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Date : 20020215

Dossier : IMM-4639-00

OTTAWA (Ontario), le 15 février 2002

EN PRÉSENCE DE :    MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                                                                    KANGSHENG LI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                 -et-

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

VU la demande en date du 1er septembre 2000 présentée au nom du demandeur en vue du contrôle judiciaire de la décision prise le 31 juillet 2000 par une agente des visas du consulat général du Canada à Hong Kong, par laquelle l'agente des visas avait refusé d'accorder au demandeur la résidence permanente au Canada, et pour que soient rendues :

1.          une ordonnance de certiorari cassant la décision de l'agente des visas;

2.          une ordonnance de mandamus enjoignant le défendeur de renvoyer l'affaire à un autre agent des visas pour nouvelle décision relative à la demande de visa;


APRÈS avoir entendu les avocats des parties à Vancouver (C.-B.) le 14 juin 2001, date à laquelle la décision fut différée, et après examen des arguments alors exposés;

         ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

                                                                                                                              « W. Andrew MacKay »          

                                                                                                                                                               JUGE                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, Trad. a., LL.L.


Date : 20020215

Dossier : IMM-4639-00

Référence neutre : 2002 CFPI 174

ENTRE :

                                                                    KANGSHENG LI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

                         Par cette demande de contrôle judiciaire, le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision du 31 juillet 2000 d'une agente des visas du consulat général du Canada à Hong Kong, par laquelle l'agente des visas avait refusé au demandeur la résidence permanente au Canada.


                         Le demandeur est un ressortissant chinois. Il est un ingénieur mécanicien, titulaire d'un baccalauréat, qui a travaillé de 1988 à 1999 sur un chantier naval à Guangzhou, en Chine, occupant des postes de responsabilité croissante. Lors de sa demande, il était sous-directeur du service technique du chantier naval. Ses titres professionnels ont été jugés acceptables par le Conseil canadien des ingénieurs.

                         En février 1999, il a demandé au consulat général du Canada à Hong Kong la résidence permanente au Canada, en sollicitant son admission à titre de candidat indépendant, sous le numéro 2132 de la Classification nationale des professions, comme ingénieur mécanicien. La demande a été évaluée le 15 avril 1999, puis M. Kangsheng Li s'est vu accorder la possibilité de subir le test anglais de formation générale du Système international des tests de langue anglaise. Les résultats de ce test ont été reçus au consulat général en janvier 2000, et le demandeur fut alors invité à se présenter pour une entrevue le 27 juillet 2000.

                         Le demandeur, son épouse et son enfant se sont présentés à l'entrevue personnelle prévue avec l'agente des visas à Hong Kong. Au moment de l'entrevue, le demandeur étudiait l'anglais à temps partiel dans des cours du soir tout en continuant de travailler à temps plein, comme il l'avait fait depuis qu'il avait subi le test quelques mois auparavant. Il avait mentionné dans sa demande qu'il pouvait parler, écrire et lire l'anglais correctement.

                         À l'entrevue, l'agente des visas a évalué ses aptitudes linguistiques, puis a conclu qu'il parlait l'anglais correctement, qu'il l'écrivait « passablement » , mais qu'il le lisait avec difficulté. Finalement, il a reçu deux points d'appréciation pour ses aptitudes en anglais, conformément aux lignes directrices figurant dans l'annexe I du Règlement de 1978 sur l'immigration (le Règlement).


                         Pour le facteur personnalité, l'agente des visas affirme dans son affidavit qu'elle a fidèlement tenu compte des capacités et des dispositions du demandeur à s'établir au Canada. Elle regrettait de constater que le demandeur n'avait pas voyagé en dehors de la Chine, qu'il avait travaillé « toute sa vie » (c.-à-d. 11 ans, comme cela est indiqué à juste titre dans ses notes du STIDI) pour le même employeur, après avoir été assigné par le gouvernement à cet employeur, et qu'il n'avait aucune expérience de la recherche d'un emploi. De plus, son anglais montrait peu d'amélioration après les mois qui s'étaient écoulés depuis qu'il avait subi le test, et, de l'avis de l'agente, son espoir de trouver un travail d'ingénieur mécanicien dans les 12 mois de son arrivée au Canada n'était pas réaliste. Cette évaluation a conduit l'agente à accorder au demandeur trois points sur un total possible de 10 pour la personnalité.

                         L'agente déclare dans son affidavit qu'elle a durant l'entrevue informé le demandeur du refus de sa demande et qu'elle lui a expliqué ses inquiétudes à propos des difficultés qu'il rencontrerait s'il tentait de s'établir avec sa famille au Canada.


                         Dans une lettre en date du 31 juillet 2000, l'agente des visas exposait son évaluation du demandeur et expliquait les points attribués aux divers facteurs qu'elle devait considérer. Nous avons évoqué les appréciations de l'agente des visas pour les aptitudes du demandeur en anglais et pour sa personnalité. Pour plusieurs des autres facteurs, il a obtenu une évaluation plutôt bonne, mais son total de 68 points d'appréciation était inférieur au minimum de 70 points requis pour les requérants indépendants. Comme il n'avait pas le minimum de points d'appréciation, le demandeur n'était pas admissible au Canada et sa demande a été refusée.

                         Dans ses notes du STIDI, consignées le jour de l'entrevue, l'agente des visas faisait plusieurs commentaires favorables et défavorables à propos de la personnalité du demandeur. Les notes omettent deux considérations qui figurent dans son affidavit ultérieur, établi sous serment quelques mois après l'entrevue, à propos du manque d'expérience du demandeur dans la recherche d'un emploi, et à propos de la conviction de l'agente des visas pour qui l'espoir du demandeur de trouver un travail dans un délai d'un an n'était pas réaliste.

                         L'avocat du demandeur a obtenu, après une demande faite en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, et modifications, une étude de 1998 effectuée au sein de Citoyenneté et Immigration Canada, à propos des points d'appréciation attribués pour la personnalité aux demandeurs de visas de résidence permanente par les agents des visas du consulat général du Canada à Hong Kong. Les résultats de l'étude montraient que 8 p. 100 de ces candidats obtenaient trois points d'appréciation ou moins, et que 75 p. 100 obtenaient cinq points ou plus.

                         Le demandeur soulève des questions se rapportant à l'évaluation de sa personnalité, en faisant valoir que l'évaluation faite par l'agente était déraisonnable et qu'elle avait été effectuée d'une manière qui constituait un manquement à l'équité procédurale à laquelle il avait droit.


                         Pour le demandeur, il est reconnu que la norme de contrôle de la décision discrétionnaire d'un agent des visas a été établie et que le demandeur doit prouver soit l'existence d'une erreur de droit qui est manifeste au vu du dossier, soit qu'il y a eu manquement à l'équité à laquelle le demandeur avait droit.

                         Se référant à l'affaire Goyal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 9 Imm L.R. (3d) 238, à l'affaire Luo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 185 F.T.R. 170 et à l'affaire Maniruzzaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 167 F.T.R. 139, le demandeur affirme que, lorsqu'il ne manque à un demandeur qu'un ou deux points sur le total des points requis pour une admission, et en particulier lorsque la note attribuée à la personnalité est faible, la Cour devrait examiner attentivement l'évaluation globale. À mon avis, chacun de ces précédents va au-delà du principe selon laquelle une évaluation globale légèrement inférieure au minimum requis justifie un contrôle. Ainsi, dans l'affaire Goyal, M. le juge Linden a constaté qu'une preuve essentielle et pertinente avait été oubliée. Dans l'affaire Luo, Madame le juge Tremblay-Lamer a estimé que l'agent avait considéré négativement le fait que le demandeur n'avait jamais visité le Canada, un aspect que la Cour a jugé hors de propos. Dans l'affaire Maniruzzaman, Madame le juge Reed a estimé que l'agent des visas avait accordé un poids indu à des facteurs qui étaient pertinents, mais non essentiels pour l'examen de la personnalité.


                         J'examinerai maintenant l'appréciation donnée par l'agente des visas à la personnalité durant l'évaluation de M. Kengshen Li. Selon M. Li, l'appréciation faite par l'agente des visas était déraisonnable parce que, comme elle avait énuméré dans ses notes du STIDI plusieurs commentaires favorables concernant sa personnalité et plusieurs commentaires défavorables, l'attribution de trois points d'appréciation était indûment fondée sur certains commentaires défavorables. Le demandeur affirme donc qu'il était déraisonnable pour l'agente des visas de considérer négativement le fait qu'il avait travaillé pour le même employeur depuis 1988, qu'il n'avait jamais voyagé en dehors de la Chine continentale et que ses tests de lecture et d'écriture de l'anglais à l'entrevue ne montraient aucune amélioration depuis la date de son premier test quelque sept mois auparavant. L'agente des visas s'était fondée sur ces facteurs pour lui attribuer trois points d'appréciation, résultat qui, selon le demandeur, était déraisonnable, d'autant que l'agente des visas n'avait pas apprécié comme elle aurait dû le faire la preuve de ses responsabilités croissantes, puisqu'il avait obtenu quatre promotions sur une période de 11 ans durant son emploi au chantier naval.

                         Selon l'article 8 et l'annexe I du Règlement, parmi les facteurs devant être évalués par un agent des visas pour les candidats à la résidence permanente au Canada, se trouve la personnalité, exposée ainsi dans ladite annexe :


Des points d'appréciation sont attribués au requérant au cours d'une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

Units of assessment shall be awarded on the basis of an interview with the person to reflect the personal suitability of the person and his dependants to become successfully established in Canada based on the person's adaptability, motivation, initiative, resourcefulness and other similar qualities.



Ce facteur est un élément clé lorsqu'on évalue la probabilité pour un requérant de visa de réussir son installation au Canada. La lettre de refus de l'agente mentionnait seulement le fait que l'évaluation globale du demandeur n'atteignait pas les 70 points requis pour les requérants dans la catégorie indépendante, mais dans son affidavit l'agente des visas souligne qu'elle a attentivement évalué divers facteurs et que la personnalité du demandeur avait été notée après examen consciencieux de ses aptitudes et de ses dispositions à s'établir au Canada. Les facteurs alors mentionnés, à savoir le fait qu'il n'avait pas voyagé en dehors de la Chine, le fait qu'il avait toujours travaillé pour le même employeur, celui que lui avait assigné le gouvernement, de telle sorte qu'il n'avait aucune expérience de la recherche d'un emploi, et le fait que son anglais ne montrait pas beaucoup d'amélioration malgré les cours qu'il avait suivis, avaient conduit l'agente des visas à conclure que les espoirs du demandeur de trouver un travail d'ingénieur mécanicien dans un délai d'un an au Canada n'étaient pas réalistes.

                         Dans ces conditions, je ne suis pas convaincu que les considérations mentionnées par l'agente des visas sont hors de propos, pas plus que ne l'étaient les considérations favorables apparaissant dans ses notes du STIDI à propos de la personnalité du demandeur. Il n'était pas manifestement déraisonnable, ni même déraisonnable, pour l'agente des visas d'évaluer la personnalité du demandeur comme elle l'a fait. Cette évaluation est un pouvoir discrétionnaire, que l'agente des visas a exercé en fonction de la preuve dont elle disposait. La Cour pourrait apprécier la preuve différemment si c'était là son mandat, mais ce n'est pas le critère que je dois appliquer. Je ne suis pas convaincu que la Cour soit de quelque façon autorisée à intervenir au motif que l'évaluation de la personnalité était déraisonnable ou ne tenait pas compte de la preuve.


                         Le demandeur affirme aussi que l'agente des visas a manqué à son obligation d'équité procédurale en ne l'informant pas de ses préoccupations concernant sa demande et en ne lui donnant pas une occasion d'y réagir avant qu'elle ne termine son évaluation. Il est clair qu'une telle obligation existe lorsque l'agent s'appuie sur des éléments de preuve ou des renseignements qui ne lui ont pas été soumis ou dont le requérant n'est pas informé. Mais cette obligation n'existe pas lorsque l'agent des visas se fonde sur la preuve tirée de documents et de l'entrevue du requérant (voir l'affaire Parmar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 139 F.T.R. 203).

Conclusion

                         Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincu que l'agente des visas a commis une erreur de droit ou a manqué à son obligation d'équité procédurale envers le demandeur. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée dans une ordonnance distincte.

                                                                                                                              « W. Andrew MacKay »          

                                                                                                                                                               JUGE                         

OTTAWA (Ontario)

le 15 février 2002.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, Trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-4639-00

INTITULÉ :                                           Kangsheng Li et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 14 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE : M. LE JUGE MACKAY    

DATE DES MOTIFS :                        le 15 février 2002

ONT COMPARU :

Rudolf J. Kischer                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Pauline Anthoine                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rudolf J. Kischer                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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