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Date : 20040705

Dossier : T-760-04

Référence : 2004 CF 960

ENTRE :

                                                    ALLIANCE PIPELINES LTD.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                                                                                         (appelante)

                                                                             et

                                                  DALE SMITH et GWEN SMITH

                                                                                                                                                intimés

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                La présente demande est un appel interjeté par Alliance Pipelines Ltd. (Alliance), propriétaire d'un pipeline qui transporte le gaz naturel du nord-est de la Colombie-Britannique jusqu'à un point situé près de Chicago, en Illinois, traversant ainsi la Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan. L'appel porte sur une sentence arbitrale datée du 5 septembre 2003 et délivrée le 15 mars 2004, rendue par un comité d'arbitrage (les arbitres) constitué par le ministre des Ressources naturelles.


[2]                Les intimés en l'espèce, Dale Smith et Gwen Smith (les Smith), détiennent des baux sur certaines terres de la Couronne en Alberta, où ils font paître leur bétail.

[3]                L'appel d'Alliance porte sur une question étroite, à savoir que les arbitres n'auraient pas tenu compte du fait que, contrairement à tous les autres qui ont présenté des réclamations aux arbitres, l'intérêt des Smith était constitué d'une tenure à bail et non d'une tenure franche. S'agissant des terres à bail utilisées par les Smith en vertu du bail que la Couronne leur a consenti pour faire paître leur bétail et qui fait l'objet de la présente procédure, j'utiliserai l'expression « la propriété à bail » .

[4]                La présente requête, qui porte sur le contenu du dossier d'appel, me cause une difficulté puisque, pour sa part, Alliance a déposé à l'appui de la requête une preuve considérable par affidavit, que j'accepte avec les pièces jointes. Par ailleurs, l'avocat des Smith n'a présenté que de brèves affirmations en plaidoirie, mais aucune preuve. Par conséquent, les Smith font face à une difficulté qui est de leur fait, semblable à celle dont la Cour d'appel a fait état dans Pfeiffer & Pfeiffer Inc. c. Alain Lafontaine, un arrêt non publié du 22 octobre 2003 (2003 CAF 391). Dans cette affaire, la Cour d'appel a fait remarquer qu'une partie à une requête doit exposer dans un affidavit les faits nécessaires qui n'apparaissent pas dans le dossier de la Cour. Toute opposition à une requête, ou contradiction des faits au dossier, doit faire l'objet d'un affidavit. Bien que les contre-interrogatoires peuvent être utiles, ils ne réduisent en rien l'obligation de produire un affidavit. En l'espèce, il n'y a eu aucun contre-interrogatoire et, comme je viens de le dire, les Smith n'ont présenté aucune preuve par affidavit.


[5]                Le résultat de la requête va donc dans le sens réclamé par Alliance et le dossier d'appel sera constitué comme proposé par Alliance, soit juste ce qui est nécessaire pour trancher l'appel d'Alliance contre la sentence arbitrale rendue en faveur des Smith au sujet de la propriété à bail. Je vais maintenant examiner cette question de façon plus détaillée, en présentant d'abord le contexte pertinent.

LE CONTEXTE

[6]                Alliance ayant reçu l'approbation pour la construction d'un pipeline en vertu de la Loi sur l'Office national de l'énergie, ainsi qu'un certificat d'utilité publique à cet effet, elle a procédé à l'assemblage de servitudes. À peu près 3 030 de ces servitudes ont été constituées d'un commun accord, alors que 70 ont fait l'objet d'ordonnances de droit d'accès de l'Office national de l'énergie. Ces ordonnances peuvent donner lieu à des négociations ultérieures ou à des arbitrages. Les Smith ont déposé un avis d'arbitrage au sujet de la propriété à bail, qui est en cause ici, ainsi qu'un avis d'arbitrage au sujet de terres adjacentes dont ils sont propriétaire en fief simple. Ces terres en fief simple font l'objet d'une autre procédure devant les tribunaux, mais elles ne sont pas en cause dans la présente action ou dans cette requête.

[7]                Les choses ayant suivi leur cours, les arbitrages ont eu lieu, y compris celui qui porte sur la propriété à bail. Chaque contestation par voie d'arbitrage a donné lieu à une décision séparée du comité d'arbitrage, y compris des décisions séparées au sujet de la propriété à bail utilisée par les Smith et des terres qu'ils détiennent en fief simple.


[8]                Comme je l'ai déjà dit, toutes les décisions ont été délivrées en septembre 2003, sauf celle qui porte sur la propriété à bail. Je constate, au vu des pièces jointes à l'affidavit à l'appui de la présente requête, que la décision des arbitres au sujet de la propriété à bail, qui a aussi été prise en septembre 2003, n'a été délivrée par l'arbitre que le 15 mars 2004 suite à un oubli.

[9]                J'ai examiné l'avis d'appel déposé par Alliance au sujet de la propriété à bail utilisée par les Smith. J'ai aussi examiné deux avis d'appel modèles, savoir l'avis d'appel déposé par les Smith relativement à leurs terres en fief simple et les avis d'appel conjoints déposés relativement à des terres en fief simple par un certain nombre de propriétaires, dans le cadre de l'action T-1817-03 en Cour fédérale. J'ai examiné l'ordonnance de M. le juge Rouleau datée du 10 décembre 2003, dans l'action T-1817-03, où il exige que des appels distincts soient déposés par chaque partie. J'ai aussi examiné un échantillon des appels déposés par la suite dans l'action T-2393-03. Il est clair, au vu de ces documents, que les parties considéraient les sentences arbitrales comme déterminant de façon définitive les sommes à verser pour les servitudes. Au vu des prétentions des Smith en réponse à la présente requête et d'Alliance dans leur propre réponse, j'accepte le fait que les arbitres établissent de façon définitive les sommes à verser en compensation pour les terres qui feront l'objet de servitudes, laissant à une détermination ultérieure la question des dépens et des intérêts. Je rejette donc la position des Smith voulant que les arbitres se livrent à une forme de révision de leurs décisions, assertion qui n'est pas appuyée par la preuve.


[10]            Revenant à l'avis d'appel déposé au sujet de la propriété à bail, il constitue un exemple de simplicité, contrairement aux avis d'appel qui portent sur les terres en fief simple. Alliance soulève la question du défaut par les arbitres de tenir compte de la différence entre les terres à bail et les terres en fief simple lorsqu'ils ont fixé la compensation. Alliance soutient qu'une fois que les Smith ont été compensés pour une perte temporaire d'utilisation, ils étaient complètement indemnisés et qu'ils ne devraient pas avoir droit à une compensation à la valeur du marché pour les servitudes, comme c'est le cas pour les propriétaires en fief simple.

[11]            Au vu de la question posée au sujet de la propriété à bail, ainsi que des questions plus larges portant sur les réclamations en litige devant la Cour fédérale portant sur les terres en fief simple et de l'ordonnance du juge Rouleau datée du 10 décembre 2003, qui porte qu'un avis d'appel conjoint n'était [traduction] « pas satisfaisant et qu'en conséquence, chaque partie appelante devait déposer un appel distinct dans les 20 jours de la date de l'ordonnance    » , l'avocat d'Alliance a proposé que le contenu du dossier d'appel en l'espèce ne porte que sur la propriété à bail détenue par les Smith. Cette proposition a été rejetée par l'avocat des Smith, qui demande qu'on constitue un dossier d'appel conjoint pour toutes les personnes qui contestent les sentences arbitrales devant notre Cour. Un tel dossier d'appel conjoint serait fondé sur à peu près 16 volumes de documentation et sur plus de 2 200 pages de transcription, ainsi que sur de très nombreuses pièces déposées lors de l'arbitrage. Pour sa part, le dossier d'appel proposé par Alliance contiendrait 16 articles.


EXAMEN

[12]            L'article 344 des Règles précise le contenu du dossier d'appel, qui comprend l'avis d'appel, l'ordonnance portée en appel, les actes de procédure qui définissent les questions en litige, et les pièces, transcriptions et autres documents, sous réserve des limites indiquées dans l'arrêt La bande Montana c. Canada, 2001 CAF 176, une décision non publiée de la Cour d'appel fédérale. Cet arrêt, au paragraphe 8, porte qu'une cour d'appel n'examinera pas une preuve qui n'a pas été présentée à la cour d'instance inférieure, sauf ordonnance prise en vertu de l'article 351 des Règles (qui permet de présenter de nouveaux éléments de preuve dans des circonstances particulières). Cette exigence d'obtenir une ordonnance pour présenter de nouveaux éléments de preuve est fondée sur le paragraphe 343(2) des Règles, qui précise qu'on n'inclut dans le dossier d'appel « que les documents, pièces et transcriptions nécessaires au règlement des questions en litige dans l'appel » .

[13]            Le paragraphe 343(3) des Règles dispose qu'à défaut d'une entente entre les parties quant au contenu du dossier d'appel, elles peuvent demander à la Cour de déterminer le contenu du dossier d'appel en déposant un avis de requête par écrit.

[14]            S'agissant de déterminer le contenu du dossier d'appel, la tâche de la Cour n'est pas simple, comme le déclare le juge d'appel Létourneau dans l'arrêt Canada (Ministre de l'Environnement) c. Canada (Commissaire à l'information) (2001), 14 C.P.R. (4th) 574, à la page 576. Parmi les aspects soulignés par M. le juge d'appel Létourneau, il s'en trouve deux qui sont pertinents et que je paraphrase ainsi :


a)                   premièrement, il est préférable d'opter pour l'option qui comporte le moins de risques lorsqu'il s'agit d'ajouter de la documentation; et

b)                   deuxièmement, il y a lieu d'éliminer les documents non essentiels à la résolution des questions en appel.

[1]                En l'espèce, la question à trancher est étroite, savoir quels sont les principes applicables au dédommagement du détenteur d'un bail de la Couronne pour le pâturage, qui a été compensé par les arbitres pour la perte de pâturage et qui, du point de vue d'Alliance, a été compensé à tort pour la perte de terres comme s'ils en avaient été les propriétaires. La différence entre le dossier d'appel modeste proposé par Alliance, appelante, et celui proposé par les Smith, dans le cadre de l'appel plus général d'un grand nombre de propriétaires de terres en fief simple, est très importante. Le fait d'adopter la constitution d'un dossier d'appel conjoint pour tous les propriétaires en fief simple reviendrait à consolider à nouveau toutes les actions, alors que M. le juge Rouleau, dans son ordonnance du 10 décembre 2003, a séparé les appels des sentences arbitrales pour les constituer en appels distincts. Toute nouvelle consolidation par la voie d'un dossier d'appel conjoint est non seulement inappropriée, mais elle représenterait une attaque de biais contre la décision de M. le juge Rouleau.


[2]                Le présent appel mettant en cause Alliance et les Smith ne porte pas sur un titre de propriété en fief simple, mais sur un bail de pâturage de la Couronne. Il est donc totalement différent et distinct des autres appels. Il n'exige pas la constitution d'un dossier d'appel gigantesque. La solution serait identique, même si un même juge devait entendre tous les appels portant sur le droit de passage du pipeline, ce juge voulant sûrement traiter de façon séparée l'appel distinct d'Alliance au sujet de la propriété à bail, l'isolant du reste des appels qui portent sur des terres détenues en fief simple.

[3]                Les Smith avaient l'occasion de traiter la question du contenu du dossier d'appel de façon logique, dans son contexte qui est celui de la propriété à bail. Cette occasion de négocier un dossier d'appel pertinent contenant la documentation raisonnablement nécessaire pour trancher le présent appel semble avoir été gaspillée et, de la même façon, l'occasion de présenter une preuve à l'encontre de cette requête n'a pas été saisie.

[4]                Le contenu du dossier d'appel sera donc celui proposé par Alliance. Alliance aura droit aux dépens, quelle que soit l'issue de la cause, que je fixe au milieu de la colonne III à une somme forfaitaire de 550 $.

« John A. Hargrave »

                                                                                                                                         Protonotaire                    

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 5 juillet 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

REQUÊTE TRAITÉE SUR PRÉTENTIONS ÉCRITES, SANS COMPARUTION

DES PARTIES

DOSSIER :                                                     T-760-04

INTITULÉ :                                                   ALLIANCE PIPELINE LTD.

c.

DALE SMITH et GWEN SMITH

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                                  LE 5 JUILLET 2004

PRÉTENTIONS ÉCRITES :

Lars H. Olthafer                                                            POUR LA DEMANDERESSE

(APPELANTE)

J. Darryl Carter, c.r.                                                     POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fraser Milner Casgrain LLP                                           POUR LA DEMANDERESSE

Avocats et procureurs                                                    (APPELANTE)

Calgary (Alberta)

Darryl Carter & Company                                             POUR LES INTIMÉS

Avocats et procureurs

Grande Prairie (Alberta)

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