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Date : 20200303


Dossier : IMM‑2807‑19

Référence : 2020 CF 324

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mars 2020

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

AZEEZ ADEWUYI IYIOLA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur, Azeez Adewuyi Iyiola, un citoyen nigérian, a obtenu un baccalauréat ès sciences en informatique de l’Université Obafemi Awolowo [mai 2014]. Du 27 avril 2016 au 26 avril 2017, il a travaillé comme enseignant et professeur d’informatique au Zabib College à Kaduna (Nigéria) dans le cadre du Service national de la jeunesse obligatoire. Depuis, il est au chômage, mais a poursuivi ses études et a obtenu un certificat en gestion de l’Institut nigérian de gestion (agréé) [septembre 2017].

[2]  M. Iyiola sollicite à présent un permis d’études canadien pour pouvoir s’inscrire à un programme de trois ans en Administration des affaires – Gestion de projets du Collège George Brown [GBC] à Toronto (Ontario). Il a présenté deux demandes à cet effet, mais n’a pas obtenu de permis d’études pour ce programme. Sa deuxième demande a été retournée et réexaminée sur consentement, étant donné qu’il n’était pas certain que ses observations aient été examinées ou prises en considération. Il a donc été autorisé à déposer des documents mis à jour avant le réexamen, afin de dissiper les préoccupations de l’agent des visas. La demande mise à jour a été soumise à l’examen de l’agent des visas qui a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle.

[3]  Dans la déclaration d’intention détaillée soumise avec sa demande de permis d’études mise à jour, M. Iyiola explique que son projet précédent de commerce électronique dans le secteur de la livraison alimentaire en ligne a pris fin parce qu’il ne possédait pas suffisamment de connaissances en gestion et de compétences en gestion de projets. Cette expérience l’a incité à acquérir de meilleures compétences en gestion. Il explique qu’il a choisi GBC parce que cette école propose un placement obligatoire en coopération, ce qui lui permettrait d’acquérir une expérience pratique appuyant la formation reçue en classe. De plus, GBC [traduction« travaille avec des leaders de l’industrie afin de s’assurer que les compétences acquises en classe par les étudiants sont celles requises par le marché du travail ». Il énonce les cours précis qu’il souhaite suivre, et explique en quoi ils favoriseront ses projets professionnels. Il souligne également que GBC est inscrit auprès du Project Management Institute [PMI], un organisme de réglementation supervisant la profession de gestionnaire de projets dans le monde, et qu’un diplôme du GBC lui permettra de présenter une demande de certification de spécialiste en gestion de projets auprès du PMI. Il explique par ailleurs que la demande de travailleurs qualifiés en gestion de projets au Nigéria dépasse l’expertise locale; que la structure professionnelle est sous-développée; que les possibilités de mentorat sont insuffisantes; et enfin que ses années d’études de premier cycle ont été perturbées par des grèves universitaires et autres. Il souhaite également acquérir une expérience internationale, ce qui semble être un avantage pour pouvoir concurrencer les professionnels étrangers au-delà des frontières nationales. Enfin, M. Iyiola fait remarquer que le fait de suivre avec succès un programme d’études avancé, combiné à son baccalauréat [insuffisant à lui seul], lui permettrait d’obtenir une maîtrise. Il espère retourner au Nigéria une fois le programme terminé afin de [traduction] « créer un pôle professionnel où des professionnels peuvent se réunir pour partager leurs connaissances et leurs modèles de travail. [Il] espère également contribuer à la bonne intégration de la profession dans le système universitaire nigérian, aux niveaux préliminaire et avancé, en collaboration avec les autorités et les organismes professionnels concernés, [... et] créer un cadre dans lequel les jeunes professionnels peuvent aisément se tourner vers d’autres professionnels qui agiraient en mentors ».

[4]  De plus, M. Iyiola a déclaré que son frère aîné lui apportera un soutien total, notamment financier durant ses études au Canada. Le frère, Dr Akinyele Akeem Iyiola, vit en Alberta où il travaille à temps plein comme psychiatre dans un hôpital local. Dans le cadre de la demande de permis d’études de M. Iyiola, le Dr Iyiola a fourni des documents qui décrivent en détail sa situation financière, ainsi qu’une déclaration solennelle signée par laquelle il s’engage à assumer l’entière responsabilité financière de M. Iyiola pendant la durée de son programme d’études au Canada.

[5]  Le 1er février 2019, le Haut‑commissariat du Canada à Nairobi (Kenya) [Haut‑commissariat] a refusé la demande de permis d’études mise à jour de M. Iyiola. Ce dernier a donc déposé la présente demande de contrôle judiciaire de cette décision, sur le fondement du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

[6]  Pour les motifs qui suivent, je fais droit à la présente demande de contrôle judiciaire, infirme la décision du 1er février 2019 rendue par le Haut‑commissariat et renvoie l’affaire à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision.

II.  Décision contestée

[7]  Le Haut-commissariat a rejeté la demande de M. Iyiola en vertu du paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [RIPR], estimant qu’il ne quitterait pas le Canada à la fin de son séjour, compte tenu de :

  • a) ses antécédents de voyage;

  • b) ses attaches familiales au Canada et dans son pays de résidence;

  • c) l’objet de sa visite;

  • d) sa situation professionnelle actuelle.

[8]  Même si les notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC] indiquent que l’agent des visas a pris acte des renseignements financiers à jour fournis par le Dr Iyiola, elles précisent aussi que M. Iyiola est célibataire, qu’il n’a personne à sa charge, qu’il n’a fourni la preuve d’aucun antécédent de voyage et qu’il est au chômage depuis 2017. Par ailleurs, bien que M. Iyiola soit titulaire d’un baccalauréat en sciences informatiques et qu’il ait travaillé comme professeur d’informatique, l’agent des visas a déterminé qu’il n’avait pas occupé d’emploi en rapport avec ses études. Compte tenu de ces facteurs, notamment la situation financière même de M. Iyiola, l’agent des visas n’a pas été convaincu qu’il [TRADUCTION] « [était] un étudiant authentique qui suivra des études au Canada », en ce que les [TRADUCTION] « avantages escomptés des études envisagées ne sembl[aient] pas justifier le coût et la difficulté inhérents à une formation à l’étranger », et que [TRADUCTION] « [l]e raisonnement [de M. Iyiola] concernant les coûts et les répercussions sur les possibilités d’emploi au [Nigéria] n[’a] pas [paru] sérieux ».

III.  Questions à trancher

[9]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève deux questions :

IV.  Dispositions pertinentes

[10]  Les dispositions pertinentes sont reproduites en annexe A.

V.  Norme de contrôle

[11]  Les parties conviennent que la décision d’un agent des visas de refuser un permis d’études est assujettie à la norme de la décision raisonnable : Akomolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 472, par 9; My Hong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 463, par 12 et 13; Hakimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 657 [Hakimi], par 12 et 20. Cependant, les observations écrites des parties ont été reçues avant que la Cour suprême du Canada ne rende l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], et leurs observations orales ont été présentées le jour même où il a été rendu. Depuis l’arrêt Vavilov, il est une présomption réfutable que toutes les décisions administratives sont assujetties la norme de la décision raisonnable : Vavilov, précité, par 9 et 10. Je conclus qu’aucune des situations à même de réfuter cette présomption [résumées dans l’arrêt Vavilov, précité, par 17 et 69] n’est présente en l’espèce.

[12]  Notre Cour doit intervenir uniquement lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif : Vavilov, précité, par 13, 75 et 100. Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « […] la cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous-jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » : Vavilov, précité, par 15. Pour la CSC, une décision raisonnable qui appelle la déférence « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, précité, par 85. Toujours d’après la CSC, « il ne suffit pas que la décision soit justifiable […] le décideur doit également […] justifier sa décision […] » : Vavilov, précité, par 86 [En italique dans l’original]. En somme, la décision doit présenter les attributs du caractère raisonnable – la justification, la transparence et l’intelligibilité – et elle doit être justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques applicables dans les circonstances : Vavilov, précité, par 99. C’est à la partie qui conteste la décision qu’il incombe de démontrer qu’elle est déraisonnable : Vavilov, précité, par 100.

[13]  Par ailleurs, les manquements à l’équité procédurale dans le contexte administratif sont considérés comme étant assujettis à la norme de la décision correcte ou à un « exercice de révision […] [TRADUCTION] ‘particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte’, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CP], par 54 [citant Eagles Nest Youth Ranch Inc c Corman Park (Rural Municipality #344), 2016 SKCA 20, par 20]; voir aussi Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, par 43 [citant Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9; Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, par 79; Punia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 184, par 19. Dans le cadre de l’examen d’allégations de manquement à l’équité procédurale, la cour de révision devait, et doit toujours à mon avis, déterminer si le processus suivi était équitable. Comme l’a souligné par ailleurs la Cour d’appel dans l’arrêt CP, aux paragraphes 54 et 55 :

[54]  La cour qui apprécie un argument relatif à l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker [Baker c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker], aux par. 21‑28]. […] elle demande, en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi. […]

[55]  Tenter de caser la question de l’équité procédurale dans une analyse relative à la norme de contrôle applicable est aussi, en fin de compte, un exercice non rentable. L’examen portant sur la procédure et l’examen portant sur le fond visent différents objectifs en droit administratif. Bien qu’il y ait un chevauchement, […] certaines questions de procédure ne se prêtent pas du tout à une analyse relative à la norme de contrôle applicable, par exemple lorsque la partialité est alléguée. […] la distinction entre l’examen portant sur le fond, l’examen portant sur la procédure et la capacité d’un tribunal à accorder des mesures de redressement adaptées à chacun est un outil utile dans la boîte à outils judiciaire et, […], il n’y a aucune raison convaincante pour laquelle elle devrait être abandonnée.

[14]  L’arrêt Vavilov de la CSC n’a pas écarté le principe prépondérant de garantie de l’équité procédurale ni les facteurs à considérer pour déterminer si le processus suivi est équitable : Vavilov, précité, par 23, 76 à 81. Confirmant que l’obligation d’équité procédurale « est ‘éminemment variable’, intrinsèquement souple et tributaire du contexte », l’arrêt Vavilov établit que, lorsqu’il existe une obligation d’équité procédurale, les exigences procédurales applicables doivent être déterminées eu égard à l’ensemble des circonstances, notamment les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker : Vavilov, précité, par 77.

VI.  Analyse

A.  L’agent des visas a‑t‑il manqué à son obligation d’équité en n’offrant pas à M. Iyiola l’opportunité de répondre aux préoccupations soulevées avant que le Haut‑commissariat ne rende sa décision finale?

[15]  Si je comprends bien, l’obligation d’équité procédurale est moins stricte à l’égard des demandes de permis d’études, le traitement de celles‑ci n’étant généralement pas de nature judiciaire ni même quasi judiciaire. Le demandeur peut solliciter le contrôle judiciaire d’une décision défavorable ou simplement présenter une nouvelle demande. La loi ne garantit aucun droit à un processus particulier, et les agents d’immigration sont considérés comme ayant une grande expertise dans le traitement des demandes : Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 791, par 45 à 50. De plus, c’est au demandeur qu’il incombe de démontrer, par une preuve suffisante, qu’il remplit les exigences prévues par la loi pour obtenir son permis d’études; l’agent des visas n’est pas tenu de lui offrir la possibilité de dissiper les préoccupations découlant de son incapacité à démontrer qu’il satisfait aux conditions légales applicables : Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283 [Hassani], par 24; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 145, par 7.

[16]  Cela dit, la Cour a reconnu que, dans certaines circonstances précises et limitées, il pouvait y avoir obligation de permettre au demandeur de dissiper les préoccupations de l’agent, avant qu’une décision finale ne lui soit communiquée. Par exemple, il peut être approprié d’organiser une entrevue, ce dont je conviens, lorsque l’agent des visas s’appuie sur une preuve extrinsèque [dont le demandeur n’a pas connaissance] ou, qu’il doute, comme en l’espèce, de l’authenticité ou de la crédibilité des documents présentés [c.‑à‑d., concernant la conclusion de l’agent des visas selon laquelle M. Iyiola n’est pas un étudiant authentique] : Hassani, précitée, par 24; Hakimi, précitée, par 22 et 23. À mon avis, de telles circonstances renforcent l’obligation pour l’agent des visas de fournir une analyse rationnelle et intrinsèquement cohérente à l’appui du rejet de la demande de permis d’études. On pourrait s’attendre, entre autres choses, à ce qu’un demandeur se serve d’une décision défavorable pour comprendre comment améliorer sa demande s’il décide d’en présenter une nouvelle.

[17]  Compte tenu de l’analyse ci‑après concernant le caractère raisonnable de la décision du Haut‑commissariat, j’estime que M. Iyiola aurait dû avoir la possibilité de dissiper les préoccupations de l’agent des visas, telles qu’elles ressortent des conclusions suivantes : i) il [TRADUCTION] « n’a pas occupé d’emploi en rapport avec ses études » alors qu’il a déclaré avoir travaillé comme enseignant et professeur d’informatique pendant environ un an et qu’aucune question ne lui a été posée sur le lien entre cet emploi et son baccalauréat en sciences informatiques, si tant est qu’il y en ait un; et ii) [TRADUCTION] « [l]es avantages escomptés des études envisagées ne semblent pas justifier le coût et la difficulté inhérents à une formation à l’étranger », alors que le frère de M. Iyola, un psychiatre qui travaille, s’est engagé à soutenir financièrement M. Iyiola pendant toutes ses études au Canada. Comme la présente affaire sera réexaminée par un nouveau décideur qui pourrait ne pas arriver aux mêmes conclusions, j’estime qu’il n’est pas nécessaire à ce moment‑ci de donner une directive exigeant la tenue d’une entrevue.

B.  La décision du Haut‑commissariat était-elle raisonnable?

[18]  Comme le souligne souvent notre Cour, le caractère raisonnable d’une décision tient à sa justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel. L’arrêt Vavilov n’a pas modifié ces caractéristiques du caractère raisonnable. Plutôt que d’appartenir aux issues acceptables, une décision administrative doit toutefois être justifiée. Même s’il est possible que les notes de l’agent des visas ne soient pas étoffées, elles doivent néanmoins donner une idée [en d’autres mots, une analyse rationnelle et intrinsèquement cohérente tenant compte des contraintes factuelles et juridiques applicables] de la raison pour laquelle une demande a été refusée : Obeng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 754, par 38 et 39; Ogunfowora c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 471 [Ogunfowora], par 60; Peiro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1146, par 15. Sauf dans les cas les plus évidents où la preuve ne justifie qu’une seule issue raisonnable, les conclusions qui ne sont pas étayées par une analyse pourraient être jugées arbitraires ou inintelligibles.

[19]  À mon avis, l’agent des visas en l’espèce n’a pas expliqué de manière intelligible ou raisonnable pourquoi M. Iyiola n’a pas été considéré comme un étudiant authentique. Parmi les motifs avancés, mentionnons : les intentions et les projets de M. Iyiola [TRADUCTION] « ne paraissent pas sérieux »; les [TRADUCTION] « avantages escomptés […] ne semblent pas justifier le coût et la difficulté […] » inhérents à une formation à l’étranger et le programme d’études que M. Iyiola a l’intention d’intégrer est sans rapport avec son diplôme ou son emploi précédent [j’ai déjà abordé les lacunes des deux derniers points]. J’estime que ces conclusions ne sont pas justifiées et qu’elles ne sont donc pas raisonnables sans prise en considération explicite de certains éléments de preuve particuliers du dossier, absente en l’espèce : Fakharian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 440 [Fakharian], par 13; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 602, par 34; Raymundo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 759 [Raymundo], par 12. Par exemple, tout en prenant acte des renseignements d’ordre financier du frère de M. Iyiola, l’agent des visas a, de manière inintelligible, exclusivement mis l’accent sur la situation financière de M. Iyiola, sans expliquer pourquoi l’engagement de son frère d’en assumer l’entière responsabilité financière n’a pas été pris en compte ou jugé suffisant : Onyeka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 336 [Onyeka], par 53. Par ailleurs, une mesure économique qui inciterait un demandeur à rester ne constitue pas en soi une preuve suffisante qu’il restera au Canada sans autorisation : Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1284, par 29. L’agent des visas ne mentionne pas non plus que M. Iyiola a été accepté au GBC et qu’il a payé les frais de scolarité du premier semestre : Fakharian, précitée, par 12. À mon avis, ces derniers facteurs attestent raisonnablement une intention sincère d’étudier et appuient la demande de M. Iyiola, mais vu la décision rendue par le Haut‑commissariat et les notes du SMGC, ils n’ont été ni considérés ni même mentionnés, ce qui est inexplicable. De même, l’agent des visas n’explique pas pourquoi la déclaration d’intention très détaillée et documentée de M. Iyiola, y compris la raison pour laquelle il prétend avoir choisi une carrière différente [passant, déjà au Nigéria, des sciences informatiques à la gestion de projets] n’était pas convaincante dans l’ensemble. L’agent des visas n’a pas non plus considéré les objectifs à long terme avancés par M. Iyiola. Même s’il n’était pas tenu d’accepter sa déclaration d’intention, l’agent devait expliquer pourquoi elle était insuffisante : Raymundo, précitée, par 12.

[20]  Comme je l’ai déjà noté, la décision du Haut‑commissariat mentionne comme préoccupation que M. Iyiola pourrait ne pas quitter le Canada à la fin de la période autorisée de séjour. Il incombait à M. Iyiola de convaincre l’agent des visas à cet égard : alinéa 20(1)b) de la LIPR. S’agissant de ses attaches familiales au Canada et au Nigéria, cinq autres membres de sa famille vivent au Nigéria, y compris ses parents avec qui il réside, et aucun d’eux n’est mentionné dans les notes du SMGC. Compte tenu de cela, il était déraisonnable de présumer, sans autre analyse, qu’un frère aîné vivant au Canada représenterait un facteur d’attraction plus important : Obot c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 208 [Obot], par 20. Par conséquent, je juge inintelligible l’absence de la moindre explication de la part du Haut‑commissariat ou dans les notes du SMGC rédigées par l’agent des visas au sujet des attaches familiales au Nigéria et de la manière dont elles ont été évaluées à la lumière des attaches familiales de M. Iyiola au Canada. De plus, je conviens avec les juges Russell et Mosley que l’absence d’enfants ou d’époux à charge ne devrait pas, sans autre analyse [comme en l’espèce], être jugée défavorablement dans une demande de permis d’études. Autrement, plusieurs étudiants ne pourraient pas être admissibles : Onyeka, précitée, par 48; Obot, précitée, par 20. Enfin, il est d’après moi inintelligible d’interpréter l’absence d’antécédents documentés de voyage à l’étranger [sans aucun autre élément, comme de mauvais antécédents de voyage] comme un indice qu’un individu prolongera son séjour autorisé au Canada : Onyeka, précitée, par 48; Ogunfowora, précitée, par 42.

VII.  Conclusion

[21]  Pour tous les motifs qui précèdent, il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire. La décision du 1er février 2019 rendue par le Haut‑commissariat, y compris les notes du SMGC, ne précise pas de manière intelligible, justifiée et transparente, pour quels motifs M. Iyiola n’a pas été considéré comme un étudiant « authentique », et la preuve de ce dernier quant à ses intentions de retourner au Nigéria n’a pas été traitée de manière raisonnable. Par conséquent, la décision contestée est infirmée et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu’il la réexamine. L’agent pourra notamment convoquer M. Iyiola à une entrevue si, par exemple, la question de savoir s’il est vraiment un étudiant n’est toujours pas tranchée. Aucune question grave de portée générale n’a été soulevée par les parties et j’estime qu’aucune question à certifier ne se pose.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2807‑19

LA COUR STATUE :

  1. Il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire;

  2. La décision du 1er février 2019 rendue par le Haut‑commissariat est annulée;

  3. L’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu’il la réexamine; il pourra notamment convoquer M. Iyiola à une entrevue;

  4. Aucune question n’est à certifier.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour d’avril 2020.

Édith Malo, LL.B.


Annexe A : Dispositions pertinentes

  • (1) Les étrangers qui souhaitent entrer au Canada pour y faire des études doivent, préalablement à leur arrivée, obtenir un permis d’études après avoir présenté une demande à cet effet : paragraphe 11(1) et alinéa 20(1)a) de la LIPR.

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

20 (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

20 (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

a) pour devenir un résident permanent, qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s’y établir en permanence;

(a) to become a permanent resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and have come to Canada in order to establish permanent residence; and

  • (2) Tous les résidents temporaires, y compris les titulaires de permis d’études, doivent établir qu’ils quitteront le Canada à la fin de la période de séjour autorisée : alinéa 20(1)b) de la LIPR, alinéa 179b) du RIPR

20 (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

20 (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

179 L’enquêteur a alors les attributions d’une juridiction supérieure; il peut notamment :

179 An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

b) faire prêter serment et interroger sous serment.

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

  • (3) Le permis d’études sera accordé si le demandeur réussit à convaincre l’agent qu’il remplit certaines conditions : paragraphe 216(1) et article 220 du RIPR.

216 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

216 (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

a) l’étranger a demandé un permis d’études conformément à la présente partie;

(a) applied for it in accordance with this Part;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

c) il remplit les exigences prévues à la présente partie;

(c) meets the requirements of this Part;

d) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3);

(d) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act; and

e) il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné.

(e) has been accepted to undertake a program of study at a designated learning institution.

220 À l’exception des personnes visées aux sous-alinéas 215(1)d) ou e), l’agent ne délivre pas de permis d’études à l’étranger à moins que celui-ci ne dispose, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, de ressources financières suffisantes pour :

220 An officer shall not issue a study permit to a foreign national, other than one described in paragraph 215(1)(d) or (e), unless they have sufficient and available financial resources, without working in Canada, to

a) acquitter les frais de scolarité des cours qu’il a l’intention de suivre;

(a) pay the tuition fees for the course or program of studies that they intend to pursue;

b) subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui l’accompagnent durant ses études;

(b) maintain themself and any family members who are accompanying them during their proposed period of study; and

c) acquitter les frais de transport pour lui-même et les membres de sa famille visés à l’alinéa b) pour venir au Canada et en repartir.

(c) pay the costs of transporting themself and the family members referred to in paragraph (b) to and from Canada.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2807‑19

 

INTITULÉ :

AZEEZ ADEWUYI IYIOLA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 DÉCEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 3 MARS 2020

 

COMPARUTIONS :

Bolanie Akinnusi

 

POUR Le demandeur

 

Kevin Doyle

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The Law Office of Bola Akinnusi

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR Le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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