Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020125

Dossier : IMM-5846-00

Référence neutre : 2002 CFPI 91

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                               TAMAS SZABO

TAMASNE SZABO

KITTI CYNTHIA SZABO

GABORNE LAZLO

CRISTOPHER MARK LAZLO

SARLOTT ZSALKIN BENCSIK

SANDOR SZABO

EDIT VIDA SZUCS

RENATI TABORI

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE


   Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi) relativement à une décision partagée rendue par la Section du statut de réfugié (la SSR) le 12 octobre 2000, dans laquelle la commissaire Alexis Singer accorde le statut de réfugié au sens de la Convention à Tamas Szabo père et Tamasne Szabo (les a accordé le statut de réfugié au Sens de la Convention à Tamas Szabo père et à Tamasne Szabo (les revendicateurs principaux) sans toutefois le reconnaître aux neuf autres revendicateurs (les demandeurs), alors que le commissaire James C. Simeon a estimé qu'aucun de ces revendicateurs n'était un réfugié au sens de la Convention.

   Les demandeurs prient la Cour de rejeter la décision de la SSR et de lui renvoyer l'affaire pour qu'elle la tranche suivant les directives que la Cour jugera appropriées.

Rappel des faits

   Une famille de onze personnes a revendiqué le statut de réfugié alléguant une crainte fondée de persécution en Hongrie en raison de leur origine rom. Leurs revendications ont été entendues ensemble le 13 juillet 2000 par les commissaires Alexis Singer et James C. Simeon. Dans les motifs de la décision en date du 12 octobre 2000, la SSR identifie correctement les revendicateurs :

Voici les motifs de la décision rendue par la Section du statut de réfugié relativement aux revendications du statut de réfugié au sens de la Convention de Tamas Szabo, 56 ans (le revendicateur principal), de son épouse, Tamàsne Szabò, 52 ans (la revendicatrice principale), et de leurs enfants et petits-enfants, Sandor Szabo, 34 ans, Edit Vida Szucs, 28 ans, Renata Tabori, 6 ans, Gaborne Laszlo, 32 ans, Cristopher Mark Laszlo, 6 ans, Sarlott Zsaklin Bencsik, 2 ans, Tamas Szabo, 25 ans, Tamasne Szabo, 24 ans et Kitti Cynthia Szabo, 2 ans.


[4]      À l'audience, les revendicateurs se sont tous appuyés sur le Formulaire de renseignements personnels (FRP) joint comme pièce « A » à l'affidavit de Sandor Szabo. Le FRP indique que les revendicateurs exploitaient une entreprise familiale composée d'un restaurant et d'une épicerie. Dans ses motifs, la SSR relate ce qui est arrivé aux revendicateurs :


Les revendicateurs prétendent craindre avec raison d'être persécutés en Hongrie par des prétendus « percepteurs » ou « extorqueurs » , une association organisée de malfaiteurs, et la police hongroise. Les revendicateurs prétendent que leurs problèmes ont commencé en 1995 lorsque certains policiers, y compris Beczi Janos, sont allés au restaurant appartenant aux revendicateurs et ont demandé 500 000 forints que Sandor Szabo devait censément à l'égard d'une Porsche. La revendicatrice principale était présente avec l'une de ses filles (Gaborne Laszlo), un cuisinier et un commis; plusieurs clients se trouvaient aussi dans le restaurant à ce moment-là, mais Sandor Szabo n'y était pas. Les deux hommes sont partis lorsque la revendicatrice principale a appelé la police, mais ils sont revenus plus tard avec un troisième homme qui a menacé la revendicatrice principale et son personnel. Lorsque la revendicatrice principale a demandé à un membre de son personnel de rappeler la police, les trois hommes ont dit qu'ils iraient chercher un policier et ils sont partis. Ils sont revenus avec cinq hommes, dont un a exigé de nouveau qu'elle verse les 500 000 forints; il a sorti des menottes lorsqu'elle lui a demandé pourquoi elle devrait le faire, mais ils ont refusé de lui montrer leur carte d'identité de policier. Le revendicateur principal est revenu à ce moment-là et après avoir proféré des injures, les cinq hommes ont arrêté les deux revendicateurs principaux devant leurs clients et les curieux qui s'étaient rassemblés pour voir ce qui se passait. Les revendicateurs prétendent que les policiers les ont maltraités; outre les mauvais traitements physiques, les policiers ont retenu les médicaments pour le coeur du requérant principal pendant des heures après le moment où il devait les prendre même si ces médicaments étaient au poste de police. De plus, les avocats des revendicateurs principaux n'ont pu consulter leurs clients avant plusieurs heures; ce n'est que grâce à l'insistance des avocats que la police a enfin avoué que les revendicateurs principaux étaient détenus et ils ont été libérés.

[5]      Par la suite, les revendicateurs principaux ont porté plainte contre le policier Beczi Janos et son complice. Les revendicateurs ont allégué que la police a tenté de les intimider afin qu'ils retirent leur plainte. La SSR poursuit ainsi l'exposé des faits :

Néanmoins, les revendicateurs déclarent qu'une audience a eu lieu devant le tribunal militaire au printemps 1996 pour déterminer si des accusations devaient être portées contre les policiers en cause. Les revendicateurs précisent que « le tribunal a porté des accusations contre les policiers après dépôt de la preuve » . Les revendicateurs affirment toutefois ce qui suit :

« Le soulagement initial que nous avons ressenti par suite de ces accusations a fait place à la frustration et à la crainte puisque le procès n'a toujours pas eu lieu et les policiers continuaient à nous harceler. Ainsi, les policiers et leurs amis sonnaient à notre porte au milieu de la nuit et hurlaient des commentaires racistes. Ils saccageaient parfois notre maison et notre entreprise. Nous avons signalé ces incidents aux autorités, mais elles nous ont répondu qu'elles ne pouvaient rien faire s'il n'y avait pas de témoins indépendants » 11.

Les revendicateurs affirment que le harcèlement qu'ils ont subi aux mains de la police les a obligés àfermer leur restaurant et à déplacer leur épicerie dans un autre marchésitué dans un district différent. Cependant, ils soutiennent que la police les a suivis jusqu'à leur nouvel emplacement et a continué à les harceler.

[6]      À l'audience, les revendicateurs ont soumis un certain nombre de documents à l'appui de leur prétention.


[7]      Question

            La SSR a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire ?

[8]      Analyse et décision

         Selon les demandeurs, étant donné qu'un des membres de la SSR a considéré les revendicateurs principaux comme des réfugiés au sens de la Convention, il aurait dû également reconnaître ce statut à l'ensemble des demandeurs dans la présente cause puisque toutes les revendications reposaient essentiellement sur la même situation de fait. Les demandeurs ont également soutenu qu'il n'y avait pas pour eux de possibilitéde refuge intérieur (PRI) en Hongrie. Le membre de la SSR a conclu que les revendicateurs principaux n'avaient pas de PRI en Hongrie.


[9]      Une analyse des faits au dossier montre que les revendicateurs principaux et les demandeurs ont subi le même incident, à savoir l'intrusion dans leur restaurant de personnes recherchant le demandeur Sandor Szabo, qui devait censément de l'argent en raison de l'achat d'une automobile Porsche. Parmi les personnes qui ont pénétré dans le restaurant, il y avait des policiers, dont certains ont fait l'objet de plaintes de la part des demandeurs, lesquelles plaintes ont mené à des accusations. On n'a jamais donné suite à ces accusations. Au moment de l'irruption, des remarques racistes auraient été adressées à certains des demandeurs. De même, après les accusations à l'encontre de la police, les demandeurs auraient été harcelés par les forces policières (On aurait sonné à leur porte au milieu de la nuit et hurlé des remarques racistes).

[10]      Il y a eu des allégations voulant que les résidences des demandeurs ainsi que leurs commerces aient été vandalisés. Les demandeurs ont prétendu qu'en raison du harcèlement policier, ils ont dû fermer leur restaurant et déménager leur épicerie dans un autre marché situé dans un quartier différent. Le restaurant et l'épicerie constituaient une entreprise familiale.

[11]      Les demandeurs ont déclaré qu'ils subiraient le même traitement où qu'ils aillent en Hongrie.


[12]      La commissaire qui a reconnu le statut de réfugié au sens de la Convention aux revendicateurs principaux, a considéré qu'il n'y avait pas de PRI pour ces derniers en Hongrie, mais qu'il y en avait une pour les demandeurs. Elle a aussi remarqué que la discrimination à l'encontre des Roms était très répandue en Hongrie, notamment quant à l'accès aux forces policières. Il n'y a aucun doute que les demandeurs peuvent fonder leur revendication de statut de réfugié au sens de la Convention sur la persécution de personnes placées dans la même situation qu'eux (voir Salibian c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration) (1990), 11 Imm. L.R. (2d) 165 (C.F. 1re inst.)). À mon avis, le fait que les revendicateurs principaux et les demandeurs exploitaient une entreprise familiale et que cette entreprise a été prise pour cible doit être pris en considération pour déterminer si oui ou non les demandeurs sont des réfugiés au sens de la Convention. Après réexamen de la décision, je ne peux conclure que les membres de la SSR ont tenu compte de ce facteur. En conséquence, il s'agit d'une décision déraisonnable qui doit être rejetée.

[13]      Les décisions des membres de la SSR relatives aux demandeurs mentionnés dans la présente cause sont rejetées et l'affaire est renvoyée à un tribunal différent de la SSR pour décision.

[14]      Les parties auront une semaine à partir de la date du prononcé de cette décision pour soumettre à mon attention toute question grave de portée générale en vertu de l'article 83 de la Loi.

ORDONNANCE

[15]      IL EST ORDONNÉ QUE les décisions de la SSR relatives aux demandeurs mentionnés en l'espèce soient rejetées et que l'affaire soit renvoyée devant un tribunal différent de la SSR pour décision.

                  "John A. O'Keefe"             

J.C.F.C.                     

Ottawa (Ontario)

25 janvier 2002


TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

                                                                             

Ghislaine Poitras, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO. DE DOSSIER          IMM-5846-00

INTITULÉ DE LA CAUSE : Tamas Szabo et autres c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :     16 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR M. LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                25 janvier 2002

ONT COMPARU :

M. Mark Rosenblatt                    pour les demandeurs

M. Jamie Todd                         pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Mark Rosenblatt

Toronto (Ontario)                     pour les demandeurs

M. Moris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada           pour le défendeur


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.