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     Date: 20001206

     Dossier: IMM-4131-99


Entre :

     AJJOUR Toufic

     AJJOUR Abd

     AJJOUR Ali

     AJJOUR Nathalie

     Partie demanderesse

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 3 août 1999 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « SSR » ) statuant que monsieur Toufic Ajjour et ses trois enfants mineurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, selon les termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]      Les demandeurs sont citoyens du Liban et habitent la région de Haret-Hreik. Les enfants basent leurs revendications sur celle de leur père qui allègue avoir une crainte bien fondée de persécution dans son pays en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social particulier, soit la famille. Il importe de noter que l'épouse du demandeur a obtenu le statut de réfugiée au sens de la Convention en raison de la persécution qu'elle vivait comme palestinienne, refusant de se soumettre au code vestimentaire islamique.

[3]      La SSR a refusé de reconnaître au demandeur et à ses enfants le statut de réfugié au motif que la crainte du demandeur n'est pas liée à un des motifs de persécution prévus à la Convention.

[4]      La SSR a jugé que la crainte du demandeur en est une du gardien d'un immeuble à qui il a infligé des blessures importantes lors d'une altercation. À cet égard, la SSR écrit ce qui suit :

             Quant à la recherche du Hezbollah de sa personne, nous avons appris que lors de sa détention par les membres de cette faction, c'est son cousin Samir, membre de ce groupe, qui réussi à le libérer de l'emprise de ces personnes. Nous ne voyons pas de crainte quant à ce groupe, ou (sic) un membre de sa famille est lié à ces personnes. La crainte, la peur véritable du revendicateur c'est celle du gardien de l'immeuble. Il a ajouté lors de son témoignage redouter le harcèlement de ce gardien. Le tribunal a beaucoup de difficultés à relier ces événements avec une quelconque persécution définie à la Convention.


[5]      En conclusion, la SSR a refusé de reconnaître au demandeur le statut de réfugié et comme les revendications des enfants étaient basées sur celle de leur père, ceux-ci ont aussi échoué.

[6]      J'entends d'abord disposer de l'argument des demandeurs basé sur l'article 43 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le Guide), ce qui me permettra de disposer aussi de leur argument basé sur l'appréciation des faits faite par la SSR. Le demandeur principal soutient donc qu'en vertu de l'article 43 du Guide, il n'est pas nécessaire qu'il ait été lui-même persécuté. Il soumet plutôt que le sort subi par son épouse peut établir que sa propre crainte de persécution et celle de ses enfants sont fondées.

[7]      Le juge Décary, pour la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Salibian c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 250, résume très bien l'état du droit sur la question à la page 258 :

             À la lumière de la jurisprudence de cette Cour relative à la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, il est permis d'affirmer
         1) que le requérant n'a pas à prouver qu'il avait été persécuté lui-même dans le passé ou qu'il serait lui-même persécuté à l'avenir,
         2) que le requérant peut prouver que la crainte qu'il entretenait résultait non pas d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis directement à son égard, mais d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis à l'égard des membres d'un groupe auquel il appartenait,
         [. . .]
         4) que la crainte entretenue est celle d'une possibilité raisonnable que le requérant soit persécuté s'il retournait dans son pays d'origine.(Citations omises.)


[8]      Il importe de noter, dans le présent cas, que la SSR ne fait pas allusion à la relation possible entre la crainte du demandeur et son appartenance au groupe social de la famille. Toutefois, lorsqu'elle a conclu que la crainte véritable du demandeur était celle de la vengeance du gardien, elle a effectivement déterminé que le demandeur n'avait pas prouvé que sa crainte résultait d'actes répréhensibles commis à l'égard de son épouse. Le demandeur n'a donc pas rencontré la deuxième exigence énoncée dans Salibian, supra.

[9]      À mon avis, la conclusion de la SSR à l'égard de la crainte véritable du demandeur est tout à fait appuyée par la preuve. En effet, la transcription révèle l'échange suivant lors de l'audience :

         Monsieur Ajjour, donc si je comprends bien, vous dites à ce tribunal que votre vie, celle de votre femme, vos enfants est en danger parce qu'il y a un gardien qui... qui veut absolument se... se venger de ce que vous lui avez fait?
         Oui.


[10]      Il était aussi raisonnable pour la SSR de conclure qu'une vengeance personnelle en soi n'équivalait pas à de la persécution parce qu'elle n'était ni liée aux opinions politiques du demandeur, ni à son appartenance à un groupe social (voir par exemple Pierre-Louis c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (29 avril 1993), A-1264-91 (C.F., Appel)).

[11]      On sait également qu'en matière d'appréciation des faits, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer au tribunal spécialisé que constitue la SSR lorsque, comme ici, les personnes revendiquant le statut de réfugié font défaut d'établir que la décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments disponibles (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7).

[12]      Enfin, quant au dernier argument des demandeurs, basé sur le principe de l'unité familiale, la jurisprudence de cette Cour est unanime à l'effet que ce principe énoncé à l'article 182 du Guide n'est pas mentionné dans la définition actuelle de réfugié au sens de la Convention (voir, par exemple, Casetellanos c. Canada (Solliciteur général), [1995] 2 C.F. 190, Greim c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (20 juin 1997), IMM-2733-96, Dawlatly c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (16 juin 1998), IMM-3607-97 et Vijayamalini Jeyarajah et le ministre (17 mars 1999), IMM-2473-98).

[13]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.





                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 décembre 2000



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