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                                                                                                                                 Date : 20050518

                                                                                                                           Dossier : T-1985-04

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 719

ENTRE :

                                                                    WEI WANG

                                                                             

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE de MONTIGNY

[1]                Le présent appel est formé sous le régime de l'article 21 de la Loi sur les Cours fédérales et du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté contre la décision en date du 10 septembre 2004 par laquelle la juge de la citoyenneté Rita Cox (la juge de la citoyenneté) a rejeté la demande de citoyenneté du demandeur au motif qu'il ne remplissait pas les conditions prévues aux alinéas 5(1)c) et d) de la Loi sur la citoyenneté.

[2]                M. Wang est le mari de Mme Xu, dont l'appel contre la décision de la juge de la citoyenneté sur sa propre demande de citoyenneté canadienne fait l'objet d'une instance à part, inscrite sous le numéro T-1986-04.


Les faits de la cause

[3]                Les faits de la cause figurent dans les motifs de l'ordonnance que j'ai rendue dans l'appel de Mme Xu; il n'est pas nécessaire de les répéter. Il suffit de rappeler que selon le demandeur, il a été physiquement présent au Canada pendant 687 jours, alors que selon la juge de la citoyenneté, il n'a été au Canada que 600 jours. Ce qui fait qu'il lui manquait de 408 à 495 jours pour atteindre la durée minimum de 1095 jours de présence, prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Le demandeur passait tout le temps de ses absences du Canada en voyages d'affaires en Chine.

[4]                Le demandeur, tout comme son épouse, détenait un permis de retour pour résident permanent du 18 août 1999 au 17 août 2001.

La décision frappée d'appel

[5]                La juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur ne remplissait pas la condition prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, essentiellement pour les mêmes motifs que dans le cas de sa femme. Appliquant le critère défini dans Koo (Re) ([1993] 1 C.F. 286), elle a jugé que les attaches du demandeur étaient plus fortes avec la Chine qu'avec le Canada, surtout en raison de ses longues absences du pays, de son occupation de directeur général de la Royal Business Systems à Shanghai, et en dépit des impressionnants indicateurs passifs de résidence qu'il faisait valoir.


[6]                Elle a noté en outre qu'il ne possédait pas une connaissance suffisante du français ou de l'anglais, telle que l'exige l'alinéa 5(1)d) de la Loi sur la citoyenneté.

[7]                Enfin, elle a jugé qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce de recommander au ministre d'exercer en faveur du demandeur le pouvoir discrétionnaire qu'il tient du paragraphe 5(4) de la Loi. Elle a pris en considération les lettres de référence émanant d'un fonctionnaire et d'un homme d'affaires, ainsi que les contributions notables du demandeur à l'Équipe Canada, mais est quand même parvenue à la conclusion que ces facteurs ne valaient pas « services exceptionnels rendus au Canada » au point de justifier une recommandation favorable d'octroi de la citoyenneté.

Le point litigieux

[8]                Tout comme dans le dossier de sa femme qui est identique, le litige soumis à la Cour porte sur la question de savoir si la juge de la citoyenneté a commis une erreur en concluant que le demandeur ne remplissait pas les conditions de résidence et de connaissances linguistiques, respectivement prévues aux alinéas 5(1)c) et d) de la Loi sur la citoyenneté.

Le texte de loi applicable

[9]                Le paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté prévoit ce qui suit :



5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

a) en fait la demande;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

f) n'est pas sous le coup d'une mesure de renvoi et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20.

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.


La norme de contrôle


[10]            Les avocats respectifs du demandeur et du défendeur ne contestent pas que la question de savoir si une personne remplit les conditions de la Loi sur la citoyenneté soit une question mixte de droit et de fait. Il s'ensuit que la norme de contrôle à observer est celle du caractère raisonnable simpliciter. Puisqu'il faut observer une certaine déférence à l'égard des connaissances et de l'expérience spécialisées de la juge de la citoyenneté, sa décision doit tenir pourvu qu'elle dénote une bonne compréhension de la jurisprudence en la matière et une juste appréciation des faits au regard de la loi; voir Chen c. Canada, [2004] A.C.F. no 2069; Rasaei c. Canada, [2004] A.C.F. no 2051; Gunnarsson c. Canada, [2004] A.C.F. no 1913; Canada c. Chen, [2004] A.C.F. no 1040; Zeng c. Canada, [2004] A.C.F. no 2134; Canada c. Chang, [2003] A.C.F. no 1871; Canada c. Fu, [2004] A.C.F. no 88.

Analyse

[11]            Une bonne part de l'analyse faite dans le dossier de l'épouse du demandeur s'applique également en l'espèce. Tout comme elle l'a fait à l'égard de la demande de Mme Xu, la juge de la citoyenneté a examiné la qualité des attaches du demandeur avec le Canada, les modalités et la durée de sa présence physique au Canada, les raisons de ses absences, et la résidence de sa famille immédiate. Elle ne s'est pas simplement fondée sur le fait que celui-ci n'était pas physiquement présent au Canada pendant le nombre prescrit de jours, pour conclure qu'il n'a pas fait la preuve qu'il vit « régulièrement, normalement et habituellement » dans ce pays.

[12]            Il était loisible à la juge de la citoyenneté d'adopter toute approche qu'elle jugeait indiquée pour examiner la question de la condition de résidence. Elle a choisi d'appliquer le critère dégagé dans Koo (Re). La seule question à trancher par la Cour fédérale est de savoir si elle a appliqué ce critère à bon droit; en l'espèce, le demandeur n'a pu démontrer qu'elle a commis une erreur dans l'application de ce critère.


[13]            Je ne doute pas que le demandeur ait passé beaucoup de temps en Chine essentiellement pour faire fructifier son entreprise, et que les voyages fréquents de ce genre deviennent de plus en plus un mode de vie chez un grand nombre de gens d'affaires dans une économie mondiale. Mais, par l'effet du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, celui qui en est encore à demander la citoyenneté canadienne n'a pas cette liberté dont jouissent les citoyens canadiens (voir Re Leung, (1991) 42 F.T.R. 149, page 154).

[14]            Quant à la conclusion tirée par la juge de la citoyenneté qu'il n'y a pas eu en l'espèce « services exceptionnels rendus au Canada » , propres à justifier une recommandation favorable d'attribution de la citoyenneté, il s'agit là d'une conclusion parfaitement légitime, et je ne suis pas disposé à toucher à l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle est investie en la matière.

[15]            Quoi qu'il en soit, l'appel du demandeur doit échouer parce que les conclusions de la juge de la citoyenneté sur l'impératif linguistique sont raisonnables et n'ont pas été contestées. L'avocate représentant le demandeur a reconnu à l'audition du présent appel qu'elle n'avait aucun nouvel élément de preuve à produire pour établir que le demandeur connaissait suffisamment l'une des deux langues officielles de ce pays.

[16]            Les conditions prévues au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté devant être remplies simultanément, il s'agit là d'un motif suffisant pour débouter le demandeur de son appel en matière de citoyenneté.


[17]            En conclusion, je n'ai pas été convaincu que la juge de la citoyenneté ait commis une erreur dans son application du critère dégagé dans la décision Koo (Re), ni que sa décision en l'espèce soit déraisonnable.

[18]            Je conclus en conséquence qu'il n'y a pas lieu pour la Cour d'intervenir. Cela dit, je ne doute pas que M. Wang et son épouse, Mme Xu, deviendront en temps voulu de bons citoyens de notre pays, et j'espère sincèrement qu'ils demanderont de nouveau la citoyenneté une fois qu'ils auront rempli les conditions prévues à la Loi sur la citoyenneté.

                                                                                                                           « Yves de Montigny »              

Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1985-04

INTITULÉ :                                        WEI WANG

C.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                9 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE de MONTIGNY.

DATE DES MOTIFS :                       18 mai 2005

COMPARUTIONS :

Charlotte Janssen                                                                                                      pour le demandeur

John Provert                                                                                                               pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Charlotte Janssen

Toronto (Ontario)                                                                                                      pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                                                              pour le défendeur

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