 14, l'arbitre J.M. Cantin, c.r., conclut :

L'employeur, je le répète, avait toutes les raisons de conclure que le 18 octobre 1978, il n'y avait pas de travail à faire et que, contrairement à l'habitude, le volume du courrier était presque nul et nettement insuffisant. Rien n'empêchait donc l'employeur dans ces circonstances d'aviser les employés s'estimant lésés de ne pas se présenter au travail. En outre, l'employeur n'a pas mis le personnel en disponibilité comme l'ont prétendu lesdits plaignants, mais a simplement agi en bon administrateur, selon les droits qui lui sont conférés, et n'a pas contrevenu à la convention collective. [Non souligné dans l'original]

KK:            Dans Coopey c. Conseil du Trésor (Défense nationale), C.R.T.F.P. n ° de dossier 166-2-15355 (1986), [1986] C.P.S.S.R.B. no 13 à la page 4, l'arbitre J.M. Cantin, c.r., énonce :

La clause 30.08, selon laquelle « les heures de travail désignées de l'officier ne doivent pas s'interpréter comme lui garantissant un nombre minimal ou maximal d'heures de travail » , est formulée plus ou moins de la même façon dans d'autres conventions collectives, et elle a toujours été interprétée comme il est indiqué ci-dessus. L'avocat a cité les décisions rendues par la Commission dans les affaires Zadow et autres (dossier n ° 166-2-9448) et Huff et autres (dossier n ° 166-2-9456).

MOTIFS DE LA DÉCISION


Je suis convaincu que l'employeur n'a pas contrevenu à la convention collective. Celle-ci ne mentionne nulle part que l'employé s'estimant lésé était assuré de travailler 40 heures par semaine. En fait, la clause 30.08, citée ci-dessus, dit le contraire. D'autre part, je conclus que l'employeur a agi en bon administrateur lorsqu'il a décidé de ne pas permettre à l'employé s'estimant lésé d'effectuer un autre quart de huit heures après que celui-ci eut déjà travaillé 24 heures consécutives. L'employé ne peut évidemment pas demander à être payé s'il n'a pas travaillé. Peut-être l'employeur avait-il une autre raison (concernant la rémunération d'une troisième période de travail supplémentaire) de décider de demander à l'employé s'estimant lésé de rentrer chez lui, mais cela ne change rien à la situation. [Non souligné dans l'original]

LL:               Enfin, dans Chevrette c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), CRTFB n ° de dossier 166-2-25375 (1995), [1995] C.P.S.S.R.B. no 49 à la page 11, l'arbitre M.K. Wexler examine la jurisprudence sur ce point et énonce :

La jurisprudence avant 1991 a décidé que l'employeur a le droit de mettre les fonctionnaires en situation d'inactivité temporaire. À mon avis, ce droit n'a pas été touché par la Directive.

Les conventions collectives

MM:          L'indemnité à laquelle peuvent prétendre les employés de la CCG en situation d'inactivité lorsqu'il n'y a pas de travail est un sujet qui relève des conventions collectives. Étant donné que ce point n'est pas visé par la législation et que le Conseil du Trésor a le pouvoir, d'après la jurisprudence, de placer les employés « en situation d'inactivité » , le syndicat a négocié des « protocoles » que doit suivre la CCG en cas de pénurie de travail. Voir l'affidavit de Gerry Halabecki, vice-président régional pour le nord de l'Ontario du Syndicat des employés agricoles, une composante de l'Alliance de la fonction publique du Canada, paragraphe 10.


NN:            Les demandeurs affirment que leurs mises en situation d'inactivité sans rémunération n'est pas contraire à leurs conventions collectives respectives. Par exemple, lorsqu'on examine la convention collective relative aux services techniques, on constate que, selon les deux paragraphes cités ci-dessous, l'employé ne bénéficie d'aucune garantie en matière de durée minimale du travail et que rien dans la convention collective, sauf disposition contraire, ne vient limiter les pouvoirs que possède le Conseil du Trésor en matière de gestion de la fonction publique :

6.01 Sauf dans la limite indiquée, la présente convention ne restreint aucunement l'autorité des personnes chargées d'exercer des fonctions de direction dans la fonction publique.

[...]

25.01 La durée du travail prévue à l'horaire d'un employé-e ne doit pas être considérée comme une garantie d'une durée minimale ou maximale du travail.

Le bon sens et l'équité

OO:            Les demandeurs soutiennent qu'il est contraire au bon sens et à l'équité que l'employeur ait le droit de placer des employés permanents en situation d'inactivité sans rémunération. La LEFP régit les avis et les indemnités payables aux employés qui sont licenciés sans cause valable ou mis en disponibilité. Je suis d'accord avec les demandeurs lorsqu'ils affirment que ces dispositions législatives ne régissent pas les employés permanents placés en situation d'inactivité et je reconnais que cette lacune législative crée une situation inéquitable à laquelle il convient de remédier. Ce n'est toutefois pas à la Cour de combler cette lacune. La Cour a manifesté à plusieurs reprises une grande réticence à offrir une autre forme de règlement des litiges en matière de travail, étant donné qu'il existe déjà dans la législation et les conventions collectives un mécanisme complet de règlement des litiges découlant des relations de travail dans la fonction publique fédérale. Voir Vaughan c. Canada (2003), 224 D.L.R. (4th) 640, par le juge Evans, aux paragraphes 148 à 151.


PP:               Le manque de travail est un problème que connaît la CCG depuis des années, à cause de la nature de ses activités. La fermeture de la voie maritime l'hiver a naturellement pour effet de réduire les activités dans les élévateurs à grain. C'est ce qui explique que cette question ait été examinée par la Cour en 1986 et par la Commission des relations de travail dans la fonction publique en 1995. Voir Chevrette c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), précité.

Les preuves concernant les nouvelles conventions collectives

QQ:            Même si cela n'intéresse pas la question de savoir si le Conseil du Trésor avait le pouvoir de placer des employés permanents en situation d'inactivité sans rémunération, le syndicat des demandeurs a négocié, dans certaines conventions collectives concernant les employés de la CCG, des indemnités payables aux employés permanents qui sont placés en situation d'inactivité en raison d'une pénurie temporaire de travail. C'est de cette façon qu'il faut essayer de régler ce problème récurrent, compte tenu de la conclusion à laquelle en est arrivée la Cour en 1986, à laquelle je souscris, selon laquelle le Conseil du Trésor possède le pouvoir de gérer son personnel de cette façon.


DÉCISION

RR:              Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

                                                                                                                           _ Michael A. Kelen _             

                                                                                                                                                     Juge                          

OTTAWA (ONTARIO)

le 25 février 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-1135-02

INTITULÉ :                                           RONALD BRESCIA ET AUTRES

                                                                                                                                 DEMANDEURS

- ET -

SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRES

                                                                                                                                   DÉFENDEURS

LIEU DE L'AUDIENCE :                     OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 5 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:      LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                          LE 25 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Andrew Raven                                                                                     pour les demandeurs

Richard Fader                                                                                       pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Andrew Raven                                                                                      pour les demandeurs

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                                  pour les défendeurs

Sous-procureur général du Canada


                         COUR FÉDÉRALE

                                                          Date : 20040225

                                                     Dossier : T-1135-02

ENTRE :

RONALD BRESCIA ET AUTRES

demandeurs

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET AUTRES

                                                                  défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


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