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                                                                                                                              Date : 20010606

                                                                                                                Dossier : IMM-4533-00

OTTAWA (Ontario), le 6 juin 2001

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

XIU BAO WANG

                                                                                                                                                          

                                                                                                                                        demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

ORDONNANCE

[1]         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« P. Rouleau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.


                                                                                                                              Date : 20010606

                                                                                                                Dossier : IMM-4533-00

                                                                                                                                                          

Référence neutre : 2001 CFPI 590

ENTRE :

XIU BAO WANG

                                                                                                                                                          

                                                                                                                                        demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (ci-après la SSR) a conclu, le 31 juillet 2000, que Xiu Bao Wang (ci-après le demandeur) n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Le demandeur déclare être citoyen chinois. Il affirme craindre avec raison d'être persécuté en Chine du fait de sa religion, parce qu'il est catholique.


[3]                 Le demandeur déclare être arrivé au Canada le 18 décembre 1998. Il a revendiqué le statut de réfugié le 21 décembre 1998 dans un bureau du CIC, à Toronto.

[4]                 Le demandeur s'est par la suite présenté dans un bureau du CIC le 26 avril 1999. Il a présenté une carte d'identité de résident de la République populaire de Chine (ci-après la CIR) au nom de Xiu Bao Wang, délivrée en Chine au mois de décembre 1998. L'entrevue visait à permettre de déterminer si le demandeur était l'individu même qui était entré au Canada au mois de septembre 1998 sous le nom de Shou Bao Wang.

[5]                 Shou Bao Wang est d'origine chinoise; il est entré au Canada avec un passeport dominiquais. Il devait se présenter au CIC le 4 octobre 1998, mais il ne l'a pas fait.

[6]                 L'audience a commencé le 13 octobre 1999; le demandeur a été interrogé au sujet du fondement religieux de sa revendication. L'audience a été ajournée; elle a repris le 10 mai 2000 afin de permettre à la Commission de continuer à examiner le fondement religieux de la revendication, mais principalement afin de traiter de la question de l'identité et de la question de l'exclusion en vertu de la section E de l'article premier de la Convention.


[7]                 La Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que Xiu Bao Wang et Shou Bao Wang étaient une seule et même personne. Elle a conclu que Shou Bao Wang est un individu né en Chine qui est par la suite devenu citoyen de la Dominique, au mois de septembre 1998; qu'il était entré au Canada avec son passeport dominiquais et qu'il devait se présenter aux bureaux d'Immigration Canada le 4 octobre 1998, mais qu'il ne l'avait pas fait.

[8]                 Dans sa décision, la Commission a indiqué qu'elle ne disposait d'aucun élément de preuve digne de foi montrant que Shou Bao Wang, qui était entré au Canada en 1998, avait quitté le pays; de plus, Xiu Bao Wang, qui avait revendiqué le statut de réfugié le 21 décembre 1998, ne possédait aucune preuve documentaire à l'appui de l'allégation selon laquelle il était entré au Canada trois jours plus tôt, soit le 18 décembre 1998. En outre, les cartes d'identité de résident chinois que le demandeur ici en cause et Shou Bao Wang avaient produites, la carte d'identité de ce dernier ayant été produite lorsqu'il était entré au pays à l'aide de son passeport dominiquais, étaient identiques; elles portaient toutes les deux le numéro de série 350127720828387. Étant donné qu'aucun élément de preuve n'avait été fourni pour justifier l'existence d'une crainte fondée de persécution à la Dominique, la Commission, qui avait conclu que le ministre avait établi l'identité du demandeur et le fait qu'il était citoyen dominiquais, a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


[9]                 Les conclusions de la Commission étaient fondées sur les éléments ci-après énoncés :

a) la photocopie de la photographie figurant sur la CIR de Xiu Bao Wang qui a été délivrée au mois de novembre 1998 est presque identique à la photocopie de la photographie figurant sur le passeport dominiquais de Shou Bao Wang qui a été délivré au mois de septembre 1998;

b) la photographie en couleur de Xiu Bao Wang qui a été prise à Toronto et qui est jointe à l'avis de comparution ressemble à la photocopie de la photographie de Shou Bao Wang qui figure sur la CIR délivrée en 1989;

c) la photographie véritable ressemble également à la photocopie de la photographie figurant sur l'attestation de naturalisation dominiquaise et à la photocopie de la photographie qui se trouve sur le permis de conduire dominiquais de Shou Bao Wang. Les deux documents ont été délivrés au mois de septembre 1998;

d) Xiu Bao Wang et Shou Bao Wang ont quatre caractéristiques physiques presque identiques : les sourcils, la forme du nez, une grosse lèvre inférieure et un cartilage thyroïde saillant;


e) le numéro à quinze chiffres figurant sur la CIR de Xiu Bao Wang, selon la prépondérance des probabilités, est identique au numéro qui se trouve sur la CIR de Shou Bao Wang;

f) la date de naissance de Xiu Bao Wang, telle qu'en font foi sa CIR, Houkou, et son certificat de mariage, est identique à celle de Shou Bao Wang, telle qu'en font foi le passeport et le permis de conduire dominiquais;

g) l'adresse qui est inscrite sur la CIR de Xiu Bao Wang qui a été délivrée en 1998 est semblable à celle de Shou Bao Wang, qui a été délivrée en 1989. La seule différence est le numéro de rue (à savoir, 115 Wentou dans le cas X.B. Wang et 65 Wentou, dans le cas de S.B. Wang);

h) la taille des deux individus est la même. Les noms écrits « Bao Wang » contenus dans la signature de Xiu Bao Wang qui est apposée dans le FRP de celui-ci sont identiques, à l'oeil nu, aux noms écrits « Bao Wang » contenus dans la signature de Shou Bao Wang, qui se trouve dans le passeport dominiquais. Toutefois, la formation a noté qu'elle ne faisait pas d'inférences en ce qui concerne les écrits renfermant des caractères chinois traditionnels.


[10]            Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur dans la façon dont elle a procédé à l'audition de la preuve; que le témoignage était encore incomplet lorsque la Commission a décidé de s'arrêter à la question de l'identité; que la Commission a pris sa décision avant de disposer d'une preuve judiciaire au sujet de l'authenticité des cartes d'identité.

[11]            Le demandeur affirme en outre que la dernière date possible à laquelle le membre de la Commission aurait pu entendre des témoignages additionnels était le 23 juin 2000 puisque le contrat de ce membre n'avait pas été renouvelé. Or, à cette date, des éléments importants se rapportant à l'identité du demandeur n'avaient toujours pas été reçus. Par conséquent, après le 23 juin 2000, la Commission ne pouvait plus reprendre l'audience en vue d'entendre d'autres témoignages oraux. Selon le demandeur, pareille restriction crée une appréhension de partialité et a pour effet de fournir au membre de la Commission un nombre de solutions plus restreint que celui dont les autres membres auraient disposé dans les mêmes circonstances. En outre, on peut avec raison supposer que la Commission était partiale à cause des contraintes de temps et qu'elle a donc rendu une décision à la hâte, en sachant que les motifs ne pouvaient pas être soumis après le 18 août 2000. Par conséquent, en rendant une décision assujettie à pareilles restrictions et en tenant compte de considérations non pertinentes, la Commission a porté atteinte au droit à une audience équitable et aux règles de justice fondamentale.


[12]            Le demandeur soutient que l'analyse des divers documents aurait dû être effectuée par un expert et que pareille preuve était nécessaire en vue d'étayer la décision fondée sur la section E de l'article premier en ce qui concerne l'exclusion du demandeur. L'analyse et les conclusions de la Commission équivalent donc à des conjectures.

[13]            Le défendeur affirme que la Commission n'a pas commis d'erreur en mettant l'accent sur la question de la nationalité et de l'identité lors de la deuxième audience puisqu'elle est maître de sa propre procédure. En outre, le défendeur fait remarquer qu'aucune objection n'a été soulevée au cours de l'audience au sujet de la façon dont la Commission se proposait de procéder.

[14]            Le défendeur soutient en outre que la SSR a agi d'une façon raisonnable en suspendant son analyse en vertu de la section E de l'article premier puisque le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention et qu'il était en fait un citoyen de la Dominique.

[15]            Rien ne montre que la Commission ait garanti qu'elle retarderait sa décision en attendant la réception de la preuve judiciaire, et rien ne montre que le demandeur ait demandé à la Commission de retarder la prise de sa décision tant que l'analyse judiciaire ne serait pas reçue.


[16]            Le défendeur soutient finalement que la Commission avait le droit d'examiner et de comparer les documents soumis afin de déterminer la question de la nationalité et de l'identité étant donné que, pour ce faire, un juge des faits peut appliquer des principes fondés sur le bon sens.

[17]            Il est de droit constant que la SSR est un tribunal spécialisé. Par conséquent, la norme de contrôle qui s'applique à la Commission en ce qui concerne les conclusions de fait est celle de la décision manifestement déraisonnable. Comme il en a été fait mention dans la décision Adar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1997] A.C.F. no 695, « [p]our ce qui est de déterminer la validité de passeports et d'autres pièces d'identité, cette norme est soulignée. La SSR dispose de toutes les preuves d'expert, ainsi que des documents en question eux-mêmes. Elle apprécie la crédibilité de la déposition des témoins et la soupèse en conséquence » .


[18]            Il y avait eu d'autres décisions de la SSR dans lesquelles la Commission avait décidé d'examiner les documents d'identité sans bénéficier de la preuve d'un expert, en particulier, de la preuve d'un graphologue. Dans l'arrêt Owusu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 33 (C.A.), la Cour d'appel fédérale a rejeté une demande fondée sur l'article 28 dans laquelle il était allégué que la Commission avait commis une erreur en n'exigeant pas une preuve d'expert visant à étayer la conclusion qu'elle avait tirée au sujet de l'écriture. La Cour a conclu que la Commission pouvait avec raison faire les inférences qu'elle avait faites à partir de la preuve.

[19]            Je suis convaincu que la Commission n'a pas commis d'erreur en appréciant elle-même les documents d'identité. Il est évident que la CIR de Shou Bao Wang et celle de Xiu Bao Wang portent le même numéro d'identification.

[20]            Il est certain que la conclusion que la Commission a tirée au sujet de l'identité du demandeur était essentielle au règlement de la revendication. Une fois que la Commission concluait que Xiu Bao Wang et Shou Bao Wang étaient une seule et même personne, elle se voyait obligée de déclarer que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[21]            Il est de droit constant qu'il incombe au demandeur de justifier sa revendication. Le demandeur ici en cause n'a pas offert de preuve en vue de contredire les numéros de série figurant sur les deux documents d'identification de la République de Chine et il ne pouvait aucunement étayer la déclaration selon laquelle il était entré au Canada trois jours avant de se présenter à Immigration Canada et de déposer une demande en vue de revendiquer le statut de réfugié.


[22]            Je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, Xiu et Shou sont une seule et même personne; que le demandeur est entré au Canada à l'aide d'un passeport dominiquais et qu'il était citoyen de ce pays; qu'il n'était pas nécessaire de poursuivre une demande à l'égard de la République populaire de Chine comme le demandeur l'avait initialement soumis.

[23]            À l'audience, la Commission a clairement dit qu'elle se préoccupait de l'identité du demandeur et que ce n'était qu'une fois l'identité établie qu'elle pouvait déterminer si le demandeur était un réfugié de son pays d'origine qui, comme celui-ci l'alléguait, était la République populaire de Chine. Telle était la préoccupation fondamentale de la Commission et aucune preuve n'a été offerte en vue de réfuter la décision selon laquelle le demandeur était citoyen de la Dominique.

[24]            En ce qui concerne l'argument du demandeur selon lequel il est possible de supposer que la Commission était partiale à cause des contraintes de temps et qu'elle a donc rendu sa décision à la hâte, j'estime qu'il s'agit d'une simple allégation qui n'est pas étayée par les faits et par la preuve.


[25]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« P. Rouleau »

Juge

OTTAWA (Ontario)

le 6 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER :                                                               IMM-4533-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                              Xiu Bao Wang

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                 le 31 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                         Monsieur le juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :                                                         le 6 juin 2001

ONT COMPARU

M. Shelley Levine                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Mme Angela Marinos                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Shelley Levine                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Levine et associés

M. Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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