Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010402

Dossier : IMM-1859-00

Référence neutre : 2001 CFPI 276

ENTRE :

PHUOC LUU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION


[1]    M. Phuoc Luu (le demandeur) demande le contrôle judiciaire d'une décision en date du 3 mars 2000 dans laquelle la Section d'appel de l'immigration a rejeté la requête en réouverture de l'appel du demandeur après avoir conclu au désistement dudit appel le 26 mai 1998[1].

FAITS

[2]    Le demandeur est né au Vietnam et sa demande de résidence permanente a été accueillie le 23 avril 1990. Le 2 février 1995, il a été reconnu coupable d'avoir commis une infraction prévue au Code criminel, ce qui a donné lieu à une enquête conformément à l'article 27 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).

[3]    En mars 1996, le ministre a délivré, conformément au paragraphe 70(5) de la Loi, un avis portant que le demandeur constituait un danger pour le public. Le demandeur a contesté avec succès cet avis et celui-ci a été annulé. Par suite d'une enquête tenue à Calgary le 22 octobre 1996, une mesure d'expulsion a été prise contre le demandeur. Le même jour, le demandeur a déposé un avis d'appel à l'encontre de la mesure d'expulsion.

[4]    La SAI devait entendre l'appel le 26 mai 1998.


[5]                Le 26 mai 1998, l'avocat qui représentait alors le demandeur a demandé l'autorisation de se retirer du dossier au motif qu'il n'avait pu communiquer avec son client depuis environ treize mois. La SAI a fait droit à la demande de l'avocat et, selon la transcription, a attendu quelque temps pour voir si le demandeur se présenterait lui-même. Le demandeur n'ayant pas comparu, l'avocat du défendeur a demandé à la SAI de conclure au désistement d'appel conformément à l'article 76 de la Loi et cette demande a été accueillie.

[6]                Le 12 janvier 2000, le demandeur a déposé un avis de requête en réouverture de l'appel. Il était représenté par un avocat et des observations ont été formulées en son nom. Dans une décision écrite datée du 3 mars 2000, la Section d'appel a rejeté la requête en réouverture de l'appel au motif que le demandeur n'avait pas prouvé l'existence de motifs suffisants à cette fin ni n'avait démontré que l'intérêt de la justice justifiait cette réouverture.

[7]                Le demandeur a alors déposé la présente demande de contrôle judiciaire.

QUESTIONS EN LITIGE

[8]                Le demandeur soulève deux questions à trancher dans la présente demande :

[TRADUCTION] La SAI a-t-elle commis une erreur de droit, de fait ou de compétence en appliquant ou en interprétant de façon erronée le critère relatif à la réouverture de l'appel du demandeur?

La SAI a-t-elle commis une erreur de droit, de fait ou de compétence en appliquant ou en interprétant de façon erronée la preuve et les arguments invoqués par le demandeur?


ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[9]                Selon le demandeur, la SAI a mal interprété la preuve lorsqu'elle a conclu qu'il soutenait que son ex-avocat ne l'avait pas informé que l'appel relatif à la mesure d'expulsion était une procédure différente qui n'avait rien à voir avec celle qu'il avait engagée avec succès afin d'annuler l'avis de danger.

[10]            Le demandeur soutient que la preuve n'indique nullement qu'il blâmait son ex-avocat au sujet de l'appel interjeté devant la SAI. Selon le demandeur, il appert clairement de la preuve qu'il a mal compris la procédure et qu'il ignorait qu'une procédure différente avait été engagée, soit l'appel relatif à la mesure d'expulsion.

[11]            Le demandeur fait valoir qu'il pensait que toutes les questions avaient été réglées lors de l'annulation de l'avis de danger. Il ajoute qu'en comprenant mal la preuve, la SAI a formulé une conclusion erronée qui n'est pas appuyée par la preuve. Par conséquent, dit-il, la décision est viciée.

[12]            Le demandeur allègue ensuite que la SAI a mal interprété sa compétence en appliquant le critère qui ne convenait pas. Selon le demandeur, la SAI a commis une erreur en omettant de tenir compte de l'intérêt de la justice lorsqu'elle a tranché comme elle l'a fait la requête en réouverture de l'appel. De l'avis du demandeur, l'erreur ressort nettement de la lecture des commentaires suivants de la SAI :

[TRADUCTION] Étant donné que le demandeur n'a pas présenté d'explications satisfaisantes au sujet de son absence lors de l'audience qui avait été fixée ainsi qu'au sujet de son retard à agir dans le présent appel, ayant attendu plus d'un an après que la Section a conclu au désistement, j'estime qu'il n'a pas prouvé que son appel devrait être rouvert ou que l'intérêt de la justice justifie cette réouverture.

ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[13]            Le défendeur affirme que la SAI a bien compris sa compétence et a appliqué le critère qui convenait. Selon le défendeur, la SAI n'a commis aucune erreur liée à l'interprétation de la preuve ou de sa compétence. De l'avis du défendeur, la SAI a examiné le fond de l'appel du demandeur lorsqu'elle s'est demandé si les motifs que celui-ci invoquait pour demander la réouverture étaient suffisants. De plus, le défendeur fait valoir que la SAI a correctement énoncé les faits établis par la preuve.

ANALYSE

[14]            La disposition qui s'applique dans une requête en réouverture d'un appel est la règle 32 des Règles de la Section d'appel de l'immigration :


32. (1) Dans le cas où la section d'appel a conclu au désistement de l'appel d'une partie, la partie peut lui demander la réouverture de son appel par voie de requête conformément aux paragraphes 27(2) à (7).

    (2) La requête en réouverture présentée par une partie, autre que le ministre, qui n'est pas représentée par un conseil doit porter l'adresse et le numéro de téléphone de celle-ci.

   (3) La section d'appel fait droit à la requête en réouverture lorsqu'il y a des motifs suffisants d'agir ainsi et que l'intérêt de la justice le justifie.

32. (1) Where the Appeal Division has declared an appeal to be abandoned by a party, the party may, by motion made pursuant to subrules 27(2) to (7), apply to the Appeal Division for the appeal to be reopened.

      (2) A motion made by a party other than the Minister to reopen an appeal shall, where the party is not represented by counsel, include the party's address and telephone number.

     (3) The Appeal Division shall grant a motion to reopen an appeal where there are sufficient reasons why the appeal should be reopened and it is in the interests of justice to do so.



[15]            Le juge Evans a examiné cette règle dans l'affaire Handjiev c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 175, paragraphe 12, où il s'est exprimé comme suit :

À mon avis, quand elle évalue si les faits établis constituent des « motifs suffisants » de réouverture d'un appel, la Commission n'est pas tenue d'être « correcte » pour éviter de commettre une erreur de droit. L'application de cette phrase fourre-tout commande manifestement à la Commission la prise en considération de tous les faits pertinents dont elle dispose, une tâche qui relève de sa compétence spécialisée. Il n'appartient pas à la Cour dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire de réévaluer ces faits et de substituer son avis à celui de la Commission quant à savoir s'ils constituent des « motifs suffisants » de réouverture. Il s'agit d'une décision que le Parlement a confiée à la Commission.

[16]            À mon avis, la SAI a commis une erreur touchant l'interprétation de la preuve. Sa conclusion selon laquelle le demandeur blâmait son ex-avocat parce qu'il ne l'avait pas informé de la nature de l'appel en cours n'est pas appuyée par la preuve dont elle était saisie. La SAI a mal compris les faits. Il s'agit d'une erreur de droit et, en raison de cette erreur, la présente demande devrait être accueillie.

[17]            Il n'est pas nécessaire que j'examine la question de savoir si la SAI a subséquemment appliqué le critère qui convenait, puisqu'elle s'est fondée sur une compréhension erronée de la preuve.

[18]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d'appel de l'immigration est infirmée et l'affaire est renvoyée en vue d'une nouvelle décision par un tribunal différent. Aucune directive ne sera donnée au sujet du déroulement de la nouvelle audition.


[19]            Bien que l'avocat du demandeur ait proposé une question à certifier, j'estime qu'aucune question certifiée ne découle de la présente demande.

« E. Heneghan »

J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

2 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                           IMM-1859-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         PHUOC LUU, demandeur

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE JEUDI 18 JANVIER 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE LUNDI 2 AVRIL 2001

ONT COMPARU :

Me Michael Crane                                             pour le demandeur

Me Jamie Todd                                                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me MICHAEL CRANE                                    pour le demandeur

Avocat

166 Pearl Street, Suite 200

Toronto (Ontario) M5H 1L3

Me MORRIS ROSENBERG                             pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20010402

Dossier : IMM-1859-00

ENTRE :

PHUOC LUU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Date : 20010402

Dossier : IMM-1859-00

Toronto (Ontario), le lundi 2 avril 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

PHUOC LUU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA

CIITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                 ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d'appel de l'immigration est infirmée et l'affaire est renvoyée en vue d'une nouvelle décision par un tribunal différent. Aucune directive ne sera donnée au sujet du déroulement de la nouvelle audition.


Même si l'avocat du demandeur a proposé une question à certifier, j'estime qu'aucune question certifiée ne découle de la demande.

« E. Heneghan »

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.



[1]Ordonnance et motifs de la SAI en date du 3 mars 2000, dossier du Tribunal, page 1.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.